
145: The Asamoah Affair and more
Ecrit par Gioia
***Belle
Laré Aw***
Plus que 24 h,
c’est ainsi que je m’encourage pour rester polie avec la mère de mon beau-fils.
Dieu merci, les préparatifs nous ont rapproché un peu des Asamoah et quelle ne
fut notre surprise de découvrir que le docteur Coleman qui jadis m’avait fait accoucher
d’Elikem est une cousine proche de la procureure générale. Ce qui est dommage
c’est que la procureure ne possède pas la simplicité du docteur. Je n’ai rien
contre l’envie des célébrations grandioses, mais qu’est-ce que ça coûte
d’apprendre à composer avec les gens? Ce n’est pas son mariage pourtant c’est
elle qui accable les gens de requêtes énormes. Sa dernière c’est qu’elle
voulait qu’on lui trouve le contact du chef de quartier parce que de 10 h
à midi, elle ne veut personne sur toutes les rues menant au lieu de la
cérémonie. Les gens n’ont plus le droit d’aller se chercher à manger ou même
sortir pour prendre l’air juste à cause d’une dot.
Bref, je vais donner
mes conseils à Elikem tout à l’heure. Actuellement, elle vit ses derniers instants
de jeune fille dans sa chambre en toute intimité. J’ai fait passer le mot dans
la maison que personne ne la dérange. Connaissant ma fille, je sais qu’en dépit
du bonheur qu’elle ressent d’unir sa vie à Cédric, une partie d’elle repense à
son Ray puisqu’elle nous a même demandé la permission pour laisser ici les
effets de lui qu’elle avait à Nairobi. Nous lui avons bien évidemment rappelé
qu’elle n’a pas besoin de permission pour disposer de sa chambre. Pendant
qu’elle s’occupe, je revois avec Antoine le planning de demain. Il est arrivé
avec Loussika deux jours avec Elikem et je dois avouer qu’il nous a étonné par
sa coopération. Il n’a rien demandé sinon que je lui permets d’escorter Elikem
jusqu’au lieu de la cérémonie qui se trouve à sept minutes de marche.
Normalement, la mariée fait son entrée avec un cortège, la mère et les tantes,
mais j’ai accepté sa requête juste pour le remercier de m’avoir évité des maux
de tête additionnels. Je serais en arrière avec Ciara tandis que sa fille sera
à son bras. Eli, Magnim et les autres de notre famille seront déjà assis avec
nos invités.
Il sonne 19 h
passé quand Elikem sort de sa chambre. Je lui entoure l’épaule de mon bras et
la câline.
— Ça va? je
demande soucieuse.
— Oui, j’ai fait
le nécessaire.
— Parfait. Viens
manger un peu.
— Mon papounet
est déjà parti?
— Oui, Mally est
parti le déposer il y a peu, je lui dis tout en lui servant un peu de couscous
recouvert d’une sauce légère à la dinde fumée.
— Merci maman.
Papa est où?
— Il a reçu un
appel d’un de ses associés qui a du mal à situer le terrain de jeu, donc il s’y
est rendu accompagné de Dara pour retrouver l’associé. Marley est sous la
douche et Snam fait dormir les garçons. L’appel est fini?
— Profite de tes
dernières heures d’embêtement sur ma personne.
— Parce que
demain tu me signaleras à ton mari si j’ose n’est-ce pas? je dis amusée.
— Tout à fait,
l’heure de ton karma a sonné, tout comme tu nous signalais en pagaille à papa
et ça te réjouissait de gâter nos choses, elle réplique avec malice et
m’arrache un rire.
— Profite bien de
ton règne parce qu’il sera de courte durée dès que l’homo de Gisèle fera son
entrée dans vos vies. Tu comprendras qu’en réalité, ce sont les femmes qui se
font voler leurs maris dans le couple et pas le contraire.
— Je t’ai déjà
dit que Dara a réservé le prénom de Zizèle pour leur première fille.
— Je ne vous
comprends pas hein. Quelqu’un choisit Gisela, l’autre prend Gisèle non? Où est
le problème?
— Belle, elle
rigole, toi tu ne cherches pas l’homo?
— Ton mauvais cœur
ne peut même pas te permettre de me donner l’homo. Je compte sur vos enfants,
ils feront vivre mon nom d’âge en âge.
— Sucks to be you
hein, elle ironise, il fallait bien me soudoyer dans l’enfance au lieu de me
faire la misère. C’est Gisèle qui a gagné.
(Une façon de dire
bien fait pour ta gueule.)
Je rigole simplement.
Mes petits-enfants ont déjà commencé ma vengeance, Mally en connaît un rayon.
Je la laisse découvrir.
— Bon, nous
devons parler, je dis sur un ton plus sérieux.
— Uh oh…,
qu’est-ce que j’ai fait?
— Pour une fois,
pas de toi. Il faut qu’on parle de ton avenir. Tu entres dans une grande
famille chérie. Je dirai même une famille imposante en personnalités et avoirs.
Tu vis probablement une vie déjà différente de la nôtre et qui sait ce que te
réserve l’avenir. Ce dont je veux que tu te rappelles, c’est que même les
poches les plus profondes peuvent se vider un jour, donc commence à épargner
pour vos enfants très tôt. On s’entend que le couple doit être géré à deux,
mais ne te couche pas sur ce principe pour négliger ton rôle de mère. Les enfants
que tu feras venir dans ce monde sont ta responsabilité jusqu’à ton décès. Rappelle
régulièrement à ton mari qu’il vous faut investir pour les enfants. Ne te
fatigue pas sur ce plan. Toi et moi particulièrement savons que sans les Laré
Aw nos vies auraient été très différentes de ce qu’on a eu.
— C’est vrai. Je
sais très bien qu’on a eu une chance inouïe.
— Je suis
reconnaissante que tu ne l’oublies pas. Tu sais, ça ne sera pas facile parfois.
Contrairement à moi, tu as un métier plus prenant et tes ambitions te
demanderont plus d’investissement personnel, donc je te recommande d’être réaliste.
Tu ne peux pas tout faire, mais il y a des choses que tu ne peux négliger.
— En dehors des
enfants, qu’est-ce que je ne dois pas négliger?
— ça chérie,
c’est à toi de le découvrir une fois dans ta maison. Je pense que chaque femme
a des choses qu’elle ne se voit pas laisser à quelqu’un et d’autres qu’elle n’a
pas de problème à déléguer. Bien sûr, tu peux toujours m’appeler pour des
conseils, mais je préfère que tu décides avec ton homme comme je l’ai fait avec
le mien.
— D’accord.
— La dernière
chose, les Asamoah. Comme je t’ai dit, c’est une famille composée de plusieurs
personnalités imposantes que j’ai côtoyée durant l’organisation du mariage.
Comme toujours, reste courtoise avec les gens, mais je t’en prie, attention
avec les gens en politique. Je n’insinue pas qu’ils sont corrompus ou que j’ai
des secrets sur eux. Je te demande seulement d’être prudente parce que tu
entres dans une famille qui a ses mains en politique et comme tu sais en
Afrique, quand tu es du côté de l’état ou tu acceptes de jouer à l’autruche, tu
vis comme un prince dans son royaume, mais lorsque les tensions s’installent,
tu te retrouves dans une fournaise. On connaît les histoires de ceux qui sont
aujourd’hui en exil juste parce que des parents éloignés étaient liés à la
politique. Papa Eli a été plusieurs fois approché gentiment comme
agressivement. Dieu merci, le côté des Aw qui vit à l’étranger est bien établi
et certains se sont mariés dans des familles imposantes aussi, donc on ne
dérange pas trop ton père, mais je me devais d’être honnête avec toi. Tu n’es pas
Dara qui se marie avec un homme régulier. Même si tu es heureuse, tu te dois de
rester vigilante.
— Yafeu et moi
avons discuté de ça. Il a été honnête avec moi et comme tu l’as dit, leur vie
est comme qui dirait rose maintenant ils ont connu leurs périodes
d’incertitude, donc il évite activement de s’impliquer ou revendiquer une
affiliation politique comme son père.
— Parfait, priez
toujours pour la grâce divine parce que c’est la base de toute chose et
travaillez main dans la main dans ce cas.
— Pour
l’unification du pays, le slogan politique de la mort, elle rigole.
Cet enfant décidément.
Je tape sa main, heureuse qu’elle soit d’humeur enjouée. Elle a la paix, c’est
tout ce qui m’importe.
Eli et Dara rentrent
quelques minutes plus tard, puis Mally arrive tardivement avec des brochettes
qu’il s’est arrêté pour acheter. On se fait un dernier repas en famille devant
la télé et le lendemain, à 7 h, commence la folie.
— Vous êtes qui
déjà? je demande à cette jeune fille qui s’est présentée chez nous.
— Je suis là au
nom du magazine Source pour la couverture de l’événement, elle m’explique et me
sort un badge qui ne me dit rien du tout.
— Magazine Source
hein? Qui vous envoie?
— Ma patronne? Je
suis bien chez les Laré Aw pour le mariage des Asamoah non?
— Un instant s’il
vous plaît, je dis d’un air exaspéré et j’appelle la reine mère petite fille
d’Elizabeth d’Angleterre.
Est-ce qu’elle a le
temps pour répondre? Non. Comme j’ai le numéro de son mari, je m’essaie et lui
me répond. Comme toujours, l’homme est courtois et me rassure qu’il envoie
quelqu’un trouver la position de sa femme parce qu’il n’est au courant de rien.
Elle me rappelle sans tarder et confirme que le magazine a été dépêché à sa
demande. Ils s’occuperont de la couverture de l’événement pour les autres
membres de la famille et les amis qui n’ont pas pu se déplacer.
Elle l’a décidé quand
et je l’apprends ce matin? Poser cette question c’est me lancer dans un débat
qui ne m’avancera pas. Je laisse donc entrer les gens du magazine qui ont
chacun leurs équipements.
— Vous êtes la
mère de la mariée? m’interroge la demoiselle.
— Euh oui.
— Super. Je peux
avoir les micros-cravates sans fil s’il vous plaît? elle demande à son équipe,
ajoutant à ma confusion.
— C’est pour
faire quoi le micro là?
— Pour avoir une
meilleure qualité de son. Faites-nous une brève présentation et donnez-nous vos
impressions de la journée, ce que vous espérez, et vos vœux pour les mariés.
— Euh après s’il
vous plaît. Je ne suis même pas prête.
— En fait, on n’a
qu’une heure de tournage ici avant d’aller retrouver le marié chez lui à
Baguida et on ne peut définitivement pas s’en aller sans avoir des prises de la
famille de la mariée.
— Bon…,
donnez-moi une seconde alors? je dis déboussolée. Je vais au moins m’arranger
un peu. Pendant ce temps, vous pouvez euh…., attendez je vais voir qui est prêt.
Tout le monde a malheureusement
sa main dans quelque chose, mais l’arrivée d’Océane sauve la partie. Elle
semble connaître la fille du magazine donc je lui confie ce volet pendant que
je vais me faire coiffer par Snam. Quelques minutes plus tard, j’avoue mieux
comprendre l’utilité de cette journaliste si je peux l’appeler ainsi. Quelqu’un
viendrait de l’extérieur qu’il ne saurait même pas qu’on se fait interviewer. On
dirait plutôt une conversation enjouée entre plusieurs personnes même si elle
est intervenue de temps en temps pour s’assurer que les gens comme moi aussi participent.
Même Solim a donné son opinion et nous a bien fait rire. Enfin arrive l’heure d’habiller
notre mariée. Nous la conduisons dans l’ancienne chambre de Dara qu’elle et
Snam ont passé la journée d’hier à décorer pour surprendre leur sœur.
— Vous êtes dingues
hein, tout ça pour une journée? elle s’exclame les yeux pétillants devant la
pièce, mais surtout le mannequin sur lequel trône sa tenue.
— On parle de la
djournée qui est fériée dédjormais grâce à la maman de Cédjric?
— Elle a fait
quoi? je m’exclame.
— Eh je blague oh.
Le PTSD de ça, elle et Snam éclatent de rire.
— Elle t’a autant
pris la tête que ça? s’inquiète Elikem que j’ai gardé dans le flou jusqu’à la
fin. Je ne me suis plaint qu’une fois chez la moqueuse de Dara.
— Laisse chérie,
c’est la joie débordante. Et toi là, pitchisdji ta tête, je l’imite en poussant
un juron bien que je sois amusée.
— Tchu n’iras pas
au paradjis Bella, tchu vas voir, elle rigole.
Océane qui nous rejoint,
claque des doigts de satisfaction devant la robe scintillante d’Elikem. Excitées
comme nous sommes, on la presse pour qu’elle sorte de son peignoir. À deux on
attache les lacets du corsage de la robe et le résultat nous laisse sans voix.
Au dernier essayage, sa tenue n’était prête qu’à 70%. Il manquait les perles vertes
et mauves qui complimentent la robe en Kente violet.
— J’ai accouché,
je commente, éperdue d’admiration devant mon bébé de 29 semaines de 35 ans
aujourd’hui.
— Trop bien
accouché, ajoute sa sœur dans le même état d’esprit que moi.
— Tu es trop belle
Elikem, félicitations, dit Snam ravie.
— Merci, merci
beaucoup, elle réplique le visage figé sur son sourire béat.
Océane se fait juste
du vent au visage.
— Toujours
dramatique, se marre Elikem sur un ton ému.
— Allez! L’heure
ne nous appartient pas. Que chacune aille s’habiller. Vous avez trente minutes.
— Tchu as
tchrente minutes maman, Dara l’impolie me rappelle comme si c’était moi la
retardataire de l’année.
Je laisse Elikem avec
Océane le temps de m’apprêter.
-42 minutes, rouspète
Dara quand je sors enfin.
— Ce n’est pas
ton père qui….
— Je ne veux rien
entendjre, 42 minutes, c’est ce qu’on retchient.
— Va un peu
là-bas pour qu’on te prenne en photo au lieu d’être derrière moi comme si je
devais te rembourser.
Elle se dandine sur ses
talons hauts pour rejoindre sa sœur et son frère qui posent pour les différents
photographes ici dont mon Eli qui ne peut cacher son immense sourire. J’ai
vraiment accouché eh. 29 semaines, 27 semaines et 39 semaines, 35, 28
et 25. Beaux, brillants, gentils, résilients, soudés. Je pensais mon utérus
fichu parce qu’il avait du mal à mener mes grossesses à terme, mais regardez ce
que Dieu a fait de ma progéniture. Il m’a tellement béni que je n’ai pas les
mots. Je lis la même chose sur le visage d’Eli quand il me regarde. On les
rejoint pour une photo de famille puis vient le moment d’aller rejoindre la
belle-famille. Les hommes partent en avant avec les enfants. On n’attend plus
qu’Antoine que j’appelle pour connaître sa position.
— Comment ça on a
fermé les routes? je le questionne étonné.
— Que veux-tu que
je te dise? il réplique exaspéré.
Je sens du mouvement
sur la ligne et c’est la voix de Ciara qui me revient.
— Ne panique pas
Belle. On est déjà dans votre quartier. Romelio est sorti de voiture pour s’expliquer
avec les gendarmes qui encerclent votre secteur.
— Seigneur Jésus,
l’enfant du père, je soupire main à mon front.
— Ne t’inquiète
pas, elle essaie de me rassurer tout en rappelant à l’ordre Antoine qui tempête.
— Elikem tu ne
bouges pas, je dis fermement et sors.
Rien ne me préparait aux
longues files de voitures de part sur les deux voies menant à notre maison. Depuis
le portail, je peux même voir les hommes en tenue. Elle a invité les Wanké à la
dot donc je suppose qu’elle a joué de ses relations ministérielles pour trouver
le fameux chef de quartier. Il ne me reste plus qu’à aller voir ce que fichent
ses gardes.
— Tchiéé, on va faire
plus de bruit aujourd’hui qu’en 29 ans de vie dans ce coin, commente Dara
qui apparaît derrière moi.
— Wow c’est la Maserati
Quattroporte de l’an dernier ça.
— Ah ouais? Dara
répond à Snam.
Je continue ma marche souriant
avec gêne aux quelques voisins qui regardent par leurs balcons.
— Là c’est la
Cadjillac dont Ida rêve beaucoup ça?
— L’Eldorado 1953
dans toute sa splendeur.
— Tchaiii, je l’imadjinais
pas si classe en vrai, sur les photos elle faisait juste pousse-pousse de la
préhistchoire, Dara lui répond et les deux rigolent.
— Wow, Snam s’exclame
soudainement me faisant sursauter. Une convertible G class de Brabus ….
— Hey! C’est
quoi? Qui vous a même appelé ici? je leur demande irritée.
— Euh beh…on
venait t’aider.
— Quelle est l’aide
que je gagne dans vos commentaires? Vous n’avez jamais vu de voiture de vos
vies? Retournez rapidement à la maison oui!
— Pardon maman
Belle, s’excuse Snam.
— Oh regarde
maman là-bas, Dara attire mon attention ailleurs.
Un jeune homme descend
de la voiture sur laquelle elles s'extasiaient et il ouvre la portière qui laisse
apparaître la reine de notre quartier.
— Allez tenir compagnie
à votre sœur et Océane. Je ne veux pas vous voir dehors tant que je ne suis pas
venue vous chercher.
— Oh Mummy Elikem,
notre procureure m’interpelle et s’avance vers nous tout en faisant des
salutations gracieuses dignes d’une reine de beauté aux quelques enfants et adultes
qui épient par leurs portails le cinéma de la journée.
—Girls, how
are we doing this morning? Lovely
day, isn’t it? elle nous interroge une fois à notre hauteur et je promets qu’on
entend presque le rire joyeux dans sa voix.
Je laisse les Girls
lui répondre et dès qu’elles rebroussent chemin, j’attaque le sujet.
— Madame, pourquoi
ma famille me dit qu’on les empêche de se rendre au lieu de la cérémonie? je
lui demande en français, ce n’est plus l’heure des cajoleries.
—What
family are we talking about? Why aren’t they here already? It’s 9:30.
— Justement, 9 h 30
suppose qu’il nous reste 30 minutes. Toute notre famille ne réside pas à Boukarou
quand même. Pourquoi vous prenez des décisions sans nous en parler? Ça rend les
choses compliquées madame et je déteste qu’on me complique la tâche quand j’ai déjà
beaucoup à gérer.
-OK, let me
apologize. As I said….
Son blabla de “J’ai tendance
à agir rapidement quand je suis excitée ne m’intéresse plus ». J’entends simplement la fin où elle m’explique
qu’elle voulait que les voies soient dégagées pour l’arrivée de ses fils d’où l’initiative
de verrouiller les routes. Elle en profite pour me glisser une pique.
Apparemment, on aurait laissé ma famille passer s’ils avaient présenté leurs
invitations, ce qui m’énerve même. Ça veut donc dire que les Wiyao/Akueson n’ont
pas pensé à venir avec. Bref, je rappelle Ciara pour connaître leur position exacte
et me dirige vers eux quand on me klaxonne subitement.
—What are
you doing? Get in the car!
— Ils sont à moins
de cinq minutes à pied El…
—So? Your
shoes shouldn’t get dirty now, come on, elle me reproche presque.
Je monte oh, je n’ai
plus de force, je monte simplement dans l’un des fameux véhicules qui tournait
la tête aux filles. Les gendarmes ont pratiquement barricadé les entrées en
fait. Impossible d’entrer sans leur coopération. À voir la face tendue de
Romelio, je comprends qu’il s’est égosillé et ce qui m’énerve c’est que ces
derniers jours, on l’a tellement fatigué dans cette histoire d’organisation.
— Vraiment mon
grand, je n’ai pas les mots, excuse…
— Ce n’est rien
tata. On ne va pas gâcher la journée maintenant, Romelio choisit d’être
conciliant même si je lis sur son visage l’envie d’en coller une aux gendarmes.
Ciara qui me voit
depuis la voiture descend et l’élan que prend Antoine me fait avancer
rapidement. Sa sœur et Loussika lui agrippent également le bras, ayant compris en
voyant son regard cibler Eliza.
— Je te donne
entièrement raison Antoine, seulement pour aujourd’hui tu as tous les droits….,
je m’essaie.
— Non mais elle…
— Eh Antoine, je
t’ai expliqué ou pas? S’il te plaît, pense à Elikem. Cette journée ne sera pas
éternelle, lui rappelle Ciara.
Romelio se rapproche
et à quatre on essaie de le raisonner jusqu’à ce qu’il relâche le souffle
nerveux qu’il gardait dans son cœur. Mon cœur ne retourne à sa place que lorsqu’il
accepte de retourne dans la voiture avec Loussika.
— Magnim? je
demande vu qu’il n’est pas dans les parages.
— Parti en avance
avec Macy, Aurore et nos invitations. Bien sûr aucun d’eux n’a pensé à regarder
son téléphone en se disant que peut-être on ne pourrait pas entrer, grommèle
Ciara.
— En même temps, c’est
ce matin que j’ai découvert le périmètre créé autour du quartier. Bref, allez-y.
Hormis Macy et Snam, les filles sont toujours à la maison si tu les cherches. Elle
hoche la tête et on se dit à bientôt. Vu comment les choses se présentent ici,
je préfère rester dehors jusqu’à l’arrivée du fiancé en cas d’autres incidents.
Heureusement, les minutes précédant son arrivée se déroulent sans encombre. Les
Ajavon, Eben le mari d’Océane et leur fils ainsi que ceux qui suivent n’ont
aucun problème à passer la sécurité avec leurs invitations. Ça m’a surpris de
voir certains se présenter, insistant qu’ils étaient amis des Laré Aw alors qu’il
s’agissait d’employés de l’hôpital non invités. Par contre, il y avait de
parfaits inconnus qui voulaient simplement s’infiltrer. Une vieille parmi eux a
vraiment poussé le bouchon loin, se revendiquant l’amie de ma mère au point de
me demander d’aller la questionner pour en avoir la preuve. Je n’aurais jamais
pu prévoir ces événements et honnêtement, ça m’a soulagé de savoir les
gendarmes sur place pour la journée. Ces derniers ouvrent grandement les voies
quand le cortège du marié se signale. Les voitures s’alignent et sortent en
premier les gens du magazine Source avec en tête la fille de ce matin. Leurs
équipements en main, ils s’activent autour des quelques Asamoah déjà sortis de
leurs véhicules. Notre marié apparaît enfin dans un complet simple mauve. Des
hommes plus âgés que lui s’avancent avec le Kente vert, mauve et bleu royal qui
a inspiré la tenue d’Elikem. Ils enroulent le vêtement sur son corps et l’un de
ses frères lui présente les bijoux royaux, couronne, collier et bracelets de perles.
Lui et ses frères que je connais me remarquent donc ils s’avancent ensemble
vers moi. La maman Eliza les suit de très près.
— Bonjour maman,
tout va bien? il me demande après la bise.
— Oui Cédric, ne
t’en fais. Vous êtes très élégants les garçons, je les complimente, oubliant
que certains ne comprennent pas le français.
En tout cas, ils ont
compris vu qu’ils se mettent à me flatter plutôt.
—Did you
know all my sons Mummy Elikem? intervient la dame Eliza.
— Later
Mom, réplique Cédric.
— But…
Elle se fait encore interrompre
par un autre qui lui demande même ce qu’elle fiche ici et enchaîne qu’elle
vient probablement compliquer la vie des gens. La pauvre au milieu de ses
grands garçons bien bâtis me fait presque pitié, donc j’interviens, les
rassurant qu’on était dehors pour s’assurer du bon déroulement des choses.
— Elikem va bien?
— Oui ne t’inquiète
pas, elle ne fuira pas, je le taquine.
— Elle n’a pas
intérêt, il réplique avec un sourire amusé et s’en va avec ses frères ainsi que
sa mère qui trottine d’excitation main dans le dos de son garçon.
Elle aussi a accouché
hein, donc je peux comprendre la difficulté à garder son calme en un jour comme
celui-ci. Il sonne 10 h 12. Les danseuses d’Adowa commencent à
esquisser leurs pas sur le rythme des tambours. Elles annoncent l’entrée du
marié. Excitée, je trottine également pour aller retrouver ma petite perle.
***Elikem Akueson***
C’est Océane qui a
promis ce matin qu’Ezer arriverait bientôt. Je lui rappelle gentiment et elle
me fait les gros yeux.
— Tu arrêtes de
te disperser, on dit que c’est ton heure.
— Yieee, le
sérieux à outrance, j’ironise.
— Le tyran de la
mariée oui, rigole Dara.
Maman arrive avec son
humeur aussi, quoiqu’elle est plus joyeuse contrairement à Océane qui stresse
depuis une seconde là, on ne comprend rien. Un coup elle arrange ma coiffure,
un coup elle ajuste les manches déjà bien posées de ma tenue. Bref, c’est notre
heure, m’annonce maman après avoir confirmé avec quelqu’un au téléphone.
— On attend
Aurore, je leur rappelle.
— Elle a dit qu’elle
reste avec Macy au poste des cadeaux parce que la danse n’est pas son fort, m’informe
Snam.
Mon pauvre papounet
baisse la tête en guise de défaite. Je lui câline le dos en souriant pour le
soutenir. Aurore ne considère même pas l’âge de notre paternel quand elle fait
ses choses. Munie de mon grand éventail aux couleurs assorties à ma tenue, je sors
au bras de mon papounet qui a demandé à m’escorter.
— Pourquoi vous
ouvrez le portail? je demande lorsque maman demande aux filles de lui apporter
les clés de sa Bentley.
— Tu veux te
rendre comme au centre? elle réplique.
— Beh à pied non.
C’est juste à côté.
— Ta belle-mère a
dit qu’on ne marche pas hein. Les chaussures doivent rester propres.
— Pardon, les
chaussures sont faites pour le sol, on y va papounet?
— Perla oh, ma
mère et tata Ciara rigolent derrière.
Le groupe traditionnel
engagé par mes parents commence à jouer et les filles avancent en essayant d’imiter
discrètement les danseuses professionnelles qui sont devant nous.
— Tu es heureuse mon
canard laqué à l’orange?
— Papounet, je
dis amusée. Le surnom est de retour?
— Dans quelques
heures, je vais devoir te partager avec un autre, donc oui, je le ramène pour
en profiter.
— Oui je suis
très heureuse.
— Parfait, je
suis soulagé, il dit soudain ému. Je sais qu’on n’a pas eu la relation la plus
facile et des conseils de moi seraient peut-être gauches vu que tu connais assez
bien mes erreurs, donc je vais me contenter de te souhaiter beaucoup de
bonheur. J’ai prié tu sais, je n’y croyais même pas en ce Dieu des blancs qui
nous ont colonisés avec leurs religions, mais je lui ai demandé de me prouver qu’il
est amour comme Loussika le chante souvent. Je lui ai demandé de se manifester après
t’avoir vu plus bas que terre, sans volonté de vivre. Je lui ai demandé s’il le
fallait de prendre ma vie si nécessaire, tant qu’il arrivait à te redonner le
goût de vivre et voir ton si joli sourire aujourd’hui me fait croire avec conviction
que les miracles ne sont pas impossibles. Je suis heureux et reconnaissant d’être
en vie pour t’entendre rire à nouveau.
— Et tu seras en vie
pour qu’on partage les nombreux moments heureux qu’il nous reste papa, merci d’avoir
fait de ton mieux pour être à mes côtés en dépit de la distance, je dis d’une
voix tremblante à cause de l’émotion.
— Je ne dirai pas
que je le ferai à nouveau sans hésiter parce que je refuse que tu vives le
quart de ton passé. Je préfère dire bienvenue au bonheur et aux rires, il m’annonce
au bord des larmes aussi.
Comme une idiote, je
rigole en l’enlaçant, oubliant qu’il nous faut avancer. On n’a même le temps de
personne. On finit de se faire des câlins et d’exprimer notre amour avant de
reprendre la marche. Les acclamations sont tonitruantes bien qu’on soit encore
à trois pas de l’entrée. Le groupe traditionnel a déjà fait son entrée. Les
filles suivent. J’entends la voix de Romelio inciter l’assemblée à faire plus
de bruit pour la reine du jour. Je m’avance donc pour comprendre le pourquoi il
parle dans un micro et ma bouche se fend grandement. Je me retourne
instinctivement pour questionner maman qui est derrière.
— Petite filoute!
C’est pour ça que tu ne voulais pas que je mette pied au centre de mon arrivée
hein.
— Madame avance, montre-leur
que ma fille est une Togolaise pure, elle me pousse vers l’avant en rigolant.
J’ai toujours mon air
choqué et j’éclate de rire quand le groupe se met à jouer un des airs favoris
de Zizèle. Je ris tellement que je dois me couvrir le visage avec mon éventail
pour qu’on ne me prenne pas pour une folle. Romelio le con, micro à la bouche
se met à fredonner cette chanson qui nous a valus des « bandes de cuon » de ma grand-mère quand on lui demandait pourquoi
elle n’allait pas régler ses comptes avec le frère Yao en question au lieu de
nous casser les oreilles. Rire ou pas, je danse. Je danse comme ma grand-mère
et plus la foule crie, plus je remue les hanches, incitées par tata Ciara ainsi
que ma mère. Les danseuses professionnelles et mes filles nous encerclent en
tapant des mains sur le rythme dicté par les tambours. J’échange mon éventail
contre deux mouchoirs blancs. Maman a les siens. On sort une improvisation qui
déchaîne l’assemblée et captive Yafeu. Il est loin mais je sens son attention
sur moi, il ne m’a jamais vu ainsi.
— Les genoux hein
Bella, je dis admirative devant maman qui s’abaisse en remuant rapidement ses
hanches comme moi.
— Allez plus bas,
elle m’incite folle.
Mon beau-père apparaît
de nulle part l’air très joyeux et comme mon papounet il fait pleuvoir des
billets sur nous.
— Our crown and Jewell
of inestimable value, and she’s just starting, le con de Romelio annonce triomphalement
quand on se redresse à la fin de notre danse pourtant je ne sens même plus mes
tendons hein.
(Notre couronne ainsi
que joyau de valeur inestimable et elle vient à peine de commencer!)
Océane trouve le temps
de m’éponger rapidement le front avant qu’on avance pour saluer l’assemblée. Enfin,
on m’indique où m’asseoir parmi les miens. Je finis par comprendre qu’en fait
Romelio est le MC de ma famille tout comme les Asamoah ont le leur MC. On aurait
pu me prévenir non? Et depuis quand il sait si bien faire le MC? Il me tue de
rire avec ses interventions. Vient le moment de répondre à la question fatidique
lol. Est-ce que je reconnais les Asamoah? Ils sont venus nombreux pour avoir ma
main. Voici ce qu’ils ont apporté. Est-ce que je les accepte? Mon papounet fait
durer le suspense en me citant tous les Asamoah qu’il connaît et le plus drôle
c’est qu’il demande l’intervention de papa Eli quand il oublie un nom. Les deux
ont fait leur cinéma comme s’ils l’avaient répété ensemble. Je finis par confirmer
que c’est Cédric Yafeu Asamoah l’homme à qui j’accepte qu’on donne ma main. Mon
papounet remet à papa Eli au moment de la bénédiction. Je suis tellement dans
la paix que je murmure mes amen contrairement à maman et mes trois tatas Ciara,
Hana et Loussika qui déclarent les leurs avec force. Cédric se lève croyant que
c’est le moment de venir me chercher, mais Romelio le méchant lui met un vent
taquin qui fait rire la salle. Il sait que c’est mon tour d’offrir aux Asamoah
mes présents puisque c’est lui qui a fait les courses pour moi.
Macy et Aurore qui
avaient la charge des cadeaux au centre se font aider par d’autres pour déposer
les colis emballés en mauve devant les Asamoah. Je prends le micro et j’explique
mon intention.
—Mommy and
daddy, even though we didn’t know each other for long, you guys have been so
nice to me and my family that I wanted to express my gratitude with this token.
It might not be the finest of gifts in the world but I hope it will bring a
smile to your faces.
(Papa et maman, bien
qu’on ne se connaisse que depuis peu, vous avez été si gentils envers moi et
les miens que je voulais vous témoigner ma reconnaissance par ce présent. Il ne
représente peut-être pas le plus raffiné du monde, mais j’espère qu’il vous
ravira.)
Ma belle-mère m’étouffe
dans un câlin et je m’abaisse pour recevoir la bénédiction de mon beau-père qui
par la suite me place deux bises sonores sur les joues. Ces gens ont été
vraiment généreux avec les miens. C’est avec le jet de maman Eliza que toute la
famille Akueson a voyagé et repartira incluant Mally qui rentre directement aux
États-Unis puisque son séjour au Kenya touche à sa fin bien qu’il ait réussi à le
rallonger un peu ne voulant pas rater la dot. Bref, je n’oublie jamais quand on
me fait du bien, donc c’était important pour moi de les honorer. J’ai commencé
à me préparer financièrement pour ça le jour où la maman a offert des places
dans son jet à mes gens pour qu’ils soient présents au mariage de Mally et
Snam. Des pagnes d’excellente qualité, des bouteilles d’alcool recommandées par
Marley qui connait un peu les Asamoah. Comme j’ai dit, ce n’est rien qu’ils ne
peuvent s’offrir, mais j’espère qu’ils se sentiront appréciés par le geste.
Enfin je peux être
avec Yafeu. Il vient me chercher du côté de ma famille pour m’emmener à notre
place.
— Tu as des
explications à me fournir, il me dit tout bas.
Je lui tire la langue
et rigole quand je le sens me pincer. Tonton Auxanges prend la parole pour une
courte exhortation donc on se concentre. On se lève ensemble à sa demande après
que Thema lui ait apporté un coussin sur lequel repose ma bague de fiançailles
que je découvre aussi. Lui et le second pasteur prient dessus. Yafeu la prend
et me la passe au doigt. Perdue dans la contemplation de ma main, il faut que
tonton Auxanges se moque carrément au micro que le public est suspendu à ma
main. Il a même réussi à faire sourire Yafeu.
—I can
confirm we can see it from where I am standing pastor, Romelio se manifeste à
nouveau quand je lève la main.
(Je confirme qu’on peut
la voir d’où je me tiens pasteur.)
Un être nuisible ce garçon.
On se met à genoux comme demandé par les pasteurs pour les prières. Les parents
de chaque côté se joignent eux pour cette dernière. Main dans la main, je
reçois chaque parole et prie qu’on soit non seulement de bons partenaires l’un pour
l’autre mais aussi des bénédictions pour notre entourage et enfants biologiques
comme adoptés, car nous n’avons pas rayé cet objectif. Comme il a grandi avec
des enfants recueillis par ses parents, il est ouvert à faire de même. Mon
parcours m’a également convaincu qu’un cadre affectueux peut faire toute la
différence dans la vie d’un enfant et surtout de l’adulte qu’il deviendra. C’est
sur un Amen rempli de conviction que finit la série de prières.
C’est le moment de la
danse tant attendue par la foule conduite par le groupe musical. Nos familles
nous entourent tandis que certains invités se placent en deux rangées jusqu’à
la sortie. Yafeu se prête au jeu et comme je connais son aversion pour les
acrobaties publiques au nom de la danse, je reste soft dans mes pas pour rester
au même rythme que lui. On veut nous saluer par ci, nous féliciter par là et je
ne sais même plus où donner la tête. Les paons sont même sortis de je ne sais
où mais on en a lâché huit devant nous pour des photos. La minute d’après, nous
avancions vers sa Cadillac Cabriolet noire de Cédric avec Romelio, Océane, Marley,
Dara, Elvis et Saahene avec nous.
— La maison est
juste à quelques pas honey, je lui explique quand il ouvre sa portière.
— On part.
— Hein?
— Tu as faim?
— Non mais….
— On n’a plus
rien à faire ici pour aujourd’hui. Les autres nous retrouveront au Ghana ce
soir de toute façon. Je préfère qu’on se repose pour la suite.
— Tu as raison.
— De toute façon,
tu es dans la régularité, emmène là même au paradis si tu veux.
— Bye Elikem. Ne
m’appelle pas.
Telles sont les
réactions de mon entourage de traitres. Les deux frères de Cédric ne sont pas
en reste. Ils approuvent même sa suggestion et rient de comment leur mère sera
confuse. Le pire c’est qu’il ne veut
même pas aller prévenir les gens hein. Ils vont juste découvrir qu’on a fui
comme des voleurs. On s’installe dans sa Cadillac et il se tourne vers pour m’embrasser
puis me fait porter mes lunettes Tom Ford Sabrina.
— Si tu as faim,
on s’arrête pour manger, sinon on va directement à Prampram. Je veux une séance
privée de ta danse matinale, il me sort avec un sourire séduisant à l’appui.
— Tu n’es pas
normal, je dis en éclatant de rire.
Il troque ses lunettes
pour des aviateurs et démarre avec les encouragements des autres. Allow me to
enjoy myself, I am a winner, je fredonne les bras en l’air la chanson sur
laquelle on a dansé en sortant.
***Eben Ezer
Tountian***
Je pensais trouver une
maison vide à mon réveil de sieste, mais ce sont des voix masculines qui m’ont
attiré sur la terrasse. Jérôme qui comptait rentrer ce matin est en pleine
discussion avec Bruce. Le premier m’explique qu’il ne se voyait pas me laisser
seul et le second préfère me questionner pendant qu’on se rend à l’étage.
— Pourquoi tu ne
m’as pas prévenu que grossesse de femme est si insupportable?
— Tu m’as
questionné avant d’enceinter? je rétorque avec humour.
— Pfff, je n’en
peux plus des sautes d’humeur de Jennifer. Imagine, elle a osé me dire que j’ai
un comportement broussailleux. Je te fous un coup au pied si tu ris.
J’ai quand même rigolé
tandis qu’il continuait à se plaindre de ce que Jennifer fait avec son chic
prénom.
— Elle en est à
combien?
— Je sais? Fin du
premier trimestre ou un truc comme ça.
— Courage alors, normalement,
c’est la période la plus délicate sur différents plans.
— Bref, tu n’as
rien ramené de votre fête là?
— Ta femme n’a
pas préparé pour toi?
— Elle a fini de
passer la journée chez sa tante d’abord?
— Bah dommage
pour toi, je n’ai rien ramené de la fête, mais j’ai des restants dans le frigo.
— Tu es même
comment toi? Tu vas à toute une fête sans te faire un colis à emporter?
— C’est quel riz de
fête je ne peux pas voir chez moi? Ou c’est hamburger?
— Ils manqueront
de l’assaisonnement festif.
— C’est ce qui te
vaut l’adjectif broussailleux, je dis en rigolant.
— Hey! Ne me
cherche pas, je suis déjà tendu et affamé.
Je vais lui chercher
les restes et sors ma planche à repasser pendant qu’il mange.
— Notre héritier
est où? La maison est étrangement calme.
— À la fête avec
sa mère.
— Et toi tu
fiches quoi ici?
— On a passé une
nuit difficile avec le petit donc j’ai préféré rentrer pour me reposer.
— Tessa était
encore là-bas quand tu partais?
— Ouais je pense
hein. Je ne l’ai pas vu, comme elle bougeait tellement, mais les caméramen étaient
sur place. Elle fait bien son travail. J’ai parfois oublié qu’elle n’était pas
une invitée comme nous.
— Pfff, j’aurais
préféré le voir que de l’entendre hein.
— Prends mon
téléphone et rince-toi les yeux. J’ai pris quelques trucs ici et là, je dis amusé
et le laisse pour finir notre sac du week-end dans la chambre.
Une douche rapide et
je suis prêt. Le type est affalé pépère sur mon sofa avec un sourire immense
sur son visage qui est toujours devant mon téléphone, pourtant je ne pense pas
avoir filmé plus que cinq scènes.
— Je peux
récupérer mon téléphone monsieur?
— Ah…un dernier
tour.
— Pardon, ma
femme m’attend, je dis en le lui retirant.
— Tu vas même où
apprêté comme ça?
— Récupérer ma
famille et continuer au Ghana.
— Hieuuhh? Ghana?
Pour y faire quoi?
— La fête se
poursuit là-bas.
— Donc tu vas
encore me laisser ici quoi?
— Haha, tu es
obligé d’être à toutes les fêtes? On se revoit lundi.
***Bruce Attipoe***
J’appelle Tessa en
dernier renfort. On est samedi et il ne sonne que 18 h. Je ne veux pas le
passer à me tourner les pouces pendant que les gens partent en groupe pour s’amuser,
danser et rire. C’est l’ambiance qui me ressemble normalement. Tessa ne
décroche pas donc je supposais qu’elle était déjà à la maison, mais il n’y a
que Jennifer au visage allongé à la maison. Tessa retourne mon appel après 18 h 30.
— Elle t’a
demandé d’aller au Ghana et c’est maintenant que tu m’en parles?
— C’est la
cliente qui a décidé à la dernière minute. Je n’aurais même pas accepté si la
patronne ne m’avait pas promis une prime pour le week-end.
— OK, tu es où? J’arrive.
— Tu penses aller
où? intervient Jennifer que je choisis d’ignorer.
— J’ai déjà
traversé la frontière.
— Hayiiii! Comment
ça? Qu’est-ce qui te presse?
— La cliente voulait
qu’on soit sur place avant la majorité des invités donc l’équipe s’est répartie
dans les différentes voitures au départ du Ghana. On n’a vraiment pas eu une
seconde à nous, mais j’adore, ça me rappelle les grands événements que je
couvrais à Durban.
— Hum, on te
revoit quand alors? On peut espérer des vidéos?
— Je vais en
profiter pour voir maman aussi, donc mardi probablement et euh…, on verra pour
les vidéos après mon travail.
— OK oh, pense à
moi, je dis tristement avant de raccrocher.
Jennifer à qui je n’ai
rien demandé décide de pousser un juron et met une de ses émissions favorites. Je
me rappelle de la chanson sur laquelle la mariée dansait aujourd’hui donc je la
fredonne bien fort pour Jennifer et change le frère Yao par sœur Yawa comme
elle est née jeudi.
— C’est quoi? On
ne peut plus entendre?
Je chante plus fort.
Elle me lance un
coussin, mais je continue et claque des doigts avec une petite choré à l’appui.
Qu’elle se mouche si elle se sent morveuse.
À suivre…..
P.S 1 : La
chanson de Bruce c’était la favorite de Gisèle. Dans le chant, l’auteur dit « Frère Yao, ne me pousse pas à m’énerver, ne
déclenche pas ma colère petit-frère. Mon style de vie cause les rages des gens.
Mon bonheur provoque des céphalées. Ils se mettent à genou priant pour mon
malheur. » Je précise que frère Yao
n’existe pas, c’est juste la représentation d’une ou plusieurs personnes qu’on veut
traiter de jaloux et haineux sans les nommer directement tout comme le fait
Bruce. C’est la chanson que les chercheurs de querelle du village de mon père
utilisaient pour régler indirectement leurs comptes avec ceux qu’ils
considéraient comme les haineux dans leurs vies.
P.S 2 : C’est bon?
Vous avez libéré le quartier? Le Togolais peut se pencher sur des sujets
sérieux? Merci.