
164 : On se parle d’amour ou d’amitié part 2
Write by Gioia
***Cédric Yafeu Asamoah***
Elikem me tire d’une sieste qui menaçait de m’emporter depuis mon arrivée à la maison et m’amuse avec son récapitulatif de leur culte du matin.
— C’est donc ça que le pasteur a donné comme message ? je la taquine.
– Je n’ai rien écouté hein, mes oreilles sont restées sur le « Period » annoncé sur le ton le plus doux possible, elle rigole de plus belle.
— Heureusement je suis là pour te diriger sur le droit chemin.
— Seigneur je n’en peux plus, elle continue à rire. Ça ne te suffit pas d’être mon mari, tu réclames aussi la place de père spirituel ?
— Il faut bien, puisque ton comportement te prédispose à la perdition.
— Couillon va. Tu as réchauffé au moins un truc pour que ton frère puisse manger quand il arrivera ?
— Il est père, pourquoi je dois me soucier de son ventre ?
— Cédric…, elle commence sur un ton plus sérieux.
— Détends-toi je blague. Richie se vantait au téléphone qu’il fait un ragoût de mouton d’enfer et devine ce que j’ai trouvé dans l’évier aujourd’hui ?
— Mon ragoût qu’il dégelait ?
— Exactement. Tu te rappelles qu’il reçoit une camarade de classe à la maison aujourd’hui ? je dis amusé.
— Donc le couillon nous a faussé compagnie pour ce déplacement à cause d’une camarade de classe et il s’attribue mon ragoût ? J’attends simplement que Malike sorte du culte pour enfants et on va rappliquer.
— Pourquoi le culte des enfants continue et tu es même où ?
— Le culte n’est pas fini, je me suis seulement éclipsée avant la collecte des offrandes pour venir m’assurer qu’elle n’en fait pas des tonnes. Tu connais ta fille.
— Dis plutôt que tu as fui les offrandes, radine.
— Tu as mis l’argent dans mes poches ?
Le bruit sur la ligne s’intensifie. Elle m’explique que les enfants sont en train de sortir et quelques minutes plus tard, j’entends Malike proche d’elle.
— Here, Daddy’s on the phone, elle lui dit.
—My daddy?
—No, my daddy.
—Your daddy?
—No, your daddy.
—Huh? Wait, you mean your daddy?
—Yes, our daddy.
— Elikem, tu peux arrêter d’emmerder ma fille ? je dis amusé.
— Mais regarde quelqu’un. On lui dit, prend le téléphone pour parler à ton père, elle me sort « my daddy » comme madame connaît la différence entre my et your maintenant, elle continue à se moquer de Malike pendant que je parle avec cette dernière.
-OK my love, be good OK?
-OK daddy.
— Good girl, see you tonight, je conclus et souris quand elle glousse. Elle adore quand je lui dis « good girl. »
— That was MY daddy, not your daddy mommy, elle annonce à Elikem et me fait pouffer de rire. Elles sont pareilles. Elles ne lâchent jamais les débats.
— Pourquoi tu veux me tensionner ? Je vais appeler aussi my daddy et on verra qui gagnera, j’ai de l’expérience dans ce jeu tu comprends, des années d’expérience même, elle lui répond avec humour tout en me reprenant.
— Je vous laisse moi, j’annonce avant qu’elles s’enlisent dedans.
—Keep me posted Mr Daddy of the world.
— D’accord la fille déchue.
—You know what….
Je raccroche avant qu’elle ne lance une insulte et le rire grave me fait tourner.
—I didn’t hear…
-In French please.
— Tu parles français depuis quand toi ? je demande amusé.
— Je comprends comme je t’écoute depuis et Thema aussi je l’écoute. Je fais les efforts avec Garcelle.
— OK, installe-toi. Tu veux boire quelque chose ? A drink? je reprends vu son air confus.
— Du l’eau.
— Ouais, tu t’efforces vraiment, je commente avec humour.
—Come on now, correct me if I am wrong.
— De l’eau on dit.
Je lui donne son eau, on papote ou plutôt il tourne en rond au début et finit par aborder le sujet.
— Tu veux reprendre tes études ? je lui demande et il hoche la tête.
—I know I’ve disappointed you, mom, dad and the whole fam, so I am not here to claim I deserve anything. I am begging you to help me out Yafeu. I want to be a good dad just like you and I am lacking financially. I can’t send money and travel to see him at the same time because I don’t earn much with what I do in Abetifi and I am afraid, he will consider my absence as me being uninterested in him or worse, that I don’t love him, il délivre sur un ton affecté.
— Je comprends. Tu te retrouves au pied du mur, ce qui est normal. L’éducation d’un enfant est coûteuse.
—Yeah and Garcelle is pretty much handling the bigger part, while being a mom too. She’s going through a lot and I am afraid she will start to resent me for my absence.
— Est-ce qu’elle est au courant que ton absence n’est pas volontaire ? Elle sait que tu travailles à Abetifi ?
— Oui, mais elle ne comprend pas. Pour elle, je fais quoi là-bas ? You know? Like elle comprend pas pourquoi je viens pas rester au Gabon avec elle. Elle réclame ça ou elle veut venir ici, elle veut qu’on soit ensemble avec le bébé.
— Est-elle au courant que tu as obtenu une admission pour George Brown et penses reprendre les études au Canada l’année prochaine ?
— No, je voulais te parler d’abord pour avoir les conseils. Je veux plus faire bullshit. Je veux bien réussir ma vie, montrer à papa et maman que I can be a good man, just like you. I want my son to look at me with adoring eyes like Malike with you. I want Garcelle to be proud and happy with me like Elikem is with you.
— OK, allons pas à pas. Reprendre les études c’est une chose buddy and of course, tu as mon soutien. J’attendais simplement que tu te manifestes et suis agréablement surpris que tu aies même fait la grande partie. Now, c’est normal de vouloir que ton fils soit fier de toi en tant que père, mais tu n’as pas besoin de te compliquer la tâche en prenant ma relation avec Malike comme exemple. Tu es un jeune parent, ta réalité est différente de la mienne. Comme j’ai pris mon temps avant de devenir père, j’ai eu le temps de m’établir professionnellement, donc je m’accorde certains privilèges et j’ajuste mon emploi du temps pour être aussi présent qu’il le faut avec ma famille.
— OK mais, mon fils est déjà là donc, j’ai pas le choix. Je dois faire tout pour tout lui donner.
— Je ne dis pas le contraire. Je te dis d’avoir des attentes réalistes pour ne pas t’enliser dans un cercle vicieux où tu te compares à quelqu’un qui a un niveau supérieur au tien. En plus, trust me, les enfants ne se rappellent généralement que de deux choses, ce qu’on leur dit et ce qu’on leur témoigne. Si tu lui communiques régulièrement tes sentiments et tu lui témoignes de la gentillesse, tu resteras le meilleur papa du monde à ses yeux. Of course, il faut aussi le voir autant que tu peux et créer des souvenirs, mais le reste c’est la cerise sur le gâteau. Now, that’s your Son, tu as un devoir envers lui. Est-ce pareil pour sa mère ?
—What do you mean?
—Are you guys dating?
—Yeah of course, she’s the mother of my child.
— Tu sors avec elle parce qu’elle t’a fait un enfant ?
—Of course not.
— On peut connaître tes raisons ? je demande et il sourit, l’air étonné.
—Mais…, I love her, isn’t that obvious?
— Pourquoi ça devrait être évident que tu l’aimes ? Je ne t’ai jamais entendu me dire que tu l’aimes.
— Mais c’est parce qu’on n’a jamais parlé d’elle en dehors de quand vous avez appris pour le bébé. Elle m’a plu quand je l’ai vu en boîte, elle est très belle et son courage avec tout ce qui s’est passé m’a montré qu’elle est une bonne femme. Beaucoup m’auraient insulté pour mon absence you know, mais jamais elle ne le fait. Elle s’occupe bien du petit, elle lui parle de moi, elle a un grand cœur malgré que les gens se moquent d’elle.
— Qui se moque d’elle ?
— Les gens dans ses amis je pense, on rit qu’elle a été utilisée par moi, but she keeps her head up despite everything, like a true Queen. Je peux pas laisser qu’on continue à rire d’elle. Je dois relever sa tête. She deserves my name and a ring, not now but pretty soon, once I am ready.
— Tu connais ceux qui se moquent d’elle ?
— Non et je veux même pas. I despise people like that.
— OK. Tu as demandé mes conseils donc voici mon opinion. Chacun a son histoire. Tu sais par exemple que j’étais à deux doigts d’épouser une autre et quelques années plus tard, j’ai fini avec Elikem. M’étant principalement marié parce que je voulais une famille, je ne vais pas me tenir ici et te prêcher que seul l’amour pur mérite le mariage. Si tu veux te marier, tu le fais. Seulement, sache que la raison pour laquelle tu te maries ne rend pas ton union moins sérieuse qu’un mariage d’amour. Un mariage c’est un engagement. Chaque vœu que tu prononces doit être respecté. C’est pour ça qu’on s’assure à plusieurs étapes que chaque partie s’engage volontairement et non sous la contrainte. Te sens-tu prêt, libre et confiant à l’épouser et passer toute ta vie à ses côtés, et à supporter ses bons comme mauvais côtés ?
Je le vois déglutir, il est nerveux. Je continue.
— Comme je disais, je n’ai pas épousé Elikem parce que je mourais d’amour, mais en l’épousant, j’étais serein quant à mes choix. On ne s’est pas fréquenté longtemps, mais nous avons été assez transparents pour que chacun ait une idée globale de ce dans quoi il s’embarquait. L’amour ne s’est manifesté entre nous qu’avec le temps et je t’avoue que c’est plus facile d’être tolérant envers la personne qu’on aime, mais comprend que même sans amour, j’avais déjà pris la décision qu’elle serait ma femme et l’unique. Je n’ai pas eu de difficulté à décider, parce que j’étais prêt pour cette étape. Des femmes j’en ai connu, et je ne fais pas référence au papillonnage. Ça n’a jamais été mon style. Je veux dire que j’ai eu une relation sérieuse et quelques aventures légères. J’ai eu l’opportunité de jouer au capricieux, à l’idiot, à l’amoureux possessif, de démontrer tous mes défauts, d’apprendre, de me corriger, d’aimer follement, j’ai vécu ma jeunesse à fond, sans pression et responsabilité écrasante. C’est aussi ça l’avantage d’une relation de jeunesse. Penses-tu avoir vécu ça déjà ?
Il secoue la tête.
—But is it necessary? il me demande.
— À mon avis oui.
—So you have to be a fuckboy first? I don’t think so.
— C’est quoi un fuckboy pour toi ?
— Tu dis que tu as fait l’idiot et le capricieux.
— L’idiotie rime avec la jeunesse, c’est un fait. Même si tu ne penses pas l’être, trust me, tu auras des moments où ton idiotie prendra le dessus et je ne parle pas de tromper ta copine. L’idiotie peut très bien être le fait d’interdire à ta copine de parler à un gars juste parce qu’il l’a complimenté, ou tu exiges les comptes à l’enfant des gens tandis que son père couché chez lui ne l’interroge même pas autant.
—Lol, you did that? Doesn’t sound like you.
— Tu n’étais qu’un gamin quand je faisais l’idiot, pour toi j’étais juste un merveilleux grand frère, je lui explique en souriant et il rigole.
—I can’t believe it.
— Alors, je dis reprenant mon sérieux, penses-tu avoir connu cette phase ? Sinon, penses-tu pouvoir résister si jamais tu rencontres quelqu’un qui fait ressortir cette phase de toi ?
- Beaucoup de « si ».
— Les « Si » existeront toujours dans la vie sinon on ne pourra pas faire de choix.
—But I’ve heard people say, a man always knows what he wants.
— Je ne dis pas le contraire, un homme sait ce qu’il veut, mais nulle part, il n’est écrit qu’un homme veut toujours la même chose. Mon point demeure le même. Si tu penses sincèrement trouver ton bonheur auprès de Garcelle et que rien y compris vos caractères respectifs, ne peut vous séparer, tu as mon soutien, mais si tu as des doutes, je t’invite à prendre doucement les choses. Sache qu’un mariage est plus difficile à dissoudre que célébrer, donc ne te presse pas sous prétexte que tu veux récompenser quelqu’un ou effacer la honte que ses amies lui mettent. Tu entames à peine la vingtaine, concentre-toi sur ce qui tes objectifs et laisse tes aînées de quinze ans dans leurs délires. Elles ont commencé leur amitié avant que tu débarques dans l’équation, ce n’est pas à toi de changer leur dynamique.
— Ça c’est vrai, il approuve.
Nous revenons sur le cas de ses études et il m’explique mieux son projet qui me ravit.
***Garcelle Ekim***
Pourquoi Saheene débarque même à l’improviste ? On le voit rarement et le jour où il se manifeste, il choisit un jour qui ne m’arrange pas. Comme maman s’est absentée pour ce week-end, je comptais effectuer un aller-retour rapide à Abeokuta au Nigéria pour rencontrer le protecteur spirituel de la famille Ekim afin qu’il brise tous les liens que Ray tenterait de tisser avec mon bébé depuis le séjour des morts. Les Asamoah ont réussi à m’imposer ce Redmond comme premier prénom, je n’ai pu choisir que le second de mon fils et lui ai donné Andy, mais j’ai réussi à imposer le prénom Randy, au lieu du vilain Red que Saahene ne cessait de lui coller. Pour l’heure, il est ici et gâche mes plans.
—I forgot my towel baby, can I have one? il me crie depuis ma salle de bain.
— Dans la penderie.
— Garcia ? Can you hear me?
— J’ai dit dans la penderie ! je vocifère et j’effraie Randy qui se met à pleurnicher.
Il sort vêtu d’une culotte sur son corps dégoulinant d’eau et tache le sol tout en osant me réprimander.
— On te voit à peine et lorsque tu daignes nous gracier de ta présence, tout ce que tu trouves à faire, c’est me salir le sol et me causer des maux de tête ?
—Damn, what did I do? All that for a towel?
— Ce n’est pas juste la serviette merde ! Je te dis que tu n’es jamais là. J’en ai marre d’être le père et la mère.
—Stop shouting, the baby is…
— Je crie si je veux ! j’aboie et pousse des cris de rage.
Il me regarde comme une pestiférée et porte le petit qui s’est mis à pleurer à pleins poumons.
— J’en ai vraiment marre Saahene, je continue le cœur plein. D’autres t’auraient pris la tête régulièrement et même attribué la paternité de Randy à un autre homme, mais moi je tiens. Je tiens, gardant la tête haute pour notre enfant. Qu’est-ce que tu fais toi ? Mouiller mon sol ?
Il ne fait que m’observer.
—Say something!
— No, il répond et sort avec le petit.
Je me mets sous la couette et pleure jusqu’à m’endormir. Ce sont des gazouillis qui finissent par me réveiller. Père et fils sont assis sur le tapis. Randy n’a que neuf mois, mais il se bat régulièrement pour se mettre debout et avancer.
— I'm sorry, je commence doucement, me sentant bête maintenant pour ma réaction. Postpartum’s kicking my butt lately, je lui fournis l’explication la plus logique. Mes amies aussi n’aident pas.
— Pourquoi tu gardes les amies alors ?
— Tu veux que je fasse quoi ? Je jette des humains ? Je te rappelle qu’elles ont été présentes pour moi quand tu…
— Yeah I know, quand j’étais pas là, mais je suis là et tout va changer maintenant.
— Où veux-tu en venir ? je lui demande en me redressant, le cœur battant.
—I have good news…I think they are good anyway. I was accepted in a Uni in Toronto.
— Et tu ne pouvais pas le dire plus tôt ? Félicitations mon chéri ! je m’écrie en lui sautant dessus brusquement et le fais rire.
—Well, I wasn’t expecting that, il rigole de plus belle.
— Mais tu as commencé quand et pourquoi je l’apprends juste maintenant ?
— J’étais pas sûr de moi.
— Mais enfin ! Tu es un Asamoah, tu dois être sûr de toi baby ! Tu as du potentiel ! Ne laisse personne te faire croire qu’avoir un enfant jeune fait de toi un raté. Plusieurs cherchent les enfants qu’on a eus si facilement, regarde comment ton fils est beau et te ressemble.
—With his light skin like and angelic face? il dit amusé et porte le petit qui tirait sur mon haut pour se retrouver sur mes jambes.
— C’est pour mon teint clair et visage angélique que tu as flanché non ? Quoi de plus normal que ton fils prenne les traits qui t’ont attiré chez moi, je réplique fièrement.
—Lol, if you say so.
— Alors on part quand ? Tu dois me donner quand même du temps pour m’arranger avec la boutique hein. Franchement tu aurais dû m’en parler, parce que j’ai lancé des travaux sur mon terrain pour…
— Wait, hold up, je pars étudier. Tu vas pas venir hein.
La phrase pénètre lentement mes oreilles et c’est avec la même lenteur que je me retourne vers lui.
— Et pourquoi donc ?
—How do you plan to come with me? I will be studying, what will you do?
— Mais je travaille non ?
—I don’t think it’s a good idea Garcia. I don’t know anything about Canada, never been there, therefore I can’t guarantee you will easily find a job. Besides what do we do about Randy? He’s not even one yet. And from the little knowledge I have on the immigration process, you have to provide proof of funds for a year at least in order to receive your permit. My parents or Cédric will be covering me.
— Wait, tu n’as pas la nationalité américaine ?
—No, I was born in Accra.
— Oh…ah, je l’ignorais, je commente choquée.
Les riches comme ça n’ont pas pensé à accoucher à l’étranger pour que leurs enfants soient américains ? Comment c’est possible ?
— Mais tu as bien un passeport diplomatique non ?
—Yeah.
— Et même avec ça, tu dois demander le visa ?
—Lol, Am I a diplomat?
— Pardon, les lol là m’énervent. On n’est pas né dans une famille de politiciens comme toi pour tout connaître.
— Chill, je ris pas de toi. I just find it funny that you think my life’s that easy.
— En tout cas, tu vivais comme si ta vie était facile quand je t’ai rencontré.
— J’avais seulement 18 ans, on faisait tout pour moi, ça ne veut pas dire que tout était facile.
— Donc le passeport diplomatique te sert à quoi ?
— Well, it definitely helps avec le temps que ça prend pour avoir le visa.
— Donc tu t’en vas et nous ?
— Je pars pour nous. Toi-même tu vois que c’est dur pour le moment la vie pour nous.
— Retourne en anglais pardon, ton français là me casse les oreilles.
—Shut up, I am trying to learn.
— Yeah right, continue seulement, je dis en roulant des yeux.
— C’est dur, ce que je fais à Abetifi me donne pas beaucoup d’argent, je t’ai déjà expliqué c’est pour ça je peux pas venir tout le temps. Mais avec un bon diplôme, je vais pouvoir bien gagner.
— Et tu vas étudier quoi ?
—Construction management for four years.
— Pardon ? Quatre ans ? Genre c’est dans quatre ans qu’on va te revoir ? Pendant ce temps, je fais quoi ? Je poireaute ici et tu vis à fond là-bas ?
—Don’t be silly. I will definitely visit so will you guys.
Je me lève avec le petit et fixe ma fenêtre.
— Je suis contente que tu décides enfin de reprendre ta vie, je l’attendais depuis un moment, mais je te mentirais si je te disais ne pas avoir peur.
Il se rapproche, enlace ma taille et dépose sa tête dans mon cou.
— Pourquoi tu reviendrais pour moi ? Qu’est-ce qui me dit même que tu reviendras ? On vous connaît les hommes, champions pour promettre et ne jamais accomplir. Je n’ai plus l’âge d’attendre Saahene, c’est peut-être mieux qu’on mette fin à ce qui se passe entre nous. Mon entourage se moquera de moi, mais ça ne me tuera pas. Je vais rester debout et…, je commence à pleurer.
Il me retourne, encercle mes joues de ses mains chaudes et dépose ses douces lèvres sur les miennes.
—I already told you, je pars pour nous. Ou tu n’as pas bien entendu ? Randy, tell your mom, I said, I am doing this for us, il dit au petit collé à mon côté droit qui nous observe avec curiosité.
— Je dois donc te croire si facilement ? Tu m’en demandes beaucoup. Pense aussi à mon âge. Je ne veux pas m’emballer et devenir la risée du coin ici. Je suis une femme, mon honneur est important.
— J’ai déjà fui ?
— Non mais…
— Alors c’est bon. Si j’ai pas fait avant, c’est pas maintenant je vais. We are together in this.
— Merci chéri, je vais prendre le risque de te faire confiance.
C’est avec cet air confiant que Saahene et moi expliquons nos projets à maman à son retour. Mon cœur est apaisé, je vois enfin mon avenir se dessiner et m’exclame de joie après le départ de Saahene.
— Commence ton régime la vieille, tu as au moins un an d’ici mon mariage pour être en forme, je lui annonce.
— Garcelle…
— Je ne veux pas entendre les excuses si c’est ce que tu veux commencer hein. Tu t’es physiquement laissée aller ces trois dernières années. Je ne voulais pas te brusquer, mais là c’est bon. J’ai besoin de toi pour me seconder dans l’organisation, donc il te faut du souffle.
— Je dis…., tu comptes te marier avec qui ?
— Comment ça avec qui ? Qui s’est présenté hier devant toi ?
— Ah….celui-là qui n’arrive même pas à convaincre ses parents de considérer leur petit-fils ?
— À un moment donné, il faut arrêter d’accuser les gens maman. Tu veux qu’il leur fasse quoi si ses gens sont bornés ? Il doit les menacer avec une arme à feu ? Est-ce qu’on a même besoin d’eux pour vivre ? Ils ont envoyé les cadeaux à la naissance et fait le nécessaire pour que Randy soit reconnu. À ce stade, je m’en fous d’eux.
— Oh OK, il fallait donc m’informer que ta position avait changé puisque cinq jours plus tôt, je t’entendais te plaindre à tes amis de ces mêmes gens dont tu dis t’en foutre.
— On ne peut même plus se plaindre dans cette maison sans que tu entendes ?
— C’est ma maison, ce qui se passe me concerne.
— Bref, je me plains, je suis humaine, ce n’est pas la fin du monde.
— Je reviens donc sur mon point. C’est celui qui ne peut pas convaincre ses parents de te pardonner qui arrivera à les convaincre de venir demander ta main ?
Je m’arrête et réfléchis une seconde. Bon je n’avais pas considéré cette option.
— Comment peut-on être aussi rancunier ? je rouspète agacée.
— Tu as un fils non, tu serais amicale envers…
— Oh c’est bon hein ! Tu ne vas pas t’y mettre aussi, je râle et elle continue, ignorant ma remarque.
— Comme j’aime mon petit-fils, je ne peux lui souhaiter du mal, mais j’attends de voir si tu seras amicale envers ses camarades qui essaieront de le détourner des études.
— Il a une bonne relation avec ses frères, la dot peut très bien se faire avec eux.
— Qui va accepter la dot pour toi ? Tu comptes sur le côté paternel de ta famille j’espère, parce que mon côté ne va pas se plier à une mascarade. On a traversé assez d’épreuves Garcelle. Je ne vais pas te suivre dans ton insouciance et rendre la vie compliquée pour mon petit-fils lorsque je ne serais plus sur terre.
— En quoi la vie serait compliquée pour lui ?
— Tu es africaine. Même si la dot ne représente aujourd’hui qu’une formalité pour beaucoup, sache qu’elle reste une union de deux familles. Maintenant, ton mari et toi choisissez de faire vos choses entre vous, comme si vous viviez seuls sur cette terre, dis-moi si tu penses sincèrement qu’en cas de malheur, ceux que vous aurez écartés penseront à votre fils ?
— C’est toujours toi ! Tu dois toujours voir le noir. Pourquoi c’est à mon enfant que quelque chose devrait arriver ? Et je serais où pour ne pas le sauver si cette chose devait le toucher ? Rien ne m’arrivera, je ne mourrais pas, je déclare fermement, le cœur tambourinant au souvenir de la mère de Ray qui est justement morte quand il était jeune.
— Parce que je suis réaliste, que ça te plaise ou non, la vie n’est pas rose. Même si tu penses que c’est pessimiste comme vision, tu ne peux nier le fait qu’il faut plus d’une personne pour prendre soin d’un enfant. La preuve, tu me fais appel quand tu vas te doucher ou sortir, parce qu’il faut deux personnes au moins pour s’occuper d’un enfant. Dieu n’était pas bête en partageant les fonctions reproductrices entre l’homme et la femme.
— Ouais, donc où veux-tu en venir avec le cours de biologie ?
— Qu’une fois que tu accouches, c’est ton travail d’assurer un avenir à l’enfant. Avant de sauter et me donner les exemples de ceux qui ont fait ça et n’ont rien tiré comme tu aimes te disperser en exemples au lieu d’écouter là, je n’affirme pas que tes précautions l’épargneront de tout. Tout le monde sait qu’on ne détient pas l’avenir, mais ce n’est pas une excuse pour être négligent. « Quelque chose qui t’arrive » n’est pas forcément synonyme de décès tragique. Tu peux tomber malade et nécessiter qu’on soutienne moralement l’enfant, être coincé financièrement c’est-à-dire que tu en as, mais pas assez, et tant d’autres scénarios que tu dois t’efforcer de prendre en compte.
— Son père sera où dans l’équation alors ?
— Je ne sais pas si souvent tu es frappée d’amnésie, mais aurais-tu oublié que tu as choisi un adolescent comme père ? L’adolescence prend officiellement fin à 24 ans si tu l’ignorais.
— Je t’informe aussi que les gens deviennent parents à 21 ans et s’occupent très bien de leurs enfants. Tu n’es pas meilleure qu’eux parce que tu as accouché à 27 ans.
— Reste dans les émotions si tu veux, je te parle de la réalité, elle persiste. Le père que tu as choisi n’est qu’un enfant qui commence l’université. Compte cinq ans au moins avant qu’il touche un salaire conséquent et gagne davantage en maturité. Tu penses qu’en attendant d’être prêt, il cherchera son soutien chez qui ? Toi-même tu as cherché le soutien chez qui après ton accouchement ? Tu ne t’es pas tournée vers moi ta mère, malgré mes remontrances durant ta grossesse ? Donc tu vas lui apprendre à mépriser ses parents…
— Mépriser ? Quand est-ce que j’ai parlé de mépris ici ? je l’interromps, choquée.
— Ce qui me ravit maintenant que tu es parent, c’est que tu vas apprendre ce dont je parle. Malheureusement, je ne serais probablement plus de ce monde, mais je sais que Dieu te rappellera nos conversations. En tout cas, j’en ai fini. Le côté maternel de la famille que je représente n’acceptera pas de dot sans la présence des parents Ekim ou une preuve attestant qu’ils ont donné leur accord. Si tu veux même, mariez-vous sans nous aussi. Fuyez comme les blancs font, le monde vous appartient de toute façon. Vous vous suffisez, donc pourquoi nous déranger ? elle conclut en se levant.
Pfff ! Je ne comprends pas ses plaintes et longues leçons de morale. Les parents ne sont pas censés prendre soin des enfants qu’ils ont accouchés ? Donc on ne devrait pas vivre nos vies parce qu’ils nous ont soutenus quand on en avait besoin ?
— Mon fils échappera à l’éducation toxique et étouffante là, je murmure.
Très bientôt, Saahene fermera la bouche à mes détracteurs, ce n’est pas le moment de perdre patience.
***Hadassah Bemba***
(la première scène se déroule après la session de témoignage/menaces, en même temps que Saahene arrive chez Yafeu.)
On frise la démence ici, chacun veut sa part des Bemba. On croulait presque sous les félicitations quand j’ai réussi à m’extirper en voyant tata Elikem s’éloigner. Je la retrouve en pleine discussion avec Malili.
—My daddy? la petite lui demande.
—No, my daddy.
—Your daddy?
—No, your daddy.
—Huh? Wait, you mean your daddy?
—Yes, our daddy, réplique tata.
— Pourquoi tu aimes tant déranger Malike ? je meurs de rire.
— Mais regarde quelqu’un. On lui dit, prend le téléphone pour parler à ton père, elle me sort « my daddy » comme madame connaît la différence entre my et your maintenant, elle continue à se moquer de Malike qui est dans son monde, en pleine conversation avec son papa.
— Alors qu’est-ce que je peux faire pour miss « Period » ?
— J’te promets, tu seras débarrassée de moi après cette journée, je rigole.
— Parle seulement ma petite, on se connaît, elle se marre.
— On peut aller vite fait aux « Saveurs du monde » ?
— Euh maintenant ?
— Oui pardon, je ne m’attendais pas à ce qu’on envahisse les Bemba donc c’est l’occasion espérée pour aller chercher ma commande.
— Gâteau carrément ? On y va dès que Malike raccroche alors, miss Period. Tu ne fais pas tes choses à moitié hein, elle rigole.
— That was MY daddy, not your daddy mommy, Malike se manifeste justement et m’arrache un fou rire.
Je m’élance pour aller chercher son sac sans quoi je risque de rester là et rire au point d’en oublier le temps.
— Bon, je ne connais pas les « saveurs du monde » hein miss. Il faudra m’indiquer.
— Bien sûr, ce n’est pas loin du Béluga, tu connais là-bas non ?
— Dans ce cas, on peut passer chez Thema pour larguer les oh là là.
— Thema est là ? je m’étonne.
— Mais on était à la fête de la compagnie ensemble non.
— Beh, je la croyais partie comme elle n’est pas venue ce matin.
— Non non, elle a demandé qu’on ne la réveille pas parce qu’elle ferait la grasse matinée.
— Ah bon ? je réplique davantage surprise puisque Thema ne fait jamais la grasse mat. La grosse dormeuse parmi nous c’est moi, même après huit heures de sommeil, je peux rester au lit.
— Oui, c’est ce qu’elle m’a dit avant d’aller au lit hier. Elle s’est même couchée tôt, parce qu’elle se sentait fatiguée.
— Qu’est-ce qui l’a fatiguée ?
— Sa vie de canon, apparemment c’est un travail d’être si magnifique, elle me dit et me fait rire. C’est ce comportement là qu’elle apprend aussi à Malike.
— Yes mommy, répond la petite qui croit qu’on l’a appelé.
— Regarde hein Dada. What’s that on your face honey? (Qu’est-ce que tu as au visage ça chérie ?)
—Huh? Beauty?
J’explose alors de rire.
— Tu vois ce que je vis ? continue tata sur un ton amusé.
— Thema est malade, je t’assure. C’est pour me demander après pourquoi les rumeurs à l’école disent qu’elle est vaniteuse.
— Laisse les Asamoah, comme ils pensent être les premiers que Dieu a créés, c’est ce qu’on va voir avec eux. Go pour
— Mommy, is beauty, beauty on my face, Malike répond avec insistance en touchant son adorable visage.
— Oui oh j’ai compris, it’s beauty on your face, beautiful beauty, beauty jusqu’à, wow. Ma jolie fille est tellement jolie.
—Thank you Mommy, you are kind.
— Awww Seigneur, je fonds devant sa candeur. You’ll visit Dada in SA right Malili?
-South Africa, where Daddy goes sometimes, clarifie sa mère.
—With my daddy and Nia?
— Donc moi là, je peux aller au champ quoi Malike, lui rappelle tata et je rigole.
On arrive dans cette ambiance chez Thema qui faisait vraiment la grasse matinée, alors qu’il sonne presque midi. Je suis choquée.
— Tu es malade ?
— Non, pourquoi ?
— Et tu dors comme ça ? Tu as fait quoi de ta nuit ?
— Beh rien du tout, rien d’inhabituel, j’étais dans ma chambre, bien couchée dans mon lit. You saw me go in my room right Malike?
— No, la petite décline tout en buvant le yaourt que Thema lui a donné.
— Hey ! Tu ne m’as pas vu comment ?
— Hum, je réponds en l’observant simplement.
Tata Elikem a fini de changer Nia, donc on peut repartir, mais dès que Thema apprend où on s’en va, elle s’emballe naturellement. On doit se changer, et par on, elle m’a inclus aussi. Après un essayage, je suis emballée aussi. Malike rentre dans le délire et trente minutes plus tard, c’est tata Elikem qui nous ramène sur tard et me rappelant l’heure.
— Haba, le plan c’est toujours d’aller à la pâtisserie ou on va directement à un défilé de mode ?
-A woman can never be over elegant, wise words from Coco Chanel, dit Thema en ajustant ses immenses lunettes de soleil carrées.
— Yeah, l’ajout de Malike craque ma façade sérieuse en fou rire.
— Yeah hein ? Tu as les moyens pour suivre les bachelières ? rigole sa mère.
— C’est ma relève, confirme Thema qui lui a donné un de ses favoris, un sac noir à perles que Malike porte fièrement à son épaule.
Cheveux hors de mon chignon, je virevolte joyeusement dans ma robe jaune, l’esprit doux comme un coton quand tata me fait une remarque surprenante.
— Tu veux savoir si j’ai mon permis ?
— Oui, tu conduis ?
— Oui oui. J’ai même ma carte dans mon portefeuille, je me promène toujours avec mes pièces, comme on ne sait…euh, mais pourquoi tu me demandes ?
Elle me lance les clés que j’attrape de justesse.
— Je mérite d’être conduite non ? Je suis quand même la femme d’un grand.
Thema, choquée, se gifle les joues avec ses deux mains.
— La Maserati Quattroporte ?
— Reprend tes esprits hein, tu vas nous ramener toi, elle nous achève et s’installe naturellement.
Je tourne lentement la tête vers Thema qui est toujours figée sur place. Je ne suis pas dans un meilleur état. La Maserati ? Je vais…
Un coup de klaxon nous fait sursauter.
— Alors ? On va le chercher ce gâteau ou non ?
Quelques minutes plus tard, je suis vraiment au volant de son bolide. N’ayant que l’expérience de la Mini Countryman en dehors des voitures à l’autoécole, ce bolide prend quelques fois le dessus dans la conduite, mais les directives de tata m’aident à garder le contrôle.
— La tête que papa ferait là, je me marre.
— Imagine plutôt celle de Yafeu, Thema rit plus fort. Il aimait me narguer en me traitant de bébé quand je demandais qu’il me fasse confiance avec ses voitures. Elikem, la belle-sœur qu’il faut !
— Ouais, avance, commente tata avec humour en la poussant en avant.
Les rires nous accompagnent à notre entrée dans la pâtisserie, et au coin sandwicherie, je crois bien reconnaître une silhouette familière.
— Vous en connaissez des beaux coins les jeunettes, commente tata sur un ton agréable.
— La pâtisserie qui a bouffé mon argent en vrai, confirme Thema. Tu te rappelles quand on passait presque…
— Trois éclairs au chocolat, se manifeste une voix que je reconnaîtrai entre mille et elle appartient à la silhouette de tantôt. La tante de Jérémie est non loin de nous, et elle se trouve en compagnie d’une petite fille.
— La chérie de maman, tu veux quoi d’autre en dehors des éclairs ? elle demande sur un ton doux à la jolie petite.
— Là-bas, le rond avec Nutella sur ça et puis à côté.
— On dit un donut l’amour de ma vie.
— Je veux le donut l’amour de ma vie, la petite répète et je rigole, trouvant ça mignon, mais le regard menaçant que je reçois me fait tiquer. Ce n’était pas mignon.
— Les éclairs, et le donut l’amour de ma vie, répète aussi la vendeuse qui leur présente leurs sacs.
—Mommy can I have…
—No baby, we’re going to eat cake at Uncle’s Tchaa.
-A big cake?
— Yeah a big one, je lui confirme en souriant.
La vendeuse ramène justement ma commande et la réaction de Malike m’amuse.
— It’s bigggg Mommy look, elle secoue carrément la main de sa mère.
Nous nous dirigeons vers le comptoir d’accueil où Malike la curieuse me noie de questions. Le goût, la taille, est-ce que c’est l’anniversaire de son tonton, les enfants en posent des questions et le plus amusant, c’est le « patience Malike » que tata lui sort à chaque question. Malike a même fini par en faire une chanson.
— Du coup, tu as pris quelle couleur ?
— Les deux, en dehors de nous trois et les parents, personne ne connaît le sexe du bébé pour l’instant, donc on va les mener par le bout du nez avec la présence des deux couleurs et à la fin bim ! On leur relève la nouvelle.
—Big news, Huge!
— Malade, je rigole.
— Viens ma luciole, on se dépêche, papa nous attend à la maison, on doit dormir tôt parce qu’on prend l’avion ce soir non ? commente la tante de Jérémie en nous dépassant.
— Le malaise, chuchote Thema en riant une fois qu’elle est loin.
— Hey ! tata Elikem lance en guise d’avertissement, mais le « patience Malké » que chantonne notre curieuse est trop marrant pour qu’on arrive à retrouver le sérieux.
On la retrouve encore sur le parking à notre sortie. Je m’installe avec le paquet sécurisé sur mes cuisses. Thema prend ma place au volant et sort du parking avec une manœuvre scandaleuse avant de gazer. On sent la personne à qui on ne doit pas prêter les choses.
***Jennifer Attipoe***
— Tu vois ? Tu vois ce dans quoi Jérémie me met ? Ça ne lui suffit pas de me dégonfler les pneus, il va me brader auprès de morveuses que j’aurais pu accoucher ! Des morveuses qui me narguent !
— Et les trente minutes que tu viens de prendre pour râler dans mes oreilles ne t’auraient pas suffi pour trouver un mécanicien ?
— Ne m’énerve pas Bruce ! Je t’ai appelé il y a à peine deux minutes.
— Mensonge, mon téléphone me dit qu’on parle depuis neuf.
— C’est trente minutes ça alors ? je rétorque.
— Quand tu râles, tu rallonges les minutes pour moi chérie.
— Pfff ! Fais donc quelque chose si tu ne veux pas que je râle. Me voilà bloquée…..Noble-OH ! je m’écrie scandalisée et j’ouvre brusquement la portière. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qui t’a dit de toucher aux donuts ? Regarde ta robe !
— Mais c’est pour moi, elle murmure le visage recouvert de chocolat, ses grands yeux me dévisageant comme si elle s’apprêtait à pleurer.
— Et c’est maintenant que tu devais y toucher ? Regarde ce que tu as fait ! La robe qu’on t’a achetée au Canada Noble. Donne-moi ça, je dis en lui retirant le donut et elle se met à hurler.
— Je vais te frapper si tu ne la boucles pas immédiatement !
Elle pleure de plus belle, répétant que je lui ai dit que c’était son donut.
— Ce fichu mécanicien va arriver aujourd’hui ou demain ? je retourne à Bruce au téléphone.
— Attend, je vais lui dire de prendre la voiture du président pour qu’on lui cède le passage comme ça il arrivera à temps, sinon, tu peux faire comme je t’avais recommandé.
— Prend ta chose, je dis en redonnant le donut à Noble pour avoir les oreilles tranquilles.
Je sue assez dans ma robe, je n’ai pas besoin d’une pression additionnelle sur mes nerfs.
— Quand tu me donnes tes recommandations, tu réfléchis quand même ? Je dépose ta fille où pour aller chercher un mécanicien ?
— Noble ne sait plus marcher ?
— Voilà Noble qui…c’est ton visage que tu nettoies avec ta robe maintenant ? je m’écrie, excédée.
— C’est le nez, ça sort, elle renifle et répète l’action, comme si je n’en avais pas assez.
— Au lieu de t’époumoner, tu peux la porter et en moins de dix minutes, tu trouverais un mécano, tu es au centre-ville.
Je pousse un long juron et raccroche avant de fumer des oreilles.
— Noble je n’en peux plus de toi, tu sais combien la robe m’a coûté ? C’est aujourd’hui que tu devais me faire ça ?
Elle rote et me dit pardon en léchant ses doigts enduits de chocolat.
Quatre heures plus tard, je me lave à l’eau glacée pour retrouver une température normale. Tous mes organes ont besoin de refroidissement. Le mécano a pris tout son temps pour arriver et il n’a pas pensé à venir avec le nécessaire pour régler la raison pour laquelle on l’a appelé. Il blâmait Bruce, ce dernier au téléphone le blâmait en retour, j’ai failli exploser, donc j’ai préféré rendre les armes, acceptant que cette journée n’était pas faite pour moi. Je ressors de douche avec un esprit plus calme. Le mécano a heureusement ramené la voiture. C’est l’heure de se rendre chez les Ekoue. Jérémie prend son envol ce soir et nous l’accompagnons à l’aéroport, mais il me reste un dernier message pour lui. Oui, après cette soirée, il me reste un message crucial à lui délivrer.
***Jérémie Ekoue***
Dernière journée dans cette maison, la sensation est étrange. Maman en fait tout un plat, mes valises sont pleines comme si j’allais en Océanie. Elle a même mis des épices comme si les Ivoiriens n’en vendaient pas. Elle est excessive, mais son excès est un témoignage d’amour pour moi. Tout est bouclé. Il ne me reste plus qu’à prendre une douche.
— Allez viens on prend une bière entre hommes.
— Gaëtan, tu veux lui apprendre quoi là ? C’est avec l’alcool que tu veux laisser ton fils ? lui reproche maman.
— On ne peut jamais se réjouir avec toi dans les parages.
— Du calme chien et chat, je dis en posant mes bras sur leurs épaules. Vous avez intérêt à cohabiter dans la paix en mon absence, sinon le maître va sévir à son retour.
Maman me rappelle que mes muscles ne l’empêcheront pas de me talonner et papa se moque de nous. La sonnerie interrompt notre moment d’intimité. Maman râle déjà qu’à force de traîner, voilà les Attipoe qui sont ici et je ne suis pas encore prêt. Je file donc en douche, fais ce qu’il faut, prends quand même le temps de bien m’habiller parce que je ne rigole pas avec mon apparence puis je les rejoins.
— Hum, l’universitaire et pas le moindre ! lance Bruce sur un ton appréciateur.
— Qui laisse les pneus des gens dégonflés ? rouspète maman, ce qui rend confus.
— Installe-toi Jérémie, commence tata Jen.
— On a encore du temps ? Mon vol décolle dans trois heures environ.
— Bruce a emmené Noble aux toilettes de toute façon.
— Ah d’accord.
— Tu peux m’expliquer le pourquoi tu as ramené ma voiture avec des pneus dégonflés ?
— Des pneus dégonflés ? Quand ça ? je m’étonne, confus.
— Il a dégonflé tes pneus ? Eh Jérémie, on te fait confiance et c’est ainsi que tu remercies ?
— Mais attend non maman, je ne comprends pas de quoi parle tata.
— Tu ne comprends pas ? maman durcit le ton au lieu de laisser tata s’expliquer.
— Et comme si ce n’était pas assez, je me fais royalement embêter par celles que tu as choisies comme camarades de classe. Pendant que je transpire sous le soleil, attendant le mécanicien pour réparer ta bourde, ta camarade, celle que tu as choisi d’embrasser là alors qu’on t’a envoyé à l’école pour étudier, celle-là gaze un véhicule qu’elle a trouvé je ne sais où et m’aurait presque frôlé si je n’étais pas sur mes gardes. C’est ce que j’ai vécu comme après-midi Jérémie. Tu trouves ça normal ?
Son récit haut en couleur me laisse pantois.
— Au lieu de t’excuser, tu gardes la bouche ouverte « Bah » comme un idiot ? Tu vas encore nier ?
— On s’excuse Jennifer, tu as raison, tu méritais une après-midi reposante, intervient papa et le regard qu’il me communique me pousse à présenter aussi mes excuses.
— Je ne te mentionne pas ça parce que je n’ai rien à faire, mais pour te déconseiller cette attitude si tu la trouves normale, elle continue. Celui avec qui tu vas vivre à Abidjan n’est qu’un ami. Ne va pas te comporter là-bas comme un sans gêne. Quand tu prends quelque chose, assure-toi de le retourner dans le même état.
— Parle-lui Jennifer ! On s’est évertué à l’éduquer et regarde ce qu’il nous fait.
— Je ne le ferais plus, désolé, j’offre comme mea culpa.
— Et tu as intérêt à bien choisir ta future copine, parce qu’on est allergique aux écervelées dans cette maison, elle ajoute au même moment que tonton Bruce fait son retour.
C’est à n’y rien comprendre hein. En tout cas, il est l’heure de quitter mon cocon familial. Comme on n’a plus de voiture et celle des Attipoe n’est qu’une régulière de cinq places, papa se sacrifie pour rester à la maison. Il me prend dans une étreinte chaleureuse et j’en profite aussi pour rétablir la vérité.
— Pour les pneus….
— Laisse tomber fiston, papa chuchote en retour.
— Ah non hein, informe bien ta femme, parce que je me suis tu pour ne pas perdre le temps inutilement. Je me dirigeais chez le mécano quand tonton Bruce m’a appelé pour que j’aille lui récupérer une commande d’urgence. J’ai même mentionné l’histoire des pneus et il m’a dit qu’il s’en chargerait.
— Et je te dis de ne pas faire attention aux réactions d’une frustrée qui en réalité ne supporte pas de voir quelqu’un jouir de la vie qu’elle aurait pu mener et profite de l’histoire du pneu pour vocaliser sa jalousie dont tout le monde s’en fout en dehors de ta mère qui a besoin de distraction parce que la vieillesse est ennuyante.
— Tu es fou, je dis avec humour.
— Tu restes concentré sur notre plan, tu comprends ? On maintient le cap, c’est ta vie qui se joue désormais. Tu ne dois pas perdre ce bijou, elle doit rester dans ta main.
Je hoche la tête, amusé et épaté à la fois par le cerveau de cet homme. Il est l’exemple parfait de « l’habit ne fait pas le moine, mais on reconnaît le moine à son habit. » Il ne ressemble qu’à un homme dans la soixantaine aux cheveux grisonnants, et pourtant il a plus d’un tour dans son sac. Un tas de tours qu’il m’a transmis et que j’ai hâte d’appliquer. Je vais rendre mes parents fiers, c’est une promesse.
***Hadassah Bemba***
— Prise trois ? je propose à Tessa qui a encore craqué durant l’enregistrement de sa dernière vidéo.
— Non c’est bon, on ne va pas y passer la journée. Relance et on continue, je vais couper au montage.
Je hoche la tête et relance donc la vidéo durant laquelle, elle explique à sa communauté ce qu’elle a fait de sa vie récemment, les raisons de son absence et ce que lui réserve l’avenir.
– Good job, c’est dans la boîte, je suis fière de toi, je dis émue à la fin.
— Est-ce que c’était nécessaire de mettre du correcteur si c’était pour le nettoyer à chaque seconde que les larmes coulaient ? elle rigole les yeux toujours embués de larmes.
— Bien sûr que c’était nécessaire, tout ce dont tu as envie est nécessaire.
— Cette phrase est responsable des vingt kilos que j’ai pris et je t’en tiens entièrement responsable. Tu as intérêt à m’acheter les thés minceur une fois que j’aurais sorti vos gros enfants de mon corps.
– Thé minceur, corset, même un coach personnel, tu me dis seulement, je gère tout.
— N’est-ce pas mon idole, elle se marre.
— Je sais que je suis relou avec ça, mais tu es certaine de ne pas regretter un jour ton choix de supprimer ta chaîne YouTube ?
— Non, j’y ai bien longuement pensé tu sais, elle dit l’air pensif. J’ai considéré toutes les options…
— incluant celle de simplement reprendre quand tu en aurais envie ? Parce que plusieurs le font, surtout quand leurs noms sont impliqués dans des scandales. Ils disparaissent et reviennent sans prévenir sur la chaîne, avec un message écrit du début à la fin par leur agent PR disant qu’ils ont pris du temps personnel pour analyser leurs actions, blablabla.
— Tu en connais un rayon on dirait, elle se moque.
— C’était légion à un moment, j’ai commencé à me dire que c’était une tactique recommandée par les firmes PR. Bref, je dis que c’est une option, parce que supprimer un travail de….sept ans et quelques mois, de longues heures de montage, sans compter l’investissement financier et personnel ? Je ne comprends pas honnêtement, surtout que papa ne t’a jamais défendu d’être sur Internet. Et tu as pensé à l’argent ? Tes vidéos sont toujours monétisées non ? Même si tu ne postes rien, je suis persuadée que des gens tomberont sur ton contenu, pourquoi couper cette source de revenus ?
— Parce qu’il n’est pas toujours question d’argent ma chérie. Ses sept années et quelques mois ont été une source de motivation pour moi, il m’arrivait de quitter directement les studios où je travaillais à Durban et partir en exploration munie de ma caméra parce que j’étais excitée à l’idée de découvrir un coin pour le partager avec ma communauté. Tu vois, cette motivation je ne l’ai plus. Peut-être c’est l’âge, peut-être c’est ma mentalité qui évolue, mais je sais que le temps passé au magazine Source m’a fait découvrir de nouveaux centres d’intérêt. Je veux me concentrer sur le journalisme et surtout conduire essentiellement des interviews, c’est mon objectif professionnel du moins. Aussi, on a vraiment galéré pour ses deux merveilles, donc je tiens à profiter de tous les moments maintenant qu’on a notre victoire, elle dit avec un sourire en câlinant son ventre. Cette grossesse sera mon unique, et comme ton père n’a pas eu la chance d’expérimenter ton enfance, je veux la vivre à fond présente quotidiennement aux côtés de ma petite famille au lieu de sauter régulièrement dans un avion à la découverte d’un coin paradisiaque pour le travail alors que j’ai le paradis dans ma maison.
— Tchieu, on dirait que tu vas accoucher des anges, je rigole.
— Même s’ils ne sont pas des anges, ils seront toujours ma version du paradis sur terre parce qu’on a persévéré et nous voilà, n’est-ce pas les bébés ? elle se marre en appuyant un doigt sur son ventre et voilà que je souris comme une chèvre.
— Bref, on a compris, tu es trop amoureuse de ta vie, personne ne peut te sortir de ta bulle dégoulinante d’émotions.
— Lol, tu grandis ou bien, j’attends de pied ferme ta rencontre avec l’amour ici.
— Tu es en retard ma vieille, je suis déjà amoureuse. Amoureuse de la Musique !
— Est-ce qu’elle a à la vigueur pour entrer comme il faut dans ton jardin secret ?
— Rhoooo dégueu ! Je vais te signaler à mon père ! Dépravée va, ce n’est pas drôle, je rigole en la poussant loin de moi.
Cette remarque mérite une punition normalement, je l’aurais laissée faire son montage, mais j’ai le cœur en guimauve depuis qu’elle est enceinte. Monter une vidéo d’une heure ce n’est pas du gâteau et elle s’efforce à activer son accouchement puisqu’elle ressent des contractions depuis un moment, donc je m’occupe généralement de tout en l’absence de papa.
Les mois ont filé à une vitesse incroyable mine de rien. Nous venons d’entamer février, et dans six jours, je suis censée m’envoler avec papa pour Jozi. Je n’ai déjà plus le droit de dire Johannesburg, parce que pour Thema, on se rendra directement compte que je suis une étrangère. Elle y est déjà, pour je ne sais quelle raison, parce que les premières années commencent le 15 février. Elle a choisi de partir directement à la fin de janvier et passe son temps avec le groupe de Netha, qui n’a plus rien de l’ami que j’ai connu pour mon plus grand bonheur. Il a repris sa vie en main, commencé l’uni à Jozi aussi et même intégré un band musical dont on parle tous les jours. La meilleure chose qui pouvait lui arriver c’était de rencontrer tata Macy qu’il me demande régulièrement de remercier, et j’essaie bien, mais ma tata se fait rare. Comme on a déjà envoyé la majeure partie de nos effets dans la maison d’Osu, papa lui a proposé d’emménager dès qu’elle le souhaiterait, ce qu’elle a fait, mais on ne la voit presque jamais à cause de son travail.
Le montage est fait, la vidéo de Tessa en ligne, et le lendemain au réveil, les premiers commentaires me réconfortent dans l’idée que je n’avais pas tort de penser comme je le faisais. Plusieurs lui demandent de ne pas supprimer la chaîne. Chacun présente ses raisons, certains comme moi lui disent qu’elle peut prendre son temps et revenir quand elle sera motivée. D’autres lui disent qu’ils ont commencé et fini l’université en même temps qu’elle en plus d’avoir aussi leurs familles aujourd’hui, donc ils sont attachés à la chaîne. Les réactions continuent durant la journée et je pousse un cri de victoire au dîner quand elle nous annonce que finalement elle ne supprimera plus.
— Ne te réjouis pas si vite, je n’ai toujours pas de motivation.
— On s’en fout, qui te dit qu’elle ne reviendra pas ? Les enfants ne seront pas éternellement petits, il se peut même que tu aies d’autres idées dans cinq ans voire plus.
— Qui se rappellera de mon existence dans cinq ans ?
— Les gens qui veulent, en tout cas ce n’est plus ton problème, laisse la chaîne là-bas, elle ne t’a rien fait.
— Je n’ai jamais vu ça, comment peut-on lutter autant pour les choses d’autrui ? elle rigole.
— C’est l’héritage familial.
– Ah bon hein, elle et papa rigolent.
Allez, je coche cette case sur ma liste de tâches et garde bon espoir pour l’accouchement. Jour J-1, la veille, je ferme ma valise, le cœur rempli de tristesse. Nous sommes rentrés de l’hôpital bredouilles hier, ce que Tessa prenait pour la délivrance n’était qu’une suite de fausses contractions. De son côté, papa maintient le départ sur demain parce qu’il tient absolument à m’accompagner, connaître l’uni, mon bâilleur, m’assister pour l’ouverture d’un compte bancaire, bref tout ce que je peux faire avec Thema, mais il refuse.
— Internet existe toujours, j’ai encore les moyens de fournir le data pour des appels vidéo, donc arrangez-moi vos têtes d’enterrement, nous dit papa.
— C’est pas pareil, j’insiste dépitée. On a commencé l’aventure en trio et vous m’éjectez au dernier chapitre, je me sens trahie.
— Toi alors, il me sourit comme si c’était le moment. Tu agis comme si tu resteras à vie en Afrique du Sud. Ta mère a déjà confirmé que tu pouvais passer une partie de tes grandes vacances ici avant de la rejoindre en France. En plus, d’ici là, les enfants ne seront plus dans leur phase alien.
— Tu traites qui d’alien ? rétorque Tessa.
— Bon je la bouche alors, il continue sur son ton léger, sans égard pour notre déception.
15 h, jour J, pendant que je me crème le corps, je vois Tessa glisser un truc dans mon sac à dos.
— Je t’ai mis un truc là, mais ça reste entre nous hein.
Je hoche simplement la tête, l’air ailleurs. Il y a trop d’affluence à la maison pour mon départ et on me presse donc j’oublie même de lui en reparler. C’est à l’aéroport, en fouillant dans mon sac à dos pour donner mon passeport à papa que je retombe sur une enveloppe.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Ta femme l’a mis dans mon sac, euh…une Mastercard ? je dis intriguée par la carte collée sur la lettre. Je tombe des nues en lisant l’attestation de la banque Atlantique. Et elle a dit de ne pas t’en parler ?
— Ah bon ? il rigole en prenant la lettre.
— Mais elle est comment ta femme ? Elle me donne 3200 euros cadeaux comme ça ?
— Et je n’étais même pas informé. Tiens, papa me retourne l’enveloppe. Je garde ma bouche fermée comme c’est censé être un secret entre femmes.
— Oh il y a une autre lettre, je dis en la sortant de l’enveloppe.
« Dada,
J’espère que tu liras cette lettre loin de ton papa. Comme tu pleures pour un rien dernièrement….,
— Non mais, je rigole avant de continuer.
…je n’ai pas eu le choix que de mettre ceci dans ton sac. Considère-le comme mon cadeau pour ta vie de jeune adulte dans laquelle tu t’apprêtes à embarquer. Tu rencontreras certainement des épreuves, mais ne les laisse pas douter de tes capacités meuf, parce que tu n’es pas n’importe qui. Tu es le cœur de cette famille et le modèle de tes petits poucets, nous sommes de tout cœur avec toi. Je t’aime beaucoup et ta touche personnelle va manquer dans la maison. À très bientôt, ta femme enceinte préférée, ne discute pas le titre, je sais que je suis ta préférée. »
— Et surtout la seule que j’ai côtoyée, je rigole, émue par ses mots. Ah non, c’est pour moi ça, je dis en cachant la lettre de papa qui veut jeter un coup d’œil.
— Vous avez fini de m’insulter ?
— Oui, on t’a bien critiqué.
On embarque et à l’arrivée, mamie Eglantine (la mère de Tessa), nous informe qu’elle aide Tessa à s’habiller pour se rendre à l’hôpital. Nous ne bougeons pas de notre hôtel jusqu’à l’annonce de la bonne nouvelle. Après un long travail auquel mamie Hana a assisté, nous rencontrons Tiara et Tahj Bemba. Papa n’arrive pas à parler, tandis que je n’arrive pas à la boucler.
— Les couronnes de Tchaa et Tessa, je continue à rire. Regarde comment ils ressemblent à des chiots tout fripés, on ne peut même pas distinguer le garçon de la fille.
— Merci ma fille ! intervient mamie Eglantine. J’ai bien demandé ici comment on est censé différencier Tata de Tiatia si les deux portent la même couleur.
— Je dis, quand tu entends Tahj, un prénom court comme ça, tu ne t’es pas dit qu’on l’a choisi exprès pour éviter les petits noms ? réplique Tessa alors qu’on rigole.
— Oh…, donc on va les appeler comment ? C’est le travail des mamies de donner les petits noms ou bien ma collègue ? elle demande en se tournant vers mamie Hana qui berce Tahj.
— Je te dis, ils veulent nous mettre au chômage, rigole mamie Hana.
— Ne t’en fais pas mamie Tine, j’ai le surnom parfait pour vous, les couronnes de Tchaa et Tessa.
— Tahj et Tiara veulent dirent couronne, donc tu as ton surnom, plus besoin de chercher, on t’a facilité le travail, clarifie Tessa.
— Après Tchaa takes Tessa, on a les couronnes de Tchaa et Tessa, les choses des gens bénis.
— Exactement mamie Hana, la reine Hadassah et ses couronnes Tiara et Tahj, confirme Tessa avec humour et me tourne vers papa, remarquant qu’il ne se prononce toujours pas.
Toute son attention est sur Tessa et la façon dont il l’observe me fait rougir au point que je détourne la tête, un peu gênée, et sur la face le sourire niais d’un enfant qui a assisté à un moment intime de ses parents. Il la fixe avec douceur et intensité comme s’il cherche comment se télétransporter là-bas.
— Mais je dis hein, reprend mamie Eglantine, c’est normal que surnom soit plus long que prénom ? Parce que couronne 1 et couronne 2….
— J’en peux plus de toi quoi, dit Tessa en secouant la tête alors qu’on est mort de rire.
— Tu es certaine que ça va ? lui demande papa quelques minutes sur la fin de l’appel.
— Oh c’était une promenade au parc hein, on en a vu d’autres, n’est-ce pas mamie Hana ?
— Je dois vraiment me prononcer ?
— Je n’aime pas ça hein, pourquoi tu veux me discréditer ? se marre Tessa.
— La frime pour rien, j’ajoute avec humour
— Accouche de jumeaux et on verra, elle me renvoie sur le même ton.
— Je suis en pleine forme Lio. Mamie Ciara m’a même promis le riz au gras dès que je rentre, donc ne vous en faites pas. Tout le monde m’entoure ici, donc faites ce qu’il faut là-bas, oh mon bébé, viens dans les bras de maman, elle babille en prenant Tiara qui s’est mis à geindre et j’avoue que mon cerveau nage dans la plénitude.
On raccroche quelques minutes plus tard et papa se pince directement l’arête du nez.
— ça v…
Il me serre à me couper le souffle avant que je puisse finir la phrase et m’embrasse plusieurs fois la tête.
— Seigneur…, il dit simplement, mais ce simple nom exprime tant d’émotions. On aurait dû repousser le voyage, il confesse.
— Demain tu écouteras ta fille, je lui réponds amusé et le fait rire.
Je récupère officiellement les clés de mon appart le lendemain, l’ouverture du compte suit, les courses, trouver un médecin, papa est resté jusqu’à ma rentrée et m’y a suivi. La veille de son départ, il a invité mes amis au resto. Thema, Netha et Lalela (Estelle, l’amie que Hadassah avait en France, la sœur de Netha) étaient présents. Même s’il les connaît, il tenait à rencontrer ceux que je vais côtoyer souvent. C’est la veille de la St valentin que papa est parti. Il a refusé que je le suive à l’aéroport, pour éviter les séparations que je ne m’attendais pas à trouver si difficiles. Thema avait promis de passer, mais je n’ai eu aucun signe d’elle, c’est maman qui est restée au téléphone avec moi. Le matin avant de me rendre à l’école, je fais un saut à son appart pour me rassurer parce qu’elle m’a écrit vers 3 h du mat.
Comme il est assez tôt et selon son message, elle n’a pas bien dormi, je choisis d’aller directement à l’appart et toquer gentiment à la porte au lieu de sonner et prendre le risque de la réveiller. J’arrive dans le couloir menant à sa chambre et me fige abasourdie devant le spectacle en face. Jérémie et Thema sont devant sa porte, enlacés et se roulent une pelle comme s’ils étaient seuls au monde. Il presse ses fesses et elle rigole en essayant de se détacher quand il envoie ses mains sous sa minijupe qu’elle porte pour le tennis. Jérémie me remarque premièrement et se fige. Thema se détache brusquement quand elle me voit.
—Food poisoning ? je répète, hébétée.
***Jérémie Ekoue***
— Intoxication alimentaire ? C’est le meilleur que tu aies trouvé ? je demande à Thema une heure après le savon que nous a passé Hadassah.
— Parce que tu aurais fait mieux ? elle rétorque en colère. Qui m’a empêché de la rejoindre hier ?
Sa remarque me fait sourire malgré la situation. Je devais la laisser aller où alors qu’on se retrouvait après une longue comédie qui a duré près d’un an ? On a dû feindre la séparation aux yeux de tous après une dispute, alors qu’on s’était simplement entendu de garder nos distances parce que mes proches commençaient à me compliquer la vie depuis notre baiser. C’est papa qui m’a conseillé de me distancer de Thema pour que maman et Jennifer se calment ainsi, une fois à l’étranger, je pourrais me concentrer sur ma relation. Le plus difficile fut de garder Hadassah dans le flou, pas parce qu’elle était indigne de confiance, mais à cause de la complexité de nos relations familiales.
— Et voilà elle nous en veut ! Elle pense qu’on l’a pris pour une cafteuse, se plaint Thema à raison et je soupire.
— On fait quoi du coup ?
— Pourquoi tu me demandes ? C’était ton idée, je te rappelle.
— Que tu as accepté sans vraiment résister aussi, je lui rappelle également.
— Bref, j’ai déjà raté mon cours de tennis, je dois me préparer pour les cours, trouve une solution en attendant.
Trouver une solution, j’aimerais bien, mais comment faire quand elle se promène dans le plus simple appareil depuis là ? Je n’arrive toujours pas à croire que je me trouve vraiment dans son appart, libre de la toucher, la goûter, alors qu’à Lomé, je n’avais même pas le droit d’aller chez elle, parce qu’elle craignait que le personnel la rapporte à sa famille. Je peux me lever là, baisser mon froc et coller ma queue contre son dos courbé. C’est d’ailleurs ce que je fais et après une plainte, elle me laisse la doigter et dévorer sa poitrine tandis qu’elle me branle jusqu’à la jouissance, avant d’aller en cours.
Je voulais goûter à l’hiver comme on m’a dit que l’Afrique du Sud a un climat comparable à certains pays occidentaux, mais nous n’avons que congé en février puis les grandes vacances en juin et little miss me prenait déjà la tête avec ses excès de jalousie juste parce qu’elle entendait des prénoms féminins inconnus dans nos conversations. Tonton Ezra étant aux États-Unis pour un mois, je n’ai pas hésité quand elle m’a demandé de venir pour qu’on passe la St Valentin ensemble. Dans dix jours, je rentrerai et si Dieu le veut, cette formation d’agent de sécurité que je vise sera concluante. Papa m’a bien conseillé d’être strict avec mes dépenses dans mon couple, mais c’est naze d’être le dépendant en relation. J’ai mon égo aussi et il ne survivra pas si Thema doit toujours dégainer son portefeuille pour qu’on se voie. Je n’ai la prétention qu’en juin, je pourrais acheter son billet, mais au moins, je pourrais lui faire découvrir Abidjan à mes frais.
Elle est de retour à 14 h, avec une boîte de pizza et pendant qu’on la partage, elle m’annonce qu’elle sort ce soir.
— Tu vas voir Dada ?
— J’aimerais bien, mais elle n’a pas répondu à mes messages. Tu as pu l’avoir toi ?
Je secoue la tête, la bouche pleine.
— Bref, je dois faire acte de présence à un gala de charité où maman a été invitée.
— Qu’est-ce que tu vas faire à un gala de charité toi ?
— Je t’ai dit que je vais faire acte de présence pour ma mère non ? J’ai surtout accepté pour me faire des contacts.
Je hoche simplement la tête, concentré sur mon téléphone, jusqu’à son départ. Je lui prends sa tenue pour la lui repasser tandis qu’elle fait ses chichis dans la salle de bain.
— Oui ? je l’entends au loin.
— Tu me…
Elle débarque en vitesse, les yeux écarquillés et le doigt sur la bouche me signifiant de me taire. Confus, je la dévisage et elle met l’appel en HP. C’est sa mère que j’entends donc je suis automatiquement tendu. Elles se parlent de choses que je ne comprends pas, mais vers la fin de l’appel, j’ai bien compris qu’elle lui demandait de bien s’habiller parce qu’un certain Jacob serait présent.
— Jacob ? je répète.
— Hein ?
— Qui est Jacob ?
— Oh, le fils de son ami. Ma robe n’est toujours pas prête ?
— Pourquoi vous parlez du fils de son ami ?
— Tu peux repasser plus vite ? Il vient me chercher dans quelques minutes.
Je ris simplement tandis qu’elle retourne à ses chichis en parlant de je ne sais quoi. Elle revient carrément avec des chaussures pour connaître mon avis.
— L’émeraude c’est pas mal avec des chaussures métalliques non ?
— Laisse-moi bien comprendre. Tu me fais repasser ta tenue pour aller passer la St Valentin avec le fils d’un ami à maman ? Je suis ton boy ?
Elle râle, elle ose râler. Je ne dis rien. Après qu’elle ait fini de sermonner sur ce qu’elle appelle « jalousie maladive », elle retourne avec ses chaussures métalliques dans les mains. Je vais fermer sa porte, retire la clé, finis de repasser sa tenue que je lui donne, met la clé dans ma valise dont je sors une tenue apprêtée aussi, puis cadenasse ma valise.
— Bon, je suis prête, pourquoi tu te changes ? elle me demande en m’observant étrangement.
— La St Valentin est pour les amoureux et aux dernières nouvelles, ton amoureux c’est moi.
— Jérémie ne commence pas s’il te plaît, je n’ai pas le temps pour… , bref, tu fais comme tu veux, tu ne veux jamais rien comprendre. Je rentrerai vers minuit, bye, elle m’annonce et s’en va.
J’ajuste mon blazer et me parfume le temps qu’elle bouge la poignée de la porte et crie mon prénom.
— Ne me prends pas la tête Jérémie ! Qu’est-ce que tu as fait de ma clé ?
Je sors d’un air confiant, et à la hauteur de la table où se trouve encore la boîte de pizza ouverte, prends un bout de la croute dans laquelle j’enfonce la toute petite clé du cadenas de ma valise, et la mets dans la bouche.
— Tu iras rejoindre Jacob quand il repassera ta tenue, je dis et j’entreprends d’avaler la croute dans laquelle se trouve la petite clé.
….Trois heures plus tard, Chris Hani Baragwanath Hospital….
— Donc vous vous ignorez pendant des mois au point tout en me laissant au milieu de votre dynamique cheloue créée de toute pièce, tu me plantes et mens que tu souffre d’intoxication alimentaire pour justifier ta négligence envers moi, tu m’appelles quand même et sanglotes comme une malade au téléphone qu’il va crever. Bête que je suis, je quitte le supermarché en panique et quand j’arrive, ce que vous me dites, c’est que toi tu as tenté d’avaler une clé qui s’est coincée dans ta gorge et toi tu n’arrivais pas à le faire recracher ?
— Le bon côté c’est que les ambulanciers ont été efficaces et la porte de l’arrière était ouverte, je l’ai échappé bel…
Le coup que je reçois sur la tête me fait vibrer la mâchoire.
— Mais pourquoi tu le frappes ? il vient d’échapper à la mort, réplique Thema en prenant ma tête entre ses mains.
Elle frappe maintenant Thema donc je réagis aussi.
— Mais arrête enfin, on comprend, tu es fâchée.
— Je ne suis pas fâchée ! Je ne veux plus entendre parler de vous.
— Mais Had…
— Restez dans votre toxicité, avalez vos clés ensemble, ne me cherchez plus.
— Hadassah revient, je la rappelle tandis que Thema essaie de la retenir.
Maman avale toujours ses gros cachets en les enfonçant dans du pain, pourquoi ça devait coincer chez moi ?
C’est ainsi que mon séjour en Afrique du Sud qui ne présageait que de belles choses a pris fin de façon abrupte. Dada nous a trahis en informant les Asamoah de ma présence. J’ai dû quitter l’Afrique du Sud plus tôt que prévu avec l’interdiction de revoir Thema. Son frère Godson membre du conseil d’administration de mon école m’a convoqué pour m’avertir que mon projet scolaire s’écourterait si jamais j’approchais à nouveau sa sœur. Je ne me suis jamais senti aussi parasite et inutile de ma vie, il s’est assuré de me faire comprendre que je n’avais rien à apporter à Thema. Absolument rien qu’elle ne trouverait auprès des différents prétendants que ses parents ont déjà choisis pour elle.
P.S final : Merci pour les commentaires encourageants au dernier chapitre ainsi que les pensées positives pour ma famille. Ils me vont droit au cœur. Mine de rien, cette histoire est ma plus longue, je ne m’attendais pas à en arriver ici, mais nous y sommes et je n’ai pas regretté même si ça m’a pris du temps. SVP, elle ne sera pas disponible sur Amazon pour ceux qui espèrent lire. Le tome 3 seul fait 1030 pages et le tome 2 est le plus long. Vous comprenez que je n’ai pas la force de m’asseoir pour lire et apporter les corrections nécessaires, surtout qu’il n’y a que ma Queen qui m’intéresse dans le lot. Les personnages secondaires qui volent les thèmes de royauté jusque dans les noms des enfants vraiment, on peut s’en passer.