
<< La voie à suivre >> Chapitre 22
Ecrit par Le Kpetoulogue
Chapitre 22
Luqman, debout à quelques mètres, observait la scène avec un calme glacial. Il tenait les laisses des chiens, mais à peine. Les bêtes tiraient avec une telle force que leurs colliers semblaient prêts à céder.
Luqman : « Vous savez … j’ai une petite sœur. Nous n’avons pas le meme sang, mais c’est la seule chose vivante que mon père m’ait laissé dans ce monde. Et quand j’ai vu Grâce, pour une raison que j’ignore, elle m’a rappelé ma petite sœur. Vous avez détruit Grâce, vous avez ce qu'elle avait de plus précieux, sa dignité, sa paix … sa vie. Maintenant, vous allez comprendre ce que c'est que d'être réduit à rien »
Les chiens s'approchèrent encore, leurs museaux maintenant si près de M. Koua qu’il pouvait sentir leur souffle chaud et humide sur sa peau. L'un d'eux renifla son torse, tandis que l'autre grogna, sa gueule ouverte, laissant échapper un filet de bave qui tomba sur le sol.
M. Koua hurla, un cri de terreur pure : « NOOON ELOIGNE LES !!! EEELOIIIGNE LES !!! »
Mais Luqman ne bougea pas. Il relâcha simplement les laisses et recommença à nouveau à filmer la scène. Les chiens se jetèrent sur M. Koua avec une brutalité sauvage. Leurs grognements devinrent des aboiements rauques, et leurs mouvements, brutaux et désordonnés, étaient ceux de bêtes incapables de se contrôler. M. Koua cria, un cri déchirant, alors que les chiens commençaient leur assaut. Il sentit leurs crocs déchirer sa peau, leurs pattes griffer son corps, et leur poids l'écraser contre le béton. La douleur était insupportable, mais c'était leur excitation, leur sauvagerie, qui le terrifiait le plus. Quand le premier chien pénétra son sexe en lui, M. Koua eut l’impression de se faire déchirer en deux. La douleur était intense.
M. Koua : « ARRETEZ !!! ARRETEZ !!! »
Subissant les assauts des chiens l’un apres l’autre, M. Koua hurlait mais ses mots se perdirent dans les aboiements et les grognements. Luqman ne détourna pas les yeux ne serait-ce qu’un instant comme si ce n’était pas la pire chose qu’il avait vu dans sa vie. Il n’éprouvait pas la moindre satisfaction, il ne faisait pas ça pour lui. C’était pour Grâce, et pour chacune de ses filles qui avait été abusé par ce porc. C’était sa justice a lui. Les cris de M. Koua résonnaient dans l'entrepôt, un mélange de douleur et de désespoir. Les chiens, insensibles à sa souffrance, continuaient leur attaque, leurs mouvements brutaux et incontrôlables. Quand ce fut enfin terminé, M. Koua gisait immobile, tremblant, ses pleurs réduits à des sanglots étouffés. Les chiens, épuisés, s'éloignèrent, laissant derrière eux un homme brisé, physiquement et mentalement.
Luqman s'approcha, regardant M. Koua avec un mélange de dégoût et de pitié.
Luqman : « Maintenant vous comprenez, maintenant vous savez ce que vous leur avez fait, mais ce n’est que le debut »
M. Koua ne répondit pas. Il ne pouvait pas. Il était trop épuisé, trop brisé pour parler. Luqman tourna les talons et quitta l'entrepôt, laissant M. Koua seul dans l'obscurité, entouré de l'odeur de la peur et de la souffrance. Il contacta Mr Ibhavu
Luqman : « Bonsoir monsieur »
Mr Ibhavu : « Qu’est-ce que tu veux ? »
Luqman : « Je ne peux pas vous appelez pour simplement vous passer le bonsoir ? »
Mr Ibhavu : « Est-ce le cas ? »
Luqman : « … non … »
Mr Ibhavu : « Alors va droit au but »
Luqman : « Est-ce que vous avez un transport pour Kuwinda ? J’ai un futur résident à y faire entrer »
Nichée au cœur d’une région aride et hostile d’Afrique australe, quelque part entre des montagnes escarpées et des marécages infestés de prédateurs, Kuwinda est plus qu’une prison : c’est une malédiction vivante. Officiellement, c’est un centre de détention de haute sécurité. Officieusement, c’est un gouffre sans fond où l’humanité vient s’éteindre.
Les murs de Kuwinda ne sont pas simplement hauts : ce sont des forteresses de béton brut, rongées par le temps et l’humidité, surmontées de barbelés électrifiés et de miradors où des gardes fatigués et désabusés scrutent les prisonniers avec des fusils automatiques en bandoulière. Mais ce n’est pas l’enceinte qui rend l’évasion impossible, c’est tout ce qui entoure la prison. À l’est, une jungle dense remplie de bêtes affamées. Au sud, une plaine sèche où le soleil brûle sans pitié et où les rares fugitifs retrouvés sont souvent réduits à des carcasses desséchées. À l’ouest et au nord, des falaises abruptes où le vent hurle jour et nuit, rappelant à tous que la mort est la seule issue.
L’intérieur de Kuwinda est pire encore. Les cellules sont des cages de fer rouillé, où la chaleur suffocante du jour cède la place à un froid glacial la nuit. L’eau est rare, et celle qui coule des tuyaux est jaunâtre, chargée d’impuretés qui rongent l’estomac. La nourriture ? Une bouillie infâme jetée dans des gamelles en métal, souvent infestée de larves et de cafards. Ici, les maladies sont plus courantes que les visites médicales.
Les prisonniers, eux, ne sont plus vraiment des hommes. Juste des carcasses de chair et d’os qui survivent par pure habitude. Certains n’ont plus vu la lumière du jour depuis des années, enfermés dans des blocs souterrains où la seule chose qui leur tient compagnie, c’est la puanteur de la moisissure et le bruit des rats.
Les gardiens, surnommés "les Hyènes", sont tout aussi terrifiants que les détenus. Ils n’ont pas de pitié, pas de morale. Pour eux, tout est un jeu sadique : battre un prisonnier jusqu’à ce qu’il ne bouge plus, relâcher un criminel dans la cour pour qu’il soit déchiqueté par ses codétenus, inventer de nouveaux supplices pour briser les âmes encore récalcitrantes. Ici, l’ordre est maintenu par la terreur et le sang.
Mais le pire, c’est ce qu’on murmure dans les couloirs sombres de Kuwinda. Des histoires de disparitions inexpliquées. De prisonniers que personne ne revoit jamais après avoir été convoqués dans les sous-sols. Certains disent que la prison a son propre enfer caché sous terre, une fosse où l’on jette ceux qui ne servent plus à rien. D’autres parlent de cris qui résonnent la nuit, de hurlements inhumains qui hantent ceux qui ont encore assez de raison pour avoir peur.
Une chose est sûre : on n’entre pas à Kuwinda pour en ressortir. Il n’y a pas de libération, pas d’évasion, pas d’espoir. Seulement la souffrance, la folie et la mort. Ceux qui y sont envoyés savent qu’ils sont condamnés, mais ce qu’ils ignorent, c’est que la mort n’est pas le pire châtiment…
Mr Ibhavu : « Je pense que vous avons un cargo actuellement dans le port d’Abidjan. Envoie-moi la localisation du colis et je me chargerais du reste »
Luqman : « Merci monsieur »
Mr Ibhavu : « Tu as l’air de rencontrer quelques soucis là-bas »
Luqman : « Rien d’insurmontable … c’est insignifiant par rapport à ce que j’ai déjà traversé »
Mr Ibhavu : « Je vois »
Après avoir raccroché, Luqman dit aux hommes de Mr Tariq de rester là et que des gens viendraient chercher Mr Koua. Une fois chez lui, il envoya anonymement les videos qu’il avait filmé à une liste de contact. C’était les contacts des victimes de M. Koua qu’il avait pu avoir auprès de Mr Bathily. Il y avait aussi le contact des parents de Grâce, et aussi celui de Leila. Peut etre que voir celui qui les a causés tant de peine, souffrir à son tour pourrait apaiser le mal qu’ils ressentaient.
La vidéo arriva par un message anonyme, sans explication, sans avertissement. Les parents de Grâce, Leila, et les autres victimes de M. Koua la reçurent presque simultanément. Chacun, dans leur coin, ouvrit le fichier quand ils s’en aperçurent, ignorant ce qu'ils allaient découvrir.
Chez les parents de Grâce Le père de Grâce, assis dans le salon silencieux, regarda la vidéo sur son téléphone. Sa main tremblait légèrement en tenant l'appareil, et son visage, autrefois si ferme, était maintenant marqué par la douleur et l'épuisement. Sa femme, assise à côté de lui, regardait par-dessus son épaule, les yeux rougis par des larmes jamais vraiment séchées. Quand la vidéo se termina, il y eut un long silence. Le père de Grâce posa lentement le téléphone sur la table, ses doigts effleurant l'écran comme s'il cherchait à toucher quelque chose qui n'était plus là.
Le père de Grâce d’une voix rauque presque inaudible : « Est-ce que… est-ce que ça change quelque chose ? »
Sa femme ne répondit pas tout de suite. Elle regarda le téléphone, puis le visage de son mari, et enfin la photo de Grâce posée sur la cheminée.
La mère de Grâce coulant des larmes à nouveau : « Non … Ça ne la ramènera pas. Mais… peut-être que maintenant, elle peut reposer en paix »
Le père de Grâce hocha lentement la tête, les yeux rivés sur la photo de sa fille murmurât : « Elle méritait mieux que ça … Elle méritait mieux que tout ça »
Pour les autres victimes de M. Koua, la vidéo fut un choc. Certaines la regardèrent en silence, les larmes coulant sur leurs joues. D'autres la regardèrent avec une colère froide, un sentiment de justice enfin rendue. Une des victimes, une jeune femme nommée Sarah, regarda la vidéo avec un mélange de soulagement et de tristesse.
Sara en murmurant et éteignant son téléphone : « C'est fini … C'est enfin fini."
Une autre, Emma, ne put regarder jusqu'au bout. Elle éteignit la vidéo à mi-chemin, posa son téléphone et se recroquevilla sur elle-même, pleurant en silence.
Leila reçut la vidéo tard dans la nuit. Elle était assise à son lit, plongée dans ses pensées, quand son téléphone vibra. Le message anonyme ne contenait qu'un fichier vidéo. Elle hésita un instant, puis l'ouvrit. Ce qu'elle vit la laissa sans voix. La vidéo montrait M. Koua, humilié, brisé, confronté à la cruauté qu'il avait infligée à Grâce. Leila sentit d'abord un soulagement intense, presque physique, comme si un poids qu'elle portait depuis des mois venait enfin de se soulever. Les yeux rivés sur l'écran. Elle murmura
Leila : « Il a payé. Il a enfin payé »
Mais au fur et à mesure que la vidéo avançait, une autre émotion s'installa en elle, plus subtile, plus troublante. Elle pensa à Luqman. À ce qu'il avait dû faire pour arriver à ça. À ce qu'il avait dû devenir. Quand la vidéo se termina, Leila éteignit son téléphone et le posa sur son bureau. Elle se leva, marcha jusqu'à la fenêtre et regarda le ciel nocturne, les étoiles à peine visibles à travers les nuages.
Leila : « Luqman .. »
Elle ressentait une gratitude envers lui, une reconnaissance profonde pour ce qu'il avait fait. Mais en même temps, elle se sentait étrangement distante de lui, comme s'il y avait un gouffre entre leur façon de voir le monde. Elle espérait toujours en la justice, en la loi, en la possibilité de changer les choses sans sombrer dans la violence. Mais Luqman … Luqman avait plongé dans l'ombre sans hésitation, embrassant une brutalité qu'elle ne pouvait pas comprendre. Et pourtant, elle ressentait quelque chose pour lui. Une attirance, peut-être, ou simplement une fascination pour cet homme qui semblait porter une solitude si profonde, si insondable, qu'elle en était presque palpable.
Leila : « Qu’est ce qui t’a obligé à t’enfoncer si loin dans l’obscurité ? Qu’est-ce que tu as vécu ? »
Elle pensa à Grâce, à son sourire, à sa vulnérabilité, à tout ce qu'elle avait perdu. Elle pensa à Luqman, à son regard froid, à ses silences lourds de sens, à cette solitude qui semblait l'habiter.
Leila : « Je veux te comprendre Luqman mais je ne sais pas si je peux t'atteindre."
Elle resta là un moment, les bras croisés, regardant le ciel. Elle sentait un apaisement, oui, mais aussi une tristesse profonde. Pour Grâce. Pour Luqman. Pour tout ce qui avait été perdu. Mais Leila se refusait à accepter que tout soit déjà perdu pour Luqman comme il le lui avait signifié plusieurs fois
Leila : « Je ne te laisserai pas sombrer … Je ne te laisserai pas devenir ce que tu combats »
Elle retourna à son bureau, prit son téléphone et envoya un message à Luqman. Juste un mot : "Merci "
Puis elle éteignit la lumière et s'allongea sur son lit, les yeux fixés au plafond, les pensées tourbillonnant dans sa tête.
A Suivre …