
Chapitre 22
Write by Verdo
Marie était assise à l’arrière de la vieille Toyota Corolla qui tanguait sur les routes en terre cabossées menant à Avépozo. À côté d’elle, son ami Kossivi, le policier, compulsait un dossier épais contenant les preuves qu’ils avaient rassemblées contre Éthiam.
— « On va le coincer cette fois, c’est sûr, » déclara Kossi avec assurance, les yeux rivés sur la route.
— « Il n’échappera pas à la justice. Je veux le voir payer pour tout ce qu’il a fait. » Marie serrait les poings, une détermination froide dans le regard.
Arrivés à la villa d’Éthiam à Avépozo, ils furent accueillis par le gardien. Il leur expliqua qu’Éthiam avait quitté la maison tôt ce matin-là, affirmant qu’il se rendait à Fongbé-Zogbédzi.
Marie sentit une montée d’adrénaline.
— « Alors il fuit encore ? » murmura-t-elle pour elle-même avant de se tourner vers Kossi.
— « On doit y aller. Maintenant. »
Ils remontèrent dans la voiture, Kossivi prenant le volant tandis que Marie donnait des instructions précises sur l’itinéraire. La route vers Fongbé-Zogbédzi était longue et sinueuse, traversant des villages reculés et des plaines verdoyantes.
La détermination de Marie était à son comble, mais un malaise s’insinuait dans son esprit. Les mots du vieillard continuaient de résonner dans sa tête : « Reste en retrait… tu pourrais bien le regretter. »
Elle chassa ces pensées d’un geste vif de la main, fixant droit devant elle.
— « Rien ne me détournera de cet objectif. Il doit payer. »
Alors qu’ils approchaient d’un virage dangereux, Kossi accéléra pour dépasser un camion lent devant eux. La route, étroite et mal entretenue, offrait peu de visibilité. Une légère bruine commençait à tomber, rendant l’asphalte glissant.
— « Fais attention, Kossi. On peut attendre un peu. » conseilla Marie d’une voix tendue.
— « On perd trop de temps, » répondit-il, déterminé à avancer.
Au moment où ils s’engageaient pour dépasser, un grondement sourd se fit entendre au loin. En une fraction de seconde, un titan, un énorme camion transportant du sable apparut dans l’autre sens.
Kossivi paniqua. Il tenta de freiner brusquement pour revenir sur sa voie, mais les pneus de la voiture glissèrent sur la chaussée mouillée. Le véhicule se mit à déraper dangereusement.
— « Kossi, attention ! » hurla Marie en s’agrippant à son siège.
Le choc fut inévitable. Le titan heurta violemment la petite Corolla sur le côté gauche, la projetant hors de la route. La voiture fit plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser dans un fossé, la tôle froissée et les vitres éclatées.
Un silence pesant s’installa après l’accident, seulement interrompu par le bruit de la pluie qui s’intensifiait. À l’intérieur de la voiture, Marie ouvrit lentement les yeux, la tête bourdonnante et le corps douloureux. Elle tourna la tête avec difficulté et vit Kossivi, inconscient, la tête appuyée contre le volant.
— « Kossivi… Kossi… » murmura-t-elle d’une voix faible, essayant de le réveiller.
Elle tenta de bouger, mais une douleur aiguë dans sa jambe l’immobilisa. Du sang coulait de son front, brouillant sa vision. Des passants et des villageois qui avaient vu l’accident accouraient, criant et gesticulant.
Un vieillard parmi eux s’approcha lentement. Marie, encore consciente, le reconnut immédiatement. C’était l’homme qui lui était apparu quelques jours plus tôt, celui qui l’avait mise en garde.
Il s’accroupit près d’elle, la fixant de ses yeux perçants.
— « Je t’avais avertie, jeune femme. Tu n’as pas voulu écouter. Voilà ce que le destin réserve à ceux qui défient les volontés des ancêtres. »
Marie tenta de parler, mais sa voix était trop faible. Elle sombra peu à peu dans l’inconscience, tandis que les secours arrivaient sur les lieux, sirènes hurlantes.
Marie et Kossivi furent transportés d’urgence à l’hôpital le plus proche. Pendant des heures, les médecins se battirent pour les stabiliser. Kossivi, grièvement blessé, fut placé en soins intensifs, tandis que Marie, bien que moins atteinte, resta sous observation.
Le vieillard, quant à lui, avait disparu aussi mystérieusement qu’il était apparu. Les villageois, qui avaient assisté à la scène, murmurèrent entre eux que l’accident n’était pas simplement dû au hasard, mais à une force plus grande.
Marie, allongée sur son lit d’hôpital, ouvrit les yeux dans une pièce faiblement éclairée. La douleur la submergea, mais ce fut une autre réalité qui l’accabla : les mots du vieillard résonnaient encore dans sa tête, lui rappelant qu’elle aurait dû écouter l’avertissement.
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Le ciel de Fongbé-Zogbédzi était devenu un théâtre chaotique. Des éclairs zébraient la nuit, illuminant le village par instants, suivis de grondements assourdissants. Un vent, furieux, s’engouffrait dans les ruelles poussiéreuses, balayant les feuilles et arrachant les toits de paille des habitations fragiles. Une peur viscérale s'était emparée des habitants.
La rumeur s’était rapidement propagée : Éthiam, l’homme maudit, était de retour. Des murmures d’inquiétude s’étaient transformés en cris de colère.
La cour du palais du chef, éclairée par des torches tremblotantes, était noire de monde. Les habitants, vêtus de pagnes trempés par la pluie, gesticulaient et vociféraient. Un vieillard, appuyé sur son bâton, lança le premier cri.
« Nous ne voulons pas de ce meurtrier dans notre village ! » Sa voix, tremblante de rage, galvanisa la foule.
« Il a tué Mawugno et sa famille ! Il a détruit l’avenir de nos enfants. »
Un autre s’avança, un jeune homme au visage marqué par la colère :
« Il faut qu’il parte avant que la foudre ne nous consume tous. Ce vent, ces éclairs, c’est lui qui les a ramenés ! Il est porteur de malédiction. »
Les murmures se transformèrent en hurlements :
« Qu’il parte ! »
« Qu’il meure ! »
« Battons-le jusqu’à ce qu’il n’en reste rien ! »
La tension atteignit son paroxysme lorsqu’Éthiam apparut à l’entrée de la cour. Trempé, le visage fermé, il avançait lentement, une expression de fatigue et de résignation sur le visage.
Un silence de plomb s’abattit sur l’assemblée. Même les éléments semblèrent suspendre leur chaos pendant un instant. Les regards étaient rivés sur lui.
Un vieillard, les mains tremblantes de rage, rompit le silence :
« Voilà le meurtrier ! Celui qui a privé notre village d’une usine et de l’avenir. Mawugno était notre fierté, et cet homme l’a tué de ses propres mains ! »
La foule s’échauffa de nouveau. Plusieurs hommes s’avancèrent, et, avant qu’Éthiam ne puisse dire un mot, ils se jetèrent sur lui.
Des coups de pied et de poing pleuvaient sur Éthiam. Il ne se défendit pas. Chaque impact semblait être une pénitence qu’il acceptait. Du sang jaillit de son arcade sourcilière. Sa chemise, trempée de pluie, s’imbiba rapidement de rouge.
« Assez ! Arrêtez ! » La voix du chef du village retentit, imposante, écrasant la clameur.
Les villageois se figèrent. Deux gardes saisirent Éthiam par les bras et le traînèrent devant le chef, un vieil homme au visage grave et imposant, vêtu d’un pagne brodé d’or.
Éthiam, agenouillé devant le chef, respirait difficilement. Son visage tuméfié témoignait de la violence qu’il venait de subir. Mais dans ses yeux, il n’y avait ni peur ni colère, seulement un mélange de fatigue et de regret.
Le chef le dévisagea longuement avant de parler. Sa voix, grave et posée, brisa le silence :
« Que nous vaut l’honneur de ta visite, Éthiam ? Après toutes ces années où tu as fui ce village, pourquoi es-tu ici aujourd’hui, sous cette tempête qui menace de nous détruire ? »
Éthiam releva lentement la tête. Ses lèvres tremblaient, mais sa voix, bien que faible, portait une sincérité déchirante :
« Je suis venu confesser mes péchés. Je suis venu demander pardon, à vous, aux habitants, et aux ancêtres de ce village. J’ai souillé Fongbé-Zogbédzi par mes actes. J’ai tué Mawugno… et avec lui, l’avenir de ce lieu. Je ne cherche pas de pardon, mais je veux affronter les conséquences de mes crimes. »
Des murmures parcoururent l’assistance.
« Je suis désolé. » Sa voix se brisa. Quelques larmes coulèrent sur ses joues ensanglantées.
Le chef plissa les yeux, réfléchissant. Puis il se redressa et déclara :
« Tes paroles sont lourdes de remords. Mais ce ne sont pas mes oreilles qu’elles doivent convaincre. Nous allons consulter les ancêtres. Ce sont eux qui décideront de ton sort. »
Les murmures reprirent. Certains hochaient la tête, approuvant la décision du chef. D’autres, en revanche, criaient encore leur colère.
« Pourquoi attendre ? Tuez-le maintenant ! » cria un jeune homme, le poing levé.
« Les ancêtres décideront ! » trancha le chef, un regard glacial mettant fin à la contestation.
Éthiam fut relevé par les gardes. Tandis qu’on l’emmenait vers la case sacrée, où les anciens procéderaient au rituel pour invoquer les ancêtres, il tourna la tête une dernière fois vers la foule.
Dans leurs yeux, il vit autant de colère que de tristesse. Il comprit à cet instant que ce village ne le pardonnerait jamais entièrement, même si les ancêtres l’épargnaient.
Mais il savait qu’il devait aller jusqu’au bout. Pour Mawugno. Pour Ayélévi. Pour Pépé. Et peut-être, un jour, pour lui-même.
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Ayélévi était allongée dans son lit, le visage baigné de larmes. Le silence de la maison n’était brisé que par les sanglots étouffés qu’elle ne parvenait pas à contenir. Ses pensées tournaient en boucle autour d’Éthiam. Elle revoyait son visage marqué par la douleur lorsqu’il lui avait remis l’enveloppe. Mais plus encore, ses rêves étranges la hantaient.
Chaque nuit depuis son départ, elle rêvait de lui. Elle le voyait marcher seul dans une vaste plaine sombre, la sacoche noire pendue à son épaule, comme un poids qu’il ne pouvait déposer. Puis, dans une lueur d’éclairs, il disparaissait, aspiré dans un abîme sans fond, criant son nom. Ces visions la réveillaient en sursaut, son cœur battant à tout rompre, un goût amer dans la bouche.
Ce soir-là, après un nouveau cauchemar, Ayélévi se leva brusquement. Elle ne pouvait plus rester là, à attendre. Quelque chose de terrible allait arriver à Éthiam, elle en était sûre. Elle devait le rejoindre, le sauver s’il le fallait.
Elle ouvrit son armoire et sortit une valise. Ses mains tremblaient tandis qu’elle y rangeait quelques vêtements, des documents, et un petit cadre contenant une photo d’elle, Éthiam, et leur fils Pépé.
La lumière du couloir s’alluma soudain. Sa mère entra dans la chambre, suivie de son père. Le visage de sa mère était marqué par l’inquiétude.
« Ayélévi, qu’est-ce que tu fais ? » demanda-t-elle d’une voix tremblante.
Ayélévi ne répondit pas tout de suite. Elle continua de ranger ses affaires, évitant le regard de ses parents.
« Ne me dis pas que tu comptes aller à Fongbé-Zogbédzi, là où cet homme est parti ? » insista sa mère, ses mains croisées sur sa poitrine.
Ayélévi releva la tête, son visage mouillé de larmes.
« Je n’ai pas le choix, Maman. Je ne peux pas l’abandonner. Quelque chose de terrible va lui arriver, je le sens. »
Son père, qui jusque-là était resté silencieux, fit un pas en avant.
« Et toi ? Et ton fils ? As-tu pensé à Pépé ? Que deviendra-t-il si quelque chose t’arrive là-bas ? Tu veux l’abandonner lui aussi ? »
Ces mots frappèrent Ayélévi comme une gifle. Elle posa sa main sur son cœur, submergée par un mélange de culpabilité et de détermination.
« Pépé est ma vie. Mais Éthiam… Je l’aime. Et je ne peux pas le laisser mourir seul. »
Sa mère s’approcha, les larmes aux yeux. Elle prit les mains de sa fille dans les siennes.
« Ayélévi, je t’en supplie. Éthiam a choisi son chemin, et toi, tu dois choisir le tien. Pense à ton fils. Ce village n’apporte que des malheurs. Tu ne peux pas y aller. »
Ayélévi retira doucement ses mains et secoua la tête.
« Je ne peux pas, Maman. Chaque nuit, je rêve de lui. Il m’appelle. Il souffre. Je ne peux pas ignorer ça. »
« Et si tu ne reviens pas ? Et si c’était un piège de cette sacoche maudite ? » s’écria son père, sa voix cassée par l’émotion.
« Alors je mourrai en sachant que j’ai fait ce que mon cœur me dictait. » Elle porta une main tremblante à ses lèvres, essayant de contenir un sanglot. « Je l’aime, Papa. Peu importe ce qu’il a fait, il reste l’homme que j’ai choisi. »
Ses parents échangèrent un long regard. Ils savaient que rien ne ferait changer leur fille d’avis. Sa détermination était plus forte que leur peur.
Son père soupira lourdement, passant une main sur son visage.
« Très bien. Si tu dois partir, alors nous viendrons avec toi. »
Ayélévi releva les yeux, surprise.
« Papa, non, je ne peux pas vous entraîner là-dedans. »
Sa mère secoua la tête avec fermeté.
« Nous ne te laisserons pas y aller seule. Si quelque chose doit arriver, nous affronterons cela ensemble. Nous sommes une famille, Ayélévi. »
Les larmes d’Ayélévi redoublèrent, mais cette fois, elles étaient mêlées de gratitude.
« Merci, Maman. Merci, Papa. »
À l’aube, ils chargèrent leurs affaires dans une vieille voiture. Avant de partir, Ayélévi entra dans la chambre de Pépé pour l’embrasser une dernière fois. Il dormait paisiblement, son visage angélique éclairé par la lumière douce du matin.
Elle murmura :
« Maman reviendra, mon ange. Je te promets. »
Alors que la voiture démarrait, Ayélévi jeta un dernier regard à leur maison. Une partie d’elle se demandait si elle la reverrait un jour. Mais elle n’avait pas le choix.
Son cœur lui dictait de retrouver Éthiam, quoi qu’il lui en coûte.
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Sélinam était assise dans le salon de Nadine, un silence pesant planant entre elles. Les éclats de voix de la journée s’étaient dissipés, laissant place à une tension palpable. Nadine, vêtue d’un simple pantalon et d’un haut fluide, l’observait du coin de l’œil, méfiante. De l’autre côté de la pièce, Sélinam, malgré son ventre arrondi par sa grossesse avancée, tenait une posture droite, ses mains croisées sur ses genoux.
« Nadine, je voulais te parler, » commença Sélinam d’une voix posée, bien qu’un soupçon de nervosité perçait dans son ton.
Nadine haussa un sourcil, s’appuyant contre le bras du canapé.
« Je t’écoute. Mais si c’est pour me parler de Kodjo, je t’arrête tout de suite. »
Sélinam esquissa un sourire triste.
« Justement. Je suis là pour te dire que je n’ai aucune intention de m’interposer entre vous. Ce que Kodjo et moi avons vécu appartient au passé. Il est temps que je regarde vers l’avenir et que je me concentre sur ce qui est important : mes enfants. »
Le visage de Nadine s’adoucit légèrement, bien qu’elle gardât une expression prudente.
« Tu dis ça maintenant, mais est-ce que tu le penses vraiment ? »
Sélinam acquiesça, les yeux brillants.
« Oui, je le pense. J’ai fait des erreurs dans le passé, Nadine. Mais je ne suis pas là pour m’accrocher à ce qui n’est plus. Tu es avec lui maintenant, et je respecte cela. Tout ce que je veux, c’est que mes enfants aient une famille où ils se sentent aimés et en sécurité. »
Nadine resta silencieuse quelques instants, ses doigts jouant avec l’ourlet de son haut. Finalement, elle murmura :
« Merci de me dire cela. Et… je suis désolée pour tout ce que tu traverses. »
Un sourire sincère illumina le visage de Sélinam.
« Merci, Nadine. »
Alors qu’elles poursuivaient leur conversation sur des sujets plus légers, Sélinam sentit une douleur lancinante lui traverser le bas-ventre. Elle posa une main sur son ventre, le visage se crispant brièvement. Nadine, qui observait ses réactions, fronça les sourcils.
« Ça va ? » demanda-t-elle, se penchant légèrement en avant.
Sélinam secoua la tête, tentant de minimiser.
« C’est probablement juste le bébé qui bouge. Rien de grave. »
Mais à peine eut-elle fini de parler qu’une nouvelle contraction, plus intense, la fit se pencher en avant. Cette fois, Nadine se leva précipitamment.
« Non, ce n’est pas normal. Attends, je vais chercher ma mère. »
Elle s’élança hors du salon, appelant sa mère d’une voix inquiète. Quelques instants plus tard, la mère de Nadine arriva, un torchon à la main.
« Qu’est-ce qui se passe ? » demanda-t-elle en voyant Sélinam recroquevillée sur le canapé.
« Je crois qu’elle est en train d’accoucher, Maman ! » répondit Nadine.
La mère se pencha vers Sélinam, palpant délicatement son ventre.
« Les contractions sont rapprochées. On doit l’emmener à l’hôpital immédiatement. Nadine, va apprêter la voiture s'il te plaît. »
Quelques minutes plus tard, elles étaient sur la route. Nadine conduisait à vive allure, tandis que sa mère, assise à l’arrière avec Sélinam, tentait de la calmer.
« Respire profondément, ma fille. Ça va aller. Nous serons bientôt à l’hôpital. »
Sélinam, le visage perlé de sueur, hocha faiblement la tête.
« Merci… merci d’être là. » murmura-t-elle entre deux contractions.
Le trajet jusqu’à l’hôpital sembla durer une éternité, mais elles arrivèrent enfin. Des infirmiers, alertés par l’urgence, vinrent à leur rencontre avec un brancard.
Après plusieurs heures de travail intense, les cris des premiers pleurs retentirent dans la salle d’accouchement. Le médecin, un large sourire aux lèvres, annonça :
« Félicitations, madame ! Vous venez de donner naissance à des triplés ! »
Sélinam, épuisée mais rayonnante, laissa échapper un rire nerveux mêlé de soulagement.
« Des triplés ? Vraiment ? »
L’infirmière posa délicatement les trois bébés emmaillotés près d’elle. Deux garçons et une fille. Sélinam les regarda, les larmes coulant librement sur son visage.
« Ils sont magnifiques… Merci. Merci. »
Nadine, qui attendait nerveusement à l’extérieur avec sa mère, se précipita dans la chambre dès qu’elle en eut l’autorisation. Elle resta figée en voyant les trois nourrissons.
« Trois ?! Tu n’as pas fait les choses à moitié, hein ! » dit-elle, tentant d’alléger l’atmosphère.
Sélinam rit faiblement, regardant Nadine avec gratitude.
« Merci pour tout. Merci d’avoir été là. »
Nadine s’approcha et posa une main sur l’épaule de Sélinam.
« C’est toi qui as été courageuse. Repose-toi maintenant. »
Cette nuit-là, alors que tout semblait sombre, la vie avait offert un miracle à Sélinam. Et au milieu des épreuves, une nouvelle lumière s’était levée, promettant un avenir différent.
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La nouvelle de l’accouchement de Sélinam arriva rapidement aux oreilles du pasteur Sika. Assis dans son petit salon austère, il fixa longuement le mur. L’annonce résonnait en lui comme une alerte divine, une urgence à laquelle il ne pouvait rester sourd.
« Seigneur, montre-moi ce que je dois faire, » murmura-t-il en fermant les yeux.
Après quelques minutes de prière intense, il se leva brusquement, résolu. Il attrapa les clés de sa voiture, une vieille berline fatiguée mais encore fonctionnelle, le dernier bien matériel qui lui restait.
« Je dois aller la voir. Elle aura besoin de mon soutien. »
Il sortit en toute hâte, se faufilant dans son garage exigu. Il démarra le moteur, le bruit rauque de l’engin emplissant l’espace confiné. Sans perdre une seconde, il s’engagea sur la route poussiéreuse qui menait à l’hôpital.
La nuit était tombée, enveloppant la ville dans une obscurité troublante. Les phares de la voiture éclairaient le chemin sinueux, mais l’atmosphère semblait lourde, presque surnaturelle. Le pasteur Sika serrait fermement le volant, le regard droit, murmurant des prières pour Sélinam et ses nouveau-nés. Il croyait en une nouvelle vie.
Mais à mesure qu’il avançait, une sensation étrange s’empara de lui. Une sueur froide perla sur son front. Il avait l’impression d’être suivi.
« Non, ce n’est que mon imagination, » se dit-il en secouant la tête.
Soudain, une ombre apparut devant lui. Il freina brutalement, les pneus crissant contre le bitume.
« Qu’est-ce que… ? »
Au milieu de la route, la sacoche noire était là, immobile, comme une entité vivante. Son cuir semblait briller d’une lumière étrange, et une aura inquiétante s’en dégageait.
Le pasteur ouvrit de grands yeux, son cœur battant la chamade.
« S'il te plaît, accorde-moi un peu de temps. » cria-t-il, les mains tremblantes.
La sacoche semblait se rapprocher lentement, bien qu’elle ne bougeât pas réellement. C’était comme si l’espace entre eux se réduisait tout seul.
Pris de panique, Sika écrasa l’accélérateur, espérant passer à toute vitesse et laisser cette vision derrière lui. Mais à peine eut-il parcouru quelques mètres que la sacoche réapparut, cette fois directement sur son capot.
« Non ! Non ! Seigneur, protège-moi ! » hurla-t-il, les yeux fixés sur cette chose impossible.
Dans sa panique, il perdit le contrôle de la voiture. Les pneus dérapèrent, et le véhicule quitta la route, heurtant un talus avec une violence inouïe. La voiture fit plusieurs tonneaux, projetant des éclats de verre et de métal dans toutes les directions, avant de finir sa course dans un caniveau.
Le silence retomba, oppressant. La voiture était méconnaissable, écrasée contre les parois du canal.
À l’intérieur, le pasteur Sika, le visage ensanglanté et le corps brisé, respirait faiblement. Ses mains agrippaient encore le volant, comme si, même dans ses derniers instants, il cherchait à s’accrocher à sa foi.
Il tourna lentement la tête et, malgré la douleur intense, vit la sacoche noire posée sur le siège passager, intacte, presque triomphante.
« Pardonne-moi seigneur … » murmura-t-il avant que son souffle ne s’éteigne.
La pluie commença à tomber, lavant le sang et les débris, tandis que la sacoche noire disparût.
À suivre…
Écrit par Koffi Olivier HONSOU.
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