Conclusion partie deux

Write by Gioia

***Jennifer toujours BEMBA***

Cinq jours, c’est le délai que je me suis accordée avant de rétablir ma ligne. Même pas cinq minutes s’écoulent que les notifications pleuvent. Je réponds d’abord à trois de mes employés du Snack avant de passer à ma tante que j’appelle plutôt.

— EH! Elle s’écrie exagérément dès qu’elle décroche. Jennifer c’est toi qui nous as fait ça? C’est toi qui nous honnis comme ça? J-E-N-N-I-F-EUUUURRR!

— Bonjour ma___

— C’est bonjour que tu as dans la bouche? elle reprend sans me laisser le temps de finir. Bonjour quand tu as fini de créer le feu ici? Ton mari est venu déposer tes affaires ici oh!

— Je vais bien ma tante et toi?

— Comment je vais aller bien quand tu as fini de traîner mon nom dans la boue? Tu sais ce que mon ancienne patronne m’a dit Jennifer? La maison? Une maison que tu as construite avec ton mari, tu la détruis de tes propres mains?

— Je n’ai pas détruit la maison, mais quelques effets dedans.

— Et puis tu réponds hein! C’est comme ça que je t’ai éduqué? Jennifeuuurrr? Non, tu as réussi. Oui, je t’applaudis. Avec tous les conseils que je t’ai donnés ici, tout ce que tu sais déjà sur ta belle-famille, il a fallu que tu leur donnes raison. Il a fallu que tu confirmes leurs idées sur nous. Il a fallu que__

— Écoute ma tante, je suis un être humain aussi. Je ne vais pas me laisser mourir pour que ma belle-famille me trouve irréprochable. S’ils veulent utiliser un moment de colère que j’ai eu pour me vilipender, qu’ils se fassent plaisir. Là où je suis, j’ai assez enduré.

— Mais tu as enduré quoi Jennifer? Qu’est-ce que toi tu as enduré dans ton foyer comparé à moi?

— Ne parle pas de ce que tu ignores! Je m’emporte. Tu ne sais pas non plus ce que j’ai passé sous silence pour le bien-être de mon mariage.

— Donc le bien-être de ce mariage ne t’intéresse plus?

— Eh bien un mariage on le construit à deux et j’ai trop donné pour qu’on me trahisse ainsi. Je n’allais pas m’asseoir et recevoir un enfant étranger chez moi. C’était au-dessus de mes forces.

— Gaëtan viens parler à l’enfant! Viens lui parler oh! elle s’adresse à mon oncle au lieu de me répondre.

— Dis-lui qu’il n’y a pas de place ici si elle comptait sur ma maison hein.

— Gaëtan! Comment peux-tu te montrer si méchant? Ce n’est pas de cette maison qu’elle est sortie? elle se vexe et lui rajoute des injures pendant que l’autre lui répond qu’il ne voit pas ce que sa bouche ira faire dans les histoires d’autrui.

— C’est la colère qui fait parler ton oncle. Tu dois rentrer au plus vite pour qu’on essaie de trouver une solution Jennifer, dit-elle après m’avoir repris.

— Bientôt ma tante.

— Bientôt là c’est quand?

— Pardon, il ne faut pas me stresser. J’ai besoin de tranquillité pour le moment.

— Est-ce que tu m’as bien compris quand j’ai dit qu’on avait déposé tes affaires? Plus tu lui laisses du temps, plus son cœur s’endurcira. Jennifer, les hommes ne supportent pas l’humiliation. Tu dois__

— J’ai compris ma tante, disons-nous à très bientôt s’il te plaît, je voulais juste entendre ta voix, je me dépêche de dire et coupe après qu’elle m’ait réitéré les inepties que je connais déjà.

N’importe quoi. Les hommes ne supportent pas l’humiliation parce que nous on est né avec le gène pour l’accepter n’est-ce pas? C’est moi qui devais rester au pays et devenir la risée du coin quand il me ramènerait sa gamine? C’est mon nom qu’on devait devenir un sujet de rigolade et je devais supporter de voir sa mère me regarder avec triomphe comme la vieille sorcière m’a toujours pris en grippe parce que son fils avait décidé de se rendre stérile? J’ai refusé et je continue de refuser. Ne provoque pas l’eau calme, on le dit toujours, mais les gens ne veulent pas l’accepter. Je n’aurais jamais touché à ses affaires s’il ne m’avait pas autant ridiculisé. Si au moins il s’était présenté comme un salopard et je l’avais connu ainsi durant notre mariage, sa trahison ne m’aurait pas autant affecté. Mais il a passé son temps à jouer au monsieur amoureux, fidèle, presque le petit frère du Christ et bien sûr, moi la conne j’ai acheté ce qu’il vendait. J’ai laissé ma seconde ligne ouverte en quittant le pays. Il connaît ce numéro, alors pourquoi il ne m’a pas appelé? Pourquoi il n’a pas essayé de me trouver s’il m’aime réellement? Je n’ai donc pas le droit d’exprimer ma colère, mais ces deux dernières années, lui ne se dérangeait pas pour me brimer? Me dire de remercier Elikem alors que j’étais en colère et l’insultais. Me dire que je le déçois parce que j’ai osé émettre un avis sur le fait que son amie ne comptait pas se rendre à l’enterrement de son fiancé. Il m’a même sevré sexuellement pendant deux mois sous prétexte que monsieur était déçu. Ça ne m’étonnerait pas qu’il se tapait en douce la mère de sa gamine puisqu’il a beaucoup voyagé ces deux dernières années. Je comprends mieux le pourquoi il mettait toujours ma santé en avant pour me dissuader de l’accompagner quand je lui ai proposais. J’ai été bien roulée même, donc pardon qu’on me fiche la paix, j’ai trop enduré dans cette relation. Depuis le début, je ne pouvais pas être à l’aise en tant que sa femme. D’abord il fallait composer avec sa mère, ensuite sa serpillère d’ex qui a osé me traiter de bitch et jamais il ne lui a fait regretter ça. Quelle femme aurait enduré ça et réussi à garder son sang-froid en découvrant qu’on lui a fait un enfant dans le dos? Personne sinon les gens de l’époque de ma tante et c’est pour mourir d’amertume. Je suis déjà née avec une maladie, il est hors de question que j’endure davantage. Donc oui, j’assume tout ce que j’ai fait même si ce n’est pas beau ou mature, je m’en fiche. J’ai détruit ce à quoi il tenait pour qu’il comprenne combien ça fait mal. J’ai vidé le compte pour me faire plaisir. C’est notre compte commun de toute façon et je ne suis pas conne. Quand on l’ouvrait à la Société Générale, je me rappelle très bien qu’il a demandé qu’il soit un compte joint au lieu d’un indivis. Il voulait que j’aie la facilité de l’utiliser si jamais je me retrouvais dans une urgence. Je n’ai donc jamais eu besoin de sa signature, quel que soit le montant que je devais retirer. J’accepte que sur le plan moral c’est un coup de pute de l’avoir vidé, mais sur le plan légal non. On contribuait tous les deux à ce compte et l’argent dessus nous appartient. J’ai le droit d’en disposer comme je le veux. Rien sur le plan légal ne m’en empêche. Dans le passé, jamais je n’ai touché à l’argent sans lui faire des comptes. Jusqu’aux petites factures, je lui expliquais toujours pour justement lui témoigner de la reconnaissance pour la confiance qu’il m’accordait. Alors quoi de plus normal que je lui retire cette reconnaissance quand il me montre que je ne devais pas la lui accorder? Avec une partie de l’argent, je me suis empressée de m’offrir un voyage à l’île Maurice puisque rien ne me retenait à Lomé. Mon émission de cuisine a pris fin il y a un mois de ça. Mon Snack peut survivre même si je prends un mois d’absence. Nous l’avions prévu, mais monsieur l’a annulé à la dernière minute quand le fiancé de son âme sœur est décédé. Ensuite, ma santé a pris un coup et plus jamais il ne l’a ramené sur le tapis, pourtant il savait combien j’en rêvais. Non, il préférait s’occuper des affaires des autres plutôt que de notre couple, alors je vais m’occuper de ma personne. On est après tout mieux servi que par soi-même. Par un pur hasard, je suis tombée sur Oyena, la chirurgienne orthopédiste dans mon vol en direction de Port Louis. Je passe un merveilleux temps en sa compagnie. Elle venait juste de plaquer son mec parce qu’il essayait de régenter sa vie et je n’ai bien sûr rien dit sur mon mariage. Je ne veux pas de racontars non plus et on ne connaît pas l’avenir. Pour le moment je suis en colère et Romelio m’en veut, je pense. Mais dans les mois à venir, tout est possible. Je n’écarte rien, mais ce n’est pas de moi en tout cas que viendra le premier pas. J’ai assez fait. Pour l’heure, je vais rejoindre Oyena qui a loué un bateau pour la journée. Le programme qu’elle me récite est plus qu’alléchant. Une journée entière en mer à siroter du champagne, se gaver de délicatesses et dorer nos peaux. C’est ce dont j’ai besoin en attendant que mon cœur se remette.

***Romelio le perdu BEMBA***

Je ne me voyais pas vivre à 34 ans chez mes parents. Je suis techniquement chez mon oncle, mais maman ne rate pas une seconde pour se pointer ici. Elle est régulière et sa face de déception est suffisante pour accroître mon mal-être. Aujourd’hui, mon père a demandé qu’on se rencontre en famille concernant mon cas et je ne saute pas de joie. Non, je ne saute pas du tout de joie à l’idée de présenter ma face devant eux, quand onze ans plus tôt, je criais la poitrine dégagée que j’avais le droit d’aimer et faire ma vie avec qui je veux. Je ne sais pas si c’est parce qu’on n’est qu’à une semaine postretour, mais j’ai encore du mal à croire que ça soit Jennifer qui m’ait fait ça. Ces deux dernières années, j’admets que j’avais parfois du mal à la supporter, mais elle n’a pas toujours été comme ça. La Jennifer dont je suis tombé amoureux était tellement accro au respect. Elle m’accordait tout le respect et l’amour dont j’avais besoin d’une partenaire. Elle croquait la vie à pleines dents avec moi, malgré les pépins du quotidien. Nonobstant la petite période de froid entre-nous à cause de nos mères respectives, on se comprenait. On n’avait besoin de personne pour organiser nos vies. Nous avions notre routine, notre cocon dans lequel on était épanoui. En tout cas je l’étais. Mais elle alors? Elle a passé des nuits entières couchée dans le petit fauteuil de notre sous-sol les fois où je devais étudier. Elle sait combien de temps j’ai sacrifié pour avancer dans ma carrière surtout quand j’ai commencé à travailler tôt. Pourtant, elle a tout piétiné.

Je dois me vider l’esprit pour travailler, alors comme je le fais depuis mon retour, je prie, parce qu’il ne me reste littéralement que ça. Je prie avant d’aller travailler comme un fou. Aujourd’hui je ne fais pas d’heures supplémentaires à cause de la réunion familiale. Je pensais qu’elle allait se tenir chez mes parents, mais ces derniers étaient déjà présents quand je venais d’arriver chez mon oncle. Je prends place quand Arthur se ramène. Merveilleux. On ne s’est pas vu depuis l’altercation chez moi. Je me suis bien évidemment présenté chez lui pour m’excuser le lendemain, mais il n’a pas voulu me voir. Idem quand je l’ai appelé. Il n’a pas répondu.

— Maintenant que de l’eau a coulé sous les ponts, peux-tu nous expliquer en détail ce qui s’est passé mon garçon? me demande mon père.

Je leur raconte donc une version résumée de l’histoire, mentionnant que j’ai potentiellement un enfant sans pour autant entrer dans les détails, comme ma rencontre avec Hadassah. L’étonnement se lit sur toutes les faces.

— Tu as un enfant mon fiston? Un enfant? répète maman, émue.

— Oui, une fille.

— Oh mon Dieu, tu sais réellement ce que tu fais. Oh! Au moins ça! Un enfant Seigneur, merci! elle se réjouit d’une voix tremblante.

— Quand pouvons-nous la rencontrer? Continue mon père tout aussi chamboulé.

— Je m’en occupe pour le moment.

— Tu t’en occupes de quelle façon? Avec quel argent?

— Ah, Hana, commence mon oncle, mais il se fait interrompre.

— Ne commence pas! Que personne ne commence parce que si on se trouve dans cette position c’est en partie de votre faute. Où est ta camarade Ciara?

— Laisse ma femme en dehors de cette histoire! dit mon oncle.

— Elle savait qu’elle voulait être en dehors de cette histoire avant d’y insérer sa bouche quand elle a essayé de défendre sa copine secrétaire après que mon fils s’est fait charcuter les canaux déférents?

— En quoi je l’ai défendu Hana? C’est un crime si c’est vers moi qu’elle a décidé de se confier? Se défend ma tante.

— Maman, c’est uniquement ma faute, ne commence pas à chercher les boucs émissaires.

— En fait tu as raison. Ta grosse tête n’a pas dit qu’elle n’écoute pas quand on te parle? Te voilà. 34 ans. Depuis 17 ans, tu travailles, tu t’es privé de plusieurs loisirs comparés aux autres jeunes de ton âge, tu as pris sur toi parce que tu voulais être stable et bien vivre dans ta trentaine. Tu voulais une grande famille alors tu travaillais d’arrachepied afin de pouvoir offrir une vie agréable à tes enfants, ou ce n’est pas ce que tu me disais à 17 ans? Une grande maison avec rien dedans. Même tes fauteuils tu ne peux les vendre parce que madame a tout endommagé. Explique-moi, c’est ça ton amour de qualité? Donc tu as pu altérer tes fonctions de reproduction, mais c’est elle qui était trop bien pour accepter ton enfant? ROMELIO! C’est ça ton amour? elle s’écrie d’une voix déformée par la colère.

Je sens Arthur qui me tient et serre ma cuisse sans rien ajouter. C’est son poids sur ma cuisse qui me fait comprendre que je tremblais au fur et à mesure que ma mère me lançait chaque parole.

— Aujourd’hui on ne peut plus vous parler sinon on nous affuble de sorcier, sorcière. On ne peut plus questionner vos choix en amour. Non, on doit fermer la bouche dès que vous vous êtes décidés. Le discernement ce n’est plus un mot que vous connaissez. Vous ne pouvez pas accepter la notion qu’entre sorcière et béni-oui-oui, il y a aussi d’autres niveaux. Peut-être qu’on s’inquiète seulement parce qu’on veut votre bien. Non hein. Étrangement, notre inquiétude est toujours perçue comme une attaque à votre amour. Mais étrangement toujours, lorsque cet amour vous conduit dans les tréfonds, on ne vous entend pas quand on court à votre rescousse hein. Subitement, vous n’avez plus rien à dire. J’aurais pu te dire que j’ai bouffé l’argent de ma retraite. J’aurais pu m’occuper de mes fesses, comme tu m’as dit que c’est ton corps, ta vie, hein. J’aurais pu. Tu serais où? Oh! Ou bien, ce sont les mères vos moins chères en fait. Vous savez qu’on n’a pas le choix que de vous venir en aide comme on vous aime hein. C’est ça?

— Hana, je pense qu’il a compris.

— Laisse-moi m’exprimer Auxanges parce que le jour où ton fils l’a ouvert sur cette fille, il s’est bien assuré que je comprenne qu’il n’avait pas besoin de mon avis ou conseils sur ce qu’il fait de son corps. Il m’a bien fait comprendre qu’il n’était pas sur terre pour faire mon bonheur et que j’ai vécu ma vie donc je devais la boucler et le laisser vivre la sienne.

Jamais je n’ai utilisé les mots qu’elle emploie actuellement. Je lui ai expliqué avec plus de douceur que ça, mais la machine est lancée alors elle continue à me poignarder.

— Elikem t’a parlé dans ce pays Romelio. Elikem a été jusqu’à te trahir. Elikem qui te couvre toujours, n’a pas supporté et elle est venue chez ton oncle demander conseil. Demander qu’on te parle, parce qu’elle l’avait senti que tu t’emballais Romelio. Je ne sais pas comment je t’ai mis au monde. Une petite chose et tu t’emballes!!! Tu t’emballes comme si tu connaissais l’avenir. Nous tes moins chères là voilà qu’on t’a encore tendu la main malgré ton manque de considération quand tu surfais sur la vague de l’amour. L’amour est où mah? Ciara ta camarade Ama se trouve où? Les deux femmes qui méritent que mon fils se soit sacrifié sont où aujourd’hui? 17 ans de travail, en fumée! Tiannn! (Onomatopée exprimant la déception), fait-elle avant de pousser un juron kilométrique.

Mon père soupire lourdement. J’ai juste envie de m’enterrer vivant. Mon cou est si raide que je n’arrive pas à relever la tête. Je distingue mal la couleur de mes chaussures à cause de ma vue brouillée bien que je n’ai pas les larmes aux yeux.

— L’erreur est humaine, continue mon père. Ne te flagelle pas pour avoir aimé mon garçon. Tu vas te relever, j’ai confiance en Dieu qui n’oublie pas le juste. Tu vas te relever et tout ceci ne sera qu’un mauvais souvenir.

Je ne peux que hocher la tête.

— Ce n’est effectivement pas un crime d’aimer mon garçon. Si ça l’est en tout cas, nous en sommes tous coupables, alors ne porte pas l’épreuve actuelle comme une punition. Tu n’as peut-être pas tout fait correctement, mais tu as été sincère envers tous. On ne t’abandonnera jamais, réitère mon oncle.

À nouveau je hoche la tête.

— Dans tout ça, j’espère au moins que tu as entamé les démarches appropriées, intervient maman.

— Le HEC me délivrera une autre copie de mon MBA dans huit semaines. C’est un peu plus complexe avec l’université de Franche-Comté, mais nous sommes en pourparlers, je leur explique d’une voix lourde.

— D’accord! Si c’est de l’argent que tu as besoin, n’écoute pas ton stupide égo. Demande et qu’on se dépêche de régler ce côté!

Je hoche simplement la tête.

— Et je vous annonce que je vais faire fermer le Snack dans les jours à venir, elle nous sort subitement.

-Hana___

— Auxanges, tu peux bien me dire que le Snack porte le nom de cette sorcière. Ça reste mon fils, son mari et si elle a pu détruire une partie de leurs biens, il a tout à fait le droit de fermer le restaurant. Si ça ne lui plaît pas, qu’elle se présente devant nous et qu’on discute entre adultes!

Je m’en fiche du Snack, je ne m’en occupais pas alors je ne commente rien. La réunion prend fin après quelques minutes et Arthur arrive à me convaincre qu’on sorte tous les deux.

— C’est donc à ce niveau que la chose était et tu ne t’es pas dit «oh, je pourrais en parler à mon frère»? Est-ce que tu m’as déjà considéré comme ton frère même? Je m’interroge là, il me dit une heure plus tard quand nous sommes attablés devant des brochettes.

— Arthur, j’apprenais la nouvelle que je devais aussi m’y confronter. Je n’ai pas eu une minute pour réfléchir au calme depuis une semaine.

— Hum! Mais c’est quoi cette histoire de charcuter que maman Hana ne cessait de clamer?

Je lui explique alors puisqu’en dehors des parents, mon couple et Elikem, personne n’était au courant de ma vasectomie. La brochette qu’il mangeait lui tombe des mains. Les yeux arrondis et bouche ouverte, il ne fait que m’observer.

— Mais pourquoi? il m’interroge sur un ton rempli de confusion.

— Les enfants étaient hors d’équation pour nous, alors je pensais nous protéger en optant pour la solution la plus efficace.

— Romelio! Est-ce qu’on peut changer ça?

— Oui. Ne va pas le dire aux parents, mais Jennifer a grandement vidé notre compte alors je n’ai que des pièces actuellement du coup je dois me refaire des économies avant de___

— Mais non! Tu es fou? Combien coûte ton opération? Je t’avance la thune.

— Non je ne peux pas__

— Tu vas fermer ta gueule hein, excuse-moi pour ça au passage, mais on te dit que l’affaire est grave. Toi Dieu te donne gratuitement la fonction de te reproduire et tu veux te priver alors que tu as toujours eu envie d’enfants? Non, mais ça veut dire quoi? Tu vas régler ça direct. On parlera de remboursement plus tard.

— OK, je dis dépité. C’est lui que j’ai cogné et c’est encore lui qui essaie de me tirer du trou. Je vais me renseigner auprès d’un urologue à l’hôpital et je te tiens au courant.

— D’ici la fin de semaine prochaine. Ne traîne pas. Regarde comment j’ai les couilles qui vibrent rien qu’à l’idée que tu n’aies rien là-bas actuellement, il dit et arrive à m’arracher un sourire.

— Tu es con. Mes bijoux sont en place.

— Mais elles ne produisent rien. Et puis Jennifer aussi a accepté que tu fasses ça? Mince, j’ai l’impression que je ne la connaissais pas réellement là.

— Elles produisent du sperme, juste qu’il est dépourvu de spermatozoïdes parce qu’on a sectionné les canaux déférents par lesquels ils sont acheminés dans le liquide séminal.

— Alors il suffit de recoller les canaux hein. J’espère que ce n’est pas douloureux.

— Aucune idée, je ne connais personne qui l’a fait, mais au moment où je me faisais opérer, mon urologue avait expliqué que c’était une option.

— Parfait. Au moins, ça me rassure. Maintenant tu comptes faire quoi?

— M’excuser déjà. Je n’étais pas dans mon assiette quand j’ai lancé le coup de poing.

— Arghhh, comme si je parlais de ça. Je l’ai compris plus tard. En me réécoutant et pire, maintenant que j’entends l’étendue de tout ce que tu as donné dans ton mariage, je comprends combien ça peut révolter. Dire que j’aspirais à un mariage comme le vôtre. Est-ce que l’amour véritable existe encore même? Merde quoi. Elle t’a plumé si facilement? J’ai peur maintenant.

— Je ne sais pas. Là je ne veux pas penser à ce genre de choses.

— Ouais, tu as raison, excuse-moi. Déjà que maman ne t’a pas épargné, je reviens avec ma part. En fait, je demandais ce que tu comptais faire concernant ta vie.

— Me refaire des économies parce que je ne peux rien faire concernant l’argent qu’elle a pris. Puisqu’on avait un compte en commun, elle a tous les droits dessus et m’a juste devancé. La semaine prochaine, je rencontre un avocat qui pourra m’expliquer ce qu’on peut faire afin que je puisse établir une relation avec ma fille.

-The princess! Tu as une photo d’elle?

Et comment que j’en ai une! Elle est le seul point de clarté dans l’obscurité que je traverse depuis cette semaine. J’avais demandé à Ettie l’étoile de me donner son profil IG. Hadassah ne m’a pas accepté, mais l’étoile oui. Et c’est elle qui m’a envoyé les photos de ma chérie que je me dépêche de montrer à Arthur.

— Wow, les cheveux blancs là c’est comment?

— Une lubie d’ado. Elle doit penser que ça lui donne de la personnalité.

— C’est moi ou elle a l’air d’une métisse genre seconde génération?

— Pas du tout. Sa mère a des origines érythréennes d’où ses cheveux bouclés.

— Ouais! Tu as fait fort. Jusqu’à Érythrée? Tu ne manges pas n’importe quel pain toi.

— Tu vois quand je dis que tu es un malade, je dis amusé.

— Elle est vraiment mignonne avec sa grosse tête sur son petit cou.

— Je te dis, une grosse tête qui va probablement me tenir tête, je dis toutefois heureux. Heureux qu’elle existe. Qu’elle soit mienne. Je n’en doute même pas. Le sang a parlé dès que je l’ai vu. Et je me promets que l’année prochaine, à la même période, elle sera dans mes bras. Je vais me battre pour.

— Pourquoi ne pas demander un coup de main financier à la grande pour vite te prendre un avocat?

— Non. Des choses se sont dites entre nous et je ne veux plus l’associer à mes histoires.

— Vous vous êtes embrouillés?

— Non, non. Je ne veux juste plus la tirer avec moi. Elle a aussi sa vie à faire.

— Hum, la connaissant, je ne pense pas qu’elle appréciera cette initiative hein.

— Restons sur ça Arthur. Ne lui parle de rien. C’est ma décision.

— Bien, comme tu veux. Si jamais tu te sens à l’étroit chez tonton Magnim, tu peux venir chez moi sans problème hein.

— Et t’entendre crier comme un aiglon blessé quand tu sautes tes meufs? Jamais.

— Dégage, je m’abstiens pour ma future femme moi.

— Lol, c’est ça, six mois par an?

— Au moins je fais six mois. D’ici deux ans, je pourrais tenir toute l’année, il dit et me fait rigoler.

— De toute façon, mon oncle s’en va à la fin de l’été avec tata et les Adamou.

— Ah oui c’est vrai, la croisière.

— Oui, ils commencent par l’Afrique de l’Est et ne reviendrons que pour le mariage de Ida avant de repartir.

— Ida me tue trop. Quelqu’un qu’on n’a pas encore fiancé, mais elle a déjà fixé une date pour son mariage et m’informe que je serais garçon d’honneur. Il y a des amoureuses qui effraient. Je ne sais pas comment le gars fait pour ne pas la fuir. J’espère surtout que leur part ne finira pas__

— Ne dis pas ça. Chaque relation est différente.

— Hum. Je prie vraiment pour eux parce que Ida est trop emballée par cet homme et connaissant sa fragilité, je doute qu’elle supporte une séparation à l’avenir. Bref, on parlait même de toi.

— Il n’y a plus rien à dire sur moi. Je reste chez mon oncle et ma tante, le temps qu’ils rentrent et je retourne chez moi par la suite.

— OK. Je n’essaie pas de te presser hein, mais une idée de ce que tu comptes faire avec Jennifer?

— Elle a fait son choix. Ma priorité c’est Hadassah. C’est tout.

— J’aime ça. Tu vas y arriver chef. Tu es un type trop déterminé. On croit encore en toi.

Sur ces mots, on reprend nos brochettes, et le soir-là, je me couche le cœur un peu plus léger. J’ai toujours de l’amertume en moi, mais quand elle veut me dominer, je pense à ma fille.

Petit mot de Gioia : D’amour d’amitié, c’est une histoire de trois parties. Ce chapitre conclut la seconde. Je prends une pause pour le mois de janvier et on reprendra la troisième partie en février. Aucune date n’est fixée pour le moment. Merci pour votre compréhension.

D’amour, D’amitié