
22. Consolation
Ecrit par Samensa
DAVID
Dans mes bras, Ela est
inconsolable. Depuis que nous sommes rentrés à l’appartement, elle ne fait que
pleurer en se maudissant d’être celle qui a jeté la honte sur sa famille.
Elle n’est pas la seule à blâmer
car j’y ai ma part de responsabilité. La voir dans cet état me rend malade.
Nous avons essayé de joindre son père et sa sœur pour avoir des nouvelles de sa
mère mais personne n’a répondu. On comprend bien que nous sommes persona non
grata actuellement. Seul Papys nous a répondu et d’un ton les plus froids pour
nous marmonner que Mme Aké n’était pas sortie d’affaire.
Après avoir pleuré toutes les
larmes de son corps, Ela est assise au sol le regard dans le vide. Je
l’entraine de force à la douche pour qu’elle puisse se débarbouiller et
retourne chauffer à manger dans la cuisine.
Vingt minutes plus tard, ne la
voyant pas revenir, je vais la chercher. Je suis horrifié lorsque je la
découvre étendue au sol dans une mare de sang. J’essaie de la réanimer sans
succès. C’est avec la peur au ventre que je la conduis à l’hôpital.
Moins d’une demi-heure plus tard,
la nouvelle me tombe dessus comme un sac de glace : Ela a fait une fausse
couche. Pour moi, c’est bien trop de choses à gérer en une seule journée. Et
elle, comment va-t-elle réagir ?
Je téléphone à mon frère et à Api
qui ne décrochent pas. J’envoie donc un message à Api pour la tenir au courant.
Quant à mon frère, je préfère l’avoir au téléphone ou en personne pour le lui
annoncer. On n’annonce pas à un futur père qu’il ne le sera plus par message.
Plus tard dans la nuit, les
infirmières me font entrer dans la chambre quand elle se réveille.
-Hey. Lui dis-je doucement en
posant un baiser sur son front.
- Hello.
-Tu vas mieux ?
-Je me sens épuisée et j’ai la
bouche pâteuse. Pas du tout agréable.
Essayant de se redresser dans son
lit, elle pose la main sur son ventre et fronce immédiatement les sourcils. Sa
bouche s’ouvre d’étonnement avant qu’elle ne m’interroge du regard.
-Je suis désolé ma chérie.
-Non, non et non. Tu ne peux pas
être désolé. David ? Mon bébé ?
-Ils n’ont pas pu le sauver
Ayehla.
Elle éclate en sanglots. Je la
prends dans mes bras pour la calmer.
-Comment ça ils n’ont pas pu le
sauver ?
-…
-David, je t’ai posé une
question.
-Il faut que tu te calmes Ela.
-Et si je n’en ai pas envie
hein ! Tu vas parler, merde !
-Ma chérie, tu as eu un malaise
et le bébé… le bébé n’a pas survécu.
Ses yeux se remplissent
automatiquement de larmes.
-Non pas mon bébé.
-Ela doucement. J’essaie de la
maintenir pour l’empêcher de se faire mal dans ses mouvements.
-Mon Dieu pourquoi ? Mon
bébé était innocent. Il était innocent.
Elle devient hystérique quand je
lui dis que j’ai informé sa sœur et que cette dernière n’a fait aucun retour.
Personne dans sa famille ne se soucie d’elle.
Epuisée, elle finit par
s’endormir.
NANCY
Les babillages d’Elie me tirent
de mon sommeil. Je sursaute, surprise par l’heure déjà avancée. La sonnerie de
la maison se fait entendre à cet instant. Je vais ouvrir et suis soulagée de
voir que c’est la nounou de mon fils qui vient d’arriver. Je le lui confie et
vais m’apprêter pour le travail.
Juste après, je me rends dans la
cuisine pour prendre une tasse de café rapidement. Peu de temps après, Eric
fait son entrée dans la pièce. Il salut tout le monde avant de prendre Elie
dans ses bras pour « discuter » avec lui.
La scène est si attendrissante
que j’en ai la larme à l’œil.
-Mais pourquoi il m’appelle
celui-là ? se demande Eric à haute voix en vérifiant son téléphone.
Mon intérêt pour l’appel d’hier
s’éveille aussitôt.
-Qui ça ? Je lui demande de
manière faussement désinvolte.
-David … mon frère. Répond-il une
pointe d’ironie dans la voix.
Choquée, la tasse m’échappe des
mains pour se briser au sol.
-Eh, ça va ? Tu t’es fait
mal ? S’enquiert Eric l’air inquiet.
-Non non, ça va. La tasse m’a
juste échappé. Marie va s’en occuper. Moi il faut que je file sinon c’est le
retard assuré.
Toute tremblante et fuyant Eric
du regard, je sors de l’appartement.
David est le frère d’Eric. Mon
Dieu, qu’est-ce que le monde est petit ! De tous les hommes de cette
terre, il faut que je tombe sur le frère de cet idiot. Ils sont tellement
différents dans leur attitude que je ne l’aurais jamais imaginé. Eric est de
nature calme et attentionné, tout le contraire de cet homme rustre et
irresponsable de David.
A la pause déjeuner, je descends
au restaurant au rez de chaussée. C’est le lieu où la plupart des employés se
retrouvent pour manger. Après avoir adressé des salutations aux uns et aux
autres, je m’assois à une table du fond pour déguster mon plat de Tchep en toute
tranquilité. Je suis bientôt rejointe par un groupe de filles du service
commercial. Sans m’adresser un mot, elles continuent leur discussion qui semble
les passionner.
-Vraiment, cette histoire me
dépasse. Cette femme n’a vraiment pas froid aux yeux.
-Je t’assure. Tromper son mari
comme ça ! Et puis, ce qui me fait mal, c’est qu’il est tellement bon.
-Un homme sans histoire. Chaque
fois que je le vois passer ici, je demande à Dieu de me donner un homme comme
lui.
-Mais elle va le regretter. Le
bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu.
-Tromper son mari,
d’accord ! Mais avec son frère ?!?
La dernière phrase me fait
tiquer, attirant plus mon attention au point de me fait suivre la conversation.
-C’est une abomination !
C’est le feu de l’enfer qui va les suivre.
-Hum, j’ai pitié pour le patron.
-Franchement, M. Tra Lou ne
méritait pas cela.
M. Tra Lou ? Elles racontent
quoi celles-là ?
-Je te dis. Si tu étais à la
cérémonie de dot, tu allais pleurer. Je souffrais à sa place. Il était
tellement touché. C’est vrai que l’autre là, le David est beau et tout, mais
est-ce une raison valable de faire ça ?
Je faillis m’étouffer avec ma
nourriture. Quoi ? La femme d’Eric sort avec David ? Son frère ?
Non je ne peux le croire.
L’appétit perdu, je vais me
renseigner auprès de mon frère qui me confirme la situation. Sur le coup, j’ai
envie de lui dire que le père d’Elie est David mais je me retiens. Il faut que
je voie David avant.
Le soir, quand je rentre chez
moi, je trouve Eric encore plus déprimé qu’hier. Il est assis dans le canapé,
un verre de whisky à la main. Et à en juger la bouteille presque vide sur la
table, il n’en est pas à son premier.
Délicatement, je lui enlève le
verre de la main avant de m’assoir à ses côtés et caresser sa joue recouverte
d’une barbe de deux jours.
-Je suis tellement désolée. Tout
le monde en parlait aujourd’hui au travail. Jamais je n’aurai pu imaginer cela…
Eric je suis désolée pour ce que ta femme t’a fait.
-Je me fiche pas mal
d’elle ! crie-t-il me faisant sursauter avant de rajouter doucement :
je voulais seulement cet enfant.
-Quoi ?
-Je dis que je voulais seulement
mon enfant. Tu sais, j’ai souffert quand Ela m’a trahi. Cette femme, je lui ai
tout donné, mon cœur et âme, j’aurais tout fait pour elle. Je dis bien tout.
Hélas, je ne lui ai pas suffi. Longtemps, je lui en ai voulu au point de
vouloir la tuer de mes propres mains. Toutefois, j’en suis venu à la conclusion
que c’était le cours du destin et cela ne servirait à rien. Mais aujourd’hui…
aujourd’hui… je suis au plus bas. Nancy, je crois que j’ai touché le fonds.
J’essuie discrètement mes larmes.
Sa voix est pleine de ressentiments, pleine d’amertume. Et elle est en même
temps si profonde qu’elle arrive à me toucher le cœur. Sa douleur, j’ai
l’impression de la ressentir.
-Nancy, j’avais placé tout mon
espoir en cet enfant. Mon enfant. Le sang de mon sang. Et maintenant, qu’il
n’est plus là, je n’ai plus aucune raison de vivre. C’est en lui que je
comptais tirer la force de supporter les railleries, le regard des autres. Sans
lui, rien n’a plus d’importance. Actuellement, je veux juste mourir.
-S’il te plait ne dis pas ça. Tu
n’as pas les idées claires à cause de l’alcool. Tu devrais aller te reposer.
-Ne me dis pas ce que je dois
faire ! Crie-t-il en me repoussant violemment. Non ! Tais-toi.
Je prends sur moi de ne pas
répliquer car étant consciente qu’il n’est pas dans son état normal. La
solution c’est de ne pas m’emporter et d’essayer de lui faire entendre raison.
-D’accord. D’accord, j’ai
compris. Calme-toi. Je crois qu’il faut qu’on fasse moins de bruits sinon on va
réveiller Elie.
A ce nom, il se radoucit.
-Et merde. Dit-il doucement.
Il se prend la tête entre les
mains. J’en profite pour essayer de le prendre dans mes bras et il se laisse
faire. Il pose même sa tête sur ma poitrine puis prend ma main dans la sienne.
-Je souffre Nancy.
-Tu l’aimes toujours. Dis-je
doucement.
-On se connait depuis qu’on est
jeune. Je l’aime.
A ces mots, mon cœur se serre. Il
l’aime toujours. C’est la raison pour laquelle il a si mal. Une larme m’échappe
pour s’écraser sur sa tête lorsque j’y pose un baiser.
-Tu ne mérites pas de souffrir
autant pour une femme comme elle. Non, tu ne le mérites pas.
Il renifle en soufflant « je
sais ».
Je le serre plus fort contre moi
décidée à le veiller toute la nuit. Je veux juste qu’il se sente mieux.