110: hero’s comeback ou encore début de la 3ème partie

Ecrit par Gioia

***Jennifer « sereinement » Bemba***

Elles m’ont fait du bien ces deux semaines et je les aurais prolongés si possible, mais Oyena rentrait aussi, alors je me suis dit, tant qu’à rentrer au pays, autant faire le voyage accompagnée que seule avec mes pensées, du coup, j’ai avancé mon billet. Un vol de nuit assez épuisant mine de rien. Personne ne m’attend. Une femme est là pour elle en revanche. Sa sœur Sia, à qui j’ai parlé une fois durant nos vacances.

— Attendons avec elle Sia, son mari n’est pas encore là, commence Oyena une fois que nous avons récupéré nos valises.

– Oh non, ce n’est pas néce___

– Si si, nous attendrons, on ne peut pas vous laisser seule ici, m’interrompt sa sœur.

– Il ne doit pas être loin, une seconde s’il vous plaît, je vais vérifier, je dis en arborant un faux sourire et fais semblant de lancer l’appel.

Je n’avais pas songé à cette petite partie dans mon plan de retour et là je n’ai aucune idée de comment me débarrasser de ces deux, bien que j’apprécie leur sollicitude.

– Allô chéri? Bien sûr que je suis déjà là, je feins sur un ton légèrement contrarié.

-…..

– Ta mère?

– ….

– Oh non, ne t’en fais pas mon cœur, je vais prendre un taxi.

-…..

– Je t’aime aussi. On se voit tout à l’heure, je dis et coupe en prenant le ton le plus soulagé que je peux. Un petit pépin familial.

– J’espère que ce n’est pas grave, s’inquiète Oyena.

– Oh non, Dieu merci c’est sous contrôle. Je vais y aller là. On reste en contact Oyena.

– On peut aussi vous déposer si c’est sur le chemin, la sœur Sia me relance alors que j’allais me tirer.

– Je ne veux vraiment pas vous déranger. Le vol a été long et Oyena reprend tôt demain donc le repos est essentiel, surtout pour une chirurgienne. Nous autres, on peut se permettre d’aller travailler avec la fatigue comme on ne tient pas les vies entre nos mains.

– Dans ce cas, on s’appelle plus tard alors?

– Oui, on fait comme ça, je lui confirme et enfin je peux souffler.

On se laisse à la porte, mais je fais genre de chercher un taxi. De ce que m’a dit Oyena, elle et sa sœur vivent derrière la poste d’Adidogome, donc sur le même chemin que moi. Même si ça semble tiré par les cheveux, je ne veux pas risquer qu’elles voient mon taxi prendre une autre direction que celle de la maison donc je patiente qu’elles ne soient plus dans ma ligne de mire avant de monter un taxi. Direction, l’hôtel Napoléon Lagune, c’est le plus proche de l’aéroport à ma connaissance. Ma chambre confirmée, quinze minutes plus tard, je prends les escaliers vers ma résidence et c’est ce moment que choisit le voisin pour sortir.

– Jen? Quelle belle surprise, s’étonne et se réjouit Eben, le voisin.

– Qu’est-ce que tu fiches ici?

– Woa, doucement, je ne fais pas de conneries maman, il rigole et je me rends compte qu’effectivement je lui avais posé la question sur un ton agressif.

– Tu ne m’as pas dit que tu rentrais, je reprends doucement.

– En fait ça s’est décidé à la dernière minute. Et toi? Tu es en petite escapade amoureuse avec monsieur?

Avant que je puisse lui répondre, une voix masculine hèle son nom et il se dirige vers la rambarde.

– Non, mais tu vas baisser le ton oui, idiot! Tu veux qu’on nous dégage de l’hôtel ou quoi?

– Ramène-toi couillon___

– Bon Jen, je dois te laisser avant que ce petit cancre ameute tout l’étage, on s’écrit, il répond rapidement et s’éloigne à grands pas.

Je vais aussi vers le balcon dont la vue donne sur la piscine et distingue des formes humaines là-bas. Un homme et deux filles. Les choses des benguistes. Il va sûrement se faire salement du bien avant de retourner chez lui. Dire qu’Eben était tout sage quand nous étions au lycée. Bref, merci à son ami de m’avoir tiré d’une situation embarrassante. Enfin, je suis au repos dans ma chambre. Je me dépêche de prendre une douche et m’accorde une longue nuit apaisante que je n’abrège qu’après dix heures le lendemain. La journée peut enfin commencer et mon premier stop c’est mon Snack, qui est fermé?

Je m’avance confuse et secoue à nouveau la porte. Elle est bel et bien fermée! Pourtant j’ai laissé des consignes bien claires au personnel! Décidément, on ne peut faire confiance à personne dans ce pays! Je me dépêche de sortir mon téléphone et contacte Kaya, celle à qui j’ai confié la gestion.

– Allô patronne? En___

– Tu as cinq minutes pour pointer ta face et m’expliquer ce qui se passe avec mon restaurant!

– Eh madame, je suis___

– Cinq minutes, sinon considère que tu es virée! je lui réponds et raccroche.

Sa face hexagonale n’est arrivée qu’après une vingtaine de minutes et voulait me donner des explications inutiles.

– Abrège et explique-moi rapidement le pourquoi tu fermes mon restaurant alors que je n’ai donné congé à personne!

– Madame ce n’est pas moi oh. Je t’ai appelé jusqu’à, mais ton numéro ne marchait pas.

– Regarde-moi ce mensonge! Tu m’as appelé quand?

– Eh je dis la vérité. Toi-même regardes, elle dit et me montre son répertoire. Tu vois, ça n’a pas marché.

– Je t’ai parlé de ton français Kaya. Le numéro va marcher avec quels pieds et pour aller où?

– Pardon tantie, je veux dire que___

– Bref. Qu’est-ce qui s’est donc passé? je la relance le cœur toujours bouillonnant.

– C’est la maman de monsieur qui est venue avec deux policiers. Ils nous ont dit de sortir avant de verrouiller la porte.

– Et tu les as laissé faire? C’est donc comme ça que tu récompenses ma confiance?

– Mais madame les soldats___

– Ah ferme là! Toi femme de gendarme tu as peur d’un officier et nous autres on fera quoi? Sache que tu me déçois, mais je vais régler ton cas plus tard. Les policiers en question venaient de quel commissariat?

– Je sais pas oh.

– Donc on vous dit de sortir et tu ne poses aucune question? Khaya? Khaya? Khaaayaa?

– En fait, la maman de monsieur a dit qu’elle t’attendait à ton retour, elle me dit d’une voix larmoyante.

– Ah bon? OK. Je crois que vous m’avez prise pour votre camarade. Comme je n’ai montré que ma gentillesse, vous avez cru que mes pieds étaient votre tapis non?

– Madame ce n’est pas moi.

– Ah pardon, va là-bas, je réponds exaspérée et m’éloigne d’elle.

Bien sûr, comme toujours la vieille Hana doit s’empresser pour fourrer son nez dans mon mariage. À ce stade, je suis persuadée qu’elle est amoureuse de son fils parce qu’on ne peut pas être autant sur le dos de quelqu’un qu’elle l’est sur le mien. Malheureusement pour sa gueule, je vais très rapidement lui montrer que ma politesse n’était pas synonyme d’idiotie. N’importe quoi.

– S’il te plaît, j’ai besoin de toi, je dis dès qu’Eben décroche.

-Euh__, là?

– Hier, je n’étais pas en escapade amoureuse. Mon mari m’a trahi et ma belle-famille essaie de me retirer mon snack, je dis la voix tremblante.

– Tu es où? il m’interroge d’une voix plus sérieuse.

– Je suis au Snack. Je peux__

– Donne-moi une heure. Non, une quarantaine de minutes, et quel que soit ce qu’on te dit, ne répond à personne. Tu comprends?

-Je__

– Ne pleure pas Jen. On va régler ça vite fait bien fait.

C’est le ton confiant sur lequel il me le dit qui me rassure. Je me répète plusieurs fois que je ne suis pas seule, je ne suis pas faible, et travaille sur ma respiration, avant qu’il ne débarque. Il est accompagné d’un inconnu qui l’a conduit ici. Kaya raconte à nouveau ce qui s’est passé comme je lui ai demandé.

– Mais c’est dingue hein. Malgré l’évolution des mœurs, les belles-familles continuent leur sorcellerie sur les femmes? s’indigne l’ami d’Eben qu’on m’a introduit comme étant Bruce.

– Donnez-nous deux secondes, leur dit Eben avant de me prendre par le coude pour qu’on s’éloigne un peu.

– Je peux te payer tes honoraires Eben. J’ai des économies, même si le Snack est fermé.

– Il n’est pas question de ça pour l’instant Jen. Nous sommes amis avant tout. J’ai plutôt besoin de quelques clarifications avant qu’on agisse. Le Snack t’appartient?

– Oui. C’est vrai que je ne l’ai pas financé à 100 %__

– L’acte de propriété est au nom de qui?

– Le mien. Il m’appartient.

– Parfait. Je n’essaie pas d’entrer dans tes histoires, mais quel est l’état des choses avec ton mari? Je demande pour savoir à peu près où il se situe dans tout ceci, afin de déterminer la démarche appropriée pour toi.

– Il n’est pas lié à tout ceci, je dis avec confiance. Même s’il m’a fait un coup de pute, je sais que Romelio n’aurait pas touché à mon Snack. Lui et moi sommes simplement en froid, je continue mon explication, mais sa mère a tendance à s’ingérer dans nos affaires dès qu’elle a vent d’un truc entre nous. Je veux qu’elle reçoive un avertissement. Qu’elle comprenne que je ne suis pas à provoquer tout simplement parce que je suis sa belle-fille.

– Euh, OK, tu veux en gros prendre la voie légale? Tu es sûr?  

– On ne peut plus certaine. Je ne veux pas me retrouver dans une situation similaire à l’avenir.

– OK. Commençons par prendre des photos, il me dit et se dirige vers le Snack pour s’en occuper.

– Là je vais appeler une connaissance, officier de police pour l’avertir qu’on passera porter plainte, il m’explique par la suite. Ensuite, on pourra chercher un soudeur pour ouvrir la porte.

– Fais tout ce qui te semble utile, je vais m’occuper du soudeur.  

Il hoche la tête et s’éloigne. Pendant ce temps, je commissionne Kaya pour qu’elle aille me chercher au plus vite un soudeur compétent. En une quarantaine de minutes, elle est de retour avec un homme qui, en moins de deux heures, me redonne l’accès à mon Snack. L’intérieur est sens dessus dessous.

– Ne touchez à rien, Eben dit à Kaya qui voulait redresser les chaises. Mon cœur pour ma part est trop serré pour que je puisse répondre.

– Franchement, c’est n’importe quoi, commente l’ami d’Eben quand on enjambe un de mes vases brisé au sol.

Mon dur labeur que j’ai monté après des années de sacrifice! Des années à économiser jusqu’au dernier dollar. J’aurais pu me coucher à la maison tous les jours et tendre la main vers Romelio pour tous mes besoins en donnant comme raison ma maladie, mais non. Tous les jours que Dieu me permettait d’avoir un peu de force, j’étais debout et je me battais pour accomplir mon rêve. Je me battais__

– Courage patronne, j’entends de Kaya et tombe sur les regards remplis de pitié sur toi. Je me rends compte que je verbalisais mes pensées, depuis je ne sais quand. Je pleure même. Mes joues sont mouillées, pourtant je n’ai pas senti mes larmes couler. Je bouillonne à l’intérieur.

– Sois forte Jen, m’encourage Eben en me prenant la main.

Je renifle et hoche la tête tout en me dirigeant seule vers mon bureau. Il est fermé comme je l’ai laissé à mon départ. Je pousse mon premier ouf de soulagement et fais de même avec la porte. Je déplace le petit tableau qui cache le coffre-fort que j’ai fait installer l’an dernier. C’est là que j’ai déposé mon titre de propriété ainsi que d’autres documents importants.

– Au moins tout a l’air au beau fixe ici, commente Eben qui vient de me rejoindre.

– Si seulement c’était le cas, je dis quand mon œil droit croise la poignée endommagée de mon tiroir de bureau.

– Ne touche à rien, il répond et se met à prendre des photos. Qu’est-ce qu’ils ont pris?

– Des relevés bancaires, reçus et quelques contrats, je donne ce qui me vient premièrement en tête.

Son visage se durcit et mon cœur s’apaise. Même si c’est la dernière chose que je dois faire, cette vieille folle regrettera amèrement de m’avoir cherché.

***Eben Ezer Tountian***

Une heure plus tard, Bruce nous dépose au commissariat où travaille l’officier que j’ai contacté et nous remplissons à trois, une plainte en bonne et due forme. C’est un ami que je me suis fait en côtoyant les WANKE et nous nous sommes déjà rendu service, alors c’est d’un cœur serein qu’on s’échange des poignées de mains une fois la procédure complétée.

– Quelle est la suite maintenant?

– La plainte lui sera délivrée et__

– Pas cette suite, j’ai bien compris ce que vous m’avez expliqué tout à l’heure. Je te demande quels sont tes plans. Est-ce que tu rentres bientôt? elle dit sur un ton inquiet qui m’indique qu’elle stresse pour la suite lorsque je serais parti.

– Je suis en train de m’installer petit à petit donc je reviendrai tout au plus dans quatre mois.

– Waow, et puis tu n’as prévenu personne hein. C’est bien ça?

– Je prévoyais te surprendre, mais bon, voilà tu sais, je réponds avec humour.

– ça se fête définitivement. On retourne au Snack ou tu as déjà un plan pour ce soir?

– Bon, je devais juste retrouver Bruce pour manger___

– Oh, mais, il peut venir hein. C’est moi qui vous gère.

– Tu es sûre? Ce n’est pas obligé surtout que tu as__

– Ah pardon, il est hors de question que je me laisse abattre, elle répond sur ce ton courageux qui la détermine.

J’avertis Bruce par SMS pendant qu’on va se chercher un taxi pour retourner à son Snack. Elle est en mode patronne des lieux dès notre retour. Je lui indique que je veux manger du poisson si elle en a. Elle n’a pas de frais, juste du congelé, alors j’opte plutôt pour du poulet grillé au charbon et lui laisse le choix de l’accompagnement. Je reçois une bière froide et des amuse-gueule pour me distraire pendant que la patronne est aux fourneaux. Heureusement, Bruce arrive assez rapidement parce que la télé ne passait rien d’intéressant. L’assistante nous sert une julienne de carottes et betteraves saupoudrées de copeaux de bacon.

– En attendant. Les poulets sont presque prêts, elle nous explique en déposant devant Bruce la bière qu’il avait aussi demandée à son arrivée.

– Mmmm, c’est moi ou cette sauce acicrée (acidulée et sucrée) veut ma mort déjà Eben, Bruce commente sur un ton appréciatif.

– Meurs après nous avoir ramenés à l’hôtel petit glouton, je dis avec un sourire amusé.

Lui c’est un gourmand fini et j’insiste sur le fini. Dès qu’il mange un truc qu’il aime, il ne peut pas la fermer. C’est comme ça qu’il a tenu la conversation durant tout le dîner et bien amusé Jen ainsi que son assistante. La bouteille de vin qu’il a commandé et mixé à sa bière l’a facilement aidé dans son rôle de pitre, mais ce qui me tue c’est que ce type sait fonctionner, quelle que soit la quantité d’alcool qu’il consomme. Je l’ai déjà vu tenir une conversation après avoir ingurgité toute une bouteille de Hennessy et c’est ce qu’il donnait comme justification pour me convaincre qu’il pouvait tenir au volant. Ma vie m’étant précieuse et Jen étant avec nous, je ne lui ai accordé aucune attention et retiré les clés. Je dépose Jen à l’hôtel où nous étions hier avant de continuer chez moi.

– Tu peux m’expliquer ce qu’un homme cherche dans la vie quand il a une femme comme Jennifer? Belle comme un cœur, un vrai cordon bleu et ça se permet de laisser la belle-famille l’attaquer? il s’indigne.

– Je sais pas mec. Je ne comprends pas certains hommes.

– Et bien sûr, tu avais une amie comme ça, mais me la brancher ne t’intéressait pas quoi.

– Lol, je devais te la brancher quand au juste? Dois-je te rappeler que tu n’avais le temps de personne quand tu sortais avec ton Em__

– Et puis tu ne pouvais pas insister hein, il me dit sur un ton rempli de mauvaise foi qui me fait rire.

– Pardon, j’avais mes problèmes à gérer et le cadet de mes soucis c’était là où tu trempais ta queue. Et de toute façon, j’avais perdu Jen de vue après le bac. C’est même elle qui m’a retrouvé après de longues recherches apparemment.

– Hum. Et son couillon de mari là, il ressemble à quoi?

– Non Bruce.

– Ah, mais j’ai dit quoi?

– Ne commence pas ce que je te vois emmener là.

– Tu la vises toi-même?

– Tu es fou? On parle d’une femme encore mariée.

– Pardon laisse-moi ça. On ne perd plus le temps aux femmes de nos jours, surtout quand on en a une de ce calibre. S’il ne veut pas la protéger, nous autres, on est là et même prêts à prendre le relai.

– De toute façon, tu reviendras me raconter quand elle te donnera le râteau de ta vie et ne met pas mon nom devant si jamais tu vas l’emmerder. Ne viens pas gâter mon amitié avec tes longues couilles, je l’avertis. Il préfère en rire et me gaver davantage d’âneries.

Nous sommes proches de chez moi de toute façon, alors je souffre de l’écouter. Fabien m’ouvre le portail après deux klaxons et nous conduisons, le convoiteur des femmes d’autrui dans sa chambre. Je souhaite une bonne nuit à mon frère et me rends à l’étage de deux chambres, dont la principale qui est la mienne. Une douche rapide, et je sors sur mon petit balcon avec en main une bouteille d’eau tiède, pour profiter du courant d’air. Ici sur ce balcon, j’admire le travail que j’ai construit petit à petit pendant huit ans. Une maison de quatre pièces au premier niveau, dont trois en arrière avec une petite véranda sur laquelle je vois Fabien rejoindre sa femme Bijou qui lave des marmites. Après une brève séparation, de longues explications et excuses, les deux se sont réconciliés et ont emménagé chez moi il y a un peu plus d’un an. Du moins, Fabien vivait déjà ici, pour superviser la construction comme je lui ai proposé et Bijou l’a rejoint après qu’on se soit entendus dessus. Franchement, je peux dire qu’il ne m’a pas fait regretter la confiance que je lui ai accordée. Je n’en serai pas ici sans son implication. À l’arrière où il se trouve avec Bijou, il y a une chambre salon, cuisine et douche externe avec une petite véranda qui s’ouvre sur une grande cour, certes remplie de sable pour le moment, mais quand même, je suis fier. Le niveau un sur lequel est construit l’étage abrite le salon principal, une chambre d’amis ainsi qu’une cuisine. Il y a encore des travaux en cours là-bas, mais la chambre d’amis où réside Bruce est complète. Du moins, je veux dire qu’elle est emménagée et meublée.

Le gros travail c’est la cuisine ainsi qu’une partie du salon pour le moment. Et à l’étage, je suis seul, dans la sérénité et le confort de base. Je n’ai pas trop rempli l’espace pour que ma future femme puisse modeler, déplacer et bref, faire tout ce que les femmes aiment faire là dès qu’on parle de déco. L’autre chambre est destinée à accueillir mes enfants. C’est vrai que je n’en ai prévu qu’une. À 34 ans, je ne me vois pas avoir plus de deux enfants, et même si je sais que Dieu a le dernier mot sur le sexe, j’ai déjà prévu dans mes calculs n’avoir que le même sexe. Soit deux filles ou deux gars, et ils/elles partageront leur chambre coûte que coûte, vaille que vaille. C’est moi le père, et c’est l’un des rares points sur lequel, je compte imposer le véto. Je ne veux pas les choses de cette génération où les enfants grandissent en se concentrant chacun sur leurs amusements et dans l’âge adulte, ils deviennent carrément des étrangers. Non, mes enfants sont obligés d’être meilleurs amis, voilà. Pas de trahison, pas de tromperie, le sang ce n’est pas l’eau. De toute façon, j’ai spécifiquement demandé à l’architecte qu’elle soit la plus grande des chambres à l’étage afin que les enfants aient assez d’espace pour que chacun puisse bouder en paix dans son coin quand il sera fâché contre l’autre. Rien que l’idée me fait sourire et c’est ce moment que choisit le petit veinard de Fabien pour glisser sa main sur le postérieur de Bijou après avoir aidé cette dernière à faire rentrer la vaisselle dans leur cuisine. Un petit veinard, je dis bien, mais il refuse d’épouser la fille. Bon refuser, c’est trop dit. Il ne comprend simplement pas l’utilité malgré nos explications. Sur les sujets pareils, mon frère a encore une ancienne mentalité. Pour lui, il a pris la femme et avec maman, ils se sont présentés à ses sœurs, alors ils sont officiels. Et comme la concernée, selon lui encore une fois, ne se plaint pas, il ne voit pas pourquoi il doit se déranger avec nos affaires de mariage qu’on a copié chez les blancs. Pour le moment, je ne m’en mêle pas. C’est son couple et grand-frère ou pas, je me dois de respecter son choix, mais dès qu’ils auront un enfant, je réintroduirais le sujet s’il n’a pas changé d’avis d’ici là. Les moustiques finissent par me chasser du balcon et je me glisse dans mon grand lit qui aurait été meilleur avec un corps doux à mes côtés, mais bon ce n’est que partie remise.

Le réveil est doux le lendemain. La joie des vacances. Je ne descends qu’après avoir parlé avec la vieille qui me relance sur le sujet Hilda dès qu’elle en a l’occasion. L’eau a coulé sous les ponts depuis que ma sœur a quitté le pays comme une voleuse. De mon côté, je ne lui en veux plus. Jérôme la critique encore et Fabien est toujours rancunier alors maman demande que je leur parle pour apaiser une bonne fois les tensions, surtout que Hilda a annoncé qu’elle avait une grande nouvelle à partager avec nous à son prochain retour. Bruce est déjà attablé devant une assiette d’omelette recouverte de poivrons quand je descends. Bijou dépose sur la table un thermos noir.

– Bonjour grand frère, elle me salue comme d’habitude.

– Bonjour, ça va? je lui retourne en donnant une petite tape sur la tête de mon pote avant de m’installer.

– Oui. J’ai raté le passage de la vendeuse de baguettes aujourd’hui mais___

– Oh ne t’en fais pas, je vais manger ce qu’il y a, je dis en prenant le pain en tranche sur la table puis le beurre.

– Notre chérie, c’est comme si mon ventre a envie de pinon (gari tourné dans la sauce tomate) et de bons gros crabes ce midi hein, le gourmand lui dit la bouche pleine.

– Et son problème est quoi dans ça? je réponds avant que Bijou le fasse.

– Eii, mais c’est toi «notre chérie» maintenant? il retourne tout en descendant son omelette.

– Ce n’est pas tout de crier «notre chérie» hein. Tu lui as ramené quoi de ton voyage?

– Quand quelqu’un veut te saboter vraiment, il passe par tous les moyens.

– Tu mérites qu’on te sabote proprement même, je lui retourne avec humour.

– Je peux préparer ça pour le midi si c’est ce que vous voulez, ça ne me gêne pas, on entend de la petite voix de Bijou.

– Une vraie chérie, pas tes choses là que tu emmenais à l’appartement Eben, le glouton commente d’un air satisfait.

– Ne l’écoute pas. Il faut faire tes choses comme prévu. On va se gérer.

Elle hoche la tête et se retire. Bruce et moi on continue à se charrier pour plaisanter. Je lui rappelle qu’il a une famille aussi dans ce pays. Famille qu’il ne s’est pas dérangé pour prévenir avant son retour et je peux comprendre ces raisons même si je sais que toute mère aimerait voir son enfant. Quand il rentre chez les siens, son argent se met à disparaître incontrôlablement. Je précise que c’est lui qui utilise l’adjectif «incontrôlablement». C’est vrai qu’ils lui ramènent plein de petits problèmes dès qu’il est avec eux, mais d’un point de vue externe, le mien, je trouve qu’il ne sait pas dire non quand il le faut, sinon simplement «pas maintenant, plus tard». Je lui ai plusieurs fois fait la remarque parce que même avec les femmes il est comme ça, mais est-ce qu’il écoute réellement? Non, il préfère en rigoler et me dire qu’il se comporte comme un grand doit le faire.

Le déjeuner est descendu, Bruce et moi retrouvons mon frère et les constructeurs dans la cuisine interne où ils faisaient un vrai vacarme. Plombiers comme électriciens travaillent de concert aujourd’hui. Fabien prend une seconde pour m’expliquer un peu où ils en sont avant d’y retourner.

– ça commence à vraiment prendre forme hein, commente mon ami sur un ton joyeux.

Je n’ai pas les mots pour ma part. ça commence effectivement à prendre forme et je suis empli d’une joie inexplicable. Bijou qui apporte une glacière remplie d’eaux à l’équipe, converse avec Fabien et j’intercepte des bouts de leur échange. Il devait l’emmener à un rendez-vous apparemment, mais ce dernier a complètement oublié.

– Je peux l’y conduire, je leur propose.

– Si tu peux merci, je préfère rester ici parce qu’on doit nous livrer un camion de sable, me dit Fabien.

– Bien sûr. C’est pour quelle heure Bijou?

– Ils m’ont dit de venir à onze heures.

– OK, je monte avec Bruce pour m’occuper de quelques trucs alors viens me chercher dès que tu es prête, je lui confirme et on se sépare sur ça.

Bruce et moi ne sommes pas seulement rentrés pour nous amuser avec les filles. Comme j’ai dit à Jen, je m’installe petit à petit, mais mon ami s’est dégoté un emploi chez l’INSAO, l’institut de statistique des Wanke. Je précise que c’est sans mon implication, il m’a surpris avec et je suis on ne peut plus fier de ses oreilles effilées comme un pic à glace. Il commence dans une semaine et j’ai accepté de lui avancer de l’argent. Je signe le chèque de sept millions et le secoue devant ses yeux.

– Il ne faut pas m’afficher grandement tes dents. Sache que je retarde sciemment mes plans en te remettant ceci. Ce n’est pas pour que tu ailles faire le grand comme c’est ce qui te plaît. C’est pour que tu complètes ce qu’il te manque et achète cette maison pour laquelle tu économises depuis on ne sait quand. On s’est bien compris? Tu as un an pour sortir de la location.

– Oui tonton.

– Pfff, tu me connais bien. Que je ne te trouve pas dans une maison dont tu es propriétaire d’ici la fin de l’année et tu verras ce que je vais te faire.

– Un tonton vraiment hein, il continue à blaguer avec le chèque en main.

Il est con comme je l’ai dit, mais si ce type ne m’avait pas ouvert la porte de sa maison quand ma tante m’a jeté dehors, où en serais-je aujourd’hui? Pendant des années il m’a traîné avec lui et on chemine ensemble depuis. Il aurait pu s’acheter cette maison dont je parle depuis un moment parce que Bruce c’est un bosseur. Il s’est pris en charge depuis la première. Son père ayant démissionné face aux lourdes charges sur ses épaules. Six enfants d’une mère, celle de Bruce, plusieurs dehors, sur un salaire de géomètre, ça ne va pas loin. D’eux tous, c’est Bruce qui n’a pas perdu son temps dans les lamentations à n’en plus finir. De la friperie, à docker en passant par différents autres petits métiers, il a touché à pas mal et fut le premier de sa famille à prendre l’avion. Avec tout ce qu’il a fait, je vous assure qu’il devait avoir plus d’une maison si seulement il savait se priver un peu. Bref, il n’est pas tard, je crois en lui et avec le salaire qu’il va brasser à l’INSAO, il m’aura vite remboursé cet argent. On a l’habitude de se faire des prêts et il n’est pas le genre à traîner avec l’argent d’autrui. Il me laisse sa voiture quand Bijou vient me prévenir. Monsieur ne veut pas sortir aujourd’hui. Il préfère se bagarrer avec ma télé sous prétexte qu’il suit la liga.

– Alors où est-ce qu’on va?

– Eh, tu connais la casa de papel?

– Le resto? Oui.

– Il y a un spa dans le coin, O-cèdres, c’est là-bas que je vais.

– Ah bon, je dis amusé et démarre. Fabien a dit que tu as gagné un prix là-bas c’est ça?

– Oui. C’est ma sœur qui a appelé dans une émission à la radio, je sais pas trop comment elle a fait, mais elle m’a envoyé un message pour me dire que j’ai gagné un traitement là-bas donc d’y aller avec ma carte d’identité aujourd’hui.

– Oh c’est bien, je suis content pour toi. Tu vas aimer ton expérience.

– Ah, tu as une connaissance au Spa là-bas?

– Non du tout, je dis en souriant. Mais j’ai fréquenté des Spas à Porto et ils en valent le coup.

– Donc c’est une bonne chose que Jeanne a gagnée pour moi alors hein. Elle a beaucoup parlé pour que j’y aille. Je ne voulais pas lui donner un mauvais nom, c’est pour ça que j’ai accepté.

– Tu fais bien et quelque chose me dit que tu seras pressée d’y retourner, je dis et elle rigole.

– On verra alors.

J’habite derrière l’EPP Kohé alors le trajet se fait en une trentaine de minutes et on aurait perdu moins de temps en réalité si on connaissait l’emplacement exact du Spa en soi. Il nous a fallu appeler à un moment, mais enfin nous y voilà, et dès qu’on pénètre dans l’enceinte, je suis séduit par le décor. Je n’ai jamais été dans un Spa ici comme j’ai dit, mais celui-ci, en tout cas l’accueil, n’a rien à envier à certains que j’ai côtoyés à Porto. Trois filles sont à l’accueil, toutes dans un uniforme et très bien apprêtées. L’une est au téléphone, une nous reçoit et une autre échange avec une cliente. Bijou présente sa carte et on nous dirige vers un petit coin qui fait office de salle d’attente. Bijou s’assoit avec toute la précaution du monde en serrant son sac contre elle, mais aussi analysant toute la pièce. Elle n’est pas habituée et ça ne m’étonnerait même pas qu’elle se demande là si c’est vraiment à Lomé qu’un coin pareil existe. Je suis d’humeur joyeuse alors je lui indique que je reviens, et retourne vers la fille avec qui on s’est entretenu tout à l’heure.

– Est-ce possible de savoir ce que ma compagne a gagné comme soins? Son nom c’est Bijou Ekoue.

– L’expérience californienne de 45 min. Quelqu’un viendra la chercher sous peu.

– Est-ce possible de l’étendre à une heure? Je paierai la différence.

– Euh, nos formules de base sont de 30 min monsieur.

– Ajoutez-le dans ce cas.

– Un moment, je vous prie, il me faut vérifier que le planning de la masseuse le permet.

Je hoche la tête et me tourne vers Bijou qui continue son analyse de la pièce. Elle va sortir d’ici transformée lol. En ramenant mon regard sur la réceptionniste, je croise une silhouette qui m’interpelle. Une femme plutôt grande de taille apparait dans mon champ de mire et je perds un peu le focus. Non seulement elle est vraiment agréable à regarder dans sa tenue pourtant bien simple, mais c’est surtout sa bouche nappée d’un gloss rose qui me fait imaginer des choses. Elle ose ne cesse de me fixer tout en se rapprochant du comptoir de la réception d’où une des filles lui prend le gros classeur qu’elle lui tend.

– C’est fait monsieur. Votre compagne__

– Ma sœur, je me dépêche de dire. C’est ma sœur. La fille me lance un regard confus, mais Dieu merci, elle reste professionnelle et me réitère simplement qu’on viendra bientôt chercher Bijou.

-35000 CFA, elle m’indique le prix.

Je sors mon portefeuille et compte les billets pendant que la beauté à mes côtés me permet enfin d’entendre sa voix. Elle s’entretenait avec une cliente qui venait de finir un soin et selon leurs échanges, je conclus qu’elle est à un rang plus élevé que les réceptionnistes ici. Surtout qu’elle ne porte pas d’uniforme, mais plutôt un pull noir aux longues manches ainsi qu’un jean.

– Euh monsieur, c’est juste 35000, me répète la réceptionniste.

Je regarde le comptoir en face et me rends compte que j’ai déposé 70000 dessus. Je ris bêtement et reprends le reste. Je lui laisse un 2000 comme pourboire et reprends la monnaie avant de retourner à ma place.

– Il y a un problème? me demande Bijou.

– Non non, j’allais juste me renseigner sur les prix, si jamais j’ai envie de me faire plaisir à l’avenir.

-Ah___

Je ne sais pas ce qu’elle a dit par la suite. La belle est repassée en face de nous et mon corps a réagi positivement à son dos dénudé qui dévoilait des poignées d’amour légèrement plissées. Je vais revenir ici, c’est décidé.

***Océane Ajavon***

J’ai ma petite routine depuis mon retour au pays. On ferme à 18 h, je rentre chez moi, me douche et 80 % du temps je continue chez papa avec une bouteille sous le bras. À force de vivre avec Elikem, j’ai perdu l’habitude d’être seule. Ma maison n’est pas si grande. Je n’ai que trois chambres, mais en dehors de la télé ou mon gardien qui affectionne des émissions bizarroïdes à la radio, je n’ai pas de distraction chez moi, alors me voilà encore une fois chez papa.

– Tu aurais pu accepter l’invitation du neveu de mon ami, ce dernier me dit dès que je pointe ma tête dans son salon.

– Quand les fils de tes amis comprendront que «fils de» ce n’est pas une personnalité, j’accepterai de les revoir, je réponds et Emily éclate de rire.

– C’est ta bouche qui fait fuir certains, il faut accepter ta responsabilité.

– J’accepte oh papa. Je ne peux pas me renier. Un type qui n’a pas de répartie avec moi cherche quoi dans ma culotte?

– Océane! Je suis ton père et non ton copain!

Je lui tire la langue et m’enfuis en cuisine pour voir ce que son cuisinier nous a concocté. C’est aussi pour ça que je suis régulière chez papa. Qui a envie de cuisiner quand il rentre du travail? Pas moi en tout cas, j’aime trop me faire bichonner. On m’ajoute un couvert à table. Le vieux joue à l’amoureux avec son Emily. Il se fait découper sa viande par madame et il lui câline le bras pendant qu’elle le fait. Étrangement, ils tiennent toujours. Elle travaille encore chez moi et respecte la limite entre ses deux rôles, alors j’évite soigneusement de me prononcer sur leur relation. Je lui retourne le même respect, et mon père est heureux même si sa santé commence à nous jouer des tours un peu énervants, mais bon, on tient. On papote et rigole bien pendant le repas. C’est généralement détendu quand je débarque ici. Papa me charrie sur le fait que je n’ai pas de manières. Je viens chez les gens, mais c’est moi qui finis la majorité des bouteilles que j’apporte.

– C’est pour t’éviter d’endommager ton foie, je m’explique en secouant la bouteille pour vider le restant de Pimm’s. Il faut que tu voies tes petits-enfants avant de rejoindre tes ancêtres.

– Elle ne va pas accepter les rendez-vous chéri, laisse tomber, lui dit Emily avant qu’il me relance sur le sujet.

– à cette allure, mes neveux me rendront arrière-grand-père avant qu’elle trouve cet homme dont elle parle tant.

– Au moins tu as les neveux qui travaillent pour agrandir la famille hein, mais c’est mon humble personne que tu choisis d’attaquer. L’humain n’aime pas du tout la paix.

Il me dévisage d’un air traduisant «dire que c’est moi qui l’ai mis au monde» avant de se concentrer sur la télé ainsi que sa petite amie qui roucoule contre son corps. Je vais m’asseoir sur son côté gauche et fais mine de regarder leur série avec eux. En réalité, mon cerveau oscille entre travail, commentaires sur ma vie et questions existentielles. J’ai tellement de projets professionnels à accomplir et l’idée m’enchante, mais parfois ça me terrifie un peu de n’entrevoir personne à mes côtés dans mon avenir proche. J’ai papa c’est vrai. On se taquine beaucoup, mais c’est mon roc depuis que j’ai embarqué à temps plein dans l’entrepreneuriat. Maman aussi est présente, mais à distance, je sens moins son implication. Je nourris toujours le désir de rencontrer ma moitié. Je n’ai pas perdu espoir, mais ma patience est testée, à un point que j’ai commencé à trouver mon gardien plutôt pas mal hier. Vous imaginez ça? C’est l’une des raisons pour lesquelles aussi je fuis régulièrement ma maison depuis un moment. Je ne me fais pas du tout confiance surtout que j’ai fermé la porte entre mes jambes depuis plus de trois ans maintenant. Il ne faut pas que la faiblesse me pousse à déranger le pauvre gardien. C’est aussi cette faiblesse qui m’a poussé à refuser l’invitation du neveu de son ami. Ce n’est pas que les îles Canaries ne me font pas envie, mais en trois rencards, le type m’a montré autant de personnalité qu’une plante verte à la porte de la mort. Mais en plus, le gars ne s’est pas gêné pour me proposer, pas une, mais deux fois, de me financer un voyage au Maroc pour que je remette mes implants mammaires.

Je le connaissais déjà quand je vivais aux États-Unis. Le vieux a un club d’amis dont les enfants ont étudié aussi à New York. On s’est retrouvé là-bas un peu dans la même période et de temps en temps, je traînais un peu avec eux, avant de les garer quand Elikem est arrivée au Colorado. Donc il a connu ma période Bimbo au décolleté plongeant bien rebondi. Je lui ai pourtant dit que j’ai retiré mes implants parce qu’ils affectaient ma santé, mais je pense que le message ne s’est pas encore imprimé dans l’esprit de monsieur. D’ailleurs je l’emmerde, ils sont beaux mes seins et bizarrement, ils ont grossi un petit peu. Avec les implants, je n’ai pas eu le temps de le voir, je suppose. Je m’attendais à me sentir inconfortable dans mon corps après leur retrait, mais honnêtement, ce fut plutôt une agréable surprise. Déjà ma santé s’est drastiquement améliorée ainsi que mes humeurs et pour me faire plaisir j’ai changé un peu mon style. Je pense que c’est aussi ça qui a pris de court le neveu quand on s’est revu. Moi d’avant, j’avais toujours un truc dehors, les jambes, ou le buste. Et quand j’exposais, je ne prenais pas de gants. En plus je portais régulièrement du serré. J’ai débarqué à notre rencard avec une robe un peu ovale, mais j’ai sorti les jambes non? Bref, les hommes comme lui m’énervent. L’évolution c’est un concept étranger chez eux. On ne peut pas avoir envie d’autre chose. S’il t’a connu x, tu dois rester x à vie, pfff! La tête de celui qui me dévisageait au Spa aujourd’hui se matérialise dans mon esprit. Un autre genre qui me fatigue. La compagne devient subitement la sœur parce qu’il a vu un morceau qui l’intéresse. Le pire dans tout ça, c’est qu’ils sont beaux. Tout ça pour rendre la tentation ardue quoi. J’aurais été aux îles Canaries qu’à cette heure-ci, que mon corps serait en train d’être secoué dans tous les sens. Je n’aurais pas résisté longtemps dans mon état mental actuel alors la fuite est meilleure. J’ai signé que mes jambes ne se feront pas visiter si on ne me montre pas du potentiel. Une vraie entente et un peu d’intimité. J’ai appris de mes erreurs et compris avec le temps, plus question de m’emballer pour peu. Je ne connais certes pas l’avenir, le type peut me sortir d’autres phases en chemin. Mais avant d’entrer dans mon palais, il faut me montrer du potentiel. L’alcool me monte à la tête alors je fais faux bond aux tourtereaux pour regagner mon lit d’ado. Couchée, je commence à rire bêtement. C’est drôle qu’en ce lieu, j’aie perdu ma virginité 17 ans plus tôt. J’étais quand même une petite maudite hein.

– Tu n’as même pas intérêt là où tu te trouves, je préviens tout haut ma future fille.

Je rigole encore en pensant à la tête de Romelio quand je le pressais pour le faire. Le pauvre semblait tellement partagé, comme s’il allait commettre un grand crime. Je l’ai fatigué mine de rien ce type. Pourquoi je suis nostalgique là, je n’en ai aucune idée, mais je l’ai fatigué, c’est clair. Heureusement, il avait la répartie nécessaire pour m’envoyer bouler au besoin et la patience pour me ramener à la raison quand il le fallait, même si on en a fait des conneries. Je tâtonne à la recherche de mon cell et trouve son numéro que j’ai depuis le décès du mec d’Elikem. On ne s’est jamais écrit en dehors de cette occasion, mais je commence à composer un message pour le remercier puis me ravise en pensant à la crise que tapera son chien de garde qui croit qu’on veut lui voler la huitième merveille du monde. 

D’amour, D’amitié