
121: en famille
Ecrit par Gioia
***Romelio Bemba***
Maman se comporte
comme si j’emmenais un nourrisson en voyage. Ça ne lui suffisait pas de me
harceler au téléphone. La veille de notre départ, elle s’est carrément invitée
chez moi.
— Supporte de
voir mon visage ridé pour quelques minutes. Je suis là pour remettre des effets
pour mon frère.
— Le même frère
qui est en croisière avec sa femme et ses amis ? Ou tu as manqué le mémo dans lequel ils
expliquaient qu’après réflexion, ils ont annulé leur voyage à Nairobi comme
leur bateau n’accoste qu’au port de Dar es Salam ?
— Ah, je croyais
qu’ils étaient qu’ils étudiaient encore la faisabilité.
— C’était mieux
d’annuler. Même s’ils prenaient un vol, ils n’auraient pas plus de trois heures
à faire à Nairobi s’ils voulaient retourner à leur bateau à temps.
— Une histoire de
croisière vraiment. En tout cas, c’est toi le gagnant. Ça t’évitera de faire
les courses à votre retour de Nairobi.
— Toi et papa ne
comptez toujours pas vous joindre à nous alors ?
— À notre âge, on
est fatigué des voyages d’avion chéri. Toi et Hadassah allez nous représenter
là-bas. En plus je dois garder mon énergie pour ton futur mariage. Des
nouvelles de ton urologue ?
— On s’est donné
rendez-vous pour le début de la nouvelle année, je lui dis le dos tourné. J’ai
choisi de me faire opérer à l’avance sans en parler à mon entourage. Idem pour
les résultats. En dehors d’Elikem, je ne vois pas l’intérêt d’en parler à
quelqu’un d’autre. J’ai compris, c’est mon choix, j’essuie les retombées. Maman
ne me ridiculisera peut-être pas, mais je préfère m’éviter des leçons de morale
sur une situation qu’on ne peut plus changer. En janvier, je rencontre certes
un urologue, mais pour avoir un second avis.
— Courage chéri,
on est proche. Dans quelques jours, tu seras à nouveau un vrai homme comme Dieu
t’a créé et tu pourras aussi regagner ta maison. Je vois que les travaux sont déjà
finis.
— Ouais, le
gardien a mis la pression aux travailleurs, je dis en contemplant mon nouveau
salon. Je suis parti sur du noir et gris cette fois, contraste total avec le
résultat d’origine, mais ça me convient.
— Je sais que tu
n’as pas oublié, mais si c’est le cas, cet homme mérite un grand bonus.
— Je me suis
occupé de ça. Il m’a tellement béni qu’il ne reste probablement plus de
bénédictions pour les autres humains sur terre, je dis amusé en repensant aux
larmes de ce vieil homme et les plans qu’il m’a raconté avec effusion quand je
lui ai remis son salaire ainsi qu’un bonus pour les fêtes.
— C’est comme ça
quand tu fais du bien aux gens sincères. Ils comprennent le sens du mot
reconnaissance.
Dans une autre vie,
cette dame aurait été une sacrée concurrente au lancer de javelot, tellement
elle ne se gêne pas pour lancer des piques.
— Une idée de ce
qu’il faut prendre pour une ado ? je
balance sur un autre sujet pour changer. La petite a pris en charge sa valise
sous prétexte qu’elle est grande, mais je ne suis pas tranquille.
— Tiens tiens,
quelqu’un m’a fait la même chose du haut de ses dix ans. Ça fait quoi hein ?
— Jubile en paix,
c’est ton heure, je dis les yeux levés sur un ton comique.
— Inspecte la
valise après son travail de grande et juste pour être safe, prends des
serviettes hygiéniques ainsi qu’une trousse de soins.
— Woa, des
serviettes ?
— Ou des tampons…
— Non, mais oh.
Ma fille ne portera pas de tampons, ça veut dire quoi ? C’est une enfant, je m’offusque et elle
éclate de rire.
— En tout cas,
l’ancienne gynéco peut te dire que les ados que j’ai rencontrés quand
j’exerçais détestaient utilisaient régulièrement des tampons, qu’elles soient
sexuellement actives ou non.
— Elle n’en porte
pas, je déclare d’un ton bourru. Il est hors de question qu’un truc entre dans
ma fille avant qu’elle n’ait décroché sa licence.
— Mon Dieu, je
rentre avant de pisser de rire, elle se moque sans compassion jusqu’à son
départ.
Maintenant qu’elle m’a
mis cette idée en tête, je commence à étouffer. J’ai bien inspecté d’un œil de
lynx la valise de la petite et acheté toutes les serviettes nécessaires au cas
où elle serait d’humeur farceuse une fois à Nairobi parce que je n’ai trouvé
aucune trace de produit intime. C’est par une aprèm pluvieuse qu’on a atterri à
Nairobi. Mally est en charge de l’escorte. On se fait l’accolade et je
l’introduis officiellement à Hadassah. Un peu après avoir parlé de la petite
aux parents d’Elikem, j’ai envoyé un message collectif aux autres également
pour leur faire le point sur ma vie. J’ai une fille de 14 ans qui sera mon
plus one au mariage au lieu de Jennifer, et pour le moment mon mariage n’est
pas au beau fixe, mais je ne souhaite pas en parler durant mon séjour. C’est
exactement ce que je leur ai dit et n’ai reçu que soutien ainsi que
compréhension de tous.
Pendant qu’on regagne
sa voiture, Mally nous raconte leurs déboires, expliquant l’absence d’Elikem.
On entend un aïe de Hadassah derrière qui me met en alerte.
— Qu’est-ce qu’il
y a mon ange ?
— J’ai écrasé ce
truc avec ma main en m’asseyant.
— Excuse ton bandit
de cousin qu’on appelle Rudy, soupire Mally en lui prenant ce qui ressemble à
un jouet cassé.
— Qui t’a donné
l’autorisation de parler ainsi de notre bourgeois ? se moque Arthur.
— C’est quand je
vais frapper ses petites paumes que vous comprendrez l’étendue de votre
bourgeoisie. Tout ce qu’on lui achète, il doit le casser. On ne peut pas avoir
de voiture propre, et lorsque tu lui en parles, il t’affiche ses quatre dents
trois comme si j’étais son égal.
— Les joies de la
paternité, je dis après un éclat de rire.
— Je te dis, on
est poings liés dedans. Tu attends quoi pour rejoindre la team Arthur ?
— Oh là, on se
calme hein. Dieu me prépare tranquillement ma côte. Il sait que je l’aime à
point.
— Ah oui hein,
elle doit être bien mijotée, Mally déclare après qu’on ait rigolé de concert.
— Voilà ! Tu connais, un festin digne de ce nom demande
une bonne dose de patience donc je suis au régime pour le moment, le bougre
ironise.
— Tu vois quand
je te disais de manger dans l’avion, maintenant tu vois la bouffe partout,
intervient Hadassah.
— Aïe tu nous
écoutais même ?
J’avais oublié ta présence, dit Arthur qui est avec elle à l’arrière.
— Ouais j’avais
remarqué, elle répond sur un ton de reproche qui me fait sourire. On dirait une
mère qui secoue la tête devant les âneries de ses fils.
— Vu ce que tu
m’as raconté, c’est mieux que tu nous laisses dans un hôtel proche. Un 3 étoiles
de préférence s’il te plaît, je demande à Mally.
— Ah non,
pourquoi ? Vous n’allez pas
supporter des dépenses imprévues quand on est supposé se réunir pour célébrer
en famille.
— Si tu me dis
qu’Elikem et maman paniquent parce qu’on a mal évalué le nombre de personnes
qui allait occuper les chambres disponibles, ce n’est pas la peine qu’on
débarque là-bas. Je préfère leur éviter un stress additionnel. On aura juste
qu’à se trouver un hôtel pas trop loin du lieu de cérémonie et pour le reste on
se débrouillera.
— Négatif mon
type. Elikem pèterait un câble si elle entend que je t’ai conduit dans un
hôtel. En plus c’est Aurore qui s’est invitée à la dernière minute et a causé
ce petit chamboulement, mais anyway, on va se gérer. Si ça se trouve, elles ont
déjà réglé le problème à l’heure actuelle.
Rien n’était réglé à
notre arrivée chez Mally, mais les retrouvailles étaient si chaleureuses que je
ne regrette pas d’avoir suivi mon petit. La Snam que j’ai trouvée sur le perron
tenant la main d’un petit bonhomme était si différente et sa prestance si
admirable que je me suis senti fier tout d’un coup. Même Arthur lui a fait la
remarque et comme il est con, il n’a pas pu s’empêcher de demander si un
deuxième neveu était en route parce que son éclat était trop aveuglant. Elle ne
l’a pas loupé en tout cas. Coup sur le torse, et pincement d’oreille qui a
amusé grandement son fils pour que Mally l’enlace par derrière, l’embrasse sur
la joue et nous annonce qu’il y travaille.
— Seigneur, je
peux au moins sortir le jus à nos invités ? elle
râle sans pour autant perdre son sourire enjôleur.
Il la laisse après un
autre bisou et nous évoluons au salon où Hadassah suivait attentivement
l’exposé du bourgeois qui lui montrait ses différents jouets.
— C’est comme ça
qu’on reçoit couzo ? Hein ? Même pas un truc à boire, c’est déjà le
bavardage, Mally le soulève et le secoue dans tous les sens, le faisant rire
bruyamment et crier.
— Il n’aura pas
le tournis quand tu le déposeras ?
— Celui pour qui
tu t’inquiètes là même a créé ce jeu Arthur. Oh non tu peux te rasseoir
Hadassah, c’est bon, dit Snam tout en déposant son plateau d’eau, jus et
verres.
Effectivement Mally
veut déposer le gamin, mais ce dernier s’accroche à lui.
— Ah non, on va
voir couzo maintenant. Haaa, comment tu tiens mon col comme si je te dois ? On ne peut jamais jouer avec toi hein, les
deux continuent leur scène qui m’amuse tellement que je m’affale sur le sofa
après un rire joyeux. Le petit en revanche s’indigne et lutte jusqu’à la fin,
mais on le descend quand même. En plus Mally se moque en imitant ses petits
sauts de protestation.
— Bah ouais han,
les bonnes choses ont toujours une fin quoi. Parlons affaires. C’est ainsi
qu’il introduit les sujets d’actualité et durant la conversation, nous sommes
rejoints par une partie du groupe à savoir, les parents Lare Aw, Elikem, Océane,
Macy, Aurore, Ida, et à ma grande surprise apparaît le propriétaire de Nyameba
BME et sa petite sœur. La petite et Hadassah poussent des exclamations de
surprise quand elles se voient. À notre première rencontre, je ne l’avais pas
reconnu, bien que sa tête me disait quelque chose. Toutefois, après quelques
recherches, je me suis rappelé avoir milité plusieurs fois encouragé le directeur
précédent de l’hôpital qu’on se fournisse chez eux vu leur réputation montante
comparée aux prix. La compagnie était encore nouvelle à l’époque donc les prix
étaient plus qu’avantageux, mais le directeur n’a pas pris au sérieux mon
initiative. Aujourd’hui ils jouissent d’une réputation nettement plus solide et
des prix qui vont avec bien sûr. On renouvelle petit à petit notre matériel et
nous avons déjà placé certaines commandez chez eux, mais les prix ne nous
permettent pas plus pour le moment. Tout ça ne m’explique pas ce qu’il fait ici
en revanche. Je sais qu’il était en Afrique du Sud avec Elie, mais je la vois
mal l’inviter à un évènement de famille.
— Qu’est-ce
qu’ils font là ? je
chuchote à Elikem.
— J’avais oublié
de te dire que c’est Cédric, le meilleur ami de Marley ainsi que le Cédric qui
m’avait giflé à l’époque, elle me répond d’une voix normale
— Je pensais
qu’on avait déjà adressé ce fait ? Je ne
gifle pas les femmes, dit l’intéressé qui était non loin de nous.
— Mais oui, tu
t’expliques juste de façon musclée avec les joues des gens quoi.
— Ce n’est pas
encore ça, mais je vais faire avec, il dit avec un sourire amusé. Bonsoir
Tchaa.
— Non, mais,
c’est quoi cette façon de me copier ? Tu as
entendu les gens l’appeler Romelio et c’est mon Tchaa que tu choisis ?
— Ton Tchaa ? Tu as déposé un brevet sur le nom ?
— Elikem viens
ici au lieu d’embêter les gens là-bas.
— Voilà, écoute
maman.
— Pfff ! elle dit en le regardant de travers avant de
rejoindre les autres au salon.
Je ne sais quoi dire.
Leur échange m’a laissé muet d’étonnement.
— Thema voudrait
passer du temps avec ta fille.
— Han ?
— Ma sœur, Thema ? Elle est au salon.
— Ah oui,
euh…qu’est-ce qu’elle a ?
— Rien, sinon que
tu l’intimides un peu, d’où mon initiative. Elle aimerait passer une matinée ou
après-midi avec Hadassah selon votre disponibilité.
— Oh OK, on peut
s’arranger. Je vais me renseigner sur le programme en cours d’abord puis je te
donnerai une réponse.
— Parfait, il dit
tout en hochant la tête et à deux on retourne au salon où maman Belle faisait
justement un topo de la situation.
— Que quelqu’un
note ce que je dis parce qu’à force de faire confiance à notre mémoire, voilà
comment on se retrouve avec des imprévus. Bon, nous avons trois locations
spécifiques pour les logements. On est réparti comme suit pour l’instant. Chez
Mally, il y a papa et moi ainsi que Macy puis Aurore. L’ancien appartement des
filles est occupé par Ida et devait accueillir Thierry, sa femme ainsi que leur
fille. Elikem est avec Océane dans son nouvel appartement. Comment on a fait
nos calculs et il ne nous reste plus de place ? elle s’interroge exaspérée.
— On avait pris
en compte l’appartement de Marley oubliant qu’il devait recevoir les Boulder,
lui rappelle Snam.
— Et Asad punaise,
je ne dois pas l’oublier, elle dit en se tapant le front.
— T’en fais pas
tata, il a déjà trouvé une place chez les Boulder, la rassure Ida.
— Un de sécurisé ! Maintenant mon trio, donnez-moi la nuit. Vous
allez dormir ici, et d’ici demain je vous aurai trouvé une option.
— Je leur laisse
l’appart maman. Océ et moi on se trouvera un coin dans l’ancien appart des
filles ou au pire ici.
— Non Elikem, je
ne veux pas qu’on soit dispersé. Avec la quantité de déplacements à faire,
c’est plus facile pour moi de savoir les gens divisés par équipe.
— J’ai de la
place, on entend soudain de Cédric donc j’avais carrément oublié la présence.
— Ah….l’ami de
Marley ? dit maman Belle qui il
semble avait également oublié leur présence.
— J’ai de la place
pour trois chez moi et je suis à Peponi. Ça me prend moins de vingt minutes
pour me rendre au lieu de la cérémonie. Vous pouvez venir voir si ça vous
convient.
— Oh vraiment ? Tu nous sauves mon garçon. Qu’est-ce que vous
en dites, Romelio et Arthur ? On va
voir maintenant ou vous préférez vous reposer pour aujourd’hui ?
— En ce qui me
concerne, je ne suis pas fatigué donc on peut la faire maintenant la visite,
réplique Arthur.
— Je suis
également partant, je confirme à mon tour.
Munis de nos valises
juste au cas où on serait convaincu, nous débarquons dans une demeure qui a
effectivement toute la place dont il a parlé, mais encore plus. Maman Belle
avait mandaté Elikem comme chaperon à sa place. Apparemment, Arthur et moi ne
suffisions pas pour l’inspection. Trois chambres spacieuses pour chacun, c’est
ce qu’il nous a généreusement offert et je comprends qu’il le fait surtout pour
sa petite sœur en voyant comment il la regardait avec tendresse tandis qu’elle
s’agitait tout en nous faisant la visite.
— Tu vas me dire
ce que tu as donné au type pour qu’il soit si bienveillant envers nous ? je glisse à Elikem une fois seuls, juste pour
l’emmerder.
— Ça va te
paraître bizarre, mais je l’aide à reprendre sa vie en main, elle dit avec un
air de satisfaction qui m’arrache un rire.
— OK coach de vie,
je me contente de dire. Quel que soit ce qu’elle trame, l’essentiel pour moi,
c’est que ça lui fasse du bien. Je n’ai pas besoin de creuser.
On se sépare sur des
au revoir chaleureux et le lendemain, je suis debout aux aurores. À force de
faire des tours pour m’assurer que Hadassah était toujours à sa place dans la
pièce à côté de la mienne, j’ai dormi sur une oreille. Le bruit ne commence à
retenir dans la maison que vers 9 h. Les filles sont debout contrairement
à l’adulte Arthur qu’il m’a fallu aller tirer par les pieds. Très vite, on se
retrouve embarqué dans la folie des essayages. Je me retrouve impliqué parce
qu’on a choisi Hadassah comme bouquetière quand j’ai parlé d’elle. Apparemment,
le plan initial était d’avoir un trio composé des jeunots Bobby et Asad avec
Thema en arrière, mais maman Belle a tout changé il y a littéralement deux
jours. Est-ce qu’un jour j’arrêterai de la contempler et réaliser la chance non
quantifiable que j’ai de l’avoir ? Je
l’ignore, mais ça ne se fera certainement pas aujourd’hui. Certainement pas
quand Elikem me l’a emmené, vêtue de cette longue robe de couleur rose chair au
col haut. N’ayant pas les mots, je me contente de hocher la tête, mais le petit
Boulder qui se croit je ne sais où se permet de siffler ma fille et ses méfaits
ne s’arrêteront pas là. Les minutes suivantes, Mally et moi conduisions les
filles au salon de coiffure pour leur activité de la journée, mais au moment de
démarrer, on a vu des bouclettes noires accourir. C’est lui qui ouvre la
portière, me voit bien installé devant hein, mais ça ne le stresse pas.
— On peut savoir ce
que tu fais ? je demande quand il
commence à s’installer.
— On va pas à la
répète ?
— Quel répète il
te faut toi ? l’interroge Mally sur un
ton comique.
— Beh marcher
tout ça nan ? Je pensais qu’on devait
répéter.
— Et tu t’en vas
répéter sans Asad ?
— Il a dit d’apprendre
et lui montrer plus tard, il ose nous répondre sur un ton bien convaincant
avant de sourire aux filles. En plus il fait trop chaud avec toute la foule
là-bas. J’ai l’impression d’étouffer, donc une petite balade me fera du bien,
il argumente davantage.
Je descends et lui
propose de prendre ma place à l’avant.
— Euh…, il
m’observe le regard confus. Maman m’a toujours refusé de me mettre à l’avant en
présence d’adultes.
— T’en fais pas.
Je te laisse volontiers la place. Tu auras tout l’air nécessaire en avant, je
lui réponds avec le genre de sourire qu’il a flashé aux filles tout à l’heure.
Il faut voir comment
la face du gars s’est assombrie quand il s’est mis à l’avant. Mally ne s’est
pas gêné pour le charrier indirectement jusqu’à notre arrivée au salon de
coiffure. J’ai braqué mon œil de lynx sur lui, mais ça ne l’a pas stressé un
peu. Les compliments par ci, les suggestions et anecdotes par là. On ne lui a
rien demandé, mais sa petite bouche s’est empressée d’ajouter à ma suggestion après
que Hada m’ait demandé quelle coloration irait mieux avec la couleur de sa
tenue. Environ trois heures plus tard, nous avions sortions du salon avec deux
têtes lisses. Honey Queen et Raven Duchess. Les inventions de Bobby, je
précise. Apparemment ma fille de dos lui rappelle le miel ambré préféré de sa
mère et Thema le noir majestueux du plumage des corbeaux. C’est comme ça qu’ils
nous détournent les enfants hein. Sa face légèrement boutonneuse restera dans
mon collimateur jusqu’au jour de la cérémonie.
***Elikem Akueson***
Nous y sommes enfin.
Mine de rien, on organise cet événement depuis neuf mois, d’où le lourd
discours émouvant de maman à la dot hier, en intimité et sans extravagance.
Nous étions en comité très restreint soit, les Laré Aw d’un côté et Boulder de
l’autre pour éviter qu’on étouffe. Tout s’est fait dans l’appart de Marley et
ma sœur, à la demande de cette dernière. Elle ne voulait pas de fanfare, trente
tenues traditionnelles ni réception. Juste un tête-à-tête familial et mes
parents m’ont rendue fière en approuvant sa requête. Bon, je précise que Belle
m’a rendue fière parce qu’on ne s’inquiétait pas trop pour la coopération de
papa. C’est Belle qui verse dans l’exagération dès qu’il s’agit de nous. Vêtus
d’un même pagne, on a cassé la croûte avec les Boulder et même si on ne compare
pas, je ne peux m’empêcher de penser que l’émotion d’hier était trop spéciale. Marley
a fait pleurer papa qui au passage lui avait laissé le choix de ce qu’il
voulait offrir comme dot. Le marié a opté pour des chaussures et touché la
corde sensible de mon papa Eli en disant, « Mon désir étant de cheminer avec elle main dans
la main jusqu’à la fin de mes jours, je me suis dit qu’une longue marche
nécessite des chaussures confortables. On parle certes d’un objet, mais mon intention
c’est de m’appliquer pour que sa vie soit aussi agréable que les semelles de
cette paire. » Tonton Parker nous a
fait mourir de rire avec le mina qu’il essayait de parler. Dara, Mally et moi
avons recréé une photo prise plus jeune avec Zizèle, la différence cette fois
c’est qu’on avait sa photo au milieu de nous. Belle et tata Héloïse se sont
transformées en prophétesses coinçant toutes les références de grossesse
possibles dans leurs bénédictions. Comme il l’a dit dans sa parole qu’avant la
formation de l’enfant dans le ventre de sa mère, il l’avait choisi et établi,
ce mariage sera l’enfantement d’une ère de joie, prospérité ainsi que maturité
à tous les égards. Bref, l’émotion était à son comble et ce matin je suis
toujours dans cet état. Je suis la première coiffée et maquillée donc je donne
un coup de main aux autres.
— Pardon, fais
ton mascara toi-même, ma main tremble dès que je m’approche des yeux de
quelqu’un, je dis à Hilda dont je venais de finir le makeup.
— Normalement on
devait avoir une maquilleuse en tant que demoiselles d’honneur non ? Ce n’est pas tout le monde qui sait se
maquiller.
— Tu as raison,
on aurait dû te préciser que les demoiselles d’honneur n’auraient pas de
maquilleuse pour que tu engages la tienne.
— Oh non, est-ce
que c’est mon jour pour que j’en fasse autant, elle dit et s’efforce de rire,
ce qui me fait rouler des yeux.
Qu’on me traite de
miss Judgy, je me crois mieux que les autres, mais il y a des personnalités
avec lesquelles je ne peux juste pas m’entendre. Hilda représente l’une
d’elles. Les remarques ne finissent jamais dans la bouche de cette fille ! D’abord, elle voulait comprendre le pourquoi
le mariage se déroulait à 10 h 30 et elle ne l’a pas demandé ainsi
hein. Non, c’était plutôt, « 10 h 30 ? On se marie à 10 h 30 depuis quand ? Qui est réveillé à l’heure là ? C’est pour que le maquillage coule avec la
chaleur ? ». Après l’épisode de l’heure, c’était la
répartition du cortège nuptial et le choix des couleurs. « Depuis quand des demoiselles d’honneur portent
du blanc et la mariée une autre couleur ?
Comment on saura qui est l’élue du jour ? » Je lui ai donc rappelé l’existence de ce
qu’on appelle le voile. « J’admire
ton calme », elle a commencé un
autre jour quand on était à l’appart. J’ai donc suivi avec un « mon calme ? » sur un ton inquisiteur. « Comment tu acceptes que Snam soit choisie comme
Dame de compagnie et tu fais les courses comme une simple demoiselle d’honneur
là, en tout cas, Dieu savait avant de me donner uniquement des frères parce que
ma sœur ose me faire ça, c’est Jésus qui devra toucher mon cœur avant que je
lui reparle. » Pourtant c’est pour
garder la tension entre elle et Snam sous contrôle que j’ai accepté la demande
de Dara. Au départ, j’ai essayé d’expliquer à madame que l’idée d’un mariage
c’est de célébrer le couple donc le rôle qu’on tient importe peu si on aime
vraiment le couple ou à la rigueur l’un des membres du couple. Mais après un
débat stérile d’une heure, j’ai raccroché et conclus qu’elle et moi ne serions
pas plus que des bonnes connaissances.
— Tu auras une
maquilleuse à mon mariage quand même, elle décide de me préciser.
— La gentillesse
de ça, je ne peux retenir le sarcasme et l’abandonne dans son combat avec le
mascara avant d’oublier les bonnes manières. On lui est quand même redevable
pour le rôle qu’elle a tenu dans la vie de Dara ici donc je ne veux pas être
désagréable.
On s’est scindé en
deux groupes. Les hommes sont chez Mally et les femmes à l’immeuble. J’ai
laissé Hilda dans mon appart et remonté à l’ancien appart des filles pour y
trouver le convoi féminin. J’ai acheté la robe de ma sœur donc je l’ai déjà vu
dedans, mais le résultat final est à couper le souffle. Les escarpins brodés Rene
Caovilla, cadeau de Marley à ses pieds, me font sourire béatement.
— Ouh Elikem
wawawaoh, on djirait un andje, elle s’exprime sur un ton appréciateur quand
elle me remarque.
— Và là-bas que
wawawaoh. C’est toi la chose de l’heure. You’re breathtaking honey, je dis dans
une voix que j’essaie de contrôler sans succès.
— On inspire, on
garde tout ! Je ne veux pas voir une
larme maintenant, maman en mode commando nous lance depuis la chambre où elle
s’apprête.
— J’espère que
tchu pleures pas là-bas tchoi-même han, ironise Dara.
— Tu as fini ton
histoire de vœux avant de me chercher les poux ? Lui retourne maman.
— Merdje c’est
vrai ! Dara s’écrie paniquée.
— Relax, je l’ai
retrouvé, dit Snam en agitant le panneau plexiglas sur lequel étaient gravés
les vœux de ma sœur. Elle est, je précise, toute aussi resplendissante dans sa
robe couleur champagne qui dénude une épaule. C’est ton neveu préféré qui
l’avait caché dans la cuisine, elle ajoute avec un sourire et notre neveu en
question vole la vedette dès son entrée.
Démarche douteuse, mais
rapide comme s’il était la personne la plus occupée au monde, chemise blanche,
pantalon marron clair, bretelles et nœud papillon de la même couleur que la
robe de Dara, ce petit continue de voler petit bout par petit bout. Océane et
sa mère nous rejoignent par la suite. Mally me prévient à cet instant qu’il
arrive avec papa dans cinq minutes. J’en profite pour aller dire à maman que je
les devance, afin de m’assurer que tout est sous contrôle au lieu de cérémonie.
Son bavardage avec les Wiyao et Adamou arrive à me retenir une seconde. À mon
retour au salon, Dara est dans un coin avec Solim qu’elle chausse. Hilda est
proche d’elle et se fait complimenter par ma sœur. Je m’approche d’elles.
— Tu es jolie
aussi chérie. C’est la robe rose dragée ça ?
— Yep, elle est
mayifique non ? rit
Dara tout en tournant sur elle.
— Oui oui, mais
les pieds découverts là c’est comment ? Tu
n’avais pas pris en compte que tu devais porter des talons quand tu la choisissais ?
— C’est le
stchyle midji, lui explique Dara.
— Anh je vois,
style midi, c’est pour ça qu’on va se mettre sous le soleil de midi pour ton
mariage ? Et les cheveux là c’est
tout comme ça ?
— Tu veux ajouter
quelque chose sur ça ? on
entend de tata Hélo et elle ne le dit pas sur un ton plaisant. Quand elle nous
a rejoints, je l’ignore.
— Euh non non, je
demandais juste pour savoir si elle avait besoin d’aide pour se coiffer, Hilda
se dépêche d’ajouter.
— Si tu veux
aider, va te mettre à la fenêtre et avertis-nous lorsque les voitures seront
là.
— OK, elle se
presse de dire et s’en va, tandis que tata Hélo la regarde de travers comme
font les parents quand ils nous reprochent quelque chose.
Je choisis aussi ce
moment pour annoncer mon départ et j’arrive en bas de l’immeuble quand papa Eli
descend de la voiture. Ai-je besoin de mentionner son élégance ? Il l’est toujours, mais aujourd’hui c’est
l’émotion qui prend le pas sur son charisme habituel.
— Tu es splendide
mon ange, il me dit en m’ouvrant les bras pour que je m’y engouffre.
— N’oublie pas
nos répétitions hein le vieux, on ne pleure pas, son fils se moque de lui tout
en tapotant son dos.
— Malheureusement,
je ne serais pas de ce monde pour voir ce que tu feras à ton tour.
— Hééé, c’est
quoi cette parole négative que tu prononces en cette belle journée ?
— J’ai 64 ans
chérie, il rigole. Si j’ai la grâce d’avoir quinze ans de plus en bonne santé,
je serais plus que reconnaissant. À moins que tu préfères que je quitte la
terre en souffrant de plusieurs maladies à cause du vieil âge ?
— Et il persiste
hein ce vieux, allons-y avant qu’il nous communique son humeur étrange là, me
dit Mally et ainsi, nous sommes partis.
Le fait qu’il m’ait
rappelé son âge me conforte dans l’idée que mon rapprochement avec Cédric leur
fera du bien même si ce n’est qu’une façade. Mon papounet est déjà plus vieux
que papa. Il est dans ses 70 ans et depuis un moment, il me parle beaucoup
de ses désirs pour nous ces filles. C’est vrai qu’il me demande plus de parler
à Aurore qui fréquente trop d’hommes à son goût, mais de temps en temps, il
laisse glisser qu’il espère me voir en famille bientôt. Le loup à qui je
pensais était déjà dans le jardin de la cérémonie à mon arrivée. Le petit
séjour fait à Pretoria m’a fait découvrir un homme impliqué dans son travail
qui a vécu une histoire assez poignante avec son ex, pas qu’il me l’ait
directement avoué, mais il a gardé plein d’éléments d’elle dans sa maison,
pourtant il ne fait rien pour réparer ce qui s’est brisé entre eux. J’ai conclu
au terme du séjour que sur certains sujets incluant sa vie sentimentale, le
type est juste nonchalant. Conséquence du syndrome, « bel homme qui attire naturellement les femmes » donc il n’a jamais eu besoin de travailler
pour retenir quelqu’un, en tout cas pas jusqu’à mon arrivée, parce que je
compte bien le mettre au travail moi. Mon objectif c’est qu’au bout de l’année
suivante, il retrouve son grand amour et mes parents soient convaincus que je
suis de nouveau ouverte à la possibilité d’aimer. Chacun sort gagnant de cet
échange, c’est notre deal.
— Tu sais bien te
présenter quand tu le veux, j’annonce tout en me rapprochant de lui.
Il se lève de la
chaise où il était assis et me balaie du regard.
— Je te retourne
le semblant de compliment. Qu’est-ce que tu fais ici de sitôt ?
— Une dernière
vérif. Toi ?
— Une dernière
pratique, n’ayant jamais officié de mariage avant aujourd’hui, j’essaie de me
mettre autant que possible dans le bain.
— Tout ira bien,
il suffit de marcher….QUOI ? je m’écrie
sur la fin. Officier ? Depuis
quand ?
— Depuis que le
couple me l’a demandé, il me répond avec un air comique.
C’est la panique dans
mon cerveau. Je l’interroge davantage. Il augmente la confusion avec ses
réponses. Pour ne pas stresser ma sœur si ce type se payait juste ma tête,
j’appelle Ida qui est avec Marley. Ce dernier me confirme sereinement qu’ils
ont finalement choisi de confier la cérémonie au très cher qui fait des
va-et-vient tranquilles, tête penchée sur une feuille qu’il tient.
— Marley, je sais
que c’est tard, mais vous êtes sûrs de ce que vous faites ? Ce mariage sera légal s’il est célébré par
lui ? Parce que vous aviez
choisi un pasteur au départ pour ça.
— T’en fais pas.
On s’est assuré d’obtenir notre licence de mariage bien avant. Disons
qu’aujourd’hui, c’est une célébration symbolique.
— OK, je vois.
Est-ce que vous avez répété ensemble au moins, histoire de vous assurer qu’il
sait ce qu’il fait ? Ce
n’est pas mon genre d’insister, mais la dernière chose que je veux, c’est que
ma sœur regrette cette journée.
— Depuis que je
connais Cédric, il ne m’a jamais déçu Elikem, il me dit et je regarde à nouveau
l’intéressé qui plie sa feuille et la met en poche.
— OK, on t’attend
alors, je conclus.
C’est dans cet esprit
d’attente que j’ai repris mes fonctions. Les choses s’enchaînaient si
rapidement que le temps que je comprenne, Marley avançait dans son costume rose
saumon au bras de tata Hélo. Mally et moi ouvrions le bal du cortège. Derrière
Ida et Hilda suivaient.
— C’est quand on
a besoin de Godson qu’il est en voyage pff ! Il n’y
avait plus de garçon disponible ou bien ?
Pourquoi je dois avancer avec une fille ?
rouspète Hilda.
Malheureusement, la
musique était déjà lancée et les invités attendaient notre entrée, donc je n’ai
pas pu lui rappeler pour la quantième fois qu’on s’en fout de ses envies
aujourd’hui. Cédric et Ida sont les meilleurs amis de Marley. Il n’a pas voulu
choisir entre eux, alors on respecte sa décision. Les demoiselles d’honneur
suivent et enfin Dara avance au bras des parents avec Snam en arrière. C’est
maman qui pleure aujourd’hui. Dara est tout sourire.
— Qui donne cette
femme en mariage aujourd’hui ? Cédric
lance la question d’ouverture quand la mariée et les parents arrivent à la
hauteur du marié.
Les parents donnent
leur accord, embrassent tour à tour le couple et Marley sort sa pochette pour
nettoyer le visage de maman. Le couple est face à face, l’assemblée cesse les
exclamations de joie quand Cédric reprend la parole.
— Cet instant qui
nous réunit chers amis n’est pas le commencement d’une relation, mais le
témoignage d’un lien solide sur lequel reposera ce mariage. Lorsque vous m’avez
approché avec cette requête rocambolesque d’officier votre union, je me suis
dit que peut-être vous ne teniez pas tant à votre mariage, il dit avec un
sourire sur la fin et se fait interrompre par les rires fusant de partout.
— Mais les jours
dédiés à la préparation de ce texte m’ont poussé à analyser votre relation. Je
peux aisément témoigner devant cette assemblée qu’à deux et sans avoir
forcément cherché, vous avez pourtant trouvé la formule de ce que représente un
mariage solide. Vous êtes la résultante d’une succession de choix et décisions
mettant au centre le bien-être des partenaires. Je pense parler pour beaucoup
voire tous en affirmant que vous êtes des êtres chers à nos cœurs, sources
d’inspiration dans différents domaines quoique j’aimerais me passer de ton influence
pour les sports aquatiques Marley, il ajoute sur la fin et se fait encore
interrompre par nos rires.
— Vous avez
également été des sources de joie comme aujourd’hui et le plus important, votre
histoire m’a donné le genre de leçon qu’on oublie rarement. Cinq ans plus tôt,
j’étais cet ami là qui déconseillait à Marley de poursuivre Aïdara parce que
son plan secret pour la conquérir me semblait voué à l’échec. Oui j’étais le
premier ennemi de cette histoire et regardez-moi aujourd’hui, un vrai converti,
il blague sur la fin, rigole avant de regarder dans ma direction pour une
seconde et retourne son attention sur le couple. Parfois, il faut juste se
mettre en condition et patienter que le temps, Dieu ou le destin fasse son
travail, c’est la leçon que vous m’avez donnée et je conclus avec elle en
espérant que vous ne l’oubliiez pas. Aïdara, t’engages-tu à aimer Marley et le
prendre comme ton époux, bâtir un foyer avec lui où règneront la compassion
ainsi que la patience jusqu’à la fin de vos jours ?
— Je m’y engadje,
déclare ma sœur sans hésitation.
Il pose la même
question à Marley et reçoit une confirmation sans équivoque.
— Suite à cet
engagement solennel, nous allons procéder au partage des vœux si vous en avez.
— Les femmes d’abord,
Marley dit avec un grand sourire qui reçoit quelques rires.
— Une galantcherie
djouteuse, Dara lui retourne sur un ton amusé avant de prendre des mains de
Snam le plexiglas sur lequel sont gravés ses vœux tandis que Cédric lui
présente son micro.
— Il y a quatchre
ans de ça, je me suis lancée un défi, djominer ma craintche d’être jugée pour
mon handjicap avant d’entchrer dans la vie professionnelle. J’ai donc décidjé d’intégrer
une colonie de vacances avec l’intention de m’exposer aux créatchures les plus
innocentes et brutalement honnêtches que la terre ait portché, des enfants. Tchout
ce que j’espérais de cette aventchure c’était une voi…hein ? non, mauvaise ligne désolée, elle dit d’un
rire gêné qui provoque quelques rires amusés.
— Pardjon, j’avais
pratchiqué, mais là c’est le plexiglas qui me joue des tchours, elle se justifie
et nous amuse davantage.
— C’est pas grave
chérie, continue, Marley l’encourage sur un ton doux.
— Ce que je
voulais, elle reprend sur un ton moins nerveux qu’au début, c’était un peu plus
de confiance en moi, mais Dieu a décidjé d’êtchre si généreux avec moi en m’offrant
tchout un humain en extra. À l’époque, je n’avais pas encore conscience de qui
tchu serais pour moi aujourd’hui. Dans mon esprit, le schéma c’était rencontre,
confession de sentiments, copinage et des années plus tard, mariage. Tchu n’offrais
pas ça, mais ce que tu donnais me semblait tchrop tentant pour le laisser
filer, alors j’ai fait ce que j’avais appris de mieux ces dernières années,
elle déclare, rigole et le fixe.
— J’ai mis à l’écrit
tout ce que j’attendais de ton offre et ce que je pouvais donner en retchour.
Un contchrat exhaustif couvrant mes arrières et dont j’étais fière en plus !
— Très fière, ironise
Marley
— Aujourd’hui je
me djis que le soir-là, pendant que j’étalais mes connaissances sur le papier
au lieu de djormir, Dieu regardjait par mon épaule et se disait, toi tchu as
fait quelques années de droit et on ne peut plus respirer ?
— Oh Dara, je ne peux
m’empêcher de me marrer et pleurer à la fois un peu comme les autres.
— Tel le bon
parent qu’il est, il m’a laissé adjir à ma guise avec mes erreurs, pendant que
dans l’ombre il m’écrivait une histchoire bien plus gratchifiante que tchout ce
dont j’avais rêvé, elle murmure sur la fin à cause des larmes qui l’étouffait.
Mally passe un
mouchoir à Marley qui le lui présente, mais elle est trop concentrée sur son
plexiglas pour voir sa main.
— Marley, je promets
devant nos familles et amis, de te donner l’amour, le respect, mais surtchout toute
l’attentchion dont tchu m’as couvert depuis qu’on se connaît, elle déclare d’une
voix limpide et sincère. Je promets d’apprécier les joyeux moments et dans nos
mauvaises passes de me rappeler dju bon en tchoi. Je ferai de mon mieux pour te
suivre dans tes folles aventchures même quand tchu essaies de me convaincre que
subir cinquantche heures de vol pour se rendjre au Laos en vaut la peine, elle ajoute
sur un ton badin qui continue à nous amuser.
— Parce qu’on
contchinue à grandjir tchous les deux et parfois nous faisons des erreurs malgré
nos bonnes intentchions, je promets de continuer à t’offrir toutche la
compassion nécessaire afin que jamais tchu ne te sentches rejeté. Pour
conclure, je prie que Dieu ne nous fasse jamais oublier ce qu’on ressent à l’instchant
présent, parce que je veux t’aimer pour la vie Monsieur Boulder, elle finit d’une
voix hachée de sa main gauche les larmes qui perlent de ses yeux tandis que
Marley lui prend la droite.
— Tu en as besoin ? Marley lui demande d’une voix vibrante en lui
présentant à nouveau le kleenex.
— Non, mais un
petchit bisou peut-être ? elle
chuchote.
— L’amour est
patient, Cédric nous achève de rire par sa réponse tout en présentant le micro
devant Marley qui avançait sa tête pour le bisou en question.
— OK, les deux
répondent en pouffant de rire. C’est au tour de Marley de prendre une grande
inspiration, saisir les deux mains de ma sœur et s’exprimer sur un ton dont on
perçoit l’excitation, ce qui me surprend, mais m’arrache un sourire ému. Il
semblait si posé en fait, et pourtant. J’imagine tout ce qui se passe dans sa
tête.
— Aïdara Lare Aw,
il recommence, je me rappelle exactement du jour où j’ai appelé Hélo pour lui
dire que je m’intéressais à toi. Après un long monologue, elle m’a dit les mots
suivants, « C’est une fille très
courageuse dont la vie est remplie de défis. Tu sais que je t’aime et ne veux
que ton bien, mais il se fait que je l’aime aussi cette petite. Si tu ne te
sens apte à relever des défis pour le moment, je te conseille de laisser
tomber. » Étais-je prêt à relever
tous les défis du monde quand je t’ai abordé ? Pas vraiment, mais je ne regrette pas d’avoir
suivi mon instinct parce que j’ai découvert exactement ce qu’elle m’avait
décrit. Une personne si courageuse face à ses circonstances qu’elle m’a
naturellement transmis le désir de l’encourager davantage. Une personne si
téméraire que naturellement j’ai commencé à me lancer de nouveaux défis bien qu’à
l’époque j’étais déjà satisfait de mon niveau de vie. Tu me donnes….euh un instant,
il rit de gêne, se tourne et Mally lui tend son plexiglas sur lequel étaient
marqués ses vœux.
— J’avais tout
mémorisé pourtant.
— Pas grave babe,
c’est la fautche de l’acrylique, l’encourage Dara.
— Tu as raison,
il sourit puis reprend son sérieux. Jour après jour, tu me donnes tant de
raisons de t’aimer et te soutenir si bien que je ne me vois pas un jour arrêter.
Je promets de te donner davantage de considération, respect et toute mon
attention. Durant les bons moments, je serai à tes côtés et m’efforcerai à
trouver des solutions pour que les mauvais ne soient pas trop pénibles. Je promets
de continuer à te charmer et te faire vivre de folles aventures, même si parfois
il faudra te traîner par les dents pour que tu sortes de la maison, il la vend
discrètement sur la fin et on se pâme de rire. Étant humains, je suis conscient
que je ferais des erreurs, mais durant ces moments, j’espère que tu te
rappelleras de la phrase suivante, il dit, marque une pause pour remettre à
Mally son plexiglas et reprend les mains de ma sœur tout en la fixant d’un regard
poignant. Depuis ce soir durant la colonie de vacances, il n’a été question que
de toi pour moi babe. Je te parlais le soir là d’une expérience vécue, mais
celle que je désirais c’était toi. Celle que je désire encore aujourd’hui et pour
la vie ne sera que toi. Je continuerai à être, ton homme, ton complice, ton
amant, celui qui ne cessera de te rappeler que tu es aussi intelligente, adorable
que terriblement sexy. Pour la vie, j’ai l’assurance qu’il n’y aura que toi, du
moins jusqu’à l’arrivée de nos filles, je t’aime louloute.
— On aura que des
garçons alors, elle lance sur un ton coquin tandis qu’on leur présente les
alliances comme demandé par l’officiant.
— Avant de
commencer à faire vos enfants devant nous, Aïdara je t’invite à prendre la main
de Marley et répéter après moi, dit Cédric avec humour.
— Marley, je veux
passer ma vie à tes côtchés. Munie de cet anneau, je te prends avec tes défauts
ainsi que qualitchés et m’endadje à t’aimer, te chérir, servir et constchruire
un foyer où tu te sentchiras à ta place jusqu’à la fin de nos djours, elle professe
solennellement.
C’est au tour de
Marley qui prend l’alliance comme indiquée puis la main de ma sœur.
— Aïdara, je veux
passer ma vie à tes côtés. Muni de cet anneau, je te prends avec tes deux
défauts ainsi que cinquante mille qualités…, euh, tu peux répéter la suite ? il demande à Cédric après sa petite impro qui
nous a fait rire et pour certains secouer la tête.
— On a au moins
la preuve qu’il compte réellement la charmer dans ce mariage, l’officiant nous
amuse davantage par sa réplique avant de poursuivre et Marley achève sa
déclaration avec assurance.
On se met déjà à
applaudir. Maman m’a même étonné par sa retenue durant la cérémonie, mais sa
folie se réveille.
— Une seconde
pour que je finisse mon travail s’il vous plaît nous interpelle Cédric et l’assemblée
se calme petit à petit. Que ses anneaux à vos doigts qui représentent le symbole
de votre union soient semblables à l’amour que vous vivrez dans ce mariage. Un
amour infini porté par le respect mutuel de l’engagement pris devant Dieu et
les hommes. C’est avec honneur, une joie immense et par les pouvoirs que vous m’avez
donnée sans consulter l’état kenyan, je vous déclare toutefois mari et femme. Le
petit bisou et ses frères peuvent suivre, mais on garde les vêtements sur le
corps merci.
C’est dans un tonnerre
d’applaudissements que les mariés s’embrassent langoureusement. Je suis tellement
en joie que je veux sauter, chanter, mais aucune chanson appropriée ne me vient
jusqu’à ce qu’on entende dans la foule.
— Des cris de
joie ! Des cris de joie ! Des acclamations ! Des acclamations !
C’est Romelio qui l’a
entonné et mon cerveau explose de bonheur. Je ne connais même pas la chanson
hein, mais compte sur Romelio pour nous donner le rythme ainsi que les paroles
en un rien de temps. Cette ambiance euphorique nous accompagne jusqu’au resto réservé
pour l’after.
— Non assieds-toi,
je m’en charge, je propose à Cédric quand il se lève avec son plat pour se servir.
Je prends également celle
de Romelio et reviens avec trois plats.
— Je suis
gourmand, mais de là à me faire deux plats si pleins, commente Cédric.
— C’est pour
Bérénice, je dis amusée et scanne justement la salle pour voir si son ex est là,
ce qui n’est pas le cas, mais bon, on a encore du monde en chemin.
— Ton dévouement
pour ma cause ne cesse de m’étonner, il commente avec humour.
— Tout comme j’ignorais
que tu pouvais être si éloquent, donc je te récompense. Sors-lui le langage de
molière comme ce matin et sans aucun doute, tu toucheras son cœur.
— Tu le crois
vraiment ?
— Bien sûr ! Les femmes aiment qu’on leur parle avec
sincérité.
— Ah bon ? Tu aimes ça toi aussi…, pardon j’avais oublié
que tu parlais des femmes et non des bucherons.
Je prends un biscuit
benne et le lui enfonce dans la bouche quand il l’ouvre pour manger son œuf
bénédictine puis me lève et en dépassant Romelio je le cogne. La veille du
mariage, les hommes se sont retrouvés chez Marley et c’est sûr que Romelio l’a
ouvert sur moi là-bas parce que c’est lui qui m’a affublé du surnom caractère
de bucheron. Pendant près d’une heure, je fais le tour des invités pour causer,
m’assurer que personne ne manque de rien, et juste parce que je suis d’excellente
humeur. Je m’approchais d’un groupe quand on me retient par la taille. Je
reconnais sans difficulté l’un des parfums de Cédric.
— Viens manger
avec moi.
— Elle n’est pas
venue ?
— Non.
— OK, j’arrive,
je dis et rejoins ma sœur qui était en pleine discussion animée avec les
Boulder.
— Elieee, tchu
étais où ? Je t’ai cherché tchout à
l’heure, elle s’exclame en me tombant dans les bras.
— Je faisais le
tour. Tout va bien ici ?
—Yes! Tchout le monde
a mandjé han ?
— Bien sûr ! T’en fais pas pour ça. Aussi, tu sais quand
ta patronne arrive ?
— Non, pourquoi ?
— Je l’ai vu au
mariage, du coup je m’attendais à la voir ici.
— Ah bon ? Tchu l’as vu ? elle dit ébahie, ce qui me surprend.
— Ouais. Tu ne l’avais
pas invité ?
— Si, mais elle m’avait
souhaitché bonne chance tchout en précisant que c’est pas son tchruc les mariages.
— Oh….peut-être a-t-elle
changé d’avis ? Essaie
de la contacter pour voir s’il te plaît.
— Tchu veux la
rencontchrer c’est ça ?
— Non, je veux
dire, essaie de voir si elle compte passer maintenant ou peut-être à la soirée.
— OK, je te
tchiens au courant.
Je la remercie avec
une bise et rejoins Cédric à sa place. Ce n’est pas le second plat que je lui
ai fait qui m’attendait. Je lui demande justement ce qu’il en a fait et le type
me répond en haussant les épaules qu’il l’a mangé.
— Yafeu…, je
commence et il éclate de rire.
— C’est quoi cette
prononciation ?
— Je suis fante
peut-être ? je rétorque. Bref, Cédric,
je suis certaine qu’elle viendra ce soir, je l’encourage quand même.
— Pourquoi tu tiens
autant à me redonner espoir ? il me
demande après un long silence.
— Parce que tu l’as
perdu, pourtant tu aimes encore ton ex. Ton manque d’espoir t’a rendu
nonchalant et tu ne fais rien pour changer ta situation. Parce que vivre avec
le sentiment de « et si j’avais » est tellement atroce que je ne le souhaite à
personne, alors si je peux te donner un peu d’espoir pour éviter que tu te retrouves
dans cette situation, je le ferai. En plus, je suis persuadée que plusieurs
font semblant de converser actuellement, mais ont toute leur attention sur
nous. Ça leur donnera de quoi parler.
— Donnons-leur
davantage dans ce cas, il dit et sans me donner le temps de réagir, ses lèvres et
sa moustache effleurent mon épaule. Mon corps se raidit comme s’il venait d’être
pourfendu par un éclair. C’est le flirt, je me répète, c’est le flirt pour ne
pas sauter sur sa gorge et l’étrangler. Je lui pince la cuisse en revanche.
— Tu me fais de l’effet
quand tu me sors de temps en temps ton côté sadique.
— Imbécile, je
murmure et il sourit narquoisement avant de porter son verre à ses lèvres. Moi-même
l’ex, j’aurais quitté ce gars. Sa tête là.
***Hilda Tountian***
Un mariage on le
célèbre le matin, et la réception c’est un brunch cheap. C’est dans ça qu’on
voulait que moi Hilda je traîne ? Neveuurrr ! Fatiguée de sourire jaune, j’ai tracé à la
première occasion et me suis barricadée dans ma chambre. Même si elles reviennent
à l’appart, je ne sortirai pas d’ici aujourd’hui. Haiboo, c’était un mariage ça ? je m’interroge les mains sur les hanches. Et
la grande sœur de Dara qui fait un rentre-dedans grotesque à Yafeu alors ? Et ça se dit l’amie d’Océane. En tout cas,
pour moi c’est quoi dans l’histoire quand la concernée était plus occupée à
discuter avec les mariés que veiller sur son futur gars ? Je retourne à mes cartons que j’ai commencés
depuis un moment et j’appelle Godson pour me tenir compagnie.
— Beh tu fais
quoi là ? C’est la pause ?
— Quelle pause
babe ? Quelle pause hein ? On fait une pause dans un mariage qui a duré une
heure ? Un mariage africain dure
une heure depuis quand, ah soua, je rigole de dérision.
—What happened?
— Il se passe que
le mariage là c’était le sketch oooo ! Il y a
des trucs qu’on ne fait pas quoi, je dis déçue. Tu as des parents qui ont une
certaine image. Même si ton gars est radin, tu t’imposes ! Ne serait-ce que pour respecter vos invités.
Tu n’invites pas les gens pour leur offrir n’importe quoi et qu’on parle mal de
vous par la suite.
— C’était si
bizarre que ça leur mariage ?
— Dara a combien
de femmes dans sa famille ?
Plusieurs et elle a choisi deux demoiselles d’honneur ! Ou trois disons le ainsi, parce qu’on m’a collé
avec une fille cheloue, mais bref. Trois, tout ça parce que monsieur n’a pas mis
le cachet pour qu’on habille toutes les demoiselles.
— Eh Hilda…
— Ah laisse, je
te dis la vérité ! J’ai
interpellé plus d’une fois Dara. J’ai dit « ma chérie, tu as besoin d’aide ? » « n’hésite pas hein », « ça avance ». Toutes ses réponses c’étaient des oui, non,
t’en fais pas. C’est pour qu’on nous serve un buffet de croissant, pancakes,
bagel et consorts après une heure à écouter Dara surqualifier Marley et lui se
contenter de quelques mots passables ! C’était
même mieux que je passe mon tour.
— Pourquoi tu as
toujours quelque chose à dire contre Marley ? C’est un type sans problèmes pourtant.
— Ah pardon ! Le type fait le minimum syndical partout. Imagine,
Dara lui dit qu’elle lui donnera toujours de la compassion et lui se contente
de « je te rappellerai que tu
es intelligente et sexy ». Qu’elle
a besoin qu’on lui rappelle l’évidence ?
— Tu aimes
exagérer toi alors, il dit avec humour.
— Bref, tu ne
peux pas comprendre comme tu es un homme. La cérémonie de mariage c’est pour la
femme, c’est le jour où tu dois professer ton amour à la puissance mille. Les
gens viennent pour écouter combien tu l’adores et tout ce que j’ai retenu, c’est
que Dara ne peut pas vivre sans Marley. En plus, ça ne le gênait pas de prendre
les honneurs hein. Il fallait le voir s’enorgueillir. C’est pour ça que moi
fille de Constance, je ne peux jamais me mettre avec un blanc. Avec eux, tu ne
sais même pas qui est la femme dans le couple. Tu pleures, il pleure, tu es
déprimé, lui aussi te dit qu’il l’est, parfois il l’est même plus que toi. Ça
ne m’étonnerait même pas qu’un jour, il dise à Dara qu’il laisse son métier d’ingénieur
pour devenir surfeur et lui rappelle qu’elle a promis de l’aimer toujours. Je
ne peux juste pas avec les blancs Seigneur !
— Tu as intérêt à
ne pas te mettre avec un ouais. Tu es à moi.
— La jalousie mon
frère, je dis amusée et flattée. Sinon tu vas voir mon frère quand ? Tu te rappelles qu’il a dit qu’après noël et
jusqu’au Nouvel An, il serait dispo hein.
— Oui oui, je n’ai
pas oublié.
— OK, j’ai hâte !
On se raconte des
conneries jusqu’à ce que j’entende la porte d’entrée être ouverte. Je me
dépêche de raccrocher pour qu’on ne me surprenne pas et glisse dans mon lit. Les
minutes s’écoulent, devenant des heures, mais personne ne cogne à ma porte contrairement
à mes attentes. Tant mieux ! Qu’ils
restent avec les radins qu’ils ont fait entrer dans leur cercle familial. Un mariage
africain qui finit alors qu’il fait jour. Le mien de mariage ne sera pas si
cheap c’est clair !
PS de Gioia :
Avant de me demander le pourquoi Hilda existe ou s’exprime, je rappelle que mon
histoire parle d’amour et d’amitié.