
141: what she’s like
Ecrit par Gioia
***Romelio Bemba***
Le 23 décembre,
après sept heures de route et plusieurs arrêts pour que les touristes
contemplent les différentes régions togolaises, le convoi dont je fais partie est
arrivé à Kara. Nous sommes huit. Je suis avec Hadassah et Thema qui nous a
rejoints avec la permission de son frère aîné, Deborah et sa fille Siaka puis
Alain et ses deux garçons de 10 et 8 ans. On s’est loué un SUV de huit places
pour le séjour de six jours qu’on fera dans la région et j’avoue être ravi de
notre choix. Les enfants ont vite sympathisé, une chose étonnante surtout
venant de Hadassah, mais ça nous a permis de les laisser parfois ensemble sous
la supervision de Siaka tandis qu’on allait découvrir Kara de nuit entre
adultes. En journée, notre visite était assurée par un guide touristique
déniché par mon oncle Magnim quand je lui ai parlé du voyage. Je ne voulais
même pas le prendre au départ, je comptais une fois sur place, aller à
l’aveuglette et questionner les habitants au besoin, mais je ne regrette
absolument pas. Des endroits un peu plus modernes jusqu’aux zones rurales
remplies d’histoire et de culture, il nous a fait faire le tour en quatre jours
et suggérait même d’autres endroits proches de la ville, seulement nous avons
préféré arrêter là. Nous avions déjà prévu nous rendre à Pya pour l’avant-dernière
journée et le lendemain sillonner un peu Kara avant de partir vers midi. C’est
ainsi qu’on a libéré nos chambres d’hôtel après un petit déjeuner copieux pour
nous rendre à Pya, le village de mon grand-père où il possède toujours une
maison. Mon oncle Magnim m’a remis les clés ainsi que le contact du garçon
qu’ils ont engagé pour s’occuper de la maison.
Après avoir posé nos
valises, nous avons proposé aux enfants une marche, mais les chenapans
n’étaient pas emballés par une balade dans un coin champêtre. On a commis
l’erreur de les forcer et les choses ont pris une tournure un peu désagréable
avec les enfants d’Alain qui sont rentrés en larmes à cause des coups sur la
tête, distribués par leur père. La grimace de Debby pendant qu’Alain corrigeait
ses enfants n’est pas passée inaperçue donc je me note d’aborder le sujet avec
elle dès que j’en ai l’occasion. Il ne faut pas qu’elle se fasse des idées sur
lui. C’est un chic type. Elle me donne l’occasion le soir sur la terrasse
pendant qu’on prend de l’air.
— Non, ce n’est
pas Kalank---pa, je dis amusé. Le son c’est « kp », je lui explique.
Elle s’essaie, mais
c’est toujours « k-p » que j’entends.
— Tu sais quoi,
laisse. Comment on écrit?
— Le mont
K-a-la-n-k-pa, je lui épelle pendant qu’elle pianote sur son téléphone avec un
sourire.
Mes yeux ne peuvent
s’empêcher de lorgner sur son grand écran donc je vois qu’elle écrit le nom
dans son application « note ». Grand curieux de mon état, je décide
de la taquiner.
—Checking
up on your man? Je lance sur un ton
léger. (Tu prends des nouvelles de ton gars?)
—If you
think I like’em young yes, elle rigole. (Si tu penses que je les aime jeunes oui.)
— Une cougar? Je
continue sur le même ton et elle éclate de rire.
—My kids
will dig my grave if I dare. (Mes
enfants creuseront ma tombe si j’ose.)
— Ses enfants
vraiment, je commente avec humour en pensant à la mienne. Ils ne savent pas que
leur mère est irrésistible?
Elle détache son
regard du téléphone pour m’observer d’un air curieux et badin.
—Sir,
what’s going on here? C’est le
compliment pour me faire sentir bien ou tu essaies de me faire la drague?
— C’est un
compliment que tu mérites, je précise.
—Why, thank
you! (Merci beaucoup)
— Tu ne te
trouves pas belle? je l’interroge interloqué par l’excitation de ses
remerciements.
— I mean of
course, je me trouve hot, mais c’est différent quand quelqu’un de plus jeune te
dit irrésistible parce que most of the times, les jeunes qui me complimentent
sont mes enfants and they just think mummy looks good, you know.
— Tu aimes donc
les jeunes, je répète pour la taquiner.
—Haha,
definitely not. J’ai pas le temps for games.
— Qui a dit que
les jeunes jouent? L’âge n’est pas synonyme de maturité, je ne crois pas te
l’apprendre.
—Je sais,
mais I can’t decently sleep with someone who can do the same with my daughter
you know? It’s pretty weird, elle
m’explique. (Je ne peux pas coucher avec quelqu’un qui peut le faire avec ma
fille, n’est-ce pas? C’est bizarre.)
— Elle a quel
âge?
-20 this month
actually, elle répond fièrement.
— Wow, et vous
avez fait quoi?
—Nothing
too fancy, cake at home, call with her nana and Timmy. That girl stays working. C’est un miracle
qu’elle ait accepté de venir avec moi pour ce voyage. (Rien d’extra, un gâteau
à la maison, des appels avec sa mamie et Timmy son frère. Cette fille travaille
constamment.)
— À 20 ans
et si je me fie à ce que j’entends sur le magazine Source, tu peux être fière
d’elle.
— Je suis
tellement contente et fière, elle commente l’air béat et secoue sa tête en se
marrant. OK, enough of the kids. Apparemment, tout ce que je fais c’est parler
d’eux donc Timmy m’a donné un quota par jour.
—Those damn
kids, je rigole.
—You can
say that again, elle rigole. (Une
façon d’approuver.)
— Ce que je
retiens, c’est que tu aimes les compliments des jeunes, donc tu ne serais pas
réticente à quelqu’un qui a seize ans de plus que ta fille?
Elle m’observe à
nouveau curieusement.
— Et tu dis que
ce n’est pas la drague que tu fais?
— Come on, tu
n’aurais pas à te questionner si je te draguais, je lui explique sur un ton
léger tout en me rappelant de freiner mes ardeurs. L’imbécile pour qui je
marchande même est où dans tout ça? Il était supposé nous rejoindre après avoir
mangé non?
—If that’s
the case then, je dirais que seize ans c’est too much. C’est l’âge de mon Timmy ça, so it’s still weird.
Je baisse la tête en
signe de défaite et elle rigole. On n’est pas sorti de l’auberge.
— C’est seize ans
de plus que ta fille, pas toi. L’homme aurait 36 ans so quatre ans de moi
que toi.
—Nah still
young. Not that I am looking, but if I was, je préfère quelqu’un vers la
cinquantaine.
— C’est quoi
l’obsession des femmes avec les hommes plus âgés?
—As far as
I am concerned, it’s to soothe my daddy issues. (En ce qui me concerne, c’est pour apaiser mes complexes d’attachements
liés à la figure paternelle.)
Je rigole et m’arrête
quand elle ne me suit pas.
— My bad, je
pensais que tu blaguais.
— Kind of, mais
pas totalement selon les dires de mon social support. Elle m’a dit que je
cherchais des hommes qui me laisseraient être l’enfant dans la relation.
— Que veux-tu
dire par social support?
— Les personnes
qui soutiennent les enfants en foster care? What’s the french word for that? It’s on the
tip of my tongue.
—Assistant
social? Je propose.
— Voilà.
I miss that old hag now that I think about it, elle commente affectueusement. (Elle me manque cette vieille mégère maintenant
que j’y pense.)
— J’ignorais que
tu avais grandi en foyer d’accueil, je réplique un peu surpris.
—Oh really? Je pensais
que tu l’aurais entendu de Hadassah vu que j’en parle souvent pour expliquer
l’utilité du travail social quand je fais les sessions d’orientation avec les
enfants.
Cette enfant et ses
secrets décidément.
— Je suis entrée
dans le système à 10 ans jusqu’à la majorité, elle ajoute.
— Je ne connais
pas grand-chose de la vie en foyers d’accueil en dehors de ce que nous ont
montré quelques films donc pardonne-moi si je suis maladroit, mais comment tu
te retrouves à la tête d’une école si prestigieuse avec un passé que j’imagine
complexe? je demande honnêtement et elle rigole.
— J’aime ton
honnêteté et je suis la reine de la maladresse de toute façon. Alors where to
begin? J’ai rencontré Siaka durant ma première année at University of Warwick.
Il travaillait à temps partiel dans l’administration du bureau de la vie
étudiante. Il était si gentil et moi super bavarde parce qu’excitée d’être
enfin à l’université, d’avoir un propre appart, et tout, so on a vite
sympathisé. Je passais autant de temps à la vie étudiante qu’en cours donc
notre amitié est sortie à un moment du cadre universitaire. Il m’a fait
découvrir un peu l’Afrique par ses histoires et recettes tandis que je l’aidais
à prendre soin de son père qui était en arrêt maladie d’un an et à force de se
côtoyer, tu t’imagines bien ce qui s’est passé. On s’est rapidement trouvé des points
communs, mais pour être honnête, j’étais tellement charmée par son assurance
que j’aurais probablement inventé des points communs pour être à ses côtés.
C’est ainsi qu’à force d’être collés, j’ai fini par tomber enceinte de Sia, par
négligence. Fini les rêves éveillés. Pour que tu comprennes la situation, je
t’explique un peu mon parcours en foyers d’accueil. Alors je me suis promenée
entre plusieurs abris et maisons jusqu’à 18 ans.
— Pourquoi?
— Pourquoi je me
suis promenée? Ça serait long si je dois entrer dans tous les détails, mais
pour résumer, disons que l’âge détermine beaucoup la chance d’être adopté quand
on entre dans le système. Les préados et ados sont perçus parfois à juste titre
comme des cas sociaux, compliqués à éduquer donc ceux qui ont la patience et
les fonds pour adopter préfèrent prendre des bébés ou jeunes enfants. La
famille d’accueil avec qui j’étais avant l’université a décidé de ne pas
m’adopter au final parce qu’un de mes ex a détruit leur voiture et laissé un
message insultant pour me donner une bonne leçon.
— Ne me dis pas
qu’ils t’ont ouvertement expliqué qu’ils ne comptaient plus d’adopter pour
cette raison.
— Pas
directement, mais quand tu sais, tu sais. On en parlait depuis un an. Je
faisais beaucoup d’efforts pour être irréprochable et bien m’entendre avec
leurs enfants et un peu après l’incident de mon ex, ils m’ont sorti le
discours, « unfortunately we won’t be able… », elle m’explique comme
si je dois comprendre la position de ces gens, mais c’est le fait qu’elle
devait être irréprochable qui me révolte davantage.
— Explique-moi un
truc. Je pensais que les parents qui prenaient les enfants devaient passer des
vérifications pour être approuvés par les agences ou l’état? On ne s’assure pas
qu’ils comprennent qu’un enfant n’a pas besoin d’être un ange pour être mériter
un abri et du soutien?
— Tu sais le
système déborde de cas. Les responsables sont déjà soulagés quand ils arrivent
à trouver des familles d’accueil et le but c’est que tu y restes temporairement
le temps que tes parents s’ils sont en vie règlent le problème qui a fait qu’on
te retire à eux ou qu’on te trouve des relatives qui veulent bien te prendre. Overall,
je pense que tout le monde fait de son mieux, mais la réalité est difficilement
changeable. Lorsque tu es placé en famille d’accueil, c’est en quelque sorte
une seconde chance qu’on te donne et comme c’est le cas avec les secondes
chances, tu dois généralement prouver que tu le mérites pour la garder.
— Je t’aurais
accueilli et même adopté, je lui dis le cœur peiné par sa définition.
— La première
partie peut-être, mais pas certain pour la seconde, elle rigole. I was a
naughty kid at ten huh. The princess of tantrums dès qu’on me disait d’éteindre
la lumière pour dormir. J’ai rendu la vie difficile à la famille qui m’a pris.
La pauvre dame devait et moi jouions à « éteint-rallume » et je
m’époumonais dès qu’elle essayait de m’obliger, elle me raconte perdue dans ses
pensées.
— But you were
ten, je lui rappelle doucement.
— Still not an
excuse quand tu sais que tu dois coopérer avec ces gens en espérant que ta
famille vienne te chercher, mais bon, like you said I was ten et très sensible.
J’étais persuadée que les gens ne m’aimaient pas parce qu’ils acceptaient de
l’argent sur mon dos.
— Comment ça?
— Les familles
d’accueil reçoivent des allocations pour les enfants qu’on leur confie. Mon
assistante sociale m’a expliqué à différentes reprises que cet argent était
nécessaire pour couvrir mes besoins, mais je ne voulais juste pas coopérer
jusqu’à 14 ans. Anyway, j’ai donc fait plusieurs maisons avant de me
retrouver à l’université à 18 ans et il faut comprendre qu’on est éligible
à certaines aides uniquement si l’on continue ses études sans prendre de pause.
Je n’ai découvert cette condition qu’en discutant avec mon assistante sociale
une fois enceinte. Siaka avait un emploi à temps partiel et gagnait une bourse
de son Mphil en intercultural communication, mais ce n’était vraiment pas
grand-chose donc je ne pouvais pas me permettre de me passer des aides, surtout
que j’étais terrifiée de finir à l’abandon et que mon enfant se retrouve aussi
dans le système. Je me suis donc fait violence pour continuer mon bachelor sans
arrêt jusqu’à la fin enceinte ainsi qu’avec le bébé. Aujourd’hui, je considère
que mon caractère actuel s’est grandement formé à cette époque. Les choses se
sont améliorées par la suite, j’ai eu Tim quand nous avons quitté Coventry pour
Birmingham. J’ai obtenu ma certification pour enseigner et life was good for a
bit, puis on a tragiquement perdu Siaka. C’était et c’est toujours déroutant comment
c’est arrivé but anyway, je me suis accrochée aux enfants comme une bouée. Je
voulais leur donner la vie que leur papa nous avait promise. On devait ouvrir
l’école ensemble et nous espérions vivre à Lomé sept ans avant son décès. Yeah,
c’est un peu mon histoire. Comment on est arrivé ici déjà? Je suis si bavarde
que j’ai oublié, elle lance sur un ton comique qui masque à peine le ton
mélancolique qu’elle avait pris vers la fin de son histoire.
—Your daddy
issues.
— Oh yeah, elle se
marre. Siaka avait douze ans de plus que moi. Mon premier copain en avait vingt.
— vingt ans de
plus que toi? Tu avais quel âge?
— Uh…disons que
je ne prenais pas les meilleures décisions à un moment de ma vie.
— Qu’est-ce que
tu recherches chez un homme?
— Hum, let me
think, elle médite doigt tapotant son menton, definitely quelqu’un qui est
ouvert d’esprit parce que yeah je suis noire, mais pas d’Afrique et c’est
frustrant qu’on se moque quand je pose des questions parce que je suis
curieuse.
Avec sa large tête de rhinocéros,
Alain n’a pas le choix que d’avoir l’esprit ouvert.
— Second thing,
stable dans sa carrière ou somewhat stable ça me va. Ça serait idéal qu’il ait un
emploi du temps chargé. Comme je suis souvent occupée, je me dis qu’on n’aura
pas trop de disputes concernant ma disponibilité.
Encore mieux, Alain est
le directeur financier de DHL et se déplace souvent pour son travail.
— Third, qu’il
ait déjà des enfants et n’en veuille plus.
— Tu ne veux plus
d’enfants? je demande surpris, car je pensais qu’elle les adorait.
— À cet âge, les
seuls enfants à qui je veux dédier ma vie sont mes élèves, les miens et ceux
d’un potentiel partenaire si jamais ces derniers ont besoin de moi. Je ne veux
plus jouer dans les couches.
— OK fair enough,
je commente assez inquiet.
Alain n’a que 36 ans
et même pas de fille. Il y a plus de chances qu’il essaie d’avoir un dernier
enfant au moins, mais bref, je prête attention comme elle continue.
—Handsome?
I guess? Je n’ai pas vraiment de critères physiques, I am more of a feeling
person. If I feel you, you have a chance.
— Mais c’est sur
l’âge que tu es intransigeante hein, je ne peux m’empêcher de me moquer un peu.
C’est la première fois que j’entends l’âge passer avant le physique.
— I
guess so, elle rigole. Même si on
met de côté la vieille accusation de l’assistante sociale concernant mon désir
d’être l’enfant dans mes relations, je sais au fond de moi que je suis attirée
par les hommes qui dégagent une aura de sécurité. Am I making sense?
— Yeah, je te
comprends.
— Et je ne me
suis sentie en sécurité qu’avec des hommes âgés même si j’avoue qu’avec le
temps, j’ai accepté que certains avaient profité de moi.
C’est sur cette phrase
que le con d’Alain apparaît l’air satisfait comme quelqu’un qui est bien rassasié.
Va même savoir pourquoi sa tête m’agace d’un coup et je me rappelle aussi qu’à
la base je voulais expliquer à Debby qu’Alain n’était pas méchant pour avoir
frappé ses enfants. L’amour du bavardage c’est quelque chose.
De retour à Lomé, je
ne perds pas une seconde pour me défouler dans les oreilles d’Elikem sur la
condition des orphelins en foyers d’accueil.
— Comment peut-on
refuser à un enfant un toit pour les agissements d’un enfoiré d’ex?
Explique-moi ça.
— Mais je dois
expliquer quoi dedans? Je n’approuve pas, mais disons-nous la vérité. Elle t’a
exposé la dure réalité. Les gens accordent plus de chance à leurs enfants parce
qu’ils les aiment. Ce n’est pas parce qu’ils ont ouvert leurs portes à d’autres
que l’amour est forcément là. Ils veulent juste dépanner donc forcément ils
seront moins tolérants à une erreur.
— C’est injuste,
je dis écœuré. Combien nos propres enfants déconnent? L’amour là c’est si
difficile de le ressentir?
— L’amour c’est
une responsabilité hein Tchaa, je ne te l’apprends pas. Aimer par la parole
c’est facile. L’amour en actes est compliqué pour beaucoup.
— Je n’ai même
pas osé lui demander les raisons qui l’ont conduit en foyer.
— C’est très
bien, je te félicite. J’espère aussi que tu ne lui as pas promis le monde pour la
consoler.
— Ne m’énerve
pas, je suis déjà triste, je lui dis et elle rigole.
— Doucement sur
moi. C’est bien parce qu’on connaît ton côté « défenseur farouche de la
veuve et l’orphelin » que j’ai dit ça.
— Je lui ai
peut-être dit qu’à la place des autres, je l’aurais adopté, j’avoue faiblement.
Elle se frappe le
visage et secoue la tête.
— Romelio, Romelio,
qu’est-ce qu’on va faire de toi.
— Quoi? Je n’ai
dit que la vérité.
— Tu ne devais
pas placer Alain à cette femme? Comment tu te retrouves à faire un cœur à cœur
avec elle au point de lui sortir ton mode « chevalier sur son
destrier »?
— Pourquoi tu n’aimes
pas me respecter? Explique-le-moi aujourd’hui.
— Restitue la
future femme d’Alain avant de me questionner. On sait comment tu opères. C’est
pour me dire dans quelques jours que tu as glissé et vos bouches se sont
collées tu ne sais comment.
— Pfff! J’ai déjà
piqué la meuf de qui à ta connaissance?
— Aucune donc ne
commence pas. Mes oreilles t’ont bien entendu dire que Deborah serait un bon
match pour Alain donc dépose la femme des gens. Tu te savais célibataire avant
de dire qu’Alain était un meilleur candidat, donc continue ton matchmaking. Il
y a la bénédiction dedans.
— C’est bon non?
Je t’ai dit que j’avais oublié peut-être?
— La nervosité,
elle ose rigoler tout haut. En tout cas, joyeux Noël en retard.
— Pfff, va te
faire niquer, je rétorque tout en regardant derrière pour m’assurer que
Hadassah ne m’a pas retrouvé au salon.
— I wish, elle
continue à rire. J’attends que mon gars rentre d’Accra pour le rattrapage du
siècle. Je vais enfin mettre la tenue que tu m’as emmené acheter pour le
séduire. Le reverse cowgirl de la mort que….
— Ouais c’est bon
hein. C’est quoi? Ta vie n’est pas intéressante.
Elle ose rire jusqu’à
ajouter les « krkkr » sur la fin.
— Oh c’était
seulement chic quand tu t’appliquais à m’embarrasser dans le passé hein. Tu ne
t’attendais pas à ce retour.
— Tu te crois
maligne, mais sache que tu n’as rien fait. Que je ne trouve pas ton message sur
mon téléphone me souhaitant bonne année dans quatre jours.
— D’accord alors.
Bonne année maintenant. Je te souhaite une santé de fer, du succès dans tes
défis professionnels, une vie de famille stable et une vie amoureuse
florissante. I love you.
— Ouais ouais, je
te souhaite de respecter ton âge. Tu auras 35 ans et future maman d’un
Asamoah. Ne va pas nous honnir là-bas, je dis ravi pour son futur qui
s’annonce. I love you too.
On se laisse sur ça et
je pense directement à Debby. Le moi dans la vingtaine qui galopait constamment
sur son destrier lui aurait pondu un long texte comme message parce que je
pensais être responsable de partager l’espoir à toutes les personnes blessées.
Le moi de trente ans ne s’implique plus à tout va chez n’importe qui. Je respecte
que chacun a son parcours incluant les difficultés et de toute façon, elle ne
ressemble pas à quelqu’un qui a besoin d’espoir.
***Deborah Nicol***
—But it’s the 31st of
December, je rouspète pendant que Sia continue à faire son sac.
— Oui et ce n’est
pas un jour férié, elle continue. Ce n’est pas parce que les écoles sont
fermées que tous les services le sont.
— Pourquoi tu ne
travailles pas de la maison? Il n’y a personne ici. Oyena aussi est à l’hôpital
et me dit qu’elle ne pense pas rentrer avant 20 h. Je fais quoi de tout ce
que j’ai préparé?
— Tu manges ce
que tu peux, elle dit en me faisant la bise, tu emballes le reste, tu regardes
la télé, tu discutes avec Nana Chantal et le temps que tu t’en rendes compte,
je serais de retour hum? À ce soir, elle ajoute rapidement et chausse ses
flâneurs couleur lilas, marque une pause pour ajuster sa coiffure dense devant
le miroir de la porte d’entrée et s’en va.
Je n’ai tenu que trois
heures pour sortir de la maison après son départ. Vu comment je conduis comme
une tortue à cause du stress que me causent les chauffards de ce pays, j’arriverai
à l’atelier vers midi, juste à temps pour qu’elle mange ce que je lui apporte.
Je me gare devant l’atelier
à 12 : 07 comme je le pensais. Sac isotherme accroché à mon avant-bras, j’ajuste
mes grandes lunettes qui me couvrent le visage et m’engouffre dans l’atelier
aux tons blancs et verts en référence à la nature.
— Ce n’est pas la
peine Lara, je lui fais une surprise, j’explique à son assistante qui prenait
son téléphone après m’avoir expliqué que Sia se trouvait dans leur salle de
shooting.
Je m’y dirige, j’ouvre
doucement la porte pour ne pas les déranger en pleine séance et mes yeux s’arrondissent
devant la scène qui s’impose à mes yeux. Ma fille a le dos contre une table.
Son corsage est ouvert et elle se lèche sensuellement les lèvres tandis qu’Alain
tient à deux mains ses seins qu’il suce avidement l’un après l’autre.
—What the hell? je m’écrie
déboussolée et Alain se détache des seins de ma fille qui me questionne
nerveusement sur ma présence tout en essayant de refermer son corsage.
***Bruce Attipoe***
Le 31 décembre à
17 h, je me suis présenté à la frontière comme prévu pour chercher ma
cousine Tessa. Apparemment, elle et sa mère ont décidé de passer Noël à Tema où
elles ont vécu longtemps avant de continuer en Afrique du Sud. À la frontière je
ne trouve que Tessa qui m’explique que sa mère a préféré rester au Ghana pour qu’on
ne soit pas de trop chez moi.
— Mais Thérèse c’est
quoi ce comportement? Tu m’as entendu te dire quoi au téléphone? je la gronde.
— Ah il faudra parler
directement à ta tante. J’ai tout dit, mais elle a insisté qu’elle ne voulait
pas déranger ta femme.
— C’est chez moi
d’abord et je reçois qui je veux! Elle est même chez qui à Tema?
— Chez nos
anciens voisins.
— Hum. On en
parlera de vive voix une fois à la maison.
Seulement, j’ai choisi
de faire un détour avant de rentrer. Je ne peux pas entrer dans une nouvelle
année sans voir mon frère de galère. Le connaissant, je sais qu’il est remonté
contre moi d’où son silence, donc j’ai intérêt à aplanir les choses avant janvier.
Thérèse en profitera aussi pour le saluer comme ils se connaissent. C’est ce
que j’espérais, mais à notre arrivée, on a trouvé qu’Océane et un bébé potelé
reposant dans son parc.
— Attends, il est
né? je commente encore surpris après les salutations.
— Tu voulais qu’il
reste dans le ventre indéfiniment? elle m’interroge avec humour tout en
déposant sur la table une carafe de jus pour nous.
— C’est juste…attend,
il est né quand pour être si grand déjà?
— Ah, tu aurais
su si tu n’avais pas disparu comme un voleur.
— Laisse ça notre
femme, l’année même fut rude. Je peux le porter?
— Bien sûr, un
moment, elle s’excuse et m’offre des lingettes pour me nettoyer la main avant
de me donner le bonhomme.
— Il est trop
mignon, mais ça ne m’étonne pas vu qui est son père, commente Tessa avec
admiration.
— J’ai ajouté une
bonne dose de charisme aussi, ne me négligez pas, réplique la maman qui m’arrache
un rire sonore.
— Tu as bien
raison. Ce n’est pas Eben seul qui nous aurait fait un bébé aux joues si
mangeables. Ça va mon grand? Hein? Ça va? C’est ton tonton favori, je lui
explique tandis qu’il observe les environs avec la langue qui sort régulièrement
pour chercher son lait, je suppose.
Dire que dans quelques
mois, je vivrai la même chose qu’Eben.
— Le nouveau papa
est même où?
— Tu l’as manqué
de peu. Il est sorti, mais je peux l’appeler…
— Oh non, je la
coupe. On était juste de passage, mais je reviendrai proprement.
Elle acquiesce et après
quelques minutes de jeu avec l’enfant, on prend congé d’eux à contrecœur pour
moi. Pourquoi les femmes sont si compliquées? Voilà Océane qui m’a bien reçu
donc pourquoi elle et Jennifer ne peuvent pas se réconcilier pour qu’on forme
un quatuor? Bref, nous sommes à la maison, mais avant qu’on ne sorte de la
voiture, je demande à Tessa de garder notre visite chez Eben secrète.
— Ma femme est en
froid avec celle d’Eben.
— Ah d’accord, compte
sur moi.
On retrouve Jennifer couchée
sur le sofa au salon. Inquiet, je m’approche et touche son front.
— Ça va? je lui
demande.
— Pas trop. Bonne
arrivée, elle dit à Tessa.
— Merci. C’est
beau chez vous.
— Ça te plaît
hein. Toute la déco vient de Dubaï, je lui explique sur un ton fier.
— Ça m’a coûté un
pécule, mais je ne voulais pas la même chose que les autres.
— Tu ne vis pas
comme n’importe qui toi, rigole Tessa.
— Sa chambre est
prête chérie?
— Je t’ai dit que
je ne me sentais pas bien Bruce, elle répond d’une petite voix, mais je ne vois
pas le rapport.
Combien de temps ça prend
pour préparer une chambre?
— OK, j’abdique,
ne voulant pas me disputer devant une petite de 27 ans.
Je conduis Tessa dans
une des chambres d’amis et vais lui chercher des draps dans notre chambre.
— Je peux le
faire, t’inquiète, elle dit et me prend ce que je lui ai ramené.
— Bon la douche tu
l’as vu non? Fais comme chez toi et n’hésite pas si tu as un besoin. On est au
salon, je lui explique et lui donne de l’intimité.
Je rejoins Jennifer et
décide de laisser passer l’épisode de la chambre comme elle est mal en point.
Le lendemain, c’est le petit-déj qui manque à mon réveil, pourtant elle sait qu’au
plus tard à 9 h, il me faut ma bouffe. Je mange trois fois par jour, non
négociable. Je la rejoins en chambre où elle est toujours au lit les yeux
ouverts.
— Le 1er janvier,
on ne mange pas? Qu’est-ce qui t’arrive?
— Bruce s’il te
plaît, je n’ai pas dormi. Tu étais sur moi pendant deux heures donc j’ai besoin
de repos.
— Tu te couches,
on te baise et c’est un travail pour toi? je m’énerve.
— ça devient un
travail quand je consomme sur des longues durées sans recevoir ma part.
— Pardon? je
rétorque choqué.
— Tu ne me
satisfais pas! Tout ce que tu sais c’est ramoner fort et je dois trouver la
force après je ne sais combien de temps d’endurance pour te préparer le petit
déjeuner? Ta cousine est là non? Demande-lui.
— Tu connais quoi
du sexe pour parler de mes performances? Tu connais le nombre de personnes qui cherchent
les endurants? je fulmine.
— Je suis
enceinte s’il te plaît, j’ai besoin de calme, elle répond doucement et ferme
ses yeux pour me signifier qu’elle compte réellement dormir un 1er janvier
à 9 h du matin.
P.S : on ne
stresse pas a baby and most. Merci de passer le mot à Bruce.