136: For you

Ecrit par Gioia

***Océane « le mariage n’est pas encore confirmé » TounVon***

— Qu’est-ce qu’il fait là?

— Vous vous êtes vus où?

— Comment tu as su qu’on serait là?

Je continue à questionner Eben, mais il ne fait que marcher sans me répondre. J’ignore ce qu’il croit faire, mais il se trompe s’il pense que je vais m’asseoir à ses côtés sans rép…

— Tu as une seconde pour poser ton cul serré dans la voiture sans quoi je vais te montrer que ton insolence n’a rien de comparable à la mienne.

C’est au trot même que je m’exécute sans tarder, même si son ton menaçant me déplaît. Je n’ai fait que le questionner non? On ne peut pas mettre de côté les problèmes pour une seconde? Il y a des nouvelles à décortiquer.

— On peut déposer Mally au moins? je propose me rappelant qu’il avait effectivement laissé sa sœur entre les mains de l’autre.  

— Tu le vois dans les parages? il réplique encore une fois sur ce ton ultra dur.  

Je soupire et texte Mally qui me confirme que Marley le ramène déjà à la maison. Les éléments commencent à se placer dans mon scénario et m’excite seule dans mon cœur. Marley a probablement prévenu Cédric qui a rappliqué sans tarder, quoique Singapour Lomé…, bref l’essentiel c’est qu’il n’a pas traîné. Je prie avec ardeur qu’il soit là pour les bonnes raisons et avec des explications qui me convaincront qu’on n’a pas eu tort de lui faire confiance.

Toutefois, ça n’explique pas comment mon conducteur à la mine fermée ici entre dans le scénario. Il a littéralement rencontré Marley cette semaine. Et vu sa face, il a l’air déterminé à m’ignorer. Je pourrais peut-être m’excuser? Mais je commence par quoi? Si sa sœur a bien couché avec Cédric, elle mérite ce que j’ai dit. En plus, salope chez moi c’est l’équivalent de conne. J’ai tellement le mot « bitch » en bouche que ça ne me dit rien. Et si on doit autrui comme on se traite, peut-on réellement m’accuser des pires crimes du monde?

Mes réflexions de conne franchement, j’ai la boule et une forte envie de sauter sur Eben, lui rouler une pelle puis lui faire la pipe jusqu’à ce qu’il confesse mon nom, mais qui sait comment il réagirait. La petite fenêtre d’opportunité que j’avais se referme la minute suivante. Il s’arrête en chemin et maman suivie de Hilda montent à l’arrière. Je salue timidement et reçois des salutations aussi timides. C’est la petite lueur d’espoir à laquelle je m’accroche jusqu’à l’arrivée à la maison, mais encore une fois Eben décide de l’éteindre. Il se dirige vers l’arrière de la maison avec maman et Hilda, pourtant je pensais qu’on allait monter directement pour se parler. Je m’installe sur la terrasse pour l’attendre. De toute façon, il repassera par ici qu’il décide de découcher encore aujourd’hui ou rejoindre notre chambre.

***Cédric Yafeu Asamoah***

(La scène débute à son arrivée dans la voiture.)

Je profite de son air ébahi pour lui jouer la vidéo qui a sauvé Hilda à la dernière minute.

– « Salut Elikem. Je…euh…je suppose que c’est incongru d’espérer que tu vas bien dans ses circonstances, donc entrons dans le vif du sujet. Ce qui s’est passé à la dot n’était qu’une succession de plusieurs malentendus que j’ai provoqué. Je ne suis pas enceinte de Cédric. Je ne sais pas si tu vois bien le résultat sanguin que je montre là, mais…

— Il le prendra en photo, intervient son frère Eben.

-« Donc, je disais que je ne suis pas enceinte de lui. J’ai fait un test d’urine qui m’a donné un faux positif. Je m’excuse encore pour les désagréments causés par ma faute. Bonne chance à vous et on se revoit à Nairobi. »

Elle ne réagit pas. Sa bouche si tentante est toujours légèrement ouverte. Elle m’observe comme si j’étais la créature la plus étrange qu’elle voit de sa vie. Il sonne 16 h dépassé, et la dernière chose que je veux c’est conduire de nuit donc j’y vais à pleins gaz. Pendant deux heures, je n’ai eu que la douce musique comme compagnie. Elle n’a même pas ouvert la bouche pour soupirer, ne parlons pas de m’adresser un mot. Je ne l’ai entendu que lorsque je me suis engagé vers Miotso au lieu de traverser Dawhenya.

— Je vais à Accra.

– Demain. Pour le moment, on va à Prampram.

– Ahh swaa (un son censé représenter l’ironie), qui as-tu consulté concernant ce changement pour utiliser le « on »?

— J’ai moins de deux heures de sommeil dans le système actuellement. Tu préfères risquer ta vie jusqu’à Accra ou te reposer suffisamment pour assurer cette entrevue que tu prépares minutieusement depuis que tu l’as décroché?

Le ton sur lequel je réplique n’est pas meilleur, mais je suis épuisé. Elle ne se gêne pas pour répondre, donc on reste dans cette ambiance tendue jusqu’à notre arrivée chez moi. Une seconde de discussion avec mon gardien et je la retrouve qui m’attend dans la cour avec son trolley à côté.

— La porte est ouverte. Tu pouvais entrer.

— J’attendais ton autorisation, comme c’est toi qui décides de tout pour moi, elle continue sur ce ton de provocation.

Je soupire, lui retire son trolley et j’avance. Derrière, je l’entends parler, signe qu’elle est au téléphone. Elle semble prévenir l’hôtel qu’elle veut annuler sa réservation. Un détail qui m’est totalement sorti de la tête, mais à ma décharge, mon esprit s’est transformé en confusion absolue après l’appel de Marley.

— Le frigo doit être plein normalement si tu veux manger, je lui explique à la fin de son appel. Je vais me doucher.

Pour qu’elle n’emporte pas son trolley, je l’emmène avec moi dans mon dressing où je me change puis je me débarrasse de mes vêtements avant de continuer dans la salle de bain. Sans surprise, elle ne vient pas me trouver, mais son trolley est là où je l’ai laissé à ma sortie. J’enfile un peignoir et vérifie mes messages. Maman est en tête et me fait sourire. Elle veut connaître mon opinion sur son jet, le dernier cadeau qu’elle a fait à notre famille. Pour l’embêter, je lui réponds que je n’ai remarqué aucune différence et demande qu’elle transmette le « bon fin de vacances » aux autres. La seule personne à qui je réponds après elle, c’est Thema, pour éviter les jalousies. Les quarante messages restants disent à peu près la même chose. Cousines, cousins, neveux, nièces, frères y compris cet idiot de Godson à qui j’aurais refait le portrait après la nouvelle de Marley si Elvis (un autre frère) ne m’avait pas contrôlé. Ils se réjouissent d’avoir vu ma tête durant ses vacances et m’encouragent à participer plus fréquemment. J’aime ma famille, mais on est si nombreux que faire le tour des gens m’épuise rapidement. Je laisse des consignes couvrant l’emploi du temps des deux jours suivants à mon PA par note vocale puis j’éteins tous mes appareils pour éviter toute forme de distraction. Je sors de la chambre et tombe sur elle dans les escaliers.

— C’est prêt, elle me dit et me tourne le dos, me laissant confus.

Je pensais qu’elle montait chercher son trolley après avoir mangé, mais c’est vers mon endroit favori de la maison qu’elle me conduit. Trois assiettes couvertes, deux bouteilles d’eau et un verre de lait d’amande plein nous attendent sur le patio faisant face à la piscine. Le verre de lait d’amande me donne envie de lui arracher sa robe verte retenue par des fils attachés sur ses épaules. Je ne mange pas sans boire du lait d’amande.

— Il n’y avait pas beaucoup de frais, juste du surgelé donc j’ai fait ce que je pouvais rapidement, elle s’explique tout en ôtant les couverts.

— Je ne viens pas malheureusement ici autant que je le voudrais, donc le gardien n’achète généralement que du surgelé à ma demande. J’avais oublié ce détail. On peut se trouver un resto ouvert malgré l’heure si tu préfères…

— Non, ça va pour moi. C’est pour toi le difficile en nourriture que je parlais.

— Je ne suis pas difficile, je réplique espérant qu’elle me critique juste pour qu’on discute, mais elle hausse les épaules.

Elle nous a fait une salade d’herbes, tomates et betteraves accompagnant des steaks de hamburger.

— C’est le bruit de la mer qu’on entend? elle relance la conversation.

– Oui. Toutes les maisons de ce secteur ont accès à un rivage.

— Vous n’avez pas de problèmes d’inondation dans ce secteur?

— Pas depuis deux ans que je fais ici et selon le développeur immobilier, ce phénomène a été pris en compte dans l’aménagement du littoral. Tu veux voir ce que ça donne après le repas?

— OK.

C’est ainsi qu’une dizaine de minutes plus tard, nous passons par l’arrière qui donne accès à la côte. Les chaises installées

— C’est toi qui l’as fait? elle demande en référence aux chaises longues en bois entourant une petite table le tout recouvert par un immense parasol disposés sur la plage.

— Oui, pour les fois où je veux passer plus de temps ici.

— Tu t’es offert l’expérience totale.

— Le bruit de la mer, je commence. Notre première maison familiale donnait sur une rivière qui a tant bercé mes nuits de gamin que je me suis promis de vivre proche de l’eau quand je serais adulte.

— C’est vrai que c’est apaisant.

— Assez pour calmer ta colère?

— J’ignorais que tu me laissais le choix d’être en colère.

— Elikem, je réplique agacé.

— Quoi Elikem? elle répond violemment et me fait volte-face. Je t’ai questionné plus d’une fois sur ton comportement étrange. Tu m’as sorti toutes les excuses du monde, sachant pertinemment que tu me cachais des choses. Combien de fois je t’ai interrogé sur ton comportement étrange? Combien de fois je t’ai donné l’opportunité de te confier à moi?

— Je n’ai pas jugé utile qu’on parle de quelque chose que j’avais déjà réglé.

-Waaaaaoooouuuhh, elle réplique de façon exagérée, tu as si bien géré Yafeu. Tellement réglé ça que c’est une imbécile qui m’a appris avec un plaisir évident et devant d’autres que mon mec est sup…supposé…être le père de l’enfant d’une autre.

J’accuse le coup et je suis remué à la fois par la peine dans sa voix. Elle continue à me déverser le venin accumulé, mais une partie de moi est calée sur le « mon mec ». C’est la première fois que je l’entends.

— Je suis d’avis que toutes les vérités ne sont pas utiles à dire, je réponds optant pour l’honnêteté, mais elle me sort un rire cynique en réponse.

— Et je te redemande, qui t’a remis le pouvoir décisionnaire sur les vérités qui me touchent? Je t’ai partagé toutes les vérités aussi laides que défavorables qu’elles soient pour moi afin que tu prennes la meilleure décision pour toi. C’est toi qui m’as reproché de réfléchir pour toi la dernière fois qu’on a eu une discussion sérieuse sur nous, mais tu ne vois pas que me cacher ce truc entre Hilda et toi c’était une façon de décider pour moi juste parce que tu t’es convaincu que ce prétexte m’aurait poussé à arrêter notre relation?

Touché. Elle a touché le point qui m’a tellement hanté durant ces derniers mois que je n’arrivais pas à profiter de nous.

Je lui raconte d’abord ce qui s’est passé avec Hilda incluant l’existence des vidéos pour preuve qu’elle refuse de voir, arguant qu’elle n’en a pas besoin.

— Je suis égoïste, je lui avoue. Je sais jouer au compréhensif, mais la réalité c’est que je ne veux pas te donner de raisons de partir.

Je me rapproche d’elle, l’enlace par la taille et colle son corps au mien.

— J’ai passé des mois de torture mentale à m’imaginer que par le pire des hasards, je me retrouverai coincé avec une autre par un enfant pour des minutes dég....

Elle me réduit au silence par un court baiser.

— Je ne veux rien entendre sur une autre femme et toi. C’est moi qui suis dans tes bras maintenant.

— Aujourd’hui, dans un an, voire deux et si possible jusqu’à la fin de mes jours, cette place ne sera qu’à toi, je lui confirme sans aucune trace de doute et la fait sourire.

– Kiss me, elle chuchote, pourtant l’impatiente m’embrasse en premier.

Mains encadrant ma barbe, elle m’embrasse avec un appétit qui me fait frémir autant que le vent de mer. C’est dans cet élan avide que je dénoue les minces bretelles de sa robe qui tombe en un tas à ses pieds. Mon peignoir suit et son regard se voile devant ma nudité. Elle n’a qu’un string blanc comme vêtement. Je m’assois sur les coussins des chaises longues et elle se place à califourchon sur moi. Ses seins aux pointes fièrement dressées entrent l’un après l’autre dans ma bouche. Ses mains me massent la tête et le dos. Sa bouche se promène sur mon front qu’elle embrasse quand elle ne soupire pas de plaisir. Je la sens déjà trempée bien qu’elle ait encore son string.

Je m’étale sur la chaise et la tiens par le côté du string pour lui signifier de monter vers ma face. Son string sur le côté, je suce encore et encore ses grandes lèvres. Mes mains pressent et massent à grands cercles son postérieur charnu qui déborde malgré tout de mon emprise. Ma langue s’insinue dans sa fente et fait son chemin jusqu’aux petites lèvres recouvrant son point sensible. Mû d’une envie de la faire languir, je lèche sciemment les contours de son clito sans toucher ce dernier. Elle se balance, gémit, m’encourage à continuer, mais je perds le nord quand attiré par un bruit différent à celui que je fais, je remarque qu’elle s’est enfilé deux doigts et se doigte si bien que ma queue tressaute et coule. Je lui donne ce qu’il faut, elle me récompense avec un « Oh right there! », se doigte avec violence, me supplie profusément de la libérer donc ma bouche laisse son clito gonflé qui n’attend que ma queue pour se détendre.

Je prends les deux doigts qu’elle retire de son antre et lèche le résultat de son excitation qui a presque recouvert sa main. On se remet en position initiale après s’être débarrassé de son string. Je tiens ma queue et avant de la faire descendre dessus, je lui précise.

-This isn’t for the baby.

-No, it’s for me. I need this, Make me yours.

— J’aurais pris une fusée s’il le fallait…, je réplique, emporté par les sensations qu’elle provoque en descendant sur ma queue.

— Yafeu…, elle gémit tête renversée en arrière avant de la ramener vers moi au premier coup de reins.

— Yes honey, je grogne les sens en alerte et la culbute avec l’ardeur de quelqu’un qui attendait ce moment depuis un moment.

Elle se tortille, elle m’embrasse, ses bras m’enlacent avec force, son corps tremble, parfois elle hurle et c’est sur un cri âpre qu’elle convulse contre moi dans un orgasme qui me comprime la queue. Possédé par mes sensations, je la renverse, pour prendre le dessus, écarte ses jambes dont l’intérieur est inondé et replonge jusqu’à la garde. Je la pénètre, je continue, je jouis et pourtant je suis le premier surpris par mon érection qui refuse de tomber. Je la saute tellement que j’ai peur pour elle, mais ses jambes restent ouvertes. Son corps ne me refuse pas, donc je me vide à nouveau en elle au point d’en avoir le souffle coupé.

***Elikem Akueson***

Le réveil fut brutal avec un B ce matin. Le corps endolori et lourd, l’entrejambe meurtri. J’ai confirmé que la médecine est une passion pour moi, parce que je ne vois pas ce qui m’aurait poussé à sortir du lit ce matin. J’ai si bien, mais peu dormi. Le plus à plaindre parmi nous, c’est Yafeu qui a dû me porter pour me mettre au lit après notre nuit de folie hier. C’est également lui qui a insisté pour me conduire à Accra bien que j’aurais préféré prendre un bus pour lui laisser le temps de se reposer. J’ai retrouvé le pauvre somnolant, bras croisés, bouche légèrement ouverte dans la salle d’attente de la clinique où j’ai passé mon entrevue. Je prends une photo pour mes archives personnelles et m’assois à ses côtés tout en m’efforçant de ne pas rire. Il a l’air tellement bête et adorable dans cette position. On va le laisser dormir autant que possible. C’est la moindre des choses après la mission impossible qu’il a faite. D’ailleurs, je n’ai aucune idée de comment il a réussi à presque traverser le globe en si peu de temps, mais le connaissant, je commence à comprendre qu’il ne se met aucune limite quand quelque chose lui tient à cœur. Je me sens privilégiée de faire partie de ce qui lui tient à cœur. Et comme je suis d’humeur badine, je mets sa photo en fond d’écran sur mon cell. Sa tête tombe donc je place mon épaule doucement pour qu’elle se repose dessus. Je me sens trop bête vu comment certains nous regardent avec un air drôle, mais que faire, ce sont les risques du métier. Me voilà embarquée dans une nouvelle aventure de cœur.

***Eben Tountian***

(La scène débute pendant qu’Elikem et Cédric sont en route vers Prampram.)

Comme elle a échappé belle, nous laissons Hilda se réjouir pour le moment, mais une discussion sérieuse est nécessaire. Dieu que je suis soulagé qu’elle ne soit pas enceinte. Je jouais les courageux hier, mais Dieu sait que je priais de toutes mes forces qu’elle ne le soit pas. Non seulement pour la protéger, mais aussi pour éviter les répercussions sur Océane et son amitié avec Elikem que j’ai appris à connaître durant ce mariage. Cette grossesse aurait blessé tant de personnes. Tout ce que je peux faire, c’est remercier le ciel d’avoir eu pitié de nous.

Pour le moment, je discute avec les miens. Les enfants de Jérôme sont excités à l’idée du mariage qui approche. Chacun me raconte comment il a vécu la journée chez les Ajavon. Depuis leurs naissances, ils n’ont jamais quitté Vogan, donc ça m’amuse d’entendre leurs descriptions exagérées de la ville. Pendant qu’on parle des Ajavon, Océane apparaît et m’annonce qu’elle vient de raccrocher avec son père qui sera chez nous dans cinq minutes.

Je me dis bien que sa présence est liée à ce qui s’est passé chez lui. Maman et moi avions déjà discuté de notre position sur la chose, donc je l’attends. Il est à l’heure, comme toujours. Par contre, il n’est pas seul. Emily, Maman Héloïse, Parker sont présents avec leur fils Bobby qui a déposé devant nous de nombreux sacs cadeaux. Je suis avec les miens, de maman jusqu’à Hilda.

— Je suis heureux de vous voir en bonne santé Constance. Comment se porte Hilda? commence Innocent.

— Nous allons mieux Dieu merci et vous?

— Je suis ravi de l’entendre, même si je dois vous avouer que nous n’allons pas si bien. Les fâcheux événements qui ont entravé nos réjouissances durant la dot me minent l’esprit. Nous n’avons malheureusement pas eu le temps d’en parler donc j’espérais qu’on pourrait revenir dessus aujourd’hui.

— Comme vous l’avez dit, ces événements étaient fâcheux et la dernière chose qu’on souhaite c’est d’étirer le climat fâcheux. En ce qui me concerne, tout est oublié, lui dit maman.

— Océane? l’interpelle son père.

— Tout…tout est oublié papa.

— Eben?

— Je partage ce sentiment papa. Du côté des Tountian, tout est réglé.

— Je suis heureux de l’entendre, surtout qu’on a beaucoup à célébrer. Étant les représentants d’Océane, nous voulions vous confirmer qu’il n’y a pas d’animosité dans notre famille. Vous pouvez avoir l’esprit tranquille, vous n’entrez pas dans une famille de fous, il dit avec un grand sourire.

— Ceci n’est pas grand-chose, mais nous espérons que ça vous fera plaisir, ajoute maman Héloïse.

Elle et Emily nous remettent les sacs cadeaux qu’on accepte chaleureusement tout en précisant qu’ils n’étaient pas obligés. Les remerciements fusent, Parker nous encourage, on leur propose de partager un repas avec nous, mais les Ajavon déclinent l’invitation. Le civil aura lieu demain du coup, ils ont à faire. On se sépare devant le portail et je remonte avec Océane.

— En fait, je n’ai rien dit à papa, elle commence. Il pense que la querelle est liée à un stupide malentendu concernant la grossesse que Hilda a annoncé à ma place alors que je voulais garder le secret.

— Hum.

— Alors, tu ne comptes pas me dire ce qui s’est passé avec ta sœur?

— Pour quoi me gêner? C’est une histoire de famille et tu m’as montré que tu ne considérais pas les miens.

— Comment peux-tu dire ça? elle s’indigne.

— Je ne sais….peut-être parce que tu as choisi d’humilier ma sœur et blesser ma mère dans la foulée devant des gens. Tu aurais traité Marley ou Bobby de cette façon?

— Tu es injuste Eben. J’ai…ta sœur ne réfutait pas les accusations de Jennifer et j’ai pensé à Elikem. Je t’ai tout raconté sur mon amie, tu sais ce qu’elle représente pour moi. Tu as confirmé toi-même qu’elle avait un cœur en or par sa disponibilité pour nous. Je n’ai pas réagi avec maturité, mais c’est…c’est…, elle s’arrête sur ça.

— Ce n’est pas ta faute? C’est ce que tu essaies de dire? Tu m’as aussi parlé de ta vie incluant celles de tes parents. Comment tu le prendrais si un jour je prétexte que ton père m’a énervé et l’insulte qu’il n’a pas été fichu d’être réglo avec ta mère juste pour obtenir la nationalité américaine par un mariage de convenance? Tu m’applaudirais?

– Non. Je n’ai pas insulté ta sœur en utilisant un détail que tu m’as raconté.

— Je m’en fous Océane! Le fait que j’essaie d’entrer dans ton crâne c’est que tu as humilié ma sœur et ma mère. C’est ma mère à son vieil âge qui essayait de te raisonner tandis que tu injuriais ma sœur. Quel que soit ce qu’elle a fait, elle reste mon sang. Ton père n’est pas parfait, tout comme elle ne l’est pas. Tu aurais très bien pu m’appeler, te confier à moi et me laisser gérer. Ce n’est pas la première fois que je te reproche tes réactions excessives, mais c’est bien la première que tu me fais regretter….

— Et ce que tu as dit à mes parents alors? elle m’interrompt aux bords des larmes. « Du côté des Tountian tout est réglé », c’était un mensonge.

— Tu es une Tountian?

Elle étouffe un sanglot et sort de notre chambre. Je ne la suis pas. L’ironie c’est que pour quelqu’un qui a l’injure facile, elle a ce caractère de fifille à papa qu’on ne peut pas réprimander, seulement ça ne passera pas avec moi. Je repasse ma tenue pour le civil demain, prends ma douche et sors pour regarder un peu la télé. Elle est dans la chambre des enfants et pleure avec tant de force qu’on l’entend renifler. C’est facile qu’elle se mette dans tous ses états maintenant. J’aurais même bien dosé et repoussé le reste des événements si nous n’avions pas déjà dépensé et certains de nos invités n’avaient pas quitté leurs pays afin d’être présents pour nous.

Je continue au salon et j’en profite pour rappeler Bruce.

— Tu ne devais pas délivrer une dose toi? Tu as perdu la main ou comment? il me demande et me fait sourire. Je me disais bien que son esprit aurait directement pensé à ça quand je lui ai parlé de dose à délivrer.  

— Si je faisais les hommes, j’aurais pu te donner ta réponse en nature.

— Beurk, respecte-moi. Tu es où?

— Dans mon salon, à la recherche d’un truc intéressant à regarder et toi?

– Chez moi aussi. Je viens te voir.

— OK je suis là.

Il débarque en moins de trente minutes. Je m’étais trouvé un match de boxe à la télé entre temps.

— Madame est où?

— Endormie, je réponds.

Avant qu’il n’arrive, je m’étais arrêté dans la chambre des enfants alerté par le silence et je l’ai effectivement trouvé endormie sur l’unique lit dans la pièce avec en main la peluche d’éléphant du bébé.

— Tu as dosé jusqu’à, il faut avoir pitié non, c’est comment? On sait que c’est pour toi, il se moque.

— Comme tu as dit, c’est pour moi. Je dose comme je veux.

— Hum, tu doses au point de perdre le nord hein Tountian. J’aurais appris qu’elle a insulté Hilda devant maman. Comment ça a pu arriver?

— Un malentendu qu’on a réglé.

— C’est bien réglé? Tu es certain?

— Tel que tu me connais, tu penses que j’aurais mal réglé un truc pareil?

— Non non…, je veux juste dire que ça me choque encore quoi. Comment ça a pu arriver? Madame ne ressemble pas à quelqu’un qui ferait ça normalement. Je suspecte que sa proximité avec Emily….

– Non Bruce. Je dis non à ce que tu essaies de faire là.

— Tu dis non, mais ce que je dis se vaut. Combien de fois tu m’as défendu de fréquenter Emily? Rappelle-toi…

– Non merci. Je ne souhaite pas me rappeler du passé de quelqu’un qui n’affecte pas ma vie.

— Dois-je te rappeler qu’elle est proche de ta femme? Comment peut-elle ne pas affecter ta vie dans cette position?

— C’est ma vie ou pas? Je parle en connaissance de cause.

— Hum, il soupire pourtant son air me dit qu’il n’est pas prêt à laisser sa suspicion de côté.

Son problème comme nous en avons tous c’est ça. Il ne sait pas passer à autre chose quand il s’y met. Je lui avais interdit de fréquenter cette Emily dans le passé parce qu’on était paumés. On s’en sortait à peine et lui suivait une meuf qu’il me décrivait constamment comme quelqu’un qui vivait la high life. Je n’ai donné qu’un conseil innocent à un ami cher. Je n’ai jamais vu cette Emily, donc pourquoi l’Emily que m’a présenté Océane devrait devenir une épine dans mon pied?

— Je ne veux pas de scandale au mariage. Si tu sais que tu ne pourras pas supporter de la croiser, autant que je donne la place de best Man à Axel.

— Tu me prends pour qui? J’ai connu de meilleures femmes qu’Emily. En plus, je suis déjà sur un autre dossier.

— Encore toi et Jennifer? Encore toi Bruce? Que t’ai-je dit la concernant?

— Elle m’a dit qu’elle divorce de son mari.

— Et alors? Elle divorce, ne veut pas dire qu’elle l’est déjà. Elle est en processus et sache que le divorce affecte émotionnellement les gens. La dernière chose que je veux c’est me fâcher contre elle parce qu’elle t’aurait utilisé comme béquilles émotionnelles.

— Bruce Attipoe n’est et ne sera jamais une béquille, il dit le torse bombé et avec un sourire fier. Sans difficulté et surtout avec le mari qu’elle a eu, elle tombera facilement amoureuse de moi.

– Ah bon hein. Tu connais son mari même?

— Il a quoi d’intéressant pour que je le connaisse? C’est l’héritier du pape?

– C’est Romelio Tchaa Bemba. Depuis que je connais Jennifer, c’est le seul homme dont elle m’a parlé. Quand nous étions au lycée, ce type traînait déjà dans les parages. Il l’a aidé à venir en France et par la suite l’a emmené au Canada. Je t’accorde que toutes les femmes ne sont pas pareilles, mais du peu que je sais, une femme n’oublie pas facilement la façon dont on l’a aimé. Si elle a pu quitter Dakar pour cet homme et le suivre un peu partout jusqu’à rentrer à Lomé, tu ne te dis pas qu’elle ne va pas l’oublier en un divorce?

Il me regarde, mais n’a pas l’air de m’écouter.

-Bruce? je l’interpelle.

— Hum? J’ai compris. Bon, je rentre hein. Un best Man doit bien se reposer pour assurer ses fonctions. On se voit demain, il me balance en rafale et s’en va.

En tout cas, j’aurai fait de mon mieux.

En pleine nuit, je sens qu’Océane me rejoint au lit donc je m’attendais à la trouver à mes côtés au réveil. Sa place est vide et pourtant il ne fait pas totalement jour. Inquiet, je fais un tour aux toilettes, dans la chambre des enfants, au salon, bureau, mais rien. Je descends et dans les escaliers, je reconnais la silhouette de maman qui vient de s’asseoir.

— Je m’excuse de t’avoir réveillé si tôt maman Constance, commence Océane.

— Oh non, c’est mon heure de réveil normale ça. Bijou m’a dit que tu as demandé à me parler lorsque je serais debout, donc je suis là.

– Merci. Je voulais personnellement te demander pardon pour mon comportement à la dot. J’avoue que j’ai cette tendance à mal exprimer ma colère et mes mots étaient vraiment méchants. Je ne peux plus les retirer, mais ce que je peux demander si tu veux bien me l’accorder, c’est une seconde chance.

— Tu sais, je vais te parler comme une mère, puisque tu m’as demandé pardon comme un enfant. Je sais très bien que ma fille n’est pas blanche dans l’histoire, mais tu es aussi une future maman. J’ai bien remarqué que tu attendais un enfant. Je prie que lui ainsi que ceux qui suivront gardent l’éducation que vous leur transmettrez. Par contre, tu vas remarquer lorsque ton enfant échangera avec les autres à l’école, dans le quartier, ou à l’église que parfois c’est lui qui fera du mal aux autres. Qu’est-ce que tu vas faire à ce moment? Tout comme tu seras sensible à ton enfant, l’autre parent aussi le sera. Aimeras-tu qu’il insulte ton enfant qui pleure ou lui lance des objets pendant que tu essaies de le défendre?

— Non, je suis vraiment désolée, elle répond d’une voix cassée.

— Je te peins le tableau pour que tu comprennes et saches comment te comporter à l’avenir pour ton propre bien. Je ne peux pas te mentir et te dire que j’ai oublié ce qui s’est passé. C’est par respect pour tes parents qu’on a accepté hier et aussi pour que cette histoire soit vite oubliée. Je sais que les gens sont venus de partout pour vous et aussi je veux que tout se passe bien pour Eben, donc j’accepte de te laisser ta seconde chance.

— Merci maman, merci beaucoup, elle répond en reniflant.

– De rien. Il faut nettoyer ton visage, lui dit maman sur un ton plus doux. Je vais aller réveiller les enfants pour qu’ils commencent à se laver.

— Ce n’est pas mieux de les laisser dormir un peu? Il n’est pas encore six heures.

— Ah, est-ce qu’ils dorment même? Tu vas voir qu’ils sont toujours dans le lit, mais bavardent. Il ne faut pas que quelqu’un soit en retard aujourd’hui comme à la dot. Eben n’a pas aimé du tout, commente maman dont la voix s’éloigne.

Océane réapparaît dans les escaliers et me trouve. Son air frêle me touche autant que son geste envers maman. On dirait quelqu’un qui a subi une lourde épreuve. Je lui ouvre mes bras dans lesquels elle court se réfugier en étouffant un autre sanglot.

— C’est fini, je murmure tout en la berçant.  

— Je suis une conne, je sais, mais, je ne veux pas que tu regrettes de m’avoir choisi meu bem.

— Je ne regrette pas de t’avoir choisi mon amour, j’allais te dire que je regrette d’avoir passé rapidement l’éponge la première fois qu’on s’est disputé à cause de ton comportement.

— C’est…tu dis vrai? elle demande la voix enrouée après avoir décollé son visage de ma poitrine.

De mon pouce je nettoie les larmes sur ses joues et l’embrasse. Elle se plaint de mon haleine matinale, mais se laisse quand même embrasser tendrement sur la bouche.

— Je ne regretterai pas d’avoir choisi la femme que j’aime.

— Amen!

— Ce n’était pas une prophétie, je dis amusé.

— C’est une bénédiction que j’approuve, elle réplique et le fait qu’elle tire du nez pour contenir ses larmes me fait rigoler.

— Allons sceller cette bénédiction devant l’état et Dieu alors, je lui propose et elle s’élance à l’étage au point que je dois lui rappeler de faire attention à mon enfant avec sa course dans les escaliers.

Pour ma part, je vais trouver maman pour lui présenter également mes excuses en tant que chef de la future famille Tountian. Je sais qu’elle n’est pas une femme rancunière de nature, mais le respect que je lui dois me le demande. 

D’amour, D’amitié