Nouvelle 6 : Popote facultative

Ecrit par Saria

***Cotonou***

***Quelque part dans Sainte Rita***

***Un peu avant minuit chez les Kpossou***

***Rodrigue***

Je m’avance tout doucement veillant à ne faire aucun bruit. La fenêtre ouverte laissait filtrer le clair de lune me permettant de voir la croupe rebondie de ma femme… Hum mon Élodie… Cette femme Dieu l’a créé un lundi… Vous voyez ? Après avoir pris du repos dimanche… Elle a des rondeurs affolantes, une belle poitrine et…hum maman, des fesses à damner un saint ! Rien que d'y penser, je sens mon deuxième cerceau réagir ! Lorsqu’elle est debout, on dirait une bouteille de Coca-Cola. Bon, je vous parle déjà trop. Comme un chat, je me glisse dans le lit et m'approche encore plus près. Je laisse glisser mes doigts sur ses jambes, ses cuisses, puis au niveau du terminus je sens une résistance. Je passe ma main sur ses fesses… Hey !!!!! Pourquoi la fille là est mauvaise comme ça !? Elle a porté un shorty en jeans ! Sorcellerie ! Huuuum… Je sens la frustration me gagner… Je venais de rentrer d'une semaine de mission dans le centre du pays. Une semaine que je n'ai pas arrêté de spéculer sur le derrière de ma femme.

-  Elooo!!! Elooo!!

Élodie: Hey Rodrigue!!! Il y a quoi ?!! Pourquoi tu cris mon nom cette nuit ?

Je vous jure que s'il n'y avait pas urgence, risque de mort d'homme, j'aurais éclaté de rire parce que son accent camerounais est revenu. Oui oui, ma chérie est moitié béninoise, moitié camerounaise.

Moi : Elo, c'est quoi ça ?

Élodie : Je ne vois pas de quoi tu parles…

Moi (bégayant) : ce…ce…cette culotte de chasteté…ce jean plaqué sur toi, on dirait une deuxième peau… Hein, c'est quoi ça ?!

Élodie (hochant la tête avec satisfaction) : Ah ça ?! Ça s’appelle un shorty …et puis je dis, en partant de cette maison tu as laissé quoi ?! Tu m'as laissé avec deux enfants en bas âge sans rien !!!

Moi : Han ?! Quel est le rapport entre ce que je te demande là à l'instant et le sujet que tu ramènes ?

Élodie : Tu ne comprends pas ?!

L’accent est encore plus prononcé… ça veut dire qu'elle est très énervée ou très émue. Je doute que ce soit la deuxième possibilité.

Moi : Non… Je suis rentré de voyage et j'ai envie de sentir ma femme.

Élodie : Mon cher, le ventre affamé n'a point d’oreille… ou si tu veux, point de sexe dans le cas-ci !!

Moi : Ah !!! Elo je te retiens… tu me trompes !!! Tu me trompes !!! Sinon comment tu expliques que je parte dix jours et qu’à mon retour, au lieu de me sauter dessus, tu fermes le pays bas ! tu fermes les frontières ! Comme l’Europe à l’Afrique ?!

Élodie : Ah mouf !!! gardes tes beaux discours mon cher ! Ce soir-là c’est dead !

Après un long tchipp, elle se recouche me tournant le dos. Oh mais cette fille me veut quoi ?! J’étais tout raide déjà.

***Une heure plus tard***

Je ne dormais toujours pas… Je pourrais sortir et aller me soulager ailleurs (les tantines vous suivez mon regard) mais ce ne sera pas pareil… Mes deux cerveaux étaient focus sur le derrière de Élodie. Je ne peux pas le déprogrammer comme ça. Le savon n’était pas une option, la douche froide encore moins.

Elle veut voir la folie non ? Je vais lui montrer.

Moi (claquant mes mains) : Aaaaah !!! Moustiques !!! Aaaah !!!

Elle sursaute dans son sommeil et s’assoit. Moi je continuais imperturbable mon cinéma. Elle se frotte les yeux, fais un autre tchipp, avant de rassembler ses affaires.

Élodie (voix endormie) : Rodrigue… Tu peux même crier au feu ! D’accord, moi-là tu ne poseras pas tes mains sur moi aujourd’hui !

Elle sort du lit et va s'enfermer dans la chambre des enfants.

 

***Lendemain***

***Élodie***

Bonjour par ici ! Moi, c'est Élodie Megnassan ; je suis béninoise de par mon père et camer de par ma mère.  J'ai 30 ans et je suis maîtresse coiffeuse ici à Cotonou. Je n'ai pas un beau visage… je le trouve même quelconque mais quand on regarde le reste de mon corps… je suis ce qu’on pourrait appeler une bombe, je suis d’un noir d’ébène, de grands yeux en amandes, 1m70 pour 67 kilos. Comme je prends soin de moi, tous les hommes me remarquent.

Il y a dix ans, j'ai rencontré Rodrigue dans mon salon. Il était venu se couper la barbe… Euh oui, je fais de la coiffure mixte. Il est dans les BTP, entrepreneur à son propre compte. Beau garçon, gentil et beau parleur aussi. Hum… ça a collé tout de suite entre nous. Aujourd’hui on est marié… Nous avons deux petits garçons, 6 et 4 ans. Boris et Désiré.

Vous m'avez trouvé dure hier nuit ? Vous direz oui, ce sont les comportements que nous avons et nous poussons nos hommes à nous tromper après on vient se plaindre ? Je peux comprendre… Mais laissez-moi vous expliquer.

 

***Onze jours plus tôt***

Je rangeais notre chambre… Rodrigue avait été appelé à collaborer sur un projet à Dassa-zoumè[1] avec un ami qu'il m'a dit. Les premières années de notre mariage, ses finances n’étaient pas consistantes encore moins régulières. A cette époque je lui avais demandé que la popote soit versée seulement quand il avait des rentrées d’argent. Nous avons continué ainsi même quand les choses se sont améliorées. Pour moi cela ne posait aucun problème puisque nous regardons dans la même direction : construire notre avenir.

Il y a six mois toutes ses affaires se sont arrêtées. C'est moi qui tiens la maison depuis le temps. Que voulez-vous ? C’est la période de vaches maigres : les marchés se font rares. Moi ça ne me gêne pas du tout… Si c'est bon pour moi, c'est bon pour lui. Je le savais déjà trop embarrassé par la situation pour enfoncer le clou et comme Dieu ne ferme jamais les portes, mes affaires étaient florissantes.

Comme j’étais débordée au salon, il a dû préparer sa valise seul… Mais le bordel qu’il a laissé derrière lui ! Je vais déposer le linge sale dans le panier qui y est dédié.

Je range les affaires propres dans ses armoires. Je vais en profiter pour nettoyer ses chaussures, au moins ce sera ça de fait. Je tombe sur une vieille paire… Hey Ro avec les vieilleries, ce type n'aime rien jeter. Si tu le fais, tu en entendras parler pendant un an. Je m’apprêtais à la remettre à sa place quand quelque chose qui débordait légèrement attire mon attention… On dirait une vieille enveloppe poussiéreuse. Je la tire car elle était bien enfoncée dans la chaussure… Etrangement mon cœur commence à battre alors qu'il n'y avait manifestement aucune raison. Comme il faisait chaud je m’essuie le front avec le dos de la main ; accroupie j’ouvre l'enveloppe… ça ressemble à des reçus et une liste de courses.

Bam bam bam… Je m'y reprends par deux fois avant de déchiffrer une facture d’hôtel datant de deux semaines, trois factures de restaurant, une facture de chez vlisco, une facture de téléphone portable, ces dernières choses datant de deux mois. La liste elle est plutôt…détaillée ; ça va d'un téléviseur aux sous-vêtements, montre en passant par du tissu, des robes, du vin. Certains articles avaient été cochés.

Massa ! Je m’adosse tout doucement au montant du lit. C'est lorsque le papier a commencé à être mouillé que je réalise que j’étais en train de pleurer. Weh maman ! Les choses de mon corps ; six mois…six mois que je paye tout dans cette maison… J’oublie les années de « débrouillardises ». Les factures, la deuxième tranche pour la scolarité et la cantine des enfants, les cotisations pour les obsèques de sa tante, l’essence de sa voiture… la popote… Oh God, la popote !!!

J'y investissais la plus grande part de mes recettes… Je voulais m’acheter des casques à vapeur, renouveler mes produits de bases pour confectionner mes shampoings pour mes clientes nappy. Oui j'ai lancé ma propre gamme. Tout est entré dans la popote.

***Fin du flashback***

 

Ce jour-là je n'ai pas pu aller travailler. J’éprouvais de la colère j'avais envie de tout casser, de l’appeler et lui crier sa méchanceté et sa traîtrise. Vous savez, honnêtement je m’en fous de la personne pour qui il a fait ces dépenses. C'est l’esprit derrière tout ça qui m'insupporte. J'ai eu dix jours pour me calmer et réfléchir à ce que j’allais faire. Hum !

L’étape numéro un c'est ce que vous avez vu hier. Ce n'est que le début. Je vais lui apprendre qui a mis l'eau dans le coco.

On s'est quitté ce matin sans un mot. J'ai pris juste la peine de lui dire bonjour, salut auquel il n'a pas daigné répondre. Je m'en fous. Il est parti avec les enfants et moi je me suis dirigée vers mon salon. Les apprentis étaient déjà là. J'en avais 8 : cinq garçons et trois filles. Je ne prends pas beaucoup de filles pour éviter le kongossa. Il y en a même qui pique les époux des clientes (dans d’autres salons, pas encore chez moi). Je ne veux pas d'histoires. Je venais de raccrocher avec une cliente quand j'entends :

« Coucou ! »

Moi (me retournant) : Hey Saria ! Ça va toi ?

Saria : Oui tata Elo ! Comment vas-tu ?

Moi : ça va, jeune fille. Et mon beau ?

Saria : Oh il va bien.

Je la traîne vers mon bureau, ce qui est sûr aujourd’hui elle n’était pas là pour sa tête. On devait débriefer. Oui c'est à elle que je me suis confiée, cette jeune fille de sept ans ma cadette. Elle avait su trouver les mots justes pour me calmer.

- allez, raconte ! J’espère que tu n'as pas fait d’histoires hein ?!

Moi : Lol…Non je l'ai géré autrement mais il n'a encore rien vu.

Je lui raconte un peu, elle était morte de rire. Surtout quand je lui ai dit pour la partie du film où le gars criait moustique on dirait il criait au feu.

Saria (essuyant ses larmes) : Tu es une sorcière quoi ! Un shorty en jeans !

Moi : Tu voulais que je fasse quoi ? Qu'il me monte dessus ? Ça fait des mois qu'il me l'a fait à l’envers !

Saria : Bon c'est quoi la suite ?

Moi : Level 2. Je vais lui apprendre à se moquer de moi.

Saria : Je connais bien tonton Rodrigue… Il ne va pas se laisser faire hein.

Moi : Je m'en fous… Quand la femme se fâche kpin… En plus c'est Francis Bebey qui l'a chanté… Bref je m’égare.

 

***Saria***

Je sors de là, secouée. Hum l'homme est mauvais quoi. Je me dirige vers le siège de Necotrans. Je devrais retrouver Mathys. Eh oui, il est encore là ; ça fait deux ans que nous sortons ensemble.  On se retrouve pour déjeuner quand il n’a pas de réunion ou une autre obligation professionnelle. Moi je venais de finir un stage. J'ai un peu plus de mal à trouver quelque chose de stable. Les parents de mon chéri ont proposé leur aide mais j'y réfléchis encore. Je voudrais quelque chose au mérite. J’étais brillante à l’école je ne vois pas pourquoi je ne trouverai pas !

Toquant à la porte de son bureau, je regarde rapidement ma montre j’étais en retard de dix minutes.

« Entrez ! »

Je passe ma tête d'abord, dès qu'il me voit il ferme son visage, le retard a le don de l'agacer au plus haut point.

Moi : Bonjour chéri !

J'ai droit à un smack et monsieur se penche sur son dossier.

- Excuses moi pour le retard s'il te plaît… Je te raconte ce soir si tu veux.

Mathys : Hmm…

Je tourne son fauteuil et m’installe sur ses cuisses

Moi : Eh, j'ai appelé le restaurant pour commander… Le temps qu'on arrive, ce sera prêt !

Mathys : OK c'est bon… On y va ?

Moi (boudant) : Je n'ai pas eu droit à un seul regard brillant encore moins un vrai baiser depuis que je suis là.

 Il me tient par le menton et plonge son regard dans le mien. Parsemant le coin de ma bouche de petits baisers

Mathys : Tu es insupportable quand tu t'y mets…et…

Je venais de l’embrasser à pleine bouche. Nos souffles se mêlent, je lui mordille la lèvre inférieure. Il grogne et agrippe mes fesses.

Moi (contre sa bouche) : Tu n’as plus faim ?

Mathys : Chipie… Quand je vais te serrer tu vas réciter l’alphabet à l'envers.

 Je me redresse en rigolant et sors de ses bras, il me donne une tape sur les fesses.

 

***Un peu plus tard dans la soirée***

***Kouhounou-chez les Apklogan***

***Mathys***

Saria : Tu peux répéter ça, s'il te plaît ?

Moi : Je dis que la popote pourrait devenir facultative… Si ton amie a les moyens de nourrir sa famille, où est le problème ?

Saria : Mathys, tu ne m'as pas écoutée ou bien tu le fais exprès ?! Élodie a tout payé alors que Monsieur a de l'argent qu'il lui cache !!!

Mathys : Qu’est-ce que tu en sais ?!

Saria : C’est l'homme qui donne la popote !

Mathys : Où est-ce que c’est écrit ?

Saria : Ah donc toi tu n'envisages pas la donner !

Mathys : Saria, ne dénature pas mes propos ! Moi je trouve que tout est sur la base de ce que le couple a décidé ?! Je ne voudrais juste pas que tu aies une position carrée.

Saria : Hum…

         

***Au même moment dans Cotonou***

***A Sainte Rita***

***Rodrigue***

Je viens de rentrer fatigué et mon humeur ne s'est pas vraiment améliorée. Je vais me laver les mains à la cuisine… Hum ça sentait bon le poulet je crois que les enfants avaient mangé il n’y a pas longtemps. Je vais me doucher rapidement. C’est en sortant que je croise Élodie, elle refermait doucement la porte de la chambre des garçons.

Moi : Bonsoir chérie

Élodie : Bonsoir papa…

Hum c'est mauvais signe ça. Je ne sais même pas ce qu'elle a, les femmes et leurs humeurs.

Je me mets à table et ouvre la glaciaire mon cerveau bug. Je lève les yeux ; ma dame regardait la télévision tranquillement.

J'hallucine ou c'est vraiment de l'eau chaude saupoudré d’un peu d'huile que j’ai sous mon nez !? Je sens la moutarde me monter au nez. Cette fois-ci elle va trop loin. Je lui arrache la télécommande et éteint la télé.

Élodie : Oh mais il y a quoi ?!

Moi (grondant) : Élodie ! Qu’est-ce que tu as mis à table et recouvert là ?!

Élodie : A table !?

Moi : Oui à table !

Élodie : Bah ce que tu as laissé dans cette maison ! C’est-à-dire l’huile et l’eau et un peu de sel !

Moi : Non mais oh, depuis quand c'est la condition pour qu'il y ait à manger dans cette maison ? Tu connais ma situation ! La mission pour laquelle je suis parti, j'y participe et on attend d’être payé.

Elle éclate de rire comme si elle débloquait. Elle rit aux larmes.

 

***Élodie***

Non mais oh, l'homme est mauvais. Donc votre cousin est sérieux ?! Venez voir sa tronche longue on dirait le train qui fait Yaoundé-Douala, sa mine de chien battu.

Moi : Ah oui ? Donc toi Rodrigue Kpossou, tu n'as rien depuis des mois… C’est bien ça ?

Rodrigue : Oui !

Moi : OK… Assois toi, j’arrive…

Je prends les copies des factures et reçus et de la liste, je tire mon troller que j'avais préparé. Quand il me voit venir il me regarde, étonné ; avant qu'il ne puisse placer un mot, je lui mets les documents sous le nez.

Rodrigue : Oh !

Moi : Garde j'en ai fait plusieurs copies… Tu sais, je ne sais pas ce que tu as comme objectif… peut-être que tu espères que je me ruine en

Les (més) aventures...