Nouvelle 2 : Le bal

Ecrit par Saria

***Parakou***

***Quartier Mon petit père***

***Saria***

Moi (pleurant fort) : Je veux partir d'ici papa, je ne la supporte plus !

Papa :…

Moi : Je veux partir !

Les hoquets de colère augmentaient, je serrais les poings à en avoir mal. Mon père tapote la place à côté de lui et malgré moi je vais m'asseoir. J’étais enragée et je voulais partir de la maison parce que c’était de plus en plus tendu avec ma mère. Sourire… Oui… Je la trouvais dure et implacable vis-à-vis de moi depuis quelques temps.

Comment j'ose en parler comme ça à mon père ? Parce qu’avant d’être mon père c'est d’abord mon pote, mon alter ego. Lui et moi n'avons pas besoin de mots pour communiquer ; à huit ans déjà j’étais une enfant-adulte. Il me parlait de tout et écoutait ce que j'avais à dire.

Aujourd’hui, j'en avais 18, mon bac en poche et je  réalisais que j’étouffais sous une mère hyper autoritaire. Pour être totalement honnête, j'ai l’impression de faire une crise d’adolescence tardive, à force d'avoir été totalement sage.

Mon bac me faisait pousser des ailes, surtout que je l'avais décroché avec mention. J’éprouvais le besoin de sortir, rencontrer les jeunes de mon âge et c'est là où ça coinçait ! Vous connaissez les conditions : être irréprochable, demander la permission au moins 48h à l’avance… Bref, je n'en pouvais plus de ça !

Papa : chérie…

Je tends immédiatement l’oreille… Mon père dit rarement chérie ! Jamais de démonstrations !

- il faut que tu sois un peu plus patiente s'il te plaît ! Tu connais bien ta mère, la contrarier ne servirait qu’à cristalliser les tensions. Au pire… évite-la, va à la bibliothèque… D’ici là… Je vais lui parler OK ?

Moi : OK… mais ne vous disputez pas. Promis ?

Papa : Promis.

 

***Boni Kora***

Je suis le père de Saria… A quoi je ressemble… Je suis juste sa version masculine. Sur le caractère par contre c’est ma tendre épouse. Si nous avons trois filles, je n'ai jamais caché ma préférence pour ma fille cadette. Je sais que ce n'est pas bien mais : elle est posée, bosseuse, intègre, sensible et… dotée d'une grande capacité d’écoute. J’avoue ne pas l'avoir vue grandir. Elle s’était investie à l’école, avait eu son bac et estimait qu'elle avait le droit à quelques privilèges, ce que sa mère n'entend pas accorder. Depuis, les clashs se multiplient.


Quand elle en arrive à dire je veux partir, c'est qu’elle est à bout et qu'elle veut VRAIMENT partir. Il y a quelques années je l'ai appris à mes dépens. Saria devait avoir 14 ans à l’époque ; c’était très tendu entre mon épouse et moi, évidemment elle se retrouvait entre nous pour trancher. Sa mère et moi n'avions pas réalisé qu'elle en souffrait énormément. A moi, elle a demandé à plusieurs reprises d'arranger les choses. Mais mon ego ne l’entendait pas de cette oreille et Binta avec son sale caractère ne m’aidait pas beaucoup. Nous étions trop occupés à nous déchirer, sa mère et moi. Un midi je rentre déjeuner après ma matinée de travail. Généralement, lorsque je rentre elle vient s’installer juste devant moi et nous parlons de tout et de rien. A la fin, elle débarrasse. Ce jour-là, je remarquai tout de suite que quelque chose n'allait pas. Binta, mon épouse avait les yeux rouges mais je me disais que c’était à cause de la grosse dispute que nous avions encore eu hier nuit.


Moi : Où est Saria ?

Binta : Elle est partie

Moi (me lavant les mains): à l’école ? Déjà ?

Binta : Non ! Ce matin elle avait cours à 10 heures. Elle a ramassé ses affaires pour s’installer chez son oncle Mounirou

Moi : Quoi ?! Je peux savoir pourquoi tu ne l’as pas retenue ? Pourquoi tu ne m'as pas appelé ?!

Binta : Elle a hérité de ton sale caractère ! Et puis ? Quand je t'ai appelé tu n’as pas décroché non plus !


Mon Dieu ! Oui, elle m'avait appelé mais je ne voulais pas qu'elle me soûle alors je n'ai pas pris. Hum ! Saria  chez Mounirou… C’est fini ça ! Mon cousin adorait ma fille, il y avait deux ans, il voulait me la « prendre », j'ai dû ruser. Culturellement, il est en droit de la réclamer et de l’élever ; c’est mon aîné et mes enfants sont beaucoup plus les siens que les miens et vice versa. En milieu baatonu c'est normal. Je sens des sueurs froides, je ne peux pas me pointer là-bas ! Elle m'avait dit que son oncle et sa tante étaient un couple paisible. Ils n'avaient pas autant de moyens que moi mais ils étaient complices. Oh mon bébé !


Incapable de manger, je me lève et prends mes clés. Comment survivrai-je sans ma fille, mon bras droit ?!

Il m'a fallu une semaine pour l’apercevoir à la sortie des cours. Dès qu'elle me voit, elle avance vers moi. Je la serre contre moi à l’étouffer, je trouvais qu'elle avait un peu maigri.


Moi : Tu rentres quand ?

Saria (baissant les yeux) : Je ne supporte plus vos disputes…

Moi : On ne se dispute plus !!! Je suis désolé… Je promets de prendre sur moi mais rentre… Tu as l'air fatigué.

Saria : C'est rien… on a aidé ce week-end au chantier des parents pour porter le sable et puiser de l’eau pour les maçons… épuisant mais ça va

Moi : Rentre s'il te plaît !


Elle secoue la tête, me serre le bras et tourne les talons. Mon bébé n'avait jamais fait de gros travaux. Sa mère a dû faire un scandale pour que je la laisse faire les tâches domestiques… Maintenant, elle joue les aide-maçons !

J'ai subi ce régime là pendant six mois, avant qu'elle n'accepte de rentrer. J'ai manqué me brouiller avec mon cousin la seule fois où je lui ai demandé de me renvoyer « sa » fille. Depuis, ça m'a calmé.

*** Fin du flash***


Moi : Binta ?!

Binta : oui ?

Moi : Viens voir quelque chose.


Il fallait que je la joue en finesse pour ne pas réveiller le volcan qui sommeille en ma chère et tendre.


- chérie ?!

Binta (me coupant) : Huuuummm !!! Pardon Boni tu veux quoi ?!

Moi (faux bruit) : Binta, pourquoi tu es sauvage comme ça ? Donc je ne peux pas t’appeler chérie ?

Binta : Boni… écoute, on gagne du temps… Je t'ai fait trois enfants… on est marié depuis 23 ans je peux te dire à chaque fois que tu m’as dit chérie ce que tu m’as demandé !

Moi : Ah !!! Binta je t'ai sorti de ton village pour t'emmener dans la civilisation mais ça n'a pas arrangé ton cas quoi ?! Tu es trop chaude !

Binta : OK… Attends j’arrive !


Elle sort de la chambre et en revient quelques minutes plus tard avec l'un des sachets de glace qu’elle vend. Celui-ci était posé sur son avant-bras. Elle se remet à côté de moi, enlève le sachet et me demande de toucher sa peau.


Je ne voyais pas à quoi ça rimait mais je le fais. Ce n'est que lorsqu’elle me dit :

- je suis assez froide pour toi ?


Que je comprends l’allusion.


Moi : Oh !

Binta : Boni ! Ce n'est pas oh hein ! Ta fille est venue pleurnicher non ?! Tu crois que je n’ai pas compris ? Quoi, c'est la première fois qu'on voit une bachelière ?! Quand elle va être gâtée pourrie, là tu vas gérer.

Moi : Je ne te dis pas de ne pas veiller au grain… je dis de faire doucement avec nos filles… Tu es trop martiale !

Binta : Tchroum ce n’est pas martiale hein ! Trouve un autre nom ! Donc elle a eu le bac et c’est fini. Tu as déjà vu les oreilles d’un être humain dépasser sa tête ?

Les (més) aventures...