Nouvelle 4 : Ego man (Part 1)

Ecrit par Saria

***Abomey Calavi –Bénin***

***Université***

***Mathys Akplogan***

Comme d’habitude j’arrive en cours 10 mn avant. Aujourd’hui j’ai choisi de prendre la voiture de ma mère, la mienne étant au garage. Il s’agit d’une BMW série 1, luxe qu’elle vient de s’offrir. Je sais, ça va encore jaser. A dire vrai, ça fait un moment que je ne me préoccupe plus de ce que les gens pensent de moi. Je viens d’une famille riche, je ne vois pas pourquoi je devrais avoir honte de qui je suis ?!

J’ai eu ma première voiture à 16 ans quand mes camarades avaient leurs premières motos. Je suis le benjamin d’une famille de 5 enfants. Aujourd’hui j’en ai 22.

Je récupère mon sac griffé Longchamp, 800 euros, cadeau de ma sœur aînée. J’enlève une poussière imaginaire sur ma chemise et j’avance vers la salle de cours. L’année tirait à sa fin ; on recevait les dernières notes.

A l’entrée j’aperçois Saria… Hum… Cette fille m’a plu dès le premier jour mais apparemment elle ne m’aimait pas beaucoup. Elle a un très beau teint noir et son sourire… Dommage qu’elle ne me l’adresse jamais. C’est d’ailleurs l’une des rares filles qui m’ignore royalement. En l’observant, j’ai compris que le travail, l’école, les bonnes notes étaient importants à ses yeux. C’est vrai qu’elle est brillante ; pour ça elle fait l’unanimité. En début d’année, je l’ai laissée prendre un peu d’avance mais je crois que la suite va lui déplaire. Je suis le genre de garçon brillant et intelligent, j’ai de grandes capacité d’analyse et de synthèse qui font que je peux vous résumer un cours, le comprendre avec une rapidité hallucinante. J’ai toujours une longueur d’avance sur les autres. Si vous me voyez devant un jeu vidéo, c’est que j’ai déjà évolué dans mes travaux. Pareil lorsque je passe la nuit en boite ou en soirée. Je suis également endurant et j’ai une grande capacité de concentration. Donc sous mes airs de bon vivant, je suis un bosseur, une force tranquille.

Ces informations il n’y a que Max et Vianney mes deux potes qui l’ont. En fait j’ai effectué un transfert de Dakar où j’ai fait mes 1ère et 2ème années d’université. Dès qu’elle me voit arriver, elle retourne à sa place. J’avance et m’assieds au fond de la salle. Vers 9h et demi, le responsable de la classe annonce que les notes sont affichées à l’administration. Il y a comme un mouvement de foule, je ne bouge pas. J’avais un point exact de mes performances.

Au bout d’un quart d’heure, je vois l’objet de mes pensées revenir, la mine défaite. Elle ramasse ses affaires. Occupée, elle ne me voit pas m’approcher :

Moi : Maintenant que tu sais qui est ton maître, on va pouvoir parler tranquillement ?!

Elle se fige un instant, puis je la vois se retourner tout doucement vers moi. Ses yeux lançaient des éclairs, une tigresse… ça me plaît encore plus.

Saria : Pardon ?

Moi (les mains dans mes poches) : Je suis major de promotion, premier de la classe… Disons que nous savons désormais qui pèse quoi ?! On peut passer à autre chose ?

Saria (vérifiant derrière elle) : Attends, c’est à moi que tu parles ? Moi !

Le tchiip retentissant qui sort de sa bouche me fait sursauter. Elle prend son sac comme une enragée, me bouscule en ayant bien soin d’écraser mes chaussures en cuir de serpent et de continuer sa route ! J’hallucine mais cette fille est une mégère !

Ce sont les moqueries de mes deux compères qui me font revenir à la réalité. Ils me regardaient d’un air goguenard.

Eux : Man ! Tu as rencontré petit piment hein !

Je fais un sourire et je ne réponds rien. Je retourne m’asseoir ; certains camarades revenaient former de petits groupes, d’autres rangeaient leurs affaires. Je la vois au milieu d’un groupe, une seule fois nos yeux se rencontrent.Elle se détourne en amarrant la bouille. Lol bébé le boss c'est moi et ça c'est jusqu'à la gare!

Le Responsable : Silence ! L’administration vous fait dire que cette semaine sera consacrée au retrait des lettres de mise en stage. Il faudra passer récupérer votre courrier. Dès lundi prochain, tout le monde devra être en poste !

 Après ce message c’était quartier libre. Saria, plus que jamais je la veux. Au-delà de sa beauté et de son intelligence, j’aime ce truc en elle, cette hargne, ce caractère fort qui fait qu’elle remet les gens à leur place avant même d’ouvrir la bouche.

 

***Saria***

L’autre gougnafier-là, il me regarde ; si ce n’est pas les choses de mon corps ! Dix mois que nous sommes dans la même classe, jamais au grand jamais il ne m’a regardée, encore moins adressé la parole. Hey sorcellerie ! Il est major de promotion, nous avons eu des résultats… certes provisoire ; à moins d’avoir 100/20 pour le stage et le mémoire, je ne vois pas comment lui damer le pignon et ça m’irrite au plus haut point. Toute l’année, je me suis échinée pour être en tête, le sournois il travaillait en douce. Monsieur orgie ! Ah si ça se trouve il paye des gens pour réviser pour lui. Ah pardon, je suis trop dégoûtée donc je dis ce qui me plaît.

Je suis quand-même un peu triste, j’avais annoncé à mon daron que j’étais devant. Voilà maintenant !

Je rentre à la maison et monte m’enfermer dans ma chambre. Je mets ma tête sous l’oreiller.

 

***Un peu plus tard***

***Chez les Touré***

Tout le monde était à table quand je les rejoins. Je m’installe à la gauche de mon oncle.

Tonton : Bah ! Qu’est-ce qui t’arrive toi ?!

Moi : Rien tonton… Un peu fatiguée

Tonton : Ton rien-là te donne une tête à faire peur !

Moi : …

Nous commençons à manger en devisant. Toute la soirée, je sens le regard de ma tante sur moi. Je ne suis pas surprise de la voir dans ma chambre quelques heures plus tard.

Tanti (s’asseyant sur mon lit) : Toi tu couves quoi et puis tu es fermée gban gban on dirait une huître ?

Moi : Quoi ?

Tanti : Tu ne veux pas me raconter ?

Moi : Il n’y a rien à dire… Tu te souviens du fils du député ? Bah il est le premier de la classe.

Tanti : Hein ?! Mais… Comment est-ce possible ?

Moi : Je n’en sais rien, tanti…

Tanti : Je comprends que tu sois dégoûtée mais bon ce n’est pas comme si tu avais une mauvaise moyenne… il y a autre chose que tu ne me dis pas ?

Moi (soufflant) : il m’agace, ce mec avec son égo surdimensionné. Tu sais ce qu’il a osé me dire le malotru ?!

Tanti : non… Mais tu vas me le dire

Je lui rapporte notre altercation dans les moindres détails. Réaction inattendue, elle éclate de rire... Elle rit aux larmes et moi je me renfrogne.

Moi (grinçante) : Merci !

Tanti : Nous y sommes enfin ! Ce malotru comme tu dis… est plutôt brillant et il te plaît ma puce.

Moi : Soubhanallah ! tanti, ne me maudis pas s’il te plaît ! Lui ?!

Tanti : Bon… De toutes les façons, je crois que tu devrais te calmer.

 

***Fouléra Touré***

Je m'inquiétais pour rien par rapport à Saria. C'est vrai qu'elle est dégoûtée que la première place lui échappe… Vu qu'il y a de forte chance qu'elle soit deuxième, il n'y a pas de soucis. Je crois que son problème est lié plutôt à la personne de ce fameux fils de député. Bref… Wait and see.

 

***Quelques jours plus tard***

***Ministère du commerce***

***Direction de l’import-export***

***Mathys***

J’attendais impatiemment mes deux camarades de stage. J'en connais une qui va péter un câble : votre copine. Comme pour confirmer mes dires, j’entends une exclamation :

« Soubhanalah ! »

Je me retiens de faire un large sourire. Je retrousse mes Ray Ban sur mon nez.

Dans notre groupe nous sommes trois : Étienne, Saria et moi. Nos thèmes, sans être pareils étaient complémentaires. Pour la répartition, on s'est retrouvé dans le même ministère et dans la même direction en tout cas pour les deux semaines à venir. J’étais le responsable de mon groupe ; moi j'avais la liste.

Moi (sourire narquois) : Bonjour princesse

Saria (agressive) : Que fais-tu là ?

Moi (zen) : Je suis responsable du groupe numéro 6. Je suis en stage ici !

Saria : Non ! Je suis dans le groupe numéro 6 et ce n’est…

« Bonjour ! »

Nous nous retournons tous pour voir une dame avec un air jovial.

Moi : Bonjour madame !

Dame : Je suis Lucrèce Adandé, je me charge des stagiaires de la direction.

Nous : Enchanté madame.

Elle nous explique que le directeur est en déplacement mais nous devrions le rencontrer d’ici le milieu de la semaine. Nous la suivons dans les bureaux où elle nous présente aux cadres.

 

***Saria***

J'ai passé ma matinée à ronger mon frein. Hey Dieu, je t'ai fait quoi pour que ce connard là soit sur mon chemin ?!

 

J'ai appelé ma tante pour lui raconter mes « misères » ; elle m'a juste demandé : « Pourquoi prends-tu les choses personnellement ? ».

A la pause, je me dirige vers le centre commercial près du ministère des finances ; on y mange bien pour un budget réduit. Quelques minutes plus tard, j'attaquais mon plat favori : riz aloko poisson. Pour moi c’est la combinaison qui tue. Krkr.

Je finis et décide de marcher pour rejoindre mon lieu de stage… Histoire de digérer un peu. Lorsque j'arrive, un paquet était posé sur mon bureau. Curieuse, je l'ouvre ; c’était un emballage attiekè aloko et poissons. Apparemment c'est une livraison de Chez Clarisse, j’en étais là à me poser des questions quand Mathys entre.

Mathys : Bon appétit… J’ai pensé que ça te plairait

Moi (me tournant vers lui) : Tu as pensé mal… J’ai déjà mangé.

Mathys (sèchement) : Tu en feras ce que tu voudras alors…

Il sort en se retenant difficilement de claquer la porte. J'avais réussi pour une fois à lui ôter son air flegmatique. Bon, j'avoue que jouer les chipies ne me sied pas vraiment. Je range tout et me prépare pour l’après-midi. Les heures qui suivent passent assez vite. Pour moi, c’était mon premier stage ; manifestement pas pour mes deux compères. Entre les photocopies à faire et les communications à préparer, j’étais littéralement morte à la fin de l'heure. Je ne sentais plus mes jambes.

A 18h45 précises, notre superviseur passe la tête par la porte et nous annonce qu’on pouvait rentrer. Je ne me le fais pas dire deux fois ; je range rapidement mes affaires. Quand je pense aux embouteillages qui m'attendent, j'ai des céphalées.

 

***Quelques minutes plus tard***

Mahou[1] j'avais une forte envie de pleurer. Vingt minutes que j'attends de trouver un taxi pour Calavi, impossible ! Franchement, mon budget ne me permet pas de prendre un zémidjan[2] direct jusqu’à zogbadjè.

 

Étienne : Hey miss, tu es encore là ?

Il était sur sa moto, un espoir fou se réveille en moi… Il pourrait peut-être m’avancer quelque part ? Mais à l'instant où ça me passe par la tête, il me refroidit.

- J'aurais bien aimé te dépanner mais j'habite Akpakpa.

Moi : T’inquiète je comprends… A demain !

Mon Dieu, qu’est-ce je fais ? J’en étais là de mes réflexions quand j’entends : « Je te dépose quelque part ? ».

Je me retourne pour voir Mathys au volant. Il avait le visage impassible comme si ma réponse lui importait peu. Aujourd’hui, il était dans une Peugeot 607 ; je me mets à réfléchir comme si ma vie en dépendait.

Mathys : Alors ?!

Je me dépêche de monter. Dès que je m'installe, les portières se verrouillent automatiquement. Malgré moi, je m'enfonce dans le siège en cuir avec un soupir d'aise. Je ferme les yeux un instant, juste le temps de souffler une minute.

- Pourquoi me détestes-tu ?

Moi (rouvrant les yeux) : Pardon ?!

Mathys : Quand je vois les réactions épidermiques que tu as dès que je t’approche… Je me dis que j'ai dû te faire quelque chose… Le problème c'est que j'ai beau chercher, je ne trouve pas.

Le mec me tenait ce discours sans me regarder ; il tenait le volant et se concentrait sur la conduite… Il était limite zen.

Moi : Euh ! Je…je…euh…

Hey Saria !? Tu bégaies ?!!! Ta bouche est passée où !?

- Écoutes… Je te trouve juste arrogant… et… prétentieux

Un silence se fait dans l'habitacle. J'entendais ma propre respiration. Hey maman, on venait de passer le carrefour Bon Pasteur et si le gars me faisait descendre de voiture maintenant, je suis mal barrée. Saria, ta bouche là ?! Au moment où je pensais qu'il ne dirait plus un mot :

Mathys : J’avoue que je suis un peu déçu.

Il prend le temps de pousser de son index ses lunettes sur son nez fin.

- Tu es belle, intelligente, gentille même si tu es… désagréable avec moi… mais tu te fondes sur les « on dit » pour me « classer »

Moi : Oh !

Mathys : En gros tu me juges alors que tu ne me connais pas !

Moi : …

Mathys : Je ne suis pas un mec extraordinaire… Mais je crois que je mérite d’être connu… Ce ne serait que justice, non ?

 

***Mathys***

Qu'il soit bien clair, je m'en fous un peu de ce que X ou Y pourrait penser de moi. Je ne sais pas pourquoi l’idée que Saria pense quelque chose de pas bien de moi me… chagrine.

J’avais besoin de comprendre cette animosité qu'elle a envers ma personne. Son comportement de ce midi m'a mis hors de moi. Je me suis promis de régler ça.

Saria : Je suis désolée

Moi (souriant) : Pas de soucis si tu acceptes de me laisser te montrer le vrai Mathys Akplogan.

Saria : Lol.

 

Après 45mn de conduite je la dépose devant chez elle. Nous avons parlé de tout et de rien, que des sujets superficiels. Je la sentais sur ses gardes mais bon, je sais que la glace va fondre comme neige bientôt.

Mathys : Vous êtes rendue, Mademoiselle

Saria : Merci ! Tu habites dans la zone ?

Moi : Non…  Je vis à Kouhounou

Saria : Hein ! Mais…

Moi : T’inquiètes, je rentrerai bientôt ; le trafic est plus facile dans l’autre sens. Je pourrais avoir ton numéro ?

Saria : Oui bien-sûr !

Je la regarde entrer dans la maison ; c’est lorsque je la sais en sécurité que je fais la manœuvre pour repartir.

***Le lendemain***

***Cotonou-Bénin***

***Ministère du commerce***

***Direction de l’import-export***

***Saria***

J’arrive de très bonne humeur aujourd’hui. J’aperçois votre parent au fond du couloir&nbs

Les (més) aventures...