à comportement de mouton, réaction de berger.

Ecrit par Farida IB


Chap 5 : à comportement de mouton, réaction de berger.


Khalil…


Mustapha (téléphone) : ça ira monsieur Khalil, pour le moment j’ai assez d’économies qui me permettent de tenir ma famille à l’abri du besoin.


Moi : certes, mais je tiens à le faire, c’est entièrement ma faute si tu t'es retrouvé dans cette malaisante situation.


Mustapha : bien sûr que non, j’ai aussi ma part de responsabilité dans cette histoire. Votre père a raison de dire que c’est pour lui que je travaille et non pour vous. J’ai maladroitement manqué de tact en vous suivant dans votre bêtise. Et pour être honnête, j’ai été poussé par la folle envie de me relaxer à ce moment précis. Ça fait près de deux ans que je n’ai pas eu de congé de plus de trois jours donc j’ai tout de suite sauté sur l’occasion. 


Moi : peut-être, mais j'en demeure l’instigateur…


Mustapha m’interrompant : monsieur Khalil, arrêtez de vous en vouloir autant. Ce n’est pas non plus comme si j’avais perdu mon boulot, il m’a simplement donné une mise à pied conservatoire. Et puis voyez le bon côté des choses, ça me permet de passer trois longs mois aux côtés de ma femme et de ma fille. Vous n’imaginez pas quel bonheur ça leur fait de me voir à la maison. (sur le ton de la plaisanterie) Encore que le week-end à Marina Bay Sands m’a permis de bien me rincer l’œil dans la piscine en hauteur. 


Moi le ton rieur : merci d’avoir révélé le secret, mon rapport à ta femme n’en sera plus que meilleur.


Il part dans un fou rire, j’attends qu’il se calme avant de parler.


Moi sérieux : je sais que tu tournes la situation en dérision par compassion pour moi, pourtant le plus grand perdant, c’est toi. J’ai mis ton professionnalisme et ta crédibilité en doute aux yeux de mon père, et c’est la raison pour laquelle je tiens une fois de plus à t’exprimer mes sincères excuses pour le désagrément causé. Je ferai tout pour rectifier le tir et peu importe ton objection, je te ferai ce virement donc tu as  grand intérêt à m’envoyer ces coordonnées ou je te l’apporte moi-même à Jakarta. 


Mustapha éclat de rire dans la voix : vous n’abandonnez donc jamais.


Moi : tu me connais pourtant.


Mustapha : d’accord, je vous enverrai ça par mail.


Moi : ce n’est pas trop tôt. Bon, je vais devoir te laisser. Il y a quelqu’un qui essaie de me joindre.


Mustapha : ok monsieur Khalil, encore merci. J’envoie mes salutations à monsieur Ussama et mademoiselle Yumna.


Moi : je t’en prie, je ne manquerai pas de les transmettre.


Click !


Je raccroche et quitte le séjour où je suivais un match de rugby pour ma chambre. Là, je fonce directement dans la salle de bain et me mets en bas de jogging à ma sortie avant de m’allonger sur le dos. Ce n’est qu’en ce moment que je décide de consulter l’historique des appels pour voir qui insistait autant toute à l’heure, c’était Yumna. Depuis notre dernière discussion, je réprime tout contact avec elle bien que j’aie pris le soin d’ordonner son virement. J’ai fait table rase sur son comportement à la seconde où ça s’est produit, néanmoins, je veux qu’elle assimile une bonne fois que je reste son aîné et qu'elle me doit du respect en toutes circonstances.   


Je repose le téléphone sur la table de chevet et remonte la plaid jusqu’à ma poitrine essayant de trouver le sommeil. 


Ça fait trois jours que suis rentré et deux jours que je m’attèle à élaguer les conséquences de mon acte. Après la discussion avec mes potes à l’aéroport de Changi, j’abhorrais l’idée que Salim prenne la défense de mon père et trouvais absurde que Jemal me demande de lui présenter mes excuses, mais après près de huit heures de vol, j’ai réalisé qu’ils avaient entièrement raison. J’ai bestialement fait du tort à d'innocentes personnes croyant faire du mal à mon père. Il a certes perdu quelques Dirhams ce jour là, mais il n’en demeure pas moins riche qu’il ne l’était et connaissant mon père, il ne tardera pas à remonter la pente. Il faut le dire, j’ai merdé sur ce coup, mais grave. 


Le vrai élément déclencheur de mon mea-culpa, c’est le fait que Mustapha ait été traité comme un paria par ma faute. L’homme de vingt ans mon aîné s’est fait expédier dans son pays d’origine comme une vulgaire marchandise le même jour où nous sommes rentrés. Papa lui a cruellement signifié une mise à pied conservatoir par mail. Encore une autre répercussion de cette histoire, il ne communique plus avec nous que par messagerie. Encore qu’il ne répond à mes messages que de façon laconique malgré les tonnes de messages d’excuses que je lui envoie. Vivement, qu’il rentre pour qu’on en finisse parce que là, c’est plus qu’une torture pour moi de ne pas savoir à quoi m’attendre. (soupire.)


Ping SMS.


Yumna : « SOS »


Je soupire longuement avant de répondre.


Moi : « Qu’est-ce que tu veux ? »


Yumna : « Grand frère chéri, je suis sincèrement navrée de t’avoir manqué du respect. Je ne sais vraiment plus dans quelle langue te présenter mes excuses. »


Moi : « j’avais compris. »


Yumna : « je n’aurai pas dû te parler ainsi, je sais et j’en suis désolée »


Moi : « Yumna, j’ai dit que j’ai compris, c’est quoi ton urgence ? »


Yumna : « je n’arrive pas à retirer l’argent que tu m’as fait virer »


Moi plissant le front : « Comment ça ? Et qu’elle explication t’ont-ils donné à la banque ? »


Yumna : « je peux t’appeler ? S’il te plaît… »  


Moi : « Vas-y ! »


A peine je reçois le message de confirmation que le téléphone sonne.


Moi décrochant : oui Ben Zayid !


Yumna (pleurs) : mon compte a été gelé, je ne sais pas par qui, ni pourquoi. 


Moi fronçant les sourcils : comment ça gelé ? Ils t’ont dit quoi ? 


Yumna hoquetant : ils refusent de me dire les causes, ça fait trois jours que je fais le défiler. Ce matin le gestionnaire n’a même pas voulu me recevoir (sanglot) je n’ai plus rien dans le frigo, je mange du pain de mie à longueur de journée juste pour ne pas crever de faim.


Moi : comment ça se fait ? Tu veux me faire croire que tu n’as pas de liquidité sur toi ? Ne serait-ce que pour t’acheter de la pizza ?


Yumna la petite voix : non


Moi interloqué : pardon ? (sur un ton de reproche) Petite, comment dépenses-tu ton argent ? Papa te vire un équivalent de 2000 $ toutes les fins du mois, en plus de ce que tu nous rackettes, je ne parle même pas de ta bourse. Avec tout ça comment tu t’arranges pour te retrouver sans le sous ?


Yumna bégayant : j’ai…. J’ai…


Moi lui criant dessus : tu quoi ? (silence) Mais parle bon sang !! (hurlant) Que fais-tu avec l’argent qu’on te donne ?


Yumna la voix à peine audible : j’ai réglé des dettes.


Moi : je n’entends rien !!


Yumna d’un trait : j’ai réglé des dettes avec le reste de mon argent.


Moi : quel genre de dette ? C’est toi qui rembourses les dettes extérieures des USA ?


Silence.


Moi : tu vas me répondre ???


Yumna : je l’ai utilisé pour payer le dernier Iphone (XS).


Moi bourru : et bien croque dans la pomme derrière et bois l’eau fraîche dessus. Connerie comme ça !!!


Elle éclate en sanglots au moment où je raccroche sans compassion pour elle. Qu’elle pleure du sang si elle veut. Si ce n’est pas de la bêtise, après, c’est pour qu’on dise que c’est Khalil le roi des bêtises !!!


Je rumine un moment avant de me laisser tomber dans les bras de Morphée. Le lendemain, je reçois le mail de Mustapha pendant que m’apprête à partir au boulot. Sitôt je contacte mon gestionnaire de compte dans l’intention de faire virer les indemnisations des ayants droit du vol qui fâche et par ricochet la somme exacte du salaire que Mustapha devait percevoir durant les trois mois creux. Je raccroche plus tard et me saisis de mon attache-case avant de sortir de l’appartement. Je passe dans celui des parents pour saluer maman qui soit dite en passant ne m’a pas rater à mon retour. Je la retrouve à la cuisine où elle est occupée à presser des pamplemousses, oranges et citrons.


Moi bisou sur sa tempe : bonjour maman


Maman : bonjour fiston.


Je me sers un verre de son jus que je bois debout une main en appui sur la table à manger. Je prends ensuite un croissant avant de me servir un autre verre.


Maman me fixant : mais assois-toi correctement pour prendre ton petit déjeuné. 


Moi mordant dans le croissant : non ça va, il faut que j’y aille. J’ai du boulot à rattraper. 


Maman maugréant : c’est toujours comme ça avec vous, je passe mon temps à préparer des mets que personne ne mange. 


Je la regarde ranger le blendeur avec un petit sourire.


Maman reprenant : ton frère vient de quitter après le même scénario ! Et dire que je perds mon temps à préparer les mets préférés de tout un chacun de vous. 


Moi prenant place : c’est bon maman, je vais manger.


Maman : tu as intérêt !


Elle me sert du café, un plat de baked beans (haricots cuits au four) avec des saucisses, du bacon, des œufs, des champignons, des hash browns (rusties de pomme de terre) et des toasts. Elle dépose ensuite un autre plat d’olives noires, de raisins, de myrtilles, fraises, bananes et oranges découpé en dés, à côté du premier. J’entame à peine celui-ci qu’elle dépose un troisième plat d’œufs brouillés et de beignets farcis aux pommes de terre.


Moi plissant les yeux : tu veux que je mange tout ça dès le matin ?


Maman appuyant mes bras : il faut bien que tu te nourrisses ! On ne voit plus que tes os. 


Moi : lol.


Pendant que je mange, elle prend place à côté et me fixe avec insistance.


Moi : tu veux t’assurer que je finisse tout ça, n'est-ce pas ?


Maman souriant : j’avoue que ça m’a traversé l’esprit, mais non. Mange ce que tu peux, du moment où tu le fais, ça me fait plaisir. 


On s’échange un sourire.


Maman (du tic au tac) : ta sœur t’a appelé ?


Là, tout se comprend, la nunuche est déjà partie pleurer dans les jupes de sa maman.


Moi coupant court : je vais m’en occuper toute à l’heure.


Maman me montant la joue : merci.


Je prends une dernière gorgée de ma tasse avant de prendre une lingette pour me nettoyer la bouche et les mains.


Moi : il faut toujours que tu couvres les bêtises de ta fille hein.


Maman : ce n’est pas ce que tu crois.


Moi : en tout cas ! (me levant) Bon, j’y vais.


Maman : c’est tout ce que tu as mangé ?


Moi : je suis repue maman, dis est-ce que tu sais quand papa rentre de son voyage ?


Maman : aucune idée.


Moi : ok.


Trois heures plus tard, alors que j’évaluais la notoriété de la nouvelle start-up qui m’a été récemment confiée, mon gestionnaire me rappelle pour m’informer que mon compte a également été bloqué. Je n’ai pas fait long feu pour comprendre qu’il y a le cheikh derrière cette histoire. Comme je suis en mauvaise fortune, j’ai passé outre ma colère et j'ai décidé de faire les transactions depuis mon compte en Suisse. C’est le compte que j’utilisais lorsque j’étudiais encore sur place, je l’ai gardé pour en faire un compte épargne et fort heureusement que papa ignore ce pan de ma vie. 


Je travaille encore jusqu’à 15 h avant de me rendre dans une banque pour faire un Small World à Yumna. Sitôt qu’elle reçoit le bordereau de la transaction qu’elle m’envoie un message.


Yumna : « yes you are the best, c’est pour ça que tu es mon frère préféré ».


Moi : « oui c’est ça !! » 


Dring Driing !


C’est elle qui appelle.


Moi directe : tâche de l’utiliser à bon escient. À l’instar de ton compte, le mien a été bloqué.


Yumna :  really ?


Moi : je suis sûr que c’est papa, mais ce qui est curieux, il n’a pas touché à celui d’Ussama. Me concernant, je connais les raisons qui l’ont motivé à le faire, mais je ne trouve aucune raison qui le pousse à te punir toi. Tu es sûr que tu ne lui as rien fait ?


Yumna : nop, pas que je sache.


Moi : je verrai ça avec lui à son retour.


Yumna : merci big bro, est-ce que je t’ai déjà dit que je t’aime gros comme ça ?


Moi : dégage !!


La semaine s’écroule laissant place à la suivante. Entre le silence de mon père qui me torture psychologiquement et le boulot, j’ai presque délaissé mes potes qui commençaient à s’en plaindre. J’ai donc aménagé mon programme en ce vendredi soir pour les rejoindre à notre endroit habituel. 


Jemal (dès qu’il me voit) : c’est quoi cette tête man ?


Moi (prenant place à côté de Salim) : bonsoir


Eux : bonsoir


Salim plissant les yeux : qu’est-ce que tu as ? Tu es malade ?


Moi soupir lasse : vous en savez quelque chose.


Salim : encore l’histoire du vol annulé ?


Moi évasif : entre autres ! Le cheikh m’a déclaré la guerre, figurez-vous qu’il a fait geler mon compte.


Jemal : ouch !! Mais frère présentes-lui tes excuses une fois pour attendrir son cœur Cette histoire va beaucoup trop loin.


Moi soupirant : encore faut-il qu'il me réponde !


Salim : continue, tu es sur la bonne voie ne te décourage surtout pas. C’est ton père, il reviendra à de meilleurs sentiments.


Jemal (se tournant vers moi) : ça j’en doute, il compte te faire payer ça dur.


Je lève les yeux et le regarde intrigué.


Moi : tu es au courant de quelque chose ?


Jemal : non enfin, j’ai surpris un appel vidéo entre mon père et lui ce matin. J’ai pu entendre qu’il parlait de toi, mais je n’ai rien pu saisir parce que le vieux a été habile comme d’habitude.


Moi affaissant mes épaules : hmmm, rien ne sort de bon d’une conférence de ces deux-là.


Jemal : tu en sais quelque chose !! En tout cas, attends-toi au pire.


Moi geste évasif de la main : je suis un caïd.


Salim sarcastique : oui oui le genre de caïd qui perd ses couleurs devant une bataille.


Je lui donne un coup de coude et Jemal a un rire moqueur. On passe sur d’autres sujets plus gais avant que je ne les quitte deux heures plus tard. L’ambiance à la maison n’était plus la même que ce matin. L’effectif des gardes a doublé et la procédure de contrôle un peu plus stricte. Ce qui me met la puce à l’oreille. Dès que je traverse le hall d’entrée, je manque de bousculer des domestiques qui vont en tout sens. De toute évidence, le Cheikh est là !


Je ressors du hall de l’entrée principale et fais le grand tour pour me retrouver dans le sous-sol abritant les ascenseurs, je prends le mien et me retrouve sans tarder dans mon appartement. Je sais que je vais devoir l’affronter tôt ou tard, mais il faut que je choisisse le bon moment ou bien ?


Dans ma chambre, je troque rapidement ma tenue de ville contre un bas de pyjama gris et un tee-shirt blanc à col V. Je m’apprête à m’asseoir sur le sofa du salon lorsque la porte s’ouvre sur Ussama. 


Ussama : salam Aleik, bonsoir. 


Moi : aleik salam, bonsoir. 


Ussama sourire en coin : le cheikh est rentré.


Moi : j’ai remarqué.


Ussama sourire moqueur : c’est pour ça que tu as fait le tunnel ? 


Je lui lance un regard sévère.


Ussama continuant : en tout cas ! Je t’ai vu lorsque tu rebroussais chemin et papa aussi donc il m’envoie te chercher. Il dit qu’il t’attend dans son bureau dans deux minutes.


Moi : ok !


Je me lève et le suis sans rechigner, là, j’essaie de jouer à l’indifférent devant mon frère, mais j’avoue que mon cœur bat à un rythme effréné. Non parce que j’ai peur des représailles, mais j’ai peur de ne pas trouver les mots justes pour mettre fin à ce massacre.


On arrive dans le couloir au bout duquel se trouve le bureau de papa lorsque Ussama me lance.


Ussama : je me sens comme un pénitencier qui envoie un prisonnier à la guillotine krkrkr.


Moi (lui donnant une tape) : dégage !!  


Ussama : kiakiakiakia !! Bonne chance frérot.


C’est devant le bureau qu’on se sépare. Il rejoint maman à la cuisine pendant que je toque avant d’ouvrir. Je trouve papa en train de consulter des documents éparpillés devant lui, le bon monsieur a le regard bien courroucé comme ça derrière ses verres. 


Ça promet !!


Moi me rapprochant de lui : Salam Aleik, papa, soit le bienvenu.


Il ne prend même pas la peine de relever les yeux avant de m’indiquer la chaise en face de lui d’un geste de la main. Je prends place docilement. Pendant un moment, il ne dit toujours rien donc je décide de prendre la parole.


Moi le ton posé : je te présente mes excuses papa, pour ce qui s’est passé. Je sais que c’est la goutte de trop, mais c’est ma façon à moi d’exprimer ma frustration. Tu me fais me sentir comme le vilain petit canard parmi tes enfants, tous mes efforts pour te complaire ont toujours l’effet contraire. (souffle) Papa, ce soir, j’aimerais qu’on puisse trouver un compromis, parlons-nous, vraiment, entre hommes. Je ne suis plus un gamin pour que tu veuilles à tout prix régenter ma vie. Je veux que tu me laisses vivre ma vie selon mes choix. Laisse-moi te prouver que tu peux me faire confiance et je promets de ne pas te décevoir. Je te prie d’arrêter la sanction de Mustapha, c’est entièrement ma faute. J’ai déjà pris le devant des choses en remboursant les indemnités des passagers et présenter les excuses à qui de droit. Je pense ainsi pouvoir rattraper le tir.


Papa (levant enfin les yeux sur moi) : et selon toi, c’est le palliatif idéal pour effacer les souvenirs de ce jour dans leur mémoire n’est-ce pas ?


Moi : euhhh


Papa le ton toujours posé : je suppose que pour avoir étudié les relations publiques, tu as rencontré les mots « bouche à oreille » et « mauvaise publicité » au moins une fois au cours de ta formation.


Moi : papa…


Papa haussant le ton : est-ce que tu as une idée du nombre de personnes à qui ces deux cents passagers iront relayer l’information malsaine sur ma compagnie aérienne ?


Moi :… 


Papa lancé : Khalil, j’essaie de faire de toi un homme sage depuis tout petit, mais c’est à croire que j’ai perdu trente années de ma vie dans le néant. Il a toujours fallu que je prenne les décisions à ta place puisse que tu as l’air d’ignorer ton statut. Penses-tu que je suscite respect et admiration dans cette ville seulement parce que je suis un guide ? Mais non !! C’est parce que j’ai toujours été un modèle pour eux. Et c’est exactement ce que je veux faire de toi (haussant un le ton) UN MODELE. Tu penses que c’était plaisant pour moi de t’éloigner de nous à 13 ans ? Ou tu penses peut-être que c’est à cœur gai que je t’ai laissé passer 15 ans à l’étranger ?


Moi :…


Papa criant : j’ai priorisé ton honneur au détriment de notre bonheur en famille pour la simple raison que tu es un prince héritier. Pour que demain, tu puisses tenir la dragée haute aux membres de ta congrégation. Tu n’es pas cheikh aujourd’hui, mais de toute évidence, tu le seras après ma mort. Par conséquent, tu devras être digne d’être pris pour exemple en matière de religion et non quelqu’un qui soit désobéissant ou mauvais en privé. Et ça, ça se prépare depuis le berceau. Tout dépend de l’image que tu projettes à la société depuis lors. Penses-tu que les gens prendront pour exemple un guide qui est rare dans les mosquées, qui organise des fêtes à non-sens, qui a un harem dans son palmarès et qu’on voit toujours en compagnie des stars de musiques et de la mode alors que ces choses sont réprimandées dans la religion ?  


Moi la voix inaudible : non.


Papa continuant : je t’ai laissé rentrer, car je pensais avoir accompli ma mission, mais depuis deux ans tu t’attèles à tester ma patience. Tu me demandes de te laisser faire tes choix alors qu'à trente ans Khalil (comptant des doigts) tu n’es pas fichu de nous présenter une femme. Tu es toujours dans des histoires louches et cerise sur le gâteau, tu t’attaques à ma compagnie aérienne. C'est ça le choix de l'adulte que tu clames être ?


Moi sur un ton agacé : mais j’ai payé les dommages collatéraux qu’est-ce qu’il faut que je fasse de plus ?


Papa piqué au vif : tu as payé avec quel argent ?


Moi sur le ton de défi : mon argent !


Papa : l’argent oui, vous en avez et c’est ce qui vous monte à la tête. TOUT ÇA C’EST FINI ! Cet argent qui t’enorgueillit et qui te donne la grosse tête que tu transportes, c’est le mien, gagné à la sueur de mon front. Donc tu vas devoir faire de même, tu vas devoir travailler pour en gagner.


Moi marmonnant : ce n’est pas comme si je n’avais pas un travail non plus.


Il se lève furibond de sa chaise l’air de vouloir me donner une gifle parce qu’il y a sa main qui est calée en l’air en ce moment. Par réflexe, je décale d’une chaise. On se jauge du regard un moment et il finit par soupirer profondément avant de se rasseoir.


Papa ton ferme : où tu te tais pour écouter ce qui va suivre ou tu finis cette nuit même au Zoo de Singapour.


Hmmmmmmmmmmmm !!!!


 Papa (me jetant une chemise dossier à la figure) : voici ton contrat de travail, tu travailles désormais pour Sharif. (le père de Jemal) Tu as une première mission dans une semaine au To Go.


Moi : to go where ?


Il me lance un regard assassin avant de reprendre.


Papa : je répète, tu seras en collaboration avec son community manager au To go. Il y a ton billet d’avion et un chèque dans la chemise. Le chèque, c’est une avance sur ton salaire. La CM se chargera de ton installation, tu as une semaine pour t’apprêter.


Silence


Moi essayant de contenir ma rage : je peux parler maintenant ? 


Papa : vas-y !


Moi : déjà To go, c’est sur quelle planète ? Et mon agence, qu’est-ce que c’est censé devenir ?


Papa me singeant : déjà To go, c’est en Afrique et tu as sept jours pour fermer ton pseudo agence. (désignant la porte) J’en ai fini.


Je n’attends pas avant de bondir vers celle-ci, non mais n’importe quoi ! Je m’apprête à ouvrir la porte lorsqu’il me stoppe.


Papa : et que ce soit bien clair, vous avez tous interdiction d’envoyer de l’argent à Yumna. Par quelque manière que ce soit !! Me suis-je bien fait comprendre ?


Pour toute réponse je claque la porte et me dirige vers ma chambre tout furieux. Je croise Ussama qui voulait lancer un pique, mais se ravise aussitôt en avisant mes yeux, ensuite il y a maman qui sort à son tour de la salle à manger et me regarde avec compassion.


Maman : je suis désolée fiston.


Moi continuant de marcher : je suppose que tu étais au courant de ses manigances.


Maman : j’ai essayé de le dissuader tu sais ? Mais tu connais ton…


Moi bourru : comme si tu allais pouvoir lui faire changer d’avis !!


Maman regard contrit : je suis désolée, il fait ça pour ton bien…


Je ne l’écoute plus parce que je descends les escaliers deux par deux pour rentrer dans mon appartement. 





 


Le tournant décisif