Chapitre1

Ecrit par Djelay

Ciara ne prend pas au sérieux ce que lui raconte son amie Lala à l’autre bout du fil. Elle a forcément dû confondre son Franck avec un autre homme. A l’heure qu’il est, Franck devrait déjà être à Dakar pour donner une conférence sur leurs nouvelles méthodes de lutte contre les maladies du café. Ce matin, Elle l’avait elle-même accompagné à l’aéroport, puis ils s’étaient longuement embrassés avant qu’elle ne le voit se diriger vers la salle d’embarquement. C’est donc impossible que cet homme aperçu  par Lala entrant dans un hôtel en compagnie d’une femme soit Franck. C’est absurde car Franck est l’homme le plus droit et le plus fidèle qu’elle n’ait jamais rencontré. Il a toujours tout fait correctement et ne lui a jamais donné de raison de douter de lui. Jamais.

-         Puisque je te dis que c’est lui Ciara. Je le reconnaitrai même étant à 10 Km. C’est moi qui te l’ai présentée je te rappelle.

-         Oui, et je sais qu’il est un ami à ton cousin Thomas mais peut-être l’as-tu confon…

-         Ecoute Ciara, si tu ne me crois pas alors viens me rejoindre devant le centre commercial « MOCOCE ». L’hôtel se trouve juste à côté.

-         Qu’est-ce que tu peux être pénible Lala ! Depuis tout à l’heure j’essaie de te faire comprendre que Franck est au Sénégal pour le travail. Donc arrête avec tes conneries. Lâche Ciara agacée.

Son amie pouvait se montrer embêtante des fois. Et elle ne tolèrerait pas que cette dernière calomnie ainsi son copain même si elle est sa meilleure amie.

-         Si tu es aussi sûre que Franck est au Sénégal dans ce cas viens me le prouver. Tu n’as rien à perdre et je m’excuserai promis. Insiste Lala.

-         Tu es une vraie tête de mule toi.

-         Je sais. Et je ne te lâcherai pas jusqu’à ce que tu acceptes de me rejoindre.

-         Mais je suis au boulot là. Chuchote-t-elle à l’approche d’un collègue.

-         Juste une heure. En plus il sera bientôt midi, tu n’as qu’à profiter pour prendre ta pause. Alors ?

 Ciara réfléchit un instant. Ça ne sert à rien de rester là à discuter avec cette grosse entêtée.

-         Ok. C’est bon tu as gagné. Mais va pas croire que c’est parce que j’ai des doutes. Je suis convaincue que ce mec n’est pas Franck et tu devras t’excuser auprès de lui quand il sera de retour.

-         Tout ce que tu voudras. A tout-à l’heure. Bisou.

Sur le chemin, Ciara repense à sa conversation avec son amie. Qu’est-ce qu’elle peut être  exaspérante des fois. Quand elle a une idée en tête, on ne peut pas la lui enlever. Sacrée Lala. Mais elle est  tout de même sa meilleure amie. Son amie d’enfance. Elles ont toutes les deux grandis ensemble. En plus d’être voisins, leurs parents étaient très bon amis à l’époque. Dommage que les parents de Lala soient retournés à Aboisso, leur ville d’origine. Ses parents à elle vivent toujours à Abidjan, dans la renommée commune de Yopougon. « Yopougon la joie », c’est ainsi que  les Abidjanais la surnomme à cause de l’ambiance houleuse qui y règne. Son père et sa mère sont tous les deux retraités. Ils travaillaient dans la même banque et c’est d’ailleurs là qu’ils se sont rencontrés. Aujourd’hui Ils profitent délicieusement de leur retraite. Ciara, elle,  vit dans la somptueuse commune de plateau. La commune des affaires. Elle s’en sort pas mal financièrement avec le poste de directrice marketing qu’elle occupe dans l’une des meilleures entreprises agroalimentaires de la Côte d’Ivoire. Elle peut donc se permettre une vie ‘’quatre étoiles’’ comme aime bien le dire son amie Lala. Cadette de la famille, elle a toujours été la préférée de ses parents. Bien que ses frères s’en plaignaient tout le temps ils l’adoraient et  la chouchoutaient d’ailleurs ils continuent de le faire. Marcelin, son frère aîné vit en Suisse avec sa femme et leur petit garçon. Il est professeur d’Anglais dans une université privée. Quant à Michel, Il est avocat en droit des affaires. Il vient tout juste d’emménager avec sa fiancée dans la commune de Cocody. Ils prévoient se marier au début du mois de septembre, dans exactement deux mois. Isabelle, sa future belle-sœur a tellement insisté pour qu’elle soit sa demoiselle d’honneur qu’elle a fini par accepter. Submergée par ses pensées Ciara ne se rend pas compte que son téléphone sonne. Quand on parle du loup… Se dit-elle avant de décrocher à la seconde sonnerie.

-         Bonjour Isabelle. Je te rappelle plus tard. Là je suis au volant.

-         Je tenais juste à te rappeler le déjeuner du samedi, c’est dans deux jours chérie. bisou bisou. Dit-elle rapidement de sa voix aigüe avant de raccrocher.

-         Merde. Je l’avais complètement oublié, ce fichu déjeuner. Qu’est-ce que ça peut être fatiguant un mariage. Marmonne Ciara entre ses dents.

-         Qui cela peut-il bien être encore ? Se plaint-elle en entendant de nouveau la sonnerie de son téléphone.

-         Oui Lala. Je ne suis plus loin. (Puis elle raccroche)

Ciara repère une place de parking devant le centre commercial. Elle s’y gare et téléphone à son amie pour l’informer de son arrivée. Celle –ci décroche aussitôt.

-         Oui Ciara, j’ai aperçu ta Mercedes. J’ai eu beaucoup de mal tu sais. Je dois avouer que le rouge est une couleur très discrète. Dit-elle sarcastique.

-         Emmène-toi, je n’ai pas que ça à faire la grosse. Rétorque-t-elle avec amusement avant de raccrocher.

Lala débute dans le monde du cinéma. Déjà toute petite, son rêve était d’être  actrice et top model. Elle a donc décidé d’abandonner ses études en classe de terminale pour se consacrer à faire de  ce rêve d’enfance une réalité. A l’époque, étant en terminale, elle tournait dans des pubs et des clips vidéo. Elle accordait une importance démesurée à son apparence. Les régimes enchaînés lui ont permis d’avoir une taille très fine.

-         Descends ! Dit  Lala en cognant contre la vitre de la voiture.

Ciara qui était occupée à manipuler son téléphone, le range, prend son sac et sort de la voiture. Elle porte un magnifique ensemble tailleur gris qui dessine ses courbes sensuelles. La jupe lui arrive à mi-cuisse et les escarpins rouge qui accompagne cette tenue sont tout simplement une merveille.

-         Waouh ! s’exclama Lala admirative.

-         Bonjour la grosse.

-         Tu vas continuer ce sarcasme toute ta vie Ciara?

-         Oui jusqu’à ce que tu deviennes grosse pour de vraie. (Elle rit)

-         En plus ça te fait marrer. Lala fait semblant d’être en colère.

-         Tu sais Ciara. (elle l’examine de la tête aux pieds). Tu es à tomber par terre dans cette tenue ma belle. Je te répète tout le temps que tu aurais dû être conseillère de mode. Tu as raté ta vocation chérie.

-         Nous sommes là pour parler de ma vocation ou pour te mettre la honte. S’impatiente Ciara.

-         Suis moi l’hôtel est de ce côté. Ils y sont depuis une trentaine de minute.

-         Je suis certaine que ce n’est pas Franck. Je ne sais pas pour quelle raison je t’ai laissé m’entrainer dans cette mascarade.

-         Tu seras déçue Ciara. Et tu verras que j’avais raison.

Elles arrivent devant l’hôtel. Lala propose qu’elles y entrent et patientent à l’intérieur mais Ciara préfère rester dehors. Elles dénichent donc une petite cave juste en face de  l’hôtel et commandent chacune un soda en attendant. Une heure plus tard, Lala aperçoit le jeune homme et sa compagne sortir de l’établissement. Elle fait un signe de main à Ciara qui a les yeux braqués sur son téléphone.

-         Regarde ! ils sortent. Annonce Lala.

Ciara lève les yeux et le voit : Franck. Elle est sous le choc. Espérant être en plein cauchemar, elle se pince la chair de l’avant-bras  dans l’intention de se réveiller. Hélas c’est bel et bien réel. Franck est avec une autre femme. Cela ne peut pas être lui, elle l’a vu partir à la salle d’embarquement. Refusant d’y croire elle se frotte vigoureusement les yeux comme si cela pourrait l’aider à sortir de ce qu’elle croit être un rêve. Inutile de se voiler plus longtemps la face. C’est Franck et il s’est bien moqué d’elle. Comment n’a-t-elle pas pu remarquer son double jeu. Elle qui a toujours su détecter le mauvais fond des gens, elle s’est lamentablement faite avoir. Silencieusement, des larmes glissaient sur ses joues sans qu’elle ne puisse les retenir.  

-         Ne pleure pas pour ce crétin ma belle. Il ne te mérite pas.

-         C’est un salaud et je t’avais prévenue. Mais tu m’as ignorée. Ajoute Lala.

-         Tu vas cesser de remuer le couteau dans la plaie. Tu aimes me voir souffrir ? hein ? c’est cela ? Hurle Ciara.

-         Ne crie pas, tout le monde nous regarde. Excuse-moi, je ne voulais pas te faire plus de peine.

-         Eh bien le mal est déjà fait.

-         Je suis désolée. 

-         Comment j’ai pu être aveugle à ce point Lala ?

Elle se prend  la tête entre les mains.

-         Ce n’est pas ta faute. Tu étais simplement amoureuse.

-         Ce n’est pas une raison. J’ai été stupide. Stupide, stupide, stupide.

Elle se cogne le front avec ses poings à plusieurs reprises.

-         Arrêtes, tu vas te faire mal.

Lala immobilise ses mains, impuissante face à la souffrance de son amie dont les larmes affluent à présent. Celle-ci pleure sans retenue, attirant les regards curieux de certains clients. Lala, à ses côtés tente bien que mal de la consoler. Mais ses paroles censées être réconfortante semblent avoir l’effet contraire.

-         Ils s’en vont, viens on va le prendre en flagrant délit. S’écrie soudain Lala.

-         Pour quoi faire ? Me donner en spectacle ? Non merci Lala.

-         Tu peux rester là si tu veux, moi j’ai deux mots à lui dire.

Déjà elle se lève et se dirige vers la sortie.

-         Non Lala. Reviens ! ça n’en vaut pas la peine.

Son amie ne l’écoute pas, décidée à remettre Franck à sa place. Ciara se résigne à la suivre.

-         Franck ! Hurle Lala aux dos des tourtereaux.

Ce dernier se retourne brusquement.

-         La…la ?  Bégaie-t-il nerveux.

-         Oui, tu sembles ne pas être content de me voir Franck. Pourquoi ? Dit-elle le plus calmement possible.

-         Ce n’est pas ce que tu crois Lala ?

-         De quoi parles-tu Franck ? Dit-elle sarcastique.

-         Ne dis rien à Ciara s’il te plait.

-         Qui est Ciara, Franck ? Lui demande sa compagne.

-         Et elle ose ouvrir la bouche, cette pétasse ? S’emporte Lala.

-         Pour qui te prends-tu pour me parler de la sorte sale garce. Réplique la jeune femme.

-         Qui c’est la garce ?

Furieuse, Lala est sur le point de bondir sur la jeune femme mais à ce moment apparaît Ciara.

-         Arrête Lala. Crie-t-elle.

Franck troublé, écarquille les yeux en voyant la jeune femme. La panique semble le gagner.

-         Ciara je…

-         Ne gaspille pas tes mots Franck, ils te seront peut être utiles à d’autres  occasions. Viens Lala, on s’en va ! Lance-t-elle sèchement.

-         J’ai toujours su que tu n’étais qu’une ordure Franck. Tu ne méritais pas une femme comme Ciara. Intervient Lala, dégoutée.

-         Ciara je suis désolé, je t’aime ma chérie ! S’il te plait écoute-moi. Implore-t-il.

Ciara ne se retourne pas. Ses larmes ne tarissent pas. Elle aime énormément Franck.  Il était l’homme de sa vie du moins elle le croyait. Ce salaud vient de lui briser tous ses rêves : leur mariage et des enfants de lui. Elle croyait bêtement qu’ils vieilliraient ensemble. Il a bien caché son jeu ce satané renard. Les deux amies montent en silence dans la Mercedes. Lala n’ose rien dire préférant laisser le temps à son amie d’évacuer sa douleur. Elles roulent en silence. Lala jette de temps en temps des regards furtifs  à Ciara. Celle-ci reste silencieuse. Elles ne seront finalement pas allées déjeuner. Toute cette merde leur a coupé l’appétit. Le trajet se déroule dans une ambiance morose jusqu’à ce que Ciara gare la Mercedes devant la maison de son amie.

-         Ecoute Ciara je…

-         Ne te sens pas coupable Lala. J’aurais fait pareil à ta place.

-         C’est un connard, ne pleure plus pour lui s’il te plait.

-         Je ne pleurerai plus pour lui, ni pour aucun autre homme d’ailleurs.

-         Bien dit ma belle.

-         Bon après-midi Lala. Je retourne travailler.

-         Ne vaudrait-il pas mieux que tu rentres chez toi. Je peux rester avec toi si tu veux…

Lala se fait du souci pour son amie. Derrière son attitude de femme forte se cache en réalité une sensibilité extrême. Elle essaie de paraitre bien-portante émotionnellement parlant mais tout au fond, elle est anéantie. Lala la connaît que trop bien et la savoir chagrinée l’inquiète beaucoup. Franck est l’unique homme de sa vie ; Elle n’en a connu aucun autre. C’est donc sa première déception amoureuse et Lala espère que ça ne l’affectera pas trop.

-         Non. J’ai beaucoup de boulot. Je t’appelle ce soir. Répond-elle froidement.


Fin du premier chapitre. Bizbi
Juste pour un soir