Chapitre 31
Ecrit par Josephine54
Arthur
Je sortis de mon bureau dans un état second. Je n'étais pas en mesure de travailler. J'avais observé attentivement Beverly ces derniers jours après les premiers vomissements. Une idée avait commencé à germer dans mon esprit, mais je l'avais trouvée absurde, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander si c'était vrai.
Un grand froid me gagnait toujours quand j'y pensais. Si elle était enceinte et qu'elle ne m'avait rien dit, cela voulait simplement dire que l'enfant n'était pas de moi.
J'avais envie de tout foutre en l'air rien que d'y penser. Beverly avait maintenu son alliance depuis son retour à l'entreprise il y a presque cinq mois. J'avais pensé qu'elle n'avait pas voulu l'enlever pour éviter de se retrouver au centre des ragots.
Quand j'avais vu son ventre tout à l'heure, tout doute n'était plus permis. J'avais eu l'impression que mon sang se glaçait dans mes veines et son regard haut et fier m'avait fait comprendre qu'elle était fière d'elle. Elle avait tout prémédité.
- Madame Kamdem, s'il vous plaît, m'avait-elle rectifié d'une voix glaciale.
J'avais senti mon sang se liquéfier dans mes veines. Je l'avais chassée de mon bureau pour la rejoindre quelques instants plus tard. J'étais hors de moi. J'avais envie de la confronter, qu'elle me regarde dans les yeux et me dise ouvertement qu'il n'était pas de moi.
Mais au lieu de cela, que s'était-il passé ? Je n'avais pu lui résister une fois de plus. Quand elle s'était rapprochée de moi et avait posé la main sur mon épaule, j'avais complètement perdu la tête. Je voyais bien de la peine, presque de la pitié dans son regard, mais cela ne m'avait pas empêché de la prendre là, contre le mur, dans son bureau, au point de lui avouer mon amour. Elle m'avait dit qu'elle m'aimait aussi, mais je n'y croyais pas. Je n'y croyais plus.
Comment ai-je pu me montrer aussi faible ? pensai-je en me prenant la tête entre les mains. Lui faire l'amour avec l'enfant d'un autre dans le ventre... l'enfant de cet homme...
Je donnai brusquement un grand coup sur mon bureau comme pour évacuer ma frustration. Je pris ensuite l'interphone et lançai l'appel vers Beverly.
- Annule tous mes rendez-vous de la semaine.
Il fallait que je m'éloigne. Il fallait que j'aille loin d'elle pour essayer de penser de manière raisonnable. Je ne pouvais pas me montrer aussi faible face à elle. Cette maudite clause que j'avais insérée dans ce contrat, pensant la coincer à jamais était en train de me coûter extrêmement cher aujourd'hui.
Je sortis du bureau et me mis au volant de ma voiture. Je roulai sans destination fixe pendant un bon moment avant de me rendre compte que j'avais inconsciemment pris l'axe-lourd qui menait à Douala. Ce n'était pas plus mal, j'allais en profiter pour me faire choyer par maman.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
J'arrivai à Douala vers 15 h. Je me rendis directement à la boutique de maman. Elle manifesta sa joie à ma vue.
- Mvogo, qu'avais-je fait à Dieu pour qu'il me donne un enfant comme toi ? plaisanta-t-elle en après s'être séparée de moi.
- Haha, ton fils préféré ? Ton enfant cinq étoiles ? ripostai-je en riant.
- L'enfant cinq étoiles de qui ? Par rapport à qui ? Heureusement que tu étais sorti seul en ton genre, si j'avais eu deux enfants comme toi, je serais morte d'AVC depuis belle lurette.
- Haha, haha, tu te plains, mais je sais que dans ton cœur, je suis ton fils préféré.
On passa du temps à se taquiner.
- Ne pouvais-tu pas me dire que tu comptais venir ?
- Ha maman, j'ai décidé sur un coup de tête, répondis-je d'une voix tout à coup triste, me rappelant la raison de mon départ improvisé de Yaoundé.
Maman se tourna brusquement vers moi et me chercha du regard. Je fis semblant d'être intéressé par une scène qui se déroulait devant nous. Je la vis simplement hausser les épaules.
Je passai le reste de l'après-midi avec elle et à 18 h, je l'aidai à fermer la boutique et on rentra à la maison. Maman se mit immédiatement aux fourneaux et me prépara un bon plat de porc sauté avec du plantain vapeur. Je me régalai simplement. Comme sa cuisine m'avait manqué.
- Mvogo, tu as encore dit que tu es là pourquoi ? demanda maman.
- Ha maman, quelqu'un ne peut plus avoir envie de voir sa mère ?
- Hum, pour combien de temps es-tu là ?
- Je n'ai pas encore décidé, mais je pense rentrer samedi.
- Je vois.
Vers 21 h, je décidai d'aller passer un peu de temps dans un cabaret à Akwa, un quartier de Douala.
- Maman, je sors un moment.
- Où vas-tu ? Mvogo, tu connais encore qui ici Douala ? demanda maman d'une voix sceptique.
- Maman, je suis un grand garçon maintenant, lui répondis-je d'un ton sévère. Tu ne vas pas me rappeler toute ma vie mes erreurs du passé, mais je pense t’avoir déjà prouvé que j'avais changé et que tu pouvais me faire confiance.
Maman baissa immédiatement la tête de honte.
- Tu as raison, mais ne rentre pas trop tard. Douala peut parfois être dangereux après une certaine heure.
- Promis, maman, je ne vais pas traîner.
Je sortis de la maison et me rendis donc dans ce local où on y jouait la musique. Je passai un bon moment à regarder ces différents artistes interpréter les chansons.
J'étais en train de secouer la tête au rythme d'une chanson de Charlotte Dipanda quand une jeune fille vint s'asseoir sur la table en face de moi.
- Je vous dérange ? J'avais l'impression que vous vous ennuyiez, lança-t-elle en se mordant sensuellement la lèvre.
- Non, je ne m'ennuie pas et non, vous ne me dérangez pas, lui répondis-je d'un ton charmeur.
Je comptais m'amuser avec elle ce soir-là. J'avais besoin de me défouler, de me prouver à moi-même que j'avais enfin tourné la page de Beverly. Ça faisait presque un an que j'étais au Cameroun. Je m'étais entièrement consacré à Beverly. J'avais d'abord tout donné pour ma vengeance, puis, petit à petit, j'avais recommencé à éprouver des sentiments pour elle.
Beverly n'était pas la seule femme sur cette Terre. J'en avais eu plusieurs après elle par le passé et j'en aurais tant d'autres après elle maintenant, jusqu'à trouver celle qui partagera ma vie. Je me rappelai tristement que par le passé, j'avais entretenu ces relations parce que j’avais coupé tout lien avec elle. La côtoyant au quotidien, étais-je en mesure de l'oublier totalement ? Il le fallait, pensai-je en faisant un sourire charmeur à la fille.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
- Comment vous appelez-vous ? demandai-je.
- Je m'appelle Kelly et toi ? me tutoya-t-elle immédiatement.
- Enchanté Kelly. Arthur, dis-je en lui tendant la main. Que puis-je t'offrir à boire ?
- Euh... en fait, j'aimerais manger quelque chose avant de boire. Tu sais que ce n'est pas conseillé de boire le ventre vide.
Je comprenais qu'il ne me serait pas facile de trouver une femme de valeur de nos jours, mais je ne désespérais pas. De toute façon, pour mes projets de ce soir, je n'avais pas besoin qu'elle soit de bonne moralité.
On héla une serveuse qui nous apporta le menu.
- Je vais prendre une carpe braisée avec du bâton de manioc et des frites de plantain. Avez-vous aussi du poulet ?
- Oui, madame, répondit la serveuse.
- Un quart de poulet aussi, ajouta Kelly.
- Et à boire madame ? demanda la serveuse.
- Une bouteille de Guinness, la grande s'il vous plaît, compléta Kelly en se tournant vers moi, un large sourire aux lèvres.
Je pense qu'elle avait pointé sa soirée, et moi, je pointerai la mienne plus tard.
Kelly mangea avec appétit quand la serveuse apporta plus tard les plats.
- Tu veux bien manger avec moi ? demanda-t-elle tout de même.
- Non merci, j'ai mangé à la maison avant de sortir.
Elle commanda une autre bouteille de grande Guinness et la vida en moins de trente minutes.
- Ça te dit qu'on aille décompresser quelque part ? lui chuchotai-je à l'oreille.
- Oui mon beau gosse, répondit-elle en souriant.
Je fis signe à la serveuse qui m'apporta la note dans un petit panier. J'y posai quelques billets de banque et sortis du bar en tenant fermement Kelly par la main.
Je m’arrêtai dans un kiosque acheter des préservatifs et me rendis avec elle dans le premier hôtel qu'on trouva sur notre chemin. Je réglai la chambre pour la nuit et montai avec elle.
Je me jetai sur elle dès que la porte fut refermée. Elle répondit avec grand enthousiaste à mes assauts. Je me perdis en elle quelques minutes plus tard et me libérai dans le préservatif sans grande satisfaction. Cela ne représentait rien comparé aux sensations que me donnait Beverly. Kelly me fit une pipe digne de ce nom et je repris la forme immédiatement. J'essayais d'extraire Beverly de mes pensées et eus une jouissance plus satisfaisante.
Je me rhabillai rapidement pendant Kelly s'installait sous les draps.
- J'y vais, dis-je simplement.
- Comment vais-je faire pour rentrer chez moi ? demanda-t-elle.
Je sortis deux billets de dix mille francs et les posai sur la table.
- Merci mon trésor. Je suis disponible au cas où tu aurais encore besoin de me rencontrer.
- Ça va aller, merci.
Je sortis de l'hôtel et me mis immédiatement au volant. Mes pensées s'évadèrent au fur et à mesure que je me conduisais dans les rues de Douala. Je n'étais pas fier de moi. J'avais 35 ans aujourd'hui et je ne me rappelais pas la dernière fois que j'avais fini dans le lit d'une fille de joie. J'avais toujours eu des relations plus ou moins suivies avec celles qui avaient partagé ma couche. Cela ne m'honorait vraiment pas. Il fallait vraiment que je me ressaisisse. J'avais bousillé onze années de ma vie sentimentale, rongé par un stupide besoin de vengeance. Il était temps que je la construise maintenant.
Je rentrai à la maison et trouvai maman couchée sur le canapé au salon. Elle sursauta quand j'ouvris la porte. Ah les mamans, je vivais seul depuis plus de quinze ans aujourd'hui, mais elle se permettait encore de veiller à m'attendre quand je rentrais tard.
- Mvogo, tu m'avais pourtant dit que tu ne rentrerais pas tard.
- Euh... maman, j'ai rencontré une amie, euh... disons que je n'ai pas vu le temps passer.
- Ha Mvogo, retourne vite à Yaoundé. Tu seras vaincu si tu es venu pour me donner l'AVC.
Je ris de bon cœur à sa blague et lui souhaitai une bonne nuit après un baiser sur son front. Je me rendis dans ma chambre et me couchai sur mon lit et très vite, mes pensées me portèrent vers Beverly. Que faisait-elle ? Était-elle endormie après avoir fait l'amour avec Benjamin ? J'imaginais sa joie à lui quand il lui caressait le ventre ! Je serrai les poings à cette pensée. Ça suffit Arthur, basta, il faut apprendre à aller de l'avant ! me sermonna une petite voix intérieure.
Je passai le reste de la semaine avec maman. Nous étions samedi matin. J'avais décidé de prendre la route tôt pour éviter les embouteillages. Il était 7 h du matin. Maman s'était levée pour une dernière salutation, mais au lieu de me prendre dans ses bras, elle m'avait simplement invité à m'asseoir, une expression sérieuse au visage.
- Mvogo, que se passe-t-il ? J'ai attendu toute la semaine que tu t'ouvres à moi, mais rien. Tu es là maintenant, ta valise en main, pourtant je vois bien que tu ne vas pas bien.
Je sentis mon cœur se serrer. Maman était vraiment inquiète pour moi.
Je pris place près d'elle.
- Maman, il s'agit de Beverly, dis-je en soupirai.
- Pardon ? s'écria maman d'une voix horrifiée. Quelle Beverly ?
- Celle de la fac maman, répondis-je.
- La même qui t'avait abandonné à la dernière minute après tous les sacrifices que tu avais faits pour vous ?
Je me sentais encore plus minable de me rendre compte que onze ans après, je n'avais toujours pas avancé.
- C'est elle maman.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
- Que s'est-il passé ? L'as-tu revue ? demanda maman.
Je hochai simplement la tête à sa question.
- En fait, elle travaille pour moi. Elle est ma secrétaire.
- Quoi ? hurla maman en se redressant. Comment est-ce possible ?
- Un pur hasard maman. J'ai acheté cette société sans savoir qu'elle y travaillait.
- Mvogo, es-tu sûr ? demanda maman d'une voix sceptique.
Je n'osais pas dire à maman le plan diabolique que j'avais fomenté pour lui rendre la médaille de sa pièce. Maman était très croyante et elle m'aurait fait toute une série de reproches sur le fait de mal agir envers autrui, avant de me confier des versets bibliques à lire pour la repentance de mes mauvaises actions.
- Oui maman, dis-je en évitant de la regarder dans les yeux.
Maman soupira un long moment.
- Que se passe-t-il avec elle ? Avez-vous repris ?
- Non, maman. Elle est mariée aujourd'hui et est enceinte de son mari. Ils ont déjà un autre enfant.
- Le problème est à quel niveau ? demanda maman avant d'écarquiller tout à coup les yeux. Mvogo, as-tu une liaison avec elle ? poursuivit maman d'une voix horrifiée.
- Non, maman, bien sûr que non, m'écriai-je comme si cela était la chose la plus affreuse qui puisse m'arriver.
Si j'avais osé dire à maman que j'avais entretenu une liaison avec elle pendant de longs mois, au point d'espérer être l'auteur de sa grossesse, maman se serait simplement rendue à la cuisine et en serait ressortie avec un pilon pour m'écraser. Elle aurait ensuite apporté mes restes à son pasteur pour qu'il annule mes péchés.
- Quel est donc le problème ?
- C'est que, je n'arrive pas à l'oublier maman, disant pour la première une phrase vraie. J'ai essayé maman, j'ai essayé, mais ce n'est pas possible.
- Arthur, tu dois le faire. Tu es un chrétien. C'est un péché de désirer la femme d'autrui. Tu te dois d'aller de l'avant. Cette femme ne t'a apporté rien de bon dans ta vie. Elle a poursuivi sa vie pendant que la tienne s'est arrêtée. Je sais que tu ne t'es pas engagé sérieusement avec aucune femme parce que tu n'as jamais pu l'oublier. Elle par contre, elle a continué sa vie comme si de rien n'était. Elle s'est mariée, elle fait ses enfants. Arthur, il faut que tu te ressaisisses mon fils.
- Je sais maman.
Maman avait parfaitement raison. Je n'avais d'ailleurs pas besoin d'elle pour savoir que tout ce qu'elle me disait était la vérité.
- Mon fils, je ne t'ai pas élevé ainsi. À désirer la femme d'autrui. Oublie-la.
- Je vais le faire maman. Je te le promets.
J'étais monté dans ma voiture fort de cette résolution. Il était temps que je me reprenne. Il me fallait aller de l'avant et l'oublier. C'était le seul moyen de me reconstruire.
Je me levai ce matin avec une pêche particulière. Mon séjour à Douala m'avait tout de même était utile. Il était temps d’arrêter de baver sur Beverly.
Je me rendis au travail l'esprit plus serein cette fois. J'entrai dans mon bureau et sus que Beverly se serait présentée à moi dans quelques minutes. Je pris un air calme et froid quand j'entendis toquer à la porte.
Beverly entra dans mon bureau quelques secondes plus tard. Je lus immédiatement de la culpabilité dans ses yeux. De quoi se reprochait-elle ? D'avoir cédé une fois de plus ? D'avoir provoqué cette forte douleur en moi au point d’en perdre la raison et négliger mon travail pendant une semaine entière ? Cela n'avait désormais plus d'importance. Ses états d'âme ne me regardaient plus. Je laissais ce loisir à monsieur Kamdem, le propriétaire terrien.
- Euh... euh.... Bonjour monsieur Mvogo, lança-t-elle, le regard fuyant.
Je la sentais déstabilisée par mon attitude.
- Bonjour madame Kamdem, Ne restez pas sur le pas de la porte. Prenez place.