Nouvelle 1 : Confidences écarlates (Deuxième partie)

Ecrit par dotou

Les jours suivants furent paisibles. Chacun vaquait à ses occupations. Il était installé à son propre compte et avait, depuis plusieurs années. Il avait des clients provenant un peu partout de l’Afrique de l’Ouest et ses activités devenaient franchement florissantes. Quant à moi, j’occupais depuis presque deux ans le poste d’assistante administrative au sein d’un projet des Nations Unies. Je gagnais amplement ma vie et je n’étais pas non plus dépensière. Avant que je n’atteigne le sixième mois de ma grossesse, nous avions déménagé dans l’appartement de trois pièces qui a été libéré par des locataires dans la même maison. Celle-ci appartenait en effet à ma belle-mère qui en a fait l’acquisition deux années plus tôt. 


Une semaine avant mon accouchement, il s’envola pour Bruxelles, me laissant seule, alors que je devais subir une césarienne prophylactique cinq jours plus tard. Il partit sans me laisser de quoi assurer, ne serait-ce qu’une partie des frais d’hôpital. Je n’avais jamais eu le courage de t’avouer que mon beau-père avait rejeté le placenta de notre deuxième fille que mes parents lui avaient envoyé pour lui annoncer la naissance. Le bébé avait presque deux mois à son retour. Lorsque je lui demandai de me rétrocéder une partie des sous dépensés, il biaisa un moment avant de refuser, argumentant que je dépensais mon salaire pour ma famille.


Comme d’autres couples, notre vie conjugale avait ses hauts et ses bas. Nous vivions des situations plus ou moins tendues, avec ses éclaircis de joies et de bonheur. Avec le recul, je me rends aujourd’hui compte que durant ces crises, qu’il ait tort ou raison, c’était toujours moi qui jetais l’éponge. Et, dès que je faisais preuve de docilité, il me couvrait de cadeaux.
Ses voyages à l’étranger duraient jusqu’à deux mois et toujours de véritables présents qui me faisaient oublier combien il avait été odieux avec moi. D’un caractère versatile, il alternait sans cesse entre mauvaise humeur et joie délirante. Cette inconstante personnalité me déstabilisait. Loin de moi de croire que je ne n’avais pas aussi mes hauts et mes bas. Mais tu me connais assez pour savoir que je ne suis pas d’un caractère trop difficile. Souvent prompte à prendre la mouche, mais jamais mes colères ne durent longtemps. D’ailleurs au fil de mes années de vie conjugale, j’ai appris à refréner cette ardeur, cette impulsivité que tu disais faire de ma personnalité quelque chose d’exceptionnelle. 
Te rappelles-tu que j’ai bravé ciel et terre pour rester à ses côtés ? Je voulais perpétuellement voguer autour de lui. Il était l’essence vitale, celui auprès de qui je voulais puiser ma force. Il était mon refuge, mon réconfort. Entourée de ses bras, je me disais que rien ne pouvait m’atteindre ; de toute la force de mon âme, je voulais être à lui. Je crois que nulle n’a été aussi heureuse que moi d’être l’épouse d’un homme. Il était ma fierté.

 

Oh oui, Je l’ai aimé ! Aimé à en transcender la raison, la religion, les préjugés. 
Peut-être suis-je en contradiction avec moi-même, mais, un immense désir de liberté m’habitait aussi. J’ai longtemps cru que Rashid m’accepterait, avec mes rêves, mes ardeurs, mes espoirs, mes combats, mes passions, mes forces et faiblesses. J’avais une âpre envie de vivre auprès de lui sans pour autant me priver d’un jardin secret qui ne serait qu’à moi. Avoir mes moments de liberté, de solitude qui me permettraient de me renouveler. Libre dans la mesure du raisonnable mais fidèle, était ma devise. Tu sais que j’ai toujours eu en horreur de voir la vie se résumer aux quatre murs d’une maison. Je ne voulais pas être de ces femmes qui pensent leurs horizons bouchés. Etre de celles qui toute une vie se contentent seulement d’être mères et épouses. Mais au fil du temps, la vie avec lui m’enfermait progressivement dans un carcan qui chaque jour se rétrécissait, tel une peau de chagrin. La différence de religion, d’idéologie a lentement miné notre couple. 
L’harmonie que j’ai longtemps cru partager avec lui devenait de plus en plus une chimère. Sa famille aussi progressivement le montait et l’installation de sa grande sœur dans la même maison ne pouvait qu’envenimer les choses. Je ne pouvais plus disposer d’aucune intimité. Mon mode de vie commença alors à être critiqué. Le peu de complicité que j’avais encore avec Rashid, son frère, vola en éclats. Elle trouvait que le réfrigérateur était trop bien garni, que les cadeaux qu’il m’offrait étaient trop bien luxueux. Pourquoi devrait-il octroyer un salaire aussi élevé à la domestique ? Qu’il fallait en prendre une de plus jeune car je devais plus participer aux travaux domestiques. Pourquoi devais-je l’appeler par son prénom alors qu’habituellement en milieu yoruba, il fallait appeler son conjoint « Papa » ? Qui étais-je pour oser porter un pantalon ? De quel droit pouvais-je prendre la voiture alors que lui devais sortir à moto ? Pourquoi ne m’exige donc t-il pas de me nouer la tête avant de sortir ? Pourquoi devrais-je me promener à la maison en short ou en minijupe ? 
Toute une succession de paroles sournoises, d’idées parfaitement rétrogrades qui au fil du temps ont atteint leur cible. Au début en effet, il avait l’air de ne pas tenir compte de ces critiques, mais peu à peu, le vers s’inséra dans le fruit. Tel un ange maléfique, la discorde s’installait entre nous. Au début ce n’était que des divergences mineures. D’ailleurs, je n’en connaissais pas souvent la raison. Chacune de mes actions, de mes réactions, de mes points de vue lui portaient sur les nerfs. 


Lentement mais inexorablement, tout basculait. Il ne se passa pas une semaine sans qu’il ne dise qu’il soupçonnât que j’aie un amant. Il allait même jusqu’à dire : « Chaque jour quand je me lève le matin, je prie Dieu pour qu’il me révèle que tu as réellement un amant  », « tu as passé toute ta vie à me tromper ». 


Mais à peine ai-je le temps d’essayer d’interpréter ses coups d’éclats, ses colères qu’il me cajolait à nouveau, se montrait plus tendre que jamais. Et ma bonne humeur revenait, heureuse d’être à nouveau dans ses bonnes grâces. Mais avec le temps, un malaise indéfinissable ne me quittait plus. Je ne pouvais prévoir d’avance de quoi notre journée sera faite. La vie à son côté était un constant va-et-vient entre douleur et plaisir, terreur et gentillesse. Je ne pouvais expliquer cela à quiconque. Personne n’aurait d’ailleurs compris. On m’aurait certainement traitée d’éternelle insatisfaite ou pire de paranoïaque. En effet, matériellement, je ne manquais de rien. Les enfants fréquentaient l’une des meilleures écoles de la place. Je n’utilisais jamais la même voiture pendant six mois. Aux yeux de tous, de ma famille, de mes amis, c’était le conjoint idéal. Non seulement je n’osais pas me plaindre, mais pire, je le couvrais. J’avais fait un choix envers et contre tous, et je me devais d’assumer. 


Je pus me soustraire à cette situation qui allait de mal en pis, en décrochant un travail au sein d’une structure internationale basée à Dakar. Je lui avouai plus tard avoir accepté le poste car je ne supportais pas la vie qu’il me faisait mener.
Ce fut sans nul doute l’une des périodes les plus heureuses de ma vie. Il est vrai que se retrouver en territoire étranger avec deux enfants en bas-âge n’est pas une sinécure, surtout avec un emploi aussi absorbant que le mien. Il fallait tout le temps jongler entre fièvres, rhumes, poussées dentaires et caprices. Mais indépendante, volontaire, je me suis très vite adaptée à ma nouvelle condition. Je relevais avec brion les nouveaux défis qui s’imposaient à moi. 


Contre toute attente, mes rapports avec Rashid s’améliorèrent sensiblement. On arrivait à mieux se comprendre, mieux dialoguer. De plus, la distance avait renforcé mes sentiments. Il arrivait des moments où le besoin de lui, cruel, viscéral, s’imposait à moi. Avec âpreté, les meilleurs souvenirs venaient sans cesse me hanter, allant jusqu’à occulter de mon esprit les déboires de notre vie commune. S’il est vrai que ma carrière professionnelle connaissait une réussite foudroyante, mon cœur, mes pensées revenaient sans cesse vers l’être aimé. Oh Katy ! Je ne vivais plus que pour ces instants où je pouvais enfin me serrer contre lui ; goûter à la texture de ses lèvres, m’enivrer de son parfum. La vie giclait dans mon être au rythme de ces moments volés. Au fil de ses visites à Dakar, nos liens s’étaient resserrés. Je croyais notre amour inébranlable, inaltérable.


Parfois, l’envie de me blottir contre lui inhalait toute pensée. Il n’était pas rare de me voir débarquer sur Cotonou, le temps d’un week-end, juste pour étancher mon besoin de me ressourcer à son corps, à sa voix, à son être. Durant mon séjour de presque deux ans à Dakar, mon amour pour lui avait grandi. Tous ces jours passés loin de lui et qui s’égrenaient à la lenteur des grains d’un chapelet, me confirmait qu’il était l’homme de ma vie.


Rashid aussi de son côté m’avouait son mal de moi, son besoin de moi, l’envie irrépressible qu’il avait de nous avoir, les enfants et moi, à ses côtés. Il me jurait avoir changé, que mon départ lui avait fait prendre conscience de l’importance que j’avais dans sa vie. 
Pourtant, mon instinct me dictait de demeurer à Dakar. Il a alors commencé à m’exiger d’abandonner mon poste et de rentrer à Cotonou et que la survie de notre foyer en dépendait. J’ai longtemps refusé, mais j’ai dû me plier car il me fit valoir qu’il n’arrivait plus à trouver un équilibre entre Bruxelles où il devait se rendre pour ses activités, Dakar où moi je résidais avec nos deux enfants et enfin Cotonou où il devait écouler ses marchandises.


Brusquement, ses visites commencèrent à se raréfier pour finalement cesser. Par ailleurs, de deux mois, ses séjours à Paris duraient maintenant trois longs mois. Durant plus de six mois, les enfants et moi sommes restés sans le voir. Je voyais les liens de mon mariage s’effilocher, mon mari m’échapper. Profitant des vacances scolaires que je suis venue passés avec les enfants à Cotonou, il décida de les garder, me laissant retourner seule à Dakar. Contrainte par la force des choses, j’ai dû déposer ma démission.
Je revins à Cotonou, six mois après y avoir laissé mes enfants. Et nous reprîmes la vie conjugale. Mais sitôt après la fièvre des premières semaines, nos disputes devinrent presque quotidiennes. Je me rendis vite compte que toutes ses belles paroles n’étaient que du vent. La nature reprenait ses droits. Telles des herbes sauvages, les soupçons ressurgirent, plus vivaces. A croire que me voir vivre, respirer, nouer des contacts devaient faire de moi une femme infidèle. Etre son épouse devait être synonyme de solitude. Je n’avais pas le droit d’avoir des amies, encore moins ceux du sexe masculin. Les maris des premières allaient me draguer, et les seconds me coucher. Il m’assommait avec des certitudes que lui seul dans son esprit trouvait possibles. 
Peu à peu, j’étais enfermée dans un carcan de soupçons. L’ambiance entre nous se désagrégeait. Je fis tout mon possible pour conserver un semblant de paix dans mon ménage, mais mes efforts furent vains. C’est vrai que je vivais des moments d’accalmie lors de ses voyages qui duraient jusqu’à trois mois maintenant. Je lui fis par ailleurs savoir que je trouvais trop long le temps qu’il passait loin de nous. Nous avons des enfants en bas-âge qui avaient autant besoin de leur père que de leur mère. Je ne trouvais pas normal qu’il abandonnât femme et enfants pendant près de quatre-vingt-dix jours et cela deux à trois fois dans l’année. Il ne prit pas en compte mes cris de détresse. Me retrouver seule à la maison, avec une belle-sœur qui épiait mes faits et geste me déstabilisait.
Son retour était pour les enfants et moi une véritable fête. Mais, ces moments agréables ne duraient guère. Une semaine tout au plus et le cauchemar reprenait. Des soupçons à ne plus en finir. Il me demandait de lui retracer mon emploi du temps durant son voyage. Qui je fréquentais ? Qui venait me voir ? A quelle heure je rentrais ? Qui me téléphonait ? Pourquoi alors qu’il m’appelait de la Belgique, mon portable sonnait longtemps occupé ?
Parfois au cours de ses voyages, il m’appelait, me demandais ma position. Un jour, je lui répondis que j’étais entrain de faire des achats. Il me dit que je mentais car le bruit de fond n’était pas semblable à celui d’un marché. Des menaces verbales étaient mon lot quotidien. C’était dans le genre : « tu ne connais pas qui je suis », « je vais te pourrir la vie », « tu ne perds rien pour attendre », « je vais te corriger ».


La seule chose qui demeurait inaltérable, immuable, était son désir pour moi. Un désir toujours plus fort. Plusieurs fois au cours de nos étreintes, il m’avoua que me posséder physiquement ne lui suffisait plus, qu’il avait souvent l’envie de m’approprier, de me fondre en lui. Il me confia que partout il allait, mon odeur le suivait et que lors de ses déplacements il pouvait se réveiller en pleine nuit parce qu’il avait perçu dans la chambre un parfum qui lui rappelait le mien. Il me rappelait sans cesse que je lui appartenais corps et âme, que j’étais sa chose, sa possession. Je n’appréciais pas non plus lorsqu’il me dit un jour que je lui appartenais plus que ses enfants. Mais je n’avais pas le courage de protester, de le détromper, mais pour moi, on s’aimait mutuellement. Il était mon mari et moi sa femme. Mais sa chose ? Non ! C’était-là toute la nuance. Nuance que je me devais de relever dès le départ. 


Mais je ne le fis pas. Est-ce par manque de courage ou parce que je n’avais pas envie de le contrarier ? Même maintenant, je ne saurais te le dire Kathy. Je vivais constamment sous un stress qui minait peu à peu ma quiétude d’esprit.
Notre vie conjugale alternait entre disputes houleuses et réconciliations torrides jusqu’à un soir du mois de décembre de l’année 2007 où ma vie bascula dans la terreur. Ce soir-là, il revint à la maison en me disant qu’il avait la confirmation que j’avais un amant et que c’était l’une de ses relations qui le lui a confirmé. Malgré mes dénégations, il persistait dans ses absurdités. Tous les prétextes étaient bons pour me porter des coups et découcher. 
Au fil de cette vie qui tournait lentement au drame, je perdis pour lui tout désir physique. Je n’en éprouvais plus le besoin, tant je me sentais avilie, humiliée. Mais il m’y contraignait, criant que c’était pour moi un devoir conjugal et que je devais m’y contraindre si je ne voulais pas le pousser à « aller voir ailleurs ». 


Gifles, coups de poings, empoignades étaient devenus mon lot quotidien. J’étais devenue son punching-ball. Il me maltraitait physiquement et la minute qui suit, il était prêt à se mettre à genoux devant moi pour des relations intimes. Il devenait franchement agressif si je refusais et me disait qu’il était aussi permis de violer sa propre femme. 
Le mois de février 2008, me trouva déprimée, malheureuse. Je me sentais au bord d’une dépression nerveuse. J’avais besoin d’accalmie. Pour cela, je négociai durant des jours la permission d’aller passer une dizaine de jours à Abidjan où j’avais de la famille et une amie. Il m’amena lui-même à l’aéroport. Le soir-là, il m’appela pour me demander si j’étais bien arrivée à destination. Mais dès le lendemain matin, l’horreur vint me poursuivre jusqu’à Abidjan où j’espérais avoir quelques jours de répit. En effet, il m’appela très tôt le matin pour me dire qu’il essayait d’appeler en vain un des numéros d’un de mes supposés amants et qu’il était apparemment hors de Cotonou. Selon lui, une telle coïncidence ne pouvait se justifier que parce qu’il se trouvait à Abidjan avec moi. Qu’il me fallait revenir par le premier vol, sinon qu’il allait saccager le domicile de mon amant. Il appelait pour m’insulter, me menacer, alla jusqu’à voir mes parents pour leur rapporter ses soupçons. A bout, j’achetai un autre billet et effectuai le retour sur Cotonou sans avoir achevé mon séjour. 


Cette nuit-là, il me battit jusqu’au sang. Je perdis connaissance, dégoulinante de sang. Il me réanima à l’aide d’eau et d’onguents. Je revins péniblement à moi, désarmée, la bouche déchirée, l’œil au beurre noir, une terrible migraine me lancinant. Lorsque je repris conscience, mes affaires étaient empaquetées dans une valise, dans des draps, dans des sacs, pêle-mêle. Il voulait que je sorte de chez lui cette nuit-là. 
Pour une fois, on était d’accord. Je voulais partir aussi, avertir mes parents. Il était deux heures du matin. Sa sœur alertée sortit de son appartement et refusa de me laisser partir. Elle dit qu’aucun parent ne pouvait accepter de voir sa fille dans cet état. Que ce serait la fin de mon mariage. Elle me supplia de penser un peu au choc qu’ils recevraient. Peu à peu, j’abandonnai cette idée. Je me réfugiai dans son appartement. Mon mari ne cessait de la menacer aussi, lui intimait l’ordre de me faire sortir. Il voulait qu’on parle, que je lui avoue finalement mon adultère. Mais elle refusa. Le jour se leva et lorsque je sortis enfin de chez ma belle-sœur, mes bagages avaient réintégré, par les soins de mon époux, le domicile conjugal. Il me jura s’être calmé. Je revins dans nos appartements et déjà, il voulait entretenir des relations avec moi. J’ai protesté avec vigueur. 


Les jours qui suivirent furent pénibles. J’étais sujette à des étourdissements, de violentes céphalées et il m’arrivait de convulser. Je prenais sans cesse des analgésiques. De guerre lasse, il m’amena finalement à l’hôpital. Rien n’y fit. Il eut alors l’idée de me faire soigner par des tisanes qu’on alla acheter chez une guérisseuse. Peu à peu, je retrouvais ma santé. Mais je savais désormais ma vie en danger. Je l’avertis que la prochaine fois qu’il portera le petit doigt sur ma personne je le quitterai. 


Les mois qui suivirent, lorsqu’il parle de mes supposés amants, je lui disais de penser ce qu’il voulait. Je ne cherchais plus à le convaincre. Mon silence se retourna contre moi et il ne cessait de me citer l’adage « Qui ne dit mot consent ». Je ne voulais plus le détromper, je ne voulais plus subir de coups. J’offrais à notre ménage toutes les chances possibles de repartir de nouveau. Mais, je ne lui donnais plus d’occasion pour qu’il portât la main sur moi car je savais qu’à la prochaine tentative, ce sera le point du non-retour. 
C’est dans cette période de je constatai la grossesse de notre fils.
J’étais dans le quatrième mois de ma grossesse lorsqu’il porta encore la main sur ma personne. Tout simplement parce que les mauvais souvenirs lui reviennent, me dit-il. 
Ce sera la dernière fois de sa vie, ma chère sœur. Ce jour-là, je suis partie, emportant seulement mes diplômes, mes enfants, et mon fils encore blotti dans mes entrailles. 
Ce qui me fait le plus mal n’est nullement ma séparation avec lui, mais plutôt le fait de prendre conscience de m’être fourvoyée durant toutes ces années. De n’avoir pas su quel être violent couvait sous l’apparence si policée, sous ce torrent de charme. Tu sais qu’il peut se révéler tellement charmeur que n’importe quelle femme se sentirait flattée d’être sienne. Il est doté d’un charisme captivant, d’une intelligence percutante. Oh oui ! Il sait convaincre, charmer, éblouir. A le voir discuter en groupe ou avec ses clients, n’importe quel être sur terre, à plus forte raison une femme, ne peut qu’être captivée. Son physique avantageux est aussi pour lui un indéniable atout. Par ailleurs, au fil des années, il acquit une rare élégance, un goût vestimentaire raffiné. Mais aujourd’hui, avec amertume, je me rends compte que toutes ses qualités n’étaient que leurre et ne se limitaient que dans le domaine des affaires. En privé avec moi, et souvent aussi en famille, il sait se montrer brut, insolent. Ses réactions indélicates me désarçonnent, ses raisonnements me laissent pantoise. Je suis souvent foudroyée par la brutalité de ses actes, de ses paroles. Tel un kaléidoscope, il a des faces changeantes, tantôt limpides, apaisantes, tantôt troubles, animales. 


Quelque soit le dénouement, pour moi, il n’y avait plus de retour possible. Il y a dans l’existence, des moments où tout se joue. Tous les combats se gagnent sur la distance, le temps. J’ai compris qu’il faut rester fidèle à tout ce en quoi tu crois, et surtout à ta valeur intrinsèque. Et cette leçon, il est temps pour moi, Katy, de l’appliquer. J’ai de grands défis à relever. J’ai ma vie à reconstruire. Et ces chers enfants seront ma lumière dans ma quête du bonheur. 


Tu n’as pas à te faire des cheveux blancs pour moi. Ce n’est qu’à un nouveau défi que je me confronte. 


Avant d’accoucher de mon fils, je viens d’accoucher de moi-même : une renaissance !


Bien à toi Katy.


Affections éternelles.

LES BLESSURES DE L'A...