142: Mon reflet

Ecrit par Gioia

***Romelio Bemba***

(Après-midi du 31 décembre)

Je relis le message de Deborah pour mieux comprendre ce qu’elle essaie de dire avant de retour ses quatre appels.

—What the hell is that old geezer you call friend doing with my daughter?

C’est bien à moi qu’elle a écrit ou elle s’est trompée? Parce que le seul ami que je lui ai présenté c’est Alain et je ne comprends pas comment il devient un vieux crouton aujourd’hui alors qu’hier on rigolait tous dans la voiture en rentrant de Kara. Et sa fille se retrouve comment dans l’équation? Tant qu’à faire, je préfère appeler Alain pour être situé d’abord. Il ne répond pas donc je me rends chez lui à Kouvahey. Son aîné m’explique qu’il est sous la douche donc j’attends sur la terrasse.

— Avant que tu me sautes dessus, laisse-moi t’expliquer jusqu’au bout, il dit dès qu’il me rejoint après sa douche.

Je ne commente même pas. Mon cœur s’échauffe rien qu’à s’imaginer la bizarrerie dans laquelle il va me conduire. Son récit finit, je suis debout, bouche ouverte et mains sur les hanches. J’ignore ce qui garde mes mains loin de son visage.

-20 ans Alain? Vingt? je rugis.

— Est-ce qu’elle n’est pas majeure? il ose me répondre en haussant ses épaules.

— Mais tu es malade? N’est-ce pas toi qui m’as demandé de te brancher la mère après l’avoir croisé quand j’allais chercher un jour Hadassah? C’est quoi ce comportement de trou duc?

— Gars…, il commence penaud, tu veux que je te dise quoi? La fille m’a tapé dans l’œil au premier jour du voyage. En plus je ne l’ai pas forcé. C’est elle qui a demandé mon numéro. Je n’ai fait que…

— N’ose même pas finir cette phrase!

Il la ferme gentiment pour son propre bien. Je fais des tours en rage et confus, imaginant ce que Deborah doit penser.

— Imbécile! je lui assène ne pouvant me retenir. Sa mère me prendra pour quoi désormais?

— En même temps, avoue que vous n’aviez pas notre temps hein.

— Pardon?

— Ah dégage. Pardon sort d’où maintenant et tu prends même un air confus? Tu penses que vous passiez inaperçus avec vos longues conversations?

— Tu veux décidément te prendre un coup dans les dents!

— Il n’y a que la vérité qui froisse mon cher, il se permet d’ironiser et s’ouvre une bière. Si tu te décidais à déstresser une seconde, tu verrais que la situation actuelle est meilleure pour tous. Cette femme et toi avez commencé quelque chose. Concentre-toi dessus, on ne sait jamais, peut-être que ton terminus se trouve là-bas.

— On te parle de toi et tes manières de malotru. Qu’est-ce que tu cherches chez l’enfant de 20 ans? Elle peut être l’aînée des garçons bon sang.

— Ce que je cherche hein? il sourit. Je cherche un peu de compagnie, une personne avec qui je n’ai pas besoin de me prendre la tête après avoir géré mon emploi et ses deux garçons turbulents. Comme je te le répète, je ne l’ai pas forcé. C’est parce que ton cœur de fiston de pasteur est fragile sinon je t’aurais montré les trucs salaces que la petite là m’a envoyé ce matin. Je n’ai pas pu résister. Il a fallu que je fasse un petit saut à son atelier pour régler rapidement ce problème et c’est malheureusement ainsi que sa mère nous a surpris en position gênante.

— Seigneur! je m’exclame horrifié. Ne me dis pas que….

— Non je n’étais pas dedans. Je gouttais seulement ses…

— Ouais, épargne-moi les détails! Tu ne pouvais me prévenir? Je sais pas moi, me dire oh by the way, je me rapproche de la fille donc ne me vend plus chez la mère.

— Sur ce coup j’ai merdé, je l’accepte, mais à ma décharge, je ne pensais même pas me retrouver bouche dans la sienne en me levant ce matin. Comme je te dis, c’est hyper récent. On se causait à Kara, mais c’était un jeu de «chacun se tourne autour». C’est au retour qu’on s’est lâché un peu. J’ai essayé d’expliquer à la mère quand elle nous a surpris, mais Sia a préféré s’en charger seule.

J’ai toujours envie de lui foutre mon poing dans la face. Vu comment je tiens Hadassah à l’œil, je ne peux imaginer la furie que ressent Deborah à l’heure actuelle.

— Donc c’est quoi la suite?

— Beh la suite appartient aux dames, tu sais que je suis un gentleman.

Je pousse un juron kilométrique qui le fait rire.

— Quelque part sous cet amas de colère tu sais que je suis un type correct. Si elle ne me sent plus, je ne vais pas forcer, mais si elle est chaude on continue. Je ne cherche pas le mariage à l’heure actuelle comme je te l’ai dit. Tant que j’ai une petite compagnie dans ma vie personnelle qui m’aide à déstresser autant que je lui fais du bien, je suis aux anges.

— Si jamais cette gamine pleure par ta faute Alain…

— Hayiii, tu vas me respecter la petite quand? Une PDG à 20 ans et tu l’appelles gamine.

— Je répète, si jamais j’apprends par sa mère que tu lui as fait un coup foireux…

— Indigne d’un gentleman donc dors tranquille ou plutôt, concentre-toi sur ce qui se passe avec la mère.

— Vieux crouton, je conclus sur ça et le laisse tandis qu’il continue à rire après un « bonne chance gars, je te connais que tu ne rates pas tes cibles ».

***Deborah Nicol***

—I can’t believe it! Je fulmine toujours en soirée. Qu’est-ce que tu fichais avec cet homme? Tu m’as dit que tu allais travailler!

— Et je travaillais…., jusqu’à ce qu’il me visite, me répond Sia.

— Parce que c’est une explication ça? Tu fiches quoi avec un homme plus vieux que toi?

— C’est comment? On vous entend depuis l’entrée, s’annonce Oyena qui vient d’entrer.

— Demande-lui! Elle me plante avec une fausse raison et je la trouve en position compromettante avec un père de deux enfants et surtout seize ans de plus qu’elle!

— Ah? Je comprends mieux les cinq appels manqués de la vieille. Comme ça tu prétextes le travail pour te faire ramoner Sia? l’interroge Oyé tout en pianotant sur son téléphone.

— Tata, elle s’exprime gênée comme si je ne l’avais pas pris en flagrant délit.

— Elle…

Je me fais interrompre par Chantal qui vocifère en mina depuis le téléphone d’Oyena.

— Tu peux faire l’effort d’être originale non? On sent déjà que ta fille Ortencia est passée dans tes oreilles.

— Imbécile! Qu’est-ce que tu apprends à l’enfant de 20 ans?

— Chantal, ce n’est pas sa faute, j’interviens tandis qu’Oyé baille et se triture les yeux.

— Ce n’est pas en prenant sa défense que tu l’aides Debby!

— Elle dit la vérité Nana. Oyé n’y est pour rien, Sia s’essaie.

— Siaka, c’est quoi ça? Qu’est-ce que tu veux me faire? elle reprend sur un ton plus posé. Ce n’est pas la vie ce qu’Oyena fait là à changer d’homme chaque mois ma chérie. Tu n’as que 20 ans. Ne t’embarque pas sur cette voie.

— Chantal, j’essaie à nouveau gênée qu’elle mette tout sur sa fille qui s’est affalée sur la moquette douillette du salon, pieds et bras écartés.

— Elle n’a rien fait, Sia insiste plus fermement. Ce n’est qu’un malentendu que je règle avec maman.

— Effectivement, je renchéris. C’est un petit malentendu qu’on réglait avant qu’Oyé ne rentre de l’hôpital.

— Hum…c’est vrai ça? elle continue dubitative.

— Je gagne quoi à te mentir Nana? Et de toute façon, Oyé n’est pas la personne que tu décris. Elle est intelligente et sa vie privée ne regarde qu’elle.

— Ah bon hein? Et depuis quand l’intelligence est une excuse pour être bordelle? Qui n’est pas intelligent sur cette terre? Si on devait voir les caleçons de tous, pourquoi ne pas se promener nu?

— Peux-tu rester sur le sujet s’il te plaît? Qu’as-tu de pertinent à ajouter pour m’avoir appelé cinq fois? l’interpelle Oyé qui continue de bâiller.  

— Je ne veux pas entendre des rumeurs sur toi Sia, est-ce qu’on s’est bien compris? Mon cœur souffre déjà de ce qu’on raconte sur mon Oyé. Ayez pitié de mon vieil âge et votre mère. Les gens n’attendent qu’une occasion pour la pointer du doigt donc tu n’as pas le droit de suivre la voie d’Oyena. Je me suis fait comprendre?

— Dis seulement oui, on va passer à autre chose, lui chuchote Oyena.

Sia desserre sa mine et donne sa parole à sa grand-mère.

— Les gens, les gens, toujours les gens! râle ma fille dès qu’Oyena raccroche.

— Bienvenue dans les inconvénients d’une société dont la mentalité tend vers le collectivisme, ricane Oyé.

— lls pratiquent le collectivisme quand je dois payer mes factures peut-être? En quoi mes fréquentations personnelles deviennent une occasion pour pointer maman du doigt?

— C’est une vieille mentalité, je lui explique en soupirant. Toutefois, ça n’excuse pas ce que j’ai vu. Tu n’as que 20 ans et rien à faire avec un homme à ce niveau.

— Maman, elle commence sur un ton plus calme que le mien, je m’excuse pour ce que tu as vu, mais cet homme me plaît. J’ai l’âge de choisir mes propres relations tout comme tu l’avais fait avec papa.

— Qu’est-ce que tu me racontes? Tu sais t’occuper d’un enfant? Il y a juste deux ans, je payais encore tes factures!

— Et deux ans se sont écoulés depuis. Je les paie mes factures grâce à l’énorme coup de pouce que tu m’as donné pour lancer mon magazine je le reconnais, mais je suis à l’heure actuelle une personne qui contribue à la richesse de ce pays.

— Ce n’est pas une raison pour fréquenter quelqu’un qui est à un autre niveau dans sa vie. Dis-lui toi Oyena! Les hommes à cet âge ont d’autres priorités. Tu veux te retrouver responsable d’une famille quand tu n’as presque rien comme expérience? Tu n’as eu qu’un copain à 17 ans et la relation n’a même pas dépassé le cap des six mois.

— Bon, comme tu m’as invoqué, essayons de nous comprendre petit à petit. Sia, qu’est-ce que tu attends de cet homme?

— Je veux juste passer du bon temps pour l’instant. On verra bien dans un mois où ça nous conduira.

— Debby, que reproches-tu à Sia?

— Il y a des tas d’hommes proches de ton âge si tu veux passer du bon temps. Pourquoi tu n’en choisis pas un? je réponds énervée par sa désinvolture.

— Pourquoi tu n’as pas choisi un autre que papa toi? elle rétorque sur un ton de défi qui me choque.

— Tu veux dire que c’est ma faute si…

— Non maman! Je veux dire que tu projettes ton expérience sur moi. Ce n’est pas parce que tu as fréquenté des hommes plus âgés à la recherche d’une figure paternelle que je suis en train de faire pareil.

Ses mots me heurtent tellement que j’en ressens une douleur physique à la poitrine. Je ne cherchais pas de figure paternelle, mais la sécurité.

— Je peux reprendre mon rôle de médiatrice? se manifeste Oyena sur un ton plus doux. Bon, je continue. Sia, ta mère n’a pas tort. On s’entend que les hommes de 36 ans ne sont pas pareils dans le monde, mais généralement un homme responsable à cet âge et surtout père a des priorités différentes d’une célibataire de 20 ans. Debby, on sait aussi que ta fille n’est pas comme les autres de son âge. En deux ans d’entrepreneuriat dans ce pays, elle a gagné l’expérience de certains qui ont 30 ans. Sia je reviens sur toi, j’ai demandé ce que tu attends de cette relation parce que ce sont souvent les attentes qui réunissent ou éloignent les gens. Si tu es persuadée que cet homme et toi voulez la même chose, alors je ne peux que te dire bon vent, mais assure-toi de toujours évaluer tes attentes parce qu’elles peuvent évoluer un beau jour. La pire des choses c’est de commencer avec l’intention que tu veux passer du bon temps et deux mois plus tard, il s’attend que tu joues un rôle important auprès de ses enfants alors que tu n’es pas prête. Nonobstant le malaise que lui cause la différence d’âge, je pense que ta mère veut juste t’éviter une potentielle peine de cœur. Pour finir Debby, personnellement je ne vois pas le mal dans le fait que des adultes veuillent prendre du bon temps entre eux. Toutes les relations ne sont pas obligées de finir en « ils vécurent heureux et eurent plein d’enfants » pour avoir leur utilité, surtout qu’aux dernières nouvelles, je n’ai pas entendu Sia mentionner qu’elle attendait une promesse en mariage pour qu’on s’inquiète qu’elle se fourvoie. Qu’est-ce que ça change honnêtement que le gars soit de son âge ou plus vieux si elle sait dans quoi elle s’embarque?

Je n’arrive pas à le dire, mais ma crainte c’est que sa vie reflète mon…

— Je ne suis pas attirée par lui parce qu’il est vieux. Il me plaît parce qu’il est drôle et le reste c’est gênant à dire, elle adresse mon inquiétude. Je sais et comprends que tu veux me protéger, mais je n’en ai pas besoin pour l’instant maman, tout comme Timmy t’a expliqué que ce n’est plus la peine de mettre tes projets de côté pour rester avec lui à Birmingham. Tu as fait de l’excellent travail avec nous sans me vanter. On sait se défendre, on sait ce qu’on veut et on sait comment se concentrer sur nos objectifs. Ce qu’on espère c’est que toi aussi tu vives tes rêves à fond incluant une potentielle relation.

— Pourquoi tu retournes la conversation sur ma vie? je demande proche des larmes par cet aveu émouvant.

— Parce que c’est une opportunité pour en parler.

Je suis au lit deux heures plus tard, l’esprit cogitant sur les mots de ma fille. Romelio a tenté de me joindre trois fois, mais je n’ai pas encore retourné son appel. Mon esprit a automatiquement pensé à lui quand Sia a mentionné une potentielle relation. Ce que j’ignore, c’est quoi faire de cette idée. Je ne veux vraiment pas d’un homme plus jeune, mais il est si intéressant comme personne.

***Jennifer Attipoe au repos***

(Le 1er janvier)

C’est quoi alors ce bruit? Il a bien dit qu’elle vient en famille ou pas? Qu’elle se mette bien et cuisine pendant qu’on y est pfff! J’ai passé une sale nuit avec des courbatures à n’en plus finir. Être enceinte dans mon état c’est une torture parce que la majorité de mes médicaments sont déconseillés et en plus de mes douleurs que les nouveaux médicaments ne calment pas tant, je dois aussi contrôler mon esprit qui craint une fausse couche ou un accouchement prématuré. Vivement que je passe le cap des vingt semaines pour l’annoncer à ma tante. Je ne suis pas habituée à vivre des difficultés seule.

Bruce qui continuait son bruit pendant que j’étais en pleine réflexion se décide enfin à me donner du calme. Je passe presque toute la journée dans la chambre, mais la faim finit par prendre le dessus. Monsieur et sa cousine sont assis à la table à manger et lui se récure les dents. L’odeur qui règne dans la pièce me fait automatiquement saliver.

— Bonjour, je réponds à ses salutations et me tire une chaise.

— Bien reposée?

— Oui, je lui confirme, et toi?

— Oh ça va, je ne suis pas du genre à traîner au lit.

— Contrairement à certains, lance Bruce tout en buvant son vin.

Qu’est-ce qu’il croit faire? Bref, j’ai faim, je n’ai pas le temps pour lui.

— Tu vas me prendre pour un mauvais hôte hein, excuse-moi, je n’ai pas trop la forme.

— Oh ne t’en fais pas pour moi, mais j’espère que ça va toi?

— Oui un peu. Je crève juste de faim, je choisis d’introduire doucement pour ne pas passer pour quelqu’un qui quémande.

— J’ai préparé du…

— Je l’ai mangé hein, l’interrompt Bruce.

— Tu as mangé tout le tajine au poulet? elle rétorque confuse.

— J’ai nettoyé le plateau même, il continue et lèche sa fourchette.

— Mais…euh…beh…je peux voir ce qu’il reste en cuisine, elle annonce et se lève.

Je la suis le cœur brûlant et Dieu sait comment j’ai pour ne pas retourner lancer ma chaussure à la face de Bruce. Le plateau de four dans lequel elle a fait son tajine peut nourrir cinq personnes. Comment les deux l’ont fini? Et elle ne sait pas qu’on réserve pour sa belle-sœur de côté?

— Non Bruce, je suis choquée. On avait à peine mangé le quart. Quand a-t-il fini le plateau? Et j’ai utilisé toutes les pommes de terre qu’il y avait, elle m’achève.

Le cœur serré, je vais voir ce qu’il y a dans le frigo. Du pain de mie en tranches, beurre, de la salade non lavée, un sachet de concombre et deux œufs sur un plateau. Toute la viande est congelée.

— Tu vas trouver quelque chose? elle me demande comme si je l’avais invité dans mes histoires.

— Oui, je lui confirme le cœur brûlant.

— Le 1er janvier, c’est du riz au piment en poudre des œufs bouillis que j’ai mangé! je hurle à Bruce quelques heures plus tard quand nous sommes dans la chambre.

— Ah…le repas du 1er janvier doit être différent des autres jours? il me demande tout en se changeant.

— Tu es normal? Quand tu mangeais là, tu ne t’es pas rappelé que ta femme et ton enfant devaient aussi se nourrir? je fulmine.

— Quand toi tu passes la journée au lit, tu ignores que l’enfant doit manger?

— Attends, c’est à qui tu crois d’adresser ainsi?

— Celle qui m’a dit ce matin que je la fatigue, donc je n’ai pas voulu troubler ton repos. On peut passer pour se rendre dans la salle de bain pardon? il me demande donc je me replante bien sûr son chemin mains sur les hanches.

— Passe! Ose me bousculer et tu comprendras ta douleur.

Il va se coucher et prend son téléphone sans me répondre. Je continue à lui exprimer ma rancœur au point de m’épuiser puis je me couche. En moins d’une minute son avant-bras entoure mon cou et l’odeur la plus désagréable possible me fouette le nez. Je me débats, mais il me retient.

— Tu veux aller où? Tu restes ici comme tu n’as pas voulu que je me lave.

— Bruce c’est quoi ton problème? Pourquoi tu veux me donner des crises? Enlève tes aisselles puantes de ma face seigneur.

— Je te redonne ce que tu m’envoies Jennifer. C’est maintenant que tu vas me connaître, il dit et m’embrasse sans me demander la permission.

***Romelio Bemba***

Le dimanche 2 janvier, je suis à l’église avec ma fille. C’est le premier dimanche de l’année et ma première requête c’est que Dieu ramène le cerveau d’Alain à l’endroit. À cause de ses conneries, Deborah est en mode silence depuis le 31. Je pense à demander à Oyena où elles habitent pour m’expliquer en face à face avec Deborah. Je déteste tellement qu’on crée des embrouilles avec mon nom que j’en lève les yeux d’exaspération et en les baissant, je tombe sur la paire de cuisses la plus déroutante de l’année. Attends, nous sommes toujours à l’église? Que fait une minijupe ici? Hadassah qui s’était rendue aux toilettes revient et la propriétaire de la mini la complimente avec un « jolies chaussures » tout en reculant pour la laisser passer.

— Merci, jolie jupe, commente aussi ma fille en passant avant de s’installer à ma droite.

Jolie jupe c’est peu pour décrire le résultat du jaune sur cette peau d’ébène si éclatante que j’en suis aveuglé. Mais qu’est-ce que…, je me donne un coup à la tête pour revenir à l’instant présent.

— Ça va? j’entends de Hadassah.

— Oui, je confirme et me sermonne.  

Premier dimanche de l’année en présence de Dieu et c’est ce moment que la chair veut se réveiller. Pfff l’homme ne respecte rien. La prière d’ouverture finit. Place à la louange et l’adoration dans lesquelles j’essaie de me plonger, mais rien n’y fait. Mes yeux se forcent à loucher vers Sister mini sur ma gauche. Je n’ose pas regarder dans sa direction de crainte qu’elle croise mon regard et comprenne qu’elle est l’objet de mes questions. J’admire ses jambes dodues qui finissent sur des petits pieds encastrés dans des escarpins de couleur chair. Le diacre Arthur nous invite à reprendre place. Quelque chose glisse de ses mains pendant les annonces et lorsqu’elle se penche pour le prendre, je vois son profil. Le teint est pareil du visage aux cuisses. J’ose jeter un coup furtif à son profil et tombe plutôt sur une multitude d’yeux qui regardent dans notre direction. Sister Mini sera le sujet de conversation dans plusieurs foyers ce soir, je rigole rien qu’à y penser. Je connais bien mon peuple chrétien. Il faut avoir de l’audace pour débarquer ainsi dans le lieu saint des gens. J’arrive à me concentrer sur une partie du message jusqu’à ce que Sister Mini décide de croiser ses jambes. Qu’ai-je fait pour mériter ça? J’essaie de me rappeler à l’ordre en me convainquant qu’elle a probablement vingt ans et la dernière chose que je veux, c’est de ressembler à Alain. Ça marche à moitié, mais assez pour que je me concentre sur la chanson qu’intime le pasteur à la fin de son message. Jésus l’ami de mon âme. Je me concentre sur lui et chante à haute voix jusqu’à ce qu’un parfum fruité chatouille mes sens et cinq minutes plus tard, on me pince doucement. C’est Hadassah qui me lance un regard rempli de jugement. Elle tire sur ma main pour que je me penche vers elle.

— Les paroles ce n’est pas par hasard, « Ce n’est pas pour moi, car tu ne me dois rien Seigneur, oui toi seul es Dieu? »

— Qu’est-ce que j’ai dit? je demande anxieux.

-« Ce n’est pas pour TOI, car Je ne dois rien Seigneur ».

— Pourquoi tu mens sur moi?

— Eh…, elle fait étonnée.

— Respecte la présence de Dieu et arrête de me déconcentrer.

Les autres chantaient à haute voix aussi, donc personne ne m’a entendu. Je le sais. Le message finit sur une session de quelques prières. Nous sommes invités pour la dernière à faire face au voisin pour prier et le pasteur insiste qu’on choisisse un inconnu. Je me détourne de Hadassah et fais face à la sœur au visage aussi captivant que ses cuisses sur lesquelles j’aurais pu voir mon propre reflet tellement elles étaient brillantes. Lunettes dans ses cheveux, pull gris comme haut, une chevelure noire soyeuse, un mélange de ses cheveux et d’extensions je suppose, une bouche qui me suggère des idées qui n’ont rien à faire dans mon esprit.

— Je ne sais pas vraiment prier, désolée, elle s’excuse mi-gênée, mi-flirteuse.

— Vous savez être sincère?

— Drôle de question, mais oui, elle répond avec un sourire amusé.

— Dans ce cas, restez sincère dans vos mots et ils iront tout droit aux oreilles de Dieu. Alors, qu’est-ce que la sœur attend de Dieu cette année? je lui demande comme indiqué par le pasteur.

— Je sais même pas en fait. Je suis perdue. J’ai besoin de direction. Dois-je rester ici? Retourner d’où je viens? Pourquoi Dieu permet que je vienne ici sans but précis? Dois-je me lancer dans l’entrepreneuriat? Je ne sais même pas si c’est sensé comme requête, elle m’avoue anxieuse et je souris.

— Vous avez besoin de clarté dans vos projets.

— Oui, exactement, c’est ce que je veux et qu’il ne me laisse pas essuyer une énième déception.

— D’accord.

— Et vous?

— Qu’il me dirige vers la femme avec qui je finirai mes jours dans le bonheur.

— Oh…pardon, elle s’excuse honteuse main sur la bouche après avoir ri instinctivement. Je ne voulais pas me moquer, je ne m’attendais juste pas à ça vu ce à quoi vous ressemblez. Je suis vraiment désolée.

— Ça va, ce n’est pas grave, je la rassure.

— OK, alors comment on fait? Il semble que les autres aient déjà commencé.

Je lui prends les mains et commence à prier.

— Seigneur, je te remercie pour cette magnifique journée et opportunité que tu nous donnes de pouvoir prier les uns pour les autres. Je te remercie pour la vie de ta fille et la miséricorde dont tu fais preuve envers nous. Nous avons la foi que tu ne l’as pas conduit ici par hasard. Tu sais mieux que moi ainsi qu’elle ce dont elle a besoin. Tu connais ses besoins et nous savons que ta main n’est pas courte quand il s’agit de nous sauver. Elle vient vers toi le Dieu de l’ordre parce qu’elle a besoin de clarté. Elle cherche quelle voie prendre et te fait confiance en ce qui concerne sa vie. Père éternel, agis pour elle, rends favorables les circonstances et mets dans son cœur l’assurance lorsqu’elle sera sur cette voie. S’il advenait que ta volonté soit contraire à ses idées actuelles, nous prions que tu lui donnes le courage de te suivre malgré tout, parce que nos visages ne se couvrent jamais de honte lorsqu’on tourne nos regards vers toi. Arme là de patience en attendant que sa réponse arrive et demeure son guide à jamais. Merci pour tes bontés qui se renouvellement constamment pour nous et sois élevé à jamais, amen, je conclus et quand j’ouvre les yeux, elle me fixe.

— Je…désolée…, j’ai oublié de prier à force de vous écouter. Ça va être ridicule ce que je dirai, vous êtes pasteurs?

— Non, je ne suis qu’un chrétien comme vous.

— Oh, mais vous priez…, bref les questions pour après, elle se ressaisit seule et ferme les yeux. Jésus, tu sais que je suis imparfaite, je ne sais pas quels mots utiliser pour te plaire, mais j’espère que tu vois ma sincérité. Je prie pour cet homme qui vient d’adresser tous les points importants de ma vie actuelle. Tu le connais mieux que moi et sais qu’il a besoin de sa côte. S’il te plaît, permet-lui de la trouver le plus tôt possible et qu’elle excède ses espérances. Accorde-lui beaucoup d’amour et plein d’enfants oh…et aussi une bonne santé. Umm..Amen, elle murmure sur la fin et me fait sourire.

— Amen, je répète.

Le pasteur applaudit pour signifier la fin des prières collectives. Place à une petite séance de danse en allant cotiser. Au retour, je vois les jambes de Sister Mini vers la porte. Je n’ai que le temps de visionner son postérieur avant qu’elle ne sorte de l’église. À la fin du culte, je salue mes parents et rejoins Arthur qui me parle sans tarder de la sœur à la minijupe.

— C’est quoi son nom?

— Aucune idée.

— Hayiii, tu n’as pas demandé son nom avant de prier avec elle?

— Donc tu m’as vu prier avec elle au lieu de te concentrer sur ta prière hein, je commente amusé et il rigole.

— Ah, je doute que la majorité ait réussi à se concentrer aujourd’hui hein. Entre ceux qui étaient choqués et les intrigués, la sœur a défrayé la chronique.

— Et vous aimez ça. Continuez, Dieu vous voit.

On le dépose chez lui avec la promesse de repasser dans une heure pour manger ensemble, mais c’est Deborah que je trouve en arrivant chez moi. Hadassah prend sa tête des mauvais jours quand je l’envoie en chambre se préparer pour le rencard avec Arthur le temps que je m’entretienne avec Deborah.

— Ça va? je demande quand elle commence à s’excuser.

— Oui je…désolée pour mon message, ça m’a chamboulé l’esprit de voir Sia avec Alain.

— Je comprends et je t’assure que je n’étais pas au courant. J’ai essayé de raisonner Alain, mais…

— Sia est grande. Si c’est son choix, je dois le respecter, elle conclut. C’est quoi ton choix?

— Comment ça?

— Je…je…peut-être que je suis rouillée, mais j’essaie de t’inviter à diner pour qu’on finisse la conversation de Kara? Si ça te tente? elle propose timidement.

Mon cœur s’affole par ce revirement de situation. Elle est prête à accepter un jeune désormais? 

D’amour, D’amitié