chapitre 3 : leila

Ecrit par leilaji

LOVE SONG
Tome II
(suite de Xander et Leila + Love Song)

Leila

Episode 3

Après cette nuit sans sommeil à me demander qui j’étais devenue à soupçonner mon mari des pires choses, je décide de reprendre mes esprits quelques jours plus tard. Je me focalise peut-être trop sur ce bébé qui refuse de pointer le bout de son nez. Je vais tout simplement lâcher du lest. J’envoie un mail au gynécologue en charge de mon cas et lui indique que j’ai besoin de temps pour faire une nouvelle tentative. De toute manière mon corps a besoin de se reposer.
Après un petit coup d’œil au réveil, je vois qu’il est 7 heures du matin et je sais que j’ai laissé trop de dossier en suspens. Il faut donc que je m’y rende que je m’en sente capable ou pas.
Moi qui n’ai jamais tellement aimé me maquiller, je me mets maladroitement de l’anticerne, un trait de khol et du brillant à lèvres pour ne pas avoir l’air trop négligée. Les clients n’ont pas envie de savoir que celle qui règle leurs problèmes a elle-même des problèmes. Une fois prête,  je prends le volant et me rends à mon cabinet.
Je suppose que personne ne s’attendait à me voir débarquer au cabinet car on est en fin de semaine. Après un petit silence gênant du à la surprise de me voir et au fait que la plupart de mes collaborateurs sont tous rassemblés au hall d’entrée à bavarder au lieu d’occuper leur bureau, chacun reprend sa place. Ne reste que mon assistante, qui occupe habituellement l’accueil.

— Bonjour Madame Khan, me salue-t-elle poliment.
— Bonjour madame Mireille, je réponds à mon tour en lui souriant. 

J’ai pris l’habitude depuis très longtemps d’appeler les personnes plus âgées que moi avec autant de respect que le voulaient nos traditions. Cela étonne parfois certains clients mais je ne m’en formalise pas.

— Vous allez mieux ? questionne t-elle avec une petite note d’appréhension dans la voix.
— Oui. Ca va merci. Tout se passe bien ici ?
— Oh … Ca a été un peu difficile ici ces derniers jours Madame Khan.
— Oui je sais. Vous avez tenté de me joindre sans succès, j’en suis désolée.
— Oui. Mais … je crois… dit-elle d’une voix tremblante en jetant de petits coups d’œil vers les portes des bureaux des collaborateurs.
— Suivez-moi dans mon bureau. Ce sera plus simple pour discuter.

Elle prend l’agenda et me suit à petits trots. Je sors mes clefs de mon sac, ouvre et m’installe tout en lui demandant de fermer la porte et de prendre place face à moi. Puis je lui laisse le temps de se décider à s’épancher en la regardant tranquillement.

— Je vais devoir démissionner…
— Pourquoi ? Vous… avez trouvez une meilleure place ?

Mon ton peut sembler irrité mais je suis déçue qu’elle me laisse tomber. Une employée comme elle, on n’en trouve pas aussi facilement que ça. Elle a un certain âge mais ne manque jamais d’être à son poste à 7 heures 30 précise et fait son travail avec soin.

— Vous n’engagez au cabinet que lorsqu’une personne est recommandée par quelqu’un d’ici. Quand Mélanie a quitté le cabinet en suivant son mari en France, je vous ai emmené ma jeune nièce fraichement diplômée en comptabilité pour la remplacer. Je l’ai prise sous mon aile pour que les autres ne la taquinent pas trop. Quand elle faisait des erreurs au début, je les rattrapais avant que vous ne tombiez dessus. Je l’ai souvent invitée à la maison pour qu’elle se sente à l’aise et…
— Et ?
— Elle couche avec mon mari, me crache –t-elle avec rage.

Je ne m’attendais tellement pas à ce rebondissement que j’écarquille les yeux de stupeur.

—  Tout le cabinet est au courant parce que le lendemain du jour où j’ai tout compris, dès que je l’ai vu ici au cabinet je n’ai pas pu me retenir.  Je l’ai frappée. Elle s’est blessée à la tête. Elle a fait faire un certificat médical et elle porte plainte contre moi… Je ne peux pas vous demander de la virer pour ça, ça ne concerne pas son travail ici mais je ne supporte plus de la voir chaque matin. J’étais tellement en colère contre …

Les larmes roulent sur ses joues et je ne sais pas quoi lui dire. Je ne suis pas douée pour consoler les gens. Je sais juste résoudre des problèmes de dossier pas de problèmes de cœur.

— J’ai honte. C’est malheureux hein. C’est lui qui me trompe et c’est moi qui ai honte. Lui c’est un homme, qui lui reprochera de m’avoir trompée. Mais elle, c’est ma nièce, nous sommes de la même famille, je lui ai trouvé un travail, je l’ai prise sous mon aile et c’est comme ça qu’elle me remercie. Je ne comprends pas.
— Je suis vraiment désolée… vraiment.
— J’aime beaucoup mon travail. Ca me fait de la peine de partir…
— Alors ne partez pas !
— Je vais vous parler de femme à femme. Je vais oublier que je suis votre assistante. Dans ma famille, on me dit que je suis la femme, celle qu’on a épousée et que je n’ai qu’à supporter cette honte, que ça va passer. Nous avons eu une réunion de famille hier. Au cours de cette réunion mon mari a pris la parole. Je devais y assister et faire comme si de rien n’était. Mais j’entendais les chuchotements, je sentais les regards posés sur moi et sans même m’en rendre compte je me suis mise à pleurer. C’est mon petit neveu qui a essuyé mes larmes et qui m’a demandée ce qui n’allait pas. Je n’ai même pas pu lui expliquer. On va en mariage avec un panier percé, pour ne pas garder dans son cœur toutes les vilénies qu’on va subir au cours de ce mariage. Quoique ton mari te fasse, il faut le mettre dans le panier percé pour ne pas garder la douleur avec soi.  J’ai supporté déjà tellement de ses bêtises ! Tellement. Des gamines qu’il a engrossées aux collègues de son bureau… Mais ça … ma fille, ce n’est pas avec un panier percé qu’il faut aller en mariage mais avec un corps sans cœur ! Les hommes ! Les hommes. Aujourd’hui j’ai 52 ans, et autour de moi aucun couple n’a résisté à l’avidité de l’homme. Aucun. Nous sommes toutes bafouées et trompées sans aucune exception. La seule différence entre les femmes c’est que certaines le savent et l’acceptent, les autres l’ignorent. A mon âge accepter est devenu une routine. Mais le peu d’orgueil qu’il me reste refuse de voir cette jeune fille tous les matins. C’est trop me demander et vous aussi vous vous y mettez… Il faudra prendre une autre assistante.
— Je ne veux pas une autre assistante. Vous me connaissez déjà. Vous ne vous formalisez pas de mon apparente froideur. Vous travaillez sans jamais rechignez à la tache.
— Je ne peux pas rester si elle reste et si elle perd son travail… On va me le reprocher.
— Madame Mireille, vous ne pouvez pas être celle qui est bafouée et celle qui perd son boulot. Je refuse que vous perdiez sur tous les tableaux. Mais avant de prendre ma décision, je dois l’écouter aussi. J’espère que ça ne vous dérange pas. 

Pour toute réponse, elle secoue doucement la tête puis quitte le bureau. J’ai une tonne de courrier à signer qui trainent sur le bureau. J’appelle madame Mireille et lui demande de venir les récupérer pour les mettre sous plis. Et pendant ce temps, j’analyse la situation. Ai-je le droit de licencier cette jeune femme ? J’inspire un grand coup et décide d’aller la chercher pour une petite discussion.

Je me rends au principal bureau des collaboratrices qu’elles partagent à quatre et salue tout le monde. Mes yeux se posent sur Joséphine et pour la première fois je la regarde autrement que comme la jeune stagiaire qu’elle est. Je pense à Madame Mireille et reconnais au fond de mon cœur qu’il est difficile pour toute femme de 52 ans de rivaliser avec la beauté et la jeunesse de Joséphine.

— Bonjour Joséphine.
— Bonjour Madame Khan.
— J’ai eu un entretien avec Madame Mireille et j’aimerai avoir le même entretien avec vous. Suivez-moi, on va en parler au calme.
— Que vous a-t-elle raconté ? me demande –t-elle sans quitter son ordinateur des yeux.
— Pourrions-nous en parler dans mon bureau ? j’insiste avec un peu plus de fermeté.
— Si elle veut partir qu’elle parte. Moi je ne laisserai pas ce travail à cause de son mari. Elle me frappe et elle va se plaindre chez vous !

Son attitude hargneuse commence à sérieusement me chauffer les oreilles.

— Il me semble que je vous ai demandé de me suivre… je répète tout en conservant mon calme car le regard des autres collaboratrices pèse sur nous.
— Je sais déjà ce que vous voulez faire. Mais je ne vais pas accepter ça facilement. Je travaille bien. Pourquoi c’est à moi de partir ?
— Bon premièrement mademoiselle, je voulais tout simplement entendre votre version des faits mais j’avoue que votre attitude non professionnelle me dérange au plus haut point… Il y a une bonne ambiance dans mon cabinet, je me décarcasse pour créer l’esprit d’équipe, de la cohésion mais votre comportement est en train de tout détruire et ça je ne peux pas le permettre. Vous me comprenez ?
— Ok. J’ai couché avec son mari. Ce n’est pas la fin du monde. Ca ne met pas en doute mes compétences… Vous ne pouvez pas me virer pour ça. Ou tout va finir à l’inspection du travail !
— C’est une menace ?
— Je crois que maintenant vous savez que je n’ai pas froid aux yeux.
— Il y a une différence entre ne pas avoir froid aux yeux et être complètement aveuglée par sa bêtise.
— Et vous savez de quoi vous parlez n’est-ce pas ? Vous faites semblant de prendre la défense de ma tante alors que votre mari fait la même chose dans sa société là-bas. Il couche avec ma cousine et tout le monde le sait. On n’a viré personne là-bas pour ça.

J’inspire et expire profondément. Ok. C’est une journée de merde. Une vraie journée de merde. Qu’est-ce qu’elle ose dire ?

— Vous êtes virée!

Elle me regarde longuement. Puis commence à rassembler ses affaires. Mais avant que je ne quitte l’open space, elle ajoute :

— Ce n’est pas fini, ca je vous le promets! Et vous allez le regretter.
— Celle qui va me faire regretter quelque chose d’aussi important que maintenir le bon fonctionnement de mon cabinet n’est pas encore née, je réplique immédiatement.
— Je ne parlais pas de votre cabinet mais de votre mariage.

Avant que je ne fasse quelque chose que je pourrais regretter, je m’en vais pour de bon et demande à ce que Madame Mireille me transmette la liste de mes rendez-vous à rattraper. La journée va être très longue.

*
**

Je rentre à peine du cabinet et il est quasiment 19 heures 30. Je ne sais pas quoi faire de cette soirée depuis que  j’ai décidé d’arrêter de regarder toutes les 5 minutes mon téléphone. Les paroles de cette foutue Joséphine tournent en boucle dans ma tête.
Je reçois un message d’Elle qui me fait sourire, je la rappelle aussitôt. On est capable de rester des heures au téléphone à parler de trucs complètement idiots. Peut-être même acceptera –t-elle de venir à la maison passer la soirée avec moi. Je sais que les enfants sont chez leurs grands-parents.

— Et le boulot ? Tu as pu régler le problème de Mireille ?
— Elle t’a racontée ? je demande en me dirigeant vers la cuisine pour y grignoter quelque chose.
— Elle m’a appelée en pleurs, elle a raconté ce qu’elle a pu.
— En plus la gamine m’a menacée… je vais l’écrabouiller, elle ne sait pas ce qui l’attend.
— Wooo ? Quelle gamine ?

Je lui fais un bref un résumé de la matinée en m’installant devant un bol de raisins. Je n’ai quasiment rien mangé de la journée mais j’ai l’estomac bien trop noué pour avaler quelque chose de consistant.

— Elle est folle cette fille, s’exclame Elle en éclatant de rire à la fin de mon récit.
— Dis-moi Elle… Est-ce que tu connais … un couple heureux ? je veux dire un couple qui a déjà fait quelques années ensemble et où il n’y a jamais eu de rumeur d’infidélité. Est-ce que tu en connais ?
— Tu veux la vérité ou le conte de fée ?
— La vérité…
— Non. Je n’en connais pas. Et toi ?
— Adrien et toi.
— Nous on ne compte pas vraiment… on est un jeune couple même si on en a déjà vu des vertes et des pas mures.
— Oui mais il t’aime depuis si longtemps déjà. Il pourrait te tromper tu penses ?
— Dans 10 ans quand mes rides apparaitront et qu’il sera toujours beau gosse avec des abdos bien fermes et que les gamines de 20 ans le poursuivront... Il sera très difficile pour lui de résister. Mais j’espère de tout mon cœur qu’il le fera. Tu sais ce qu’il m’a dit un jour… Que chaque putain de matin, il se lève et il me choisit moi Elle Oyane et pas une de ces nombreuses pétasses qui trainent dans Libreville. Ca c’est mon homme… Mais pourquoi tu me poses ces questions ?
— Je ne sais pas … j’ai l’impression que vieillir c’est perdre ses illusions. Je ne sais pas si je dois me préparer à accepter certaines choses ou …
— Lei…
— Oui.
— Lei…
— Oui Elle…   
— Si tu venais avec nous ?  me demande-t-elle tout de go. On sort ce soir.

Ce changement brusque de sujet tombe à point. Je m’apprêtais à lui révéler mes doutes.

— Non, j’ai pas la tête à ça…

Il n’y a rien de pire que d’être avec Elle et Adrien lorsqu’ils jouent aux amoureux. J’ai toujours cette pointe de jalousie qui m’horripile lorsque j’entends Adrien annuler des sorties avec ses potes pour rester avec elle.

— Tu préfères rester enfermée chez toi plutôt que de revoir mon frère qui m’a aidée à organiser ton mariage à la coutume ?
— Gnare est là ?
— Oui, il rentre à peine de POG (Port-Gentil). Allez fais lui plaisir. Adrien veut nous emmener dans un nouveau coin où on bouffe bien. Tu sais que lui et la nourriture c’est une grande histoire d’amour. Et puis moi ca me permet de souffler parce que je ne te raconte pas les énormes marmites que je suis souvent obligée de préparer pour lui et les enfants. On dirait la nourriture de la cantine.

J’éclate de rire. Je sais que même si elle s’en plaint, elle adore s’occuper d’eux. Rien ne lui fait plus plaisir qu’une belle table bien mise et des dizaines de personnes pour partager le repas. Je regarde autour de moi et la maison, toujours bien arrangée, complètement silencieuse laisse un malaise en moi.

— Si je viens, tu m’en devras une.
— Aka (exclamation). C’est moi qui te sors et c’est moi qui vais t’en devoir une ?
— Oui.
— Hum. D’accord. Mais je te préviens. Habille-toi. Si tu ne veux pas faire l’objet de remarques sarcastiques de la part d’Adrien. 
— Pardon, Elle. Je n’ai pas tes formes généreuses ni …
— Engogol (pardon), je ne veux pas d’excuses. La vie est courte ma belle. On est encore jeunes toutes les deux. On profite. Cette jeunesse et cette beauté sont éphémères. On sort, on s’amuse un peu et tu rentres. C’est juste pour te changer les idées, souffler un peu.
— Si tu le dis.
— Leila. Tu as en besoin. Crois-moi quand je le dis. 
— Ok.
— On vient te chercher à 20 heures.
— D’accord, je serai prête.
— Et Khan, tu as de ses nouvelles ? Il rentre quand ?
— Je ne sais pas.

Elle soupire et raccroche quelques secondes plus tard. Il ne me reste plus qu’à me préparer pour une sortie improvisée. Ca faisait longtemps que ça m’était arrivée…

Après avoir passé en revue la plupart de mes nouvelles robes aux coupes classiques que Xander  apprécie parce qu’elles ne dévoilent rien de gênant de mon anatomie, je me rabats sur le placard où j’ai rangé mes anciennes robes. Vive les soirées improvisées !

*
**

L’ami de Gnare dont j’ai déjà oublié le prénom n’arrête pas de me faire rire. Ca fait longtemps que j’ai été aussi détendue. Adrien chuchote encore des secrets à Elle tandis que Gnare discute d’opportunité d’emploi avec un autre de ses collègues qui nous a accompagne pour la soirée. On est au Mississipi, un petit restaurant gabonais sans prétention situé au centre ville, qui sert de bonnes brochettes et du poisson frais à la braise. Rien que leur piment vert écrasé me donne l’eau à la bouche. La propriétaire vient à peine de nous faire servir et nous bavardons tous gaiement. 

— J’aime beaucoup ton rire, me chuchote l’ami de Gnare.
— J’espère que tu aimes tout autant l’alliance qui brille à mon doigt, je réplique immédiatement.
— Vous les femmes vous n’êtes pas croyables ! dit-il en buvant sa bière. On ne peut plus rien vous dire sans être directement attaqué. Je te trouve très belle et j’aime bien ta compagnie c’est tout. Si j’ai accompagné Gnare à Libreville c’est parce que ma copine vit ici. Elle vient de m’annoncer qu’elle est enceinte alors qu’on n’était pas vraiment prêt. Mais je suis heureux. Je ne te drague pas. C’est juste que… je suis heureux, dit-il avec un sourire lumineux.

C’est un homme amoureux de sa copine qui me parle, je n’ai plus aucun doute la dessus. Du coup j’essaie de me détendre et de ne pas lui pourrir sa soirée.

— Félicitations, je murmure malgré la douleur fulgurante qui me vrille le cœur.
— Merci. Hé ca va ? Tu es toute pale.
— Ca va. Je m’excuse pour ma réflexion de tout à l’heure.
— Y’a pas de souci. Je sais que j’ai toujours l’air d’être en train de draguer mais ceux qui me connaissent bien savent que je suis comme ça c’est tout. Toujours de bonne humeur et super sexy … ajoute-il avec un clin d’œil qui me fait sourire.

Il ne se prend pas au sérieux. Je farfouille dans mon riz et demande à Elle de me passer le piment. Ce qu’elle fait sans même me regarder, absorbée qu’elle est par la jeune fille qui passe à coté de notre table. La fille en question fait un clin d’œil à Adrien qui lui sourit gentiment. Aussitôt il reçoit une tape d’Elle, furieuse qu’il ne se cache même pas pour mater

— Quoi ? Elle me fait un clin d’œil, je ne vais pas vomir quand même. Je suis un garçon bien élevé moi.
— Et tu fais ça devant moi ?
— Pourquoi le faire derrière toi ma puce ?
— Quoi t’es sérieux là ? demande Elle en regardant Adrien intensément.

Je remarque que le sentiment d’insécurité qu’elle n’arrive pas à combattre réapparait souvent quand il la taquine ainsi. Elle a longtemps vécu avec un mari infidèle et même si elle sait à quel point Adrien l’aime, ça ne l’empêche pas de souvent péter un câble quand une femme tourne autour de lui. Elle ne perçoit pas le second degré dans ses piques et réagit au quart de tour. Comme s’il pouvait être sérieux ! Ils sont beaux tous les deux. Lui, grand gaillard impressionnant avec ses tatouages mais  doux comme un ange. A le voir comme ça on ne dirait pas le meilleur pédiatre spécialiste en néonatologie de la place. Elle, petit bout de femme à la langue bien pendu avec un cœur en or.

— J’adore quand t’es jalouse comme ça, finit-il par lui souffler en l’embrassant suavement dans le cou.

Je détourne les yeux… Il y a tellement d’amour qui se dégage de ces deux là que lorsque je me retrouve seule face à eux, ca m’étreint le cœur.
 
— Mtchrrrr. Avec sa fausse brésilienne là, elle a intérêt à ne pas recommencer son clin d’œil, lui dit-elle avec un sourire.

On éclate tous de rire jusqu’à ce que l’ami de Gnare qui s’appelle Axel (je viens de m’en souvenir) intervienne :

— Ta copine elle-même porte une brésilienne et tu te moques de l’autre ?
— Ce sont ses cheveux, intervient Elle en rigolant.
— Quoi, arrête. C’était avant ça que vous arriviez à nous tromper mais aujourd’hui on connait aussi votre secret. Quand je dois donner 250 000 pour une coiffe … je sais que c’est en rapport direct avec les cheveux des morts !

Et parce que ça m’amuse de le voir si incrédule, je penche la tête vers lui et lui demande de passer ses doigts dedans et de sentir la différence avec les cheveux de sa copine. Je ne suis peut-être pas la plus belle femme de la terre mais je sais que mes cheveux ont toujours été un atout pour moi. Il rapproche sa chaise de la mienne et inspecte ma tête tandis que nous continuons Elle et moi à critiquer la jeune fille sous le regard amusé d’Adrien. L’ambiance est détendue et bon enfant. Je ne regrette pas un seul instant d’avoir suivi les conseils d’Elle.  Ici, je suis juste en train de passer une soirée de détente avec des amis. Je ne suis plus celle qui échoue à faire un enfant. Je suis juste une femme qui rie avec des amis. Une femme heureuse. Puis je sens une main passer dans mes cheveux et parce que ce geste me rappelle Xander, je suis parcourue par un long frisson. Axel le remarque et me fait un sourire candide.

— Putain ils sont super doux, dit-il sans les lâcher.
— Merci.
— T’es sure que ce sont tes cheveux ?
— Tu peux vérifier, lui dis-je en me mettant face à lui. Parfois je mets aussi des extensions pour les protéger mais aujourd’hui je n’en porte pas.

Je pose ma main sur la sienne et lui demande s’il sent de petites irrégularités, preuve de l’utilisation d’extension. Il secoue légèrement la tête, toujours sans me lâcher. Je me rends compte que nous sommes face à face, vraiment proche l’un de l’autre et que je sens son souffle chaud dans mon cou. Je me recule légèrement. Le regard qu’il pose sur moi me met à présent mal à l’aise et je m’apprête à reculer aussi ma chaise, lorsque le silence se fait à notre table. Mais je n’y prête pas attention. 

— Il va falloir que tu me lâches maintenant, je lui dis doucement.
— Je n’en ai pas envie.

Il a de nouveau un petit sourire plein d’entrain qui me fait comprendre qu’il n’est qu’à moitié sérieux. Alors je lui souris aussi.

— Tu ferais mieux de ne pas me provoquer.
— Lei, m’appelle Elle d’une voix sourde.

Je me tourne vers elle et mon sourire s’évanouit aussitôt.
Parce que mon regard tombe sur une silhouette que je connais par cœur.
Parce que mon cœur manque un battement. Une douce chaleur née dans mon ventre se répand dans tout mon corps.
Il m’a tellement manquée… tellement. Mais je suis aussi tellement en colère contre lui. Tellement.
Juste devant notre table ; il y a Xander et il n’a pas l’air très ... content. 

Il porte une chemise rose pale à rayures noires ainsi qu’une cravate en soie noire de la marque Vaudace, cadeau d’Eloïse. Le fait que les femmes se retournent à son passage ne me dérange pas. C’est un bel homme.  Les mots de Joséphine me reviennent, sapant encore un peu plus ma bonne humeur.

A cette distance, je vois bien que ses yeux sont loin d’être clairs. Le visage de mon mari est habituellement l’impassibilité personnifiée. Mais lorsqu’il est en colère, le vert de ses yeux s’assombrit en un éclair et il devient très difficile à maitriser. Elle qui l’a déjà vu en colère le sait aussi bien que moi et je sais que  c’est pour cela qu’elle a l’air mal à l’aise.

— Bonsoir Alexander, salue poliment Adrien. 
— Bonsoir Adrien, répond Alexander sans me quitter des yeux.

Il s’avance vers moi tandis qu’Elle lui propose de prendre place. Ce qu’il ne fait évidemment pas. La seule chaise libre est à coté d’Axel. Peut-être que ce dernier comprend que le propriétaire de l’alliance à mon doigt est l’homme en face de nous car il retire sa main et avale une longue gorgée de bière.

— Chalo (allons-y), ordonne doucement mais fermement Alexander.

C’est tout ce qu’il dit ? Après tous ces jours sans aucune nouvelle. J’avais besoin qu’il soit là avec moi au cas où … ca se passerait mal et il ne l’était pas, me donnant l’impression d’être seule à me battre pour cet enfant que nous souhaitons tant tous les deux.
Il rentre à Libreville sans m’avertir et il se pointe à ma soirée sans prendre la peine de savoir si j’ai envie de rester ou pas. Chalo ? J’ai bien envie de lui répondre « minal » en fang comme le ferait Elle mais il ne comprendrait pas donc ca ne lui fera pas mal.
Je ne me demande même pas comment il a fait pour savoir où j’étais. Tout ce qui m’intéresse c’est ce petit muscle de sa mâchoire qui tressaute preuve du fait qu’il se contient. Et qu’il a du mal à y arriver. Je sais ce qui le met en fureur. Je le sais. Voir un homme s’intéresser à moi, être à coté de moi, me faire sourire…
C’est pour cela que je lui souris de la manière la plus innocente qu’il soit et lui propose la chaise vide à coté d’Axel. On s’affronte du regard de longues secondes durant lesquelles plus personne ne parle à notre table. Alexander se contente de s’accroupir face à ma chaise. Il pose ses mains sur les accoudoirs et les enserre tellement que les jointures blanchissent.

— Mera dil, chalo … now (mon cœur, allons y … maintenant). 

 

A bientôt

Leilaji.

On aime (pour me faire plaisir), on commente (pour débattre avec les autres et donner son point de vue), on partage (pour faire découvrir l’histoire).

J’aimerai vous poser la même question qu’à Elle. Connaissez-vous dans votre entourage, un couple heureux… sans rumeur d’infidélité ?

Love Strong (Tome 2...