
143: our pride and joy deep inside
Ecrit par Gioia
***Cédric Yafeu
Asamoah***
Couché avec
l’intention de me reposer après une matinée éreintante, je me fais réveiller
par Elikem pour des trivialités.
— Bleu ou noir
velours? elle me demande en soulevant deux de mes costumes.
— Dans quelle
langue dois-je te dire que je n’ai pas envie d’y aller?
— Dans la même
langue qu’a utilisée ta responsable des relations publiques pour t’expliquer
que tu n’as pas le choix. Bleu ou noir velours? J’ai à faire donc, dépêche-toi.
— Je n’irai pas,
j’insiste agacé.
— Tu as raison,
c’est plus facile de trouver une tenue assortie au noir velours, elle réplique
satisfaite et retourne vers ses deux valises défaites au sol tout en poussant
la chansonnette.
Nominé aux TEA awards
(The entrepreneur Africa Awards), je suis supposé m’y rendre cette fois parce
qu’à la dernière minute, mon responsable des relations publiques chargé de me
représenter dans ce genre de cérémonies s’est désisté pour raisons familiales.
— Je ne vois pas
l’utilité d’y aller quand on sait que je ne vais rien gagner. Ce sont des Nigérians
qui organisent cette cérémonie et ils dominent majoritairement dans les
victoires avec un 3 % pour les autres, j’essaie de lui expliquer espérant
qu’elle calme ses ardeurs.
— On t’a nominé
dans cinq catégories Yafeu. Tu vas y aller et célébrer la reconnaissance qu’on
accorde à ta compagnie déjà parce que tout le monde n’a pas eu la chance de
passer par le tamis.
— Dois-je te
rappeler qu’il te reste à peine 36 h de repos avant de retourner à tes
patients?
— Je dis
monsieur, ce sont tes 36 h?
— Tu crois pouvoir
te taper cinq heures de vol, arriver à Lagos, chercher une tenue, assister à
une cérémonie de trois heures voire plus, refaire ce tralala et être en forme
au travail en 36 h? Tu te prends pour qui?
— Je me prrrrrrends
pour ce que je suis mon cher, et je t’annonce déjà que le shopping à Lagos ne
sera pas nécessaire. Quand tu as des gens qui se marient sans cesse dans ta
vie, les robes de cocktail ne manquent pas dans ton armoire, elle rigole
triomphalement après avoir étalé trois tenues sur le lit.
— Tu connais la
femme qu’on appelle Belle? Je suis sa fille, ne nous néglige pas, comment ça!
elle s’exclame et rigole à nouveau comme si elle venait de gagner je ne sais
quoi.
Comprenant qu’on l’a
perdu, je ne me fatigue plus. La minute d’après, elle est en appel avec son
amie qui lui donne non seulement son opinion sur les choix, mais mentionne
aussi ce qu’elle devrait porter comme bijoux. Des boucles prises à Paris dix
ans plus tôt ainsi que l’huile dorée qu’on lui a offerte pour ses 28 ans parce
qu’elle se mélange bien au parfum Guerlain Shalimar, rien que des suggestions
qui me laissent bouche bée. J’ignore ce qui me choque le plus entre l’huile
qu’elle a depuis 28 ans et le fait que quelqu’un se rappelle de boucles
d’une autre depuis dix ans. Les femmes sont surprenantes.
— Maman Théodore
on est bon, elle déclare fièrement après avoir déposé les boucles, le sac et
les chaussures sur la robe choisie comme lui a demandé son amie.
— Imbécile,
toi-même Théodore, se marre son amie.
— Le papa de Théodore
n’a pas interdit les gros mots autour de son dauphin?
— Mais tu es
malade hein. Dauphin carrément?
— Je te dis
toujours que ce n’est pas n’importe qui tu as entre tes mains. Le nom du dauphin
Ezer Théodoros Tountian Ajavon premier de sa lignée retentira dans diverses
contrées et par les mers.
— Les
bénédictions de la tante sont si lourdes que je crains même de dire amen, elle se
marre. En tout cas, représente-nous bien là-bas et félicitations à notre oncle
CEO pour ses accomplissements. La famille Tountian est de tout cœur avec lui.
— Mr le
pessimiste, tu entends?
— Tcho! Elikem la
personne est là et tu ne me dis pas de contrôler ma bouche?
— Tu ne peux rien
dire qui dépasse mon niveau, elle répond amusé et me demande par un signe si je
veux parler à son amie.
Je hoche la tête et
prends le téléphone. Son mari apparaît avec le petit pendant qu’on se parle
donc j’en profite pour lui dire également bonjour. C’est drôle quand on y
pense. Il y a moins de six mois, je prenais l’avion prêt à faire de la vie de
sa sœur un enfer si elle portait mon enfant. Nous aurions pu devenir ennemis
jurés lui et moi, mais il a gagné mon estime par la façon dont il a géré
l’histoire de sa sœur. C’est lui qui avait suggéré que sa sœur clarifie la
situation par vidéo pour qu’Elikem entende la vérité de sa voix plutôt que ça
vienne de moi. On se laisse assez vite parce qu’Ezer demande leur attention.
Trois heures plus
tard, nous sommes prêts. Marley est en chemin pour venir nous conduire à
l’aéroport.
— Mets ton
business plan sur une clé comme ça tu pourras le relire le temps qu’on arrive à
Lagos, je lui rappelle.
— Mon business
plan sur une clé? elle me questionne d’un regard dubitatif.
— Les cérémonies
comme celles-là sont des opportunités pour rencontrer de potentiels
investisseurs, partenaires et mentors. Assure-toi de t’inclure ta future
clinique dès qu’on te demandera ce que tu fais ce soir.
— Non mais attends,
de quoi tu me parles? Je n’ai que des prémices, on ne peut même pas parler de
business plan.
— Tu n’as pas
forcément besoin d’un plan détaillé. La majorité des investisseurs savent que
les chiffres énoncés ne sont que des estimations vu que les charges sont des
données qui fluctuent dans le temps. Il te suffit de mettre un accent sur la
vision et les objectifs de ton idée ainsi que le marché ciblé.
— Mais…et c’est à
quelques minutes du départ que tu me l’annonces?
— On sera dans
les airs pendant un peu plus de cinq heures et il nous restera deux heures
avant la cérémonie. Pourquoi tu paniques comme si on te demandait de composer
un difficile examen dans les minutes suivantes?
— Tu sais quoi,
tu es tellement soûlant quand tu t’y mets!
C’est ainsi qu’elle se
fâche et le reste durant le vol au point de repousser ma main quand je la pose
sur son genou. Est-elle déjà enceinte? Si oui, je serais le grand gagnant de la
cérémonie.
De MMIA (l’aéroport)
on s’engouffre dans un taxi en direction de l’appartement d’Eko Atlantic
réservé par mon PA.
— On va rester
fâchés? je lui demande pendant que l’ascenseur nous conduit à l’étage où se
trouve notre appartement.
— Tu m’as entendu
dire que je suis fâchée?
— Fatigante, je murmure
quand l’ascenseur s’ouvre. L’embouteillage est monstrueux sur certaines routes
de Lagos donc essaie d’être prête en max une heure, je lui lance avant que
chacun s’engouffre dans les différentes salles de bain.
En 45 minutes je
suis prêt. Je me donnais un coup de peigne quand son parfum favori m’a attiré
vers la chambre d’où elle est sortie, splendide dans cette robe longue drapée
orange qui souligne ses courbes affriolantes.
— Je suis à
l’heure? elle demande un peu inquiète.
Je m’avance et du
pouce j’efface la partie de son gloss qui déborde légèrement sur sa lèvre
inférieure.
— Pile à l’heure,
tu es ravissante.
Elle lisse de ses
mains les revers de mon blazer, et me sort un pep talk inattendu.
— Que tu gagnes
ou perdes, tu es déjà un conquérant ! C’est
ton travail qui t’a conduit ici, tu mérites d’y être et des nominations tu en
recevras encore parce que ton équipe et toi travaillez d’arrache-pied pour nous
fournir de l’équipement médical performant. Je suis fière de toi Yafeu.
— Tu me suivras
pour récupérer les prix si je l’emporte, je lui annonce touché par sa
reconnaissance.
— Mais oui bien
sûr, j’ai mérité le podium aussi n’est-ce pas, elle rigole.
Bras à sa taille, nous
descendons dès que notre chauffeur de la soirée me prévient de son arrivée.
La salle est à moitié
remplie à notre arrivée à l’hôtel Oriental. Nous avons encore du temps d’ici le
début de la soirée donc je la conduis vers des visages familiers pour des
présentations et un peu de networking. Je la laisse mener les échanges et
n’interviens que lorsque je la sens douter, mélanger ses mots ou considère
qu’elle a omis des détails pertinents comme je connais les besoins médicaux de
la population ghanéenne.
— Alors? Je me
suis pas mal débrouillée pour quelqu’un qui s’est préparé en plein vol non?
elle m’interroge sur un ton faussement confiant.
J’embrasse son front
et passe le bras autour de son épaule.
— Tu te
débrouilles toujours comme un chef.
Elle avance sa face
donc je baisse la tête, croyant qu’elle veut m’embrasser, mais c’est une menace
qui sort.
— Merci pour le
coup de main, mais sache que ce chef fera pleuvoir des coups sur ta tête au
point de te rendre chauve la prochaine fois que tu me mets devant le fait
accompli.
— OK boss, je dis
amusé et pince sa lèvre inférieure pendant qu’on arrive à notre table.
Une heure plus tard,
je suis surpris d’être encore là et d’apprécier la soirée. En général j’aurais
commencé à me faire chier dès la fin du discours d’ouverture et trouvé une
opportunité pour disparaître dès l’annonce des premières catégories, mais
l’excitation d’Elikem est contagieuse. Elle ressemble à un enfant dans une
boutique de jouets depuis qu’on liste les accomplissements des différents
nominés. Quand je n’ai pas réponse aux questions qu’elle me pose sur eux, elle
prend en note leurs noms sur son téléphone pour supposément les chercher après
sur internet.
— C’est une
connaissance, je chuchote à son oreille quand on désigne l’un de mes poulains
parmi les lauréats de la catégorie « Top 10 Startups of the year ».
— Prépare-toi tu
es le prochain! elle me déclare avec force tout en applaudissant avec vigueur
comme si c’était ce qui allait faire pencher les choses en notre faveur.
Je hoche la tête,
l’air amusé sans rien ajouter. Ne brisons pas ses rêves d’enfant.
Enfin arrive la
première catégorie dans laquelle nous sommes retenus. Elle dégaine son
téléphone comme une arme. On liste les faits saillants de Nyameba BME, les
fellowships et awards à notre actif. Sans surprise, le prix passe à un autre.
— C’est rien Ceydoux,
positive attitude hein, elle m’annonce directement.
Je hoche simplement la
tête.
Seconde catégorie,
elle continue à filmer. Le prix va à un autre.
— C’est cube
maggi qui fait pub sinon sel est serein, elle m’adresse à nouveau.
— C’est toi qui
connais, je confirme pince-sans-rire.
Trop occupée par son
téléphone qu’elle bouge pour filmer, elle n’adresse même pas mon ironie.
Place à la troisième
catégorie, « Global-standard company of the year », je me demande s’il faut lui expliquer
qu’elle peut reposer son pauvre bras quand elle se lève brusquement et me
regarde avec les yeux les plus ronds au monde.
— Ton té…., je
commence, mais m’arrête parce que certains aussi me regardent avec des sourires
triomphateurs.
— Nyameba BME?
j’entends du micro.
Elle tire sur ma main
pour que je me lève. Confus, j’avance vers le podium, mais je continue à
m’interroger. On a remporté le prix? La présentatrice me remet le trophée
tandis que son coprésentateur s’écarte pour que je me place devant le pupitre.
— Je m’excu..,
sorry je me corrige sur un rire nerveux comprenant que j’ai parlé en français,
my apologies, I wasn’t expecting it.
Quelques rires emplissent
la salle. Elikem est la première que mes yeux croisent. Elle est toujours
debout. Un pouce en l’air et son autre main tient le téléphone braqué sur moi.
Son sourire est si immense que j’oublie le public et rigole avant de formuler
un discours rapide.
Je finis la cérémonie avec
deux trophées en main. En plus du « global-standard company of the year », j’ai personnellement reçu le « business coach of the year » et je continue à contempler d’un air
incrédule les récompenses dans mes mains. Le troisième trophée, le plus
important, joue au photographe parmi les professionnels. Tantôt elle prend des
poses dangereuses, tantôt elle m’indique des gestes à faire pour ses photos
personnelles. Ce qui me tue c’est qu’elle ne remarque même pas combien elle
agace les professionnels.
***Elikem Akueson***
« Je ne vais pas
gagner, au lieu de te reposer pendant tes 36 h tu préfères te rendre à une
cérémonie où on perdra du temps ». Pfff, je lui aurais donné un coup à la
tête si je n’étais pas si euphorique. Je suis même surprise qu’il se prête à la
longue séance photos, mais il finit par me faire signe de m’approcher. Je
chuchote à sa mère que je vais devoir arrêter la vidéo.
—Honey, you
did more than enough. Go enjoy your night and we will talk later.
(Ma chérie, tu en as fait
plus qu’assez. Va profiter de ta soirée et on se reparle plus tard.)
—Yes thank
you my dear, ajoute son père.
Je hoche la tête et coupe
avant que leur fils ne s’impatiente. Il me donne un trophée et m’attrape par la
hanche pour me coller à lui.
— Tu m’as
contaminé avec ta bonne étoile, il ironise.
— C’est la grâce
de mon prénom. Tu veux rester après les photos ou on…
— Je t’emmène
quelque part, il me coupe et m’embrasse furtivement sur la bouche.
Tout juste après les
photos, on fait un dernier tour pour féliciter certains et direction la sortie pendant
que je l’interroge sur l’endroit où on se rend.
— Tu verras bien.
— Mais donne des
indices, on sera en public ou seuls?
— Tu veux faire…
— Cédric Asamoah?
on entend d’une voix masculine.
Nous levons la tête et
je sens que Cédric se raidit contre moi.
— Mr Meledje,
bonsoir.
— Bonsoir et
toutes mes félicitations, lui dit cet homme qui semble avoir l’âge de mon papa
Eli.
Meledje c’est le nom
de Bérénice. Je suppose donc qu’il s’agit de son père?
— Tu peux
m’accorder une minute s’il te plaît? Puis-je? il s’adresse à moi pour la
seconde question.
— J’ai rappelé
notre chauffeur avant la séance photo donc il doit être probablement là. Tu
peux m’attendre dehors? me propose Cédric.
— OK, j’accepte à
contrecœur.
Les voitures sont
disposées en file devant l’hôtel. Je trouve facilement notre chauffeur, mais je
suis tellement assaillie de questions que je l’attends dehors au lieu de
m’installer. Il me rejoint sans trop traîner, mais paraît songeur.
Comme nous sommes dans
la dernière rangée d’une Escalade V, je considère que le chauffeur est assez
éloigné pour qu’on puisse avoir une conversation privée.
— Je peux savoir
ce qui se passe ou tu ne veux pas en parler? je l’interroge après de longues
minutes silencieuses.
— Bérénice a
disparu de la circulation et comme son père, invité aussi à la cérémonie, m’a
vu récupérer le prix, il a cherché à me voir espérant que je l’aide à la
retrouver.
— Pourquoi il se
tourne vers toi pour la retrouver? Il vous pense toujours ensemble?
— Non, il sait
que je la faisais suivre.
— Tu la faisais
suivre? je demande étonnée.
— Mesure de
précaution depuis qu’on a reçu des menaces quand nous vivions à Pretoria. Je te
fais suivre aussi lorsque je ne suis pas à Nairobi.
— Yafeu, je
m’exclame choquée. Comment ça tu me fais suivre sans mon consentement?
— Mesure de
précaution, il répète comme si c’était une raison valide.
Il y a plus important
pour l’instant donc je laisse couler.
— Alors? Tu fais
comment pour Bérénice? Celui qui la suivait…
— Le détective,
il clarifie. J’ai essayé de le joindre sans succès. Généralement, il me fait un
rapport aux deux semaines quand il n’y a rien d’alarmant.
— Il est tard à
Nairobi, il doit dormir. Qu’est-ce qu’on fait? je m’interroge embêtée. Tu as
essayé d’appeler Bérénice?
— Non.
— Mais voyons,
c’est la première chose à faire. Peut-être qu’elle était hors service quand son
père…
— Il n’aurait
jamais osé l’appeler. Je doute qu’il connaisse son numéro et même si…, bref ce
n’est pas l’amour fou entre eux.
— Dans ce cas,
tiens, je dis et lui présente mon téléphone. Avec un peu de chance, elle
prendra puisque c’est un numéro inconnu. Allez! je dis et pousse le téléphone
dans sa main. Il n’y a pas une minute à perdre. Peut-être qu’elle est malade ou
je sais pas moi, elle a besoin d’assistance?
Il compose le numéro
et porte le téléphone à son oreille tout en observant curieusement.
— Tu peux
rejoindre son père quand elle répondra? Ça le soulagera probablement d’entendre
sa voix.
— Tu es….allô?
Bérénice? il dit surpris, qu’elle ait répondue.
Je suis tellement
soulagée que j’en respire bruyamment, mais ce n’est que de courte durée. Yafeu
se met à savonner si brutalement Bérénice que j’en suis muette d’étonnement. On
croirait un frère avec sa sœur.
— Ose raccrocher et
tu verras, il lui dit d’un ton menaçant tout en descendant et me dit par un
signe de le suivre.
Ma présence est
nécessaire? C’est la question que je me pose, mais je le suis malgré tout. Il
passe l’appel en HP et comme je m’y attendais, le papa a l’air si soulagé que
son regard devient mouillé. Yafeu finit l’appel avec une menace qui me fait
sourire de gêne à cause de la présence du papa.
— Elle a besoin
de vous, il lance soudainement sur un ton accusateur à l’endroit du père.
— Je sais, mais…
— Il n’y a pas de
mais qui tienne Ferdinand, il l’interrompt rudement. Ce n’est pas tout de
suivre sa vie à distance et forcer des relations avec son entourage. Prenez le
taureau par les cornes.
— Tu as raison,
il approuve d’un air brisé.
Je me retire tout doucement
pour ne pas ajouter à son embarras. Yafeu me retrouve quand je m’engouffre dans
l’escalade.
— Juste pour qu’on
soit clair, je ne suis plus amoureux de Bérénice, il commence après avoir dit
au chauffeur de démarrer. Tu n’as pas à t’inquiéter.
— Je ne suis pas
inquiète.
— C’est vrai ce
mensonge? il demande avec un air moqueur.
— Je peux te
reprocher beaucoup, mais pas la perfidie. C’est bien toi qui m’as dit l’an
dernier que vous aviez vécu une histoire profonde et qu’elle appartient au
passé non? Pourquoi dois-je m’inquiéter maintenant?
La voiture s’arrête
avant qu’il n’ait le temps de répondre.
— Qu’est-ce qui
se passe? Why are we stopping? je demande à l’endroit du chauffeur.
— Viens, répond
Yafeu. On rentre par bateau.
— Comment ça on
rentre par bateau?
— Le terminal là
où tu vois les quelques traversiers s’appelle Five Cowries Creek. C’est assez
loin, tu arrives à les distinguer? Il m’interroge, main au-dessus de ses
sourcils comme s’il essayait de rendre sa vision plus précise.
— Attends, pardon,
attends, tu as aussi un bateau? je demande prise de court.
— Non, j’ai
demandé à mon cousin de me prêter celui de sa femme. On va traverser la lagune
de Lagos jusqu’à la marina d’Eko Atlantic.
— Tchaiii, ton
cousin a une femme qui a un bateau?
— Un petit yacht
si tu préfères.
— Quand demandes-tu
à ton cousin un petit yacht alors que ce matin, tu luttais par tous les moyens
pour zapper ce voyage?
— Dans l’avion
quand tu boudais. Yeah we will be fine now, thanks, il s’adresse au chauffeur
qui venait de lui demander si nous savions comment nous retrouver.
C’est ainsi qu’on longe
le pont qui mène au terminal en question et mes pieds touchent ce que monsieur
désigne « un petit yacht » pour la première fois de ma vie. On rencontre
le timonier, enfin…, je suppose, je ne sais même pas si c’est le bon nom pour
celui qui tient la barre, mais bref, c’est lui qui nous accueille et nous fait
faire le tour avant de nous laisser.
— Il y a petit dans
petit hein Monsieur, je commente subjuguée par l’intérieur.
Il y a un lit, une
sorte de salon et même un coin cuisine, pourtant de l’extérieur on ne s’attend
pas à trouver autant. Ou c’est mon ignorance qui parle, je ne sais même pas. Le
timonier…bref, le monsieur qui mène la barre revient nous avertir qu’il est prêt
dès qu’on l’est.
— Rejoins-moi à l’avant
dans une dizaine de minutes, pas moins que ça, il me dit et s’en va après un
bisou sur le front.
Cet homme va finir par
me rendre folle avec son amour pour les décisions de dernière minute. Dire que
j’avais prévu l’inciter à faire une petite virée en club ou un endroit festif,
histoire de faire pleuvoir les billets sur lui. J’ai même pris mon Chanel 2.55
pour y enfouir la liasse de coupures de 500 Khs dans tellement j’étais confiante
qu’il remporterait au moins un trophée. Bref, je sors la robe que je devais porter
pour le club et l’enfile maintenant.
— Ouais mes
achats vraiment, je dis tout haut, mitigée devant la fente de l’enfer sur le côté
de la robe.
Elle monte jusqu’à mon
omoplate et pour je ne sais quelle raison, le styliste a cru qu’il faisait un
compromis avec la décence en ajoutant une corde qu’on peut attacher au niveau
du ventre. Pourtant, même le string le plus fin ne sera pas assez discret pour
ça. Bref, il fait nuit noire, c’est l’heure d’Elikem after dark. Ce que je fais
ici reste sur le yacht. (Quelque chose qui est after dark là c’est pour représenter
ce qu’on fait quand les enfants et les grands-parents sont au lit.)
Je remonte à l’avant à
pas d’escargots comme les filles qui portent les talons de 10 cm pour la
première fois. Un petit faux pas et mes lèvres (celles de l’entrejambe) feront
une apparition magistrale. J’arrive sur le pont, confuse et me questionne sur
la présence de cet autre homme avec lui.
— What the…, il
murmure et en un pas, il me cache la vue.
— À quoi tu joues?
il m’interroge agité. Tu veux que je crève les yeux du saxophoniste?
— Le saxophoniste?
je répète bêtement.
—Care to
explain why you are scantily clad?
(On peut comprendre le
pourquoi tu es presque nue?)
—I was
supposed to be your hot little thing tonight, mais le saxophoniste…., il fout
quoi là? Oh my God, Oh Lord, je m’écrie
soudainement mains devant la bouche, yeux arrondis. (Hot little thing c’est une
façon de dire une meuf aguicheuse)
Comment je suis bête
alors! Il veut me demander en mariage, sinon pourquoi…
— Pourquoi tu
prends l’air d’un babouin à qui on vient de faire une grimace?
— Imbécile. Il n’y
a que toi pour comparer une femme qui veut te plaisir à un babouin. Garde même
ta demande, pfff! je maugrée, mais il m’attire contre son torse dur et pose ses
mains dans le bas de mon dos.
—You can
start my guy, sorry for the delay, il dit à l’endroit du joueur.
Dès la première
minute, je reconnais Spanish Guitar de Toni Braxton. Il me fait valser
doucement contre son corps, mais son emprise sur moi est possessive.
— Tu es tellement
incontrôlable. Une minute tu es sage et tranquille, la suivante tu viens avec l’agressivité
au nom d’être « my hot little thing ». Je ne peux pas avoir la paix à
tes côtés madame?
— Être ton hot
little thing implique que tu aies chaud monsieur. C’est ce dans quoi tu as choisi
d’embarquer donc il faut supporter.
Sans prévenir, il me
mordille le nez et son haleine fraîche me fait tressaillir.
— Je n’aurais définitivement
pas la paix, il conclut, mais bon, pour une tête pleine, un corps qui me rend
si dingue que j’ai cette chanson en esprit depuis l’an dernier et une
personnalité qui m’a attaché en si peu de temps, je suppose que je peux me
passer de la paix.
— Oui, je dis émue.
— Oui quoi? Oui ton
père?
— Tu peux ne pas
gâcher ma demande en mariage s’il te plaît? Merci, je chuchote et colle ma tête
à son torse.
Il m’enveloppe entièrement
avec ses bras, pose son menton sur ma tête et on valse pendant je ne sais
combien de minutes. Mes yeux sont fermés, je profite de la brise, le bruit de l’eau
et la musique sensuelle. Les seules fois que j’ouvre les yeux, c’est pour
contempler le spectacle des lumières de la ville que l’on voit durant notre
traversée. Je ne me définis pas comme un méga romantique, mais il m’a eu sur ce
coup. Mon cœur palpite comme si on venait de m’annoncer la nouvelle du siècle. Même
s’il n’a pas prononcé le mot amour, je me sens chérie. De sa main, il vient
soulever mon menton et dépose ses lèvres contre les miennes. On s’embrasse lentement,
avec précision comme si chacun découvrait l’autre pour la première fois. En
dehors des petits spots de lumière qui éclairaient les escaliers en remontant,
il fait nuit noire sur le pont, mais je sens dans ses gestes que son regard
doit être intense.
— Dans un mois,
tu seras ma femme et tu porteras mon enfant, il me déclare solennellement.
— Oui chéri, j’acquiesce
mû par un désir incontrôlable.
— Tout comme tu m’as
dit dans la voiture que tu ne t’inquiètes pas de me voir m’impliquer pour mon
ex, je m’engage à ne jamais te donner de raison de regretter cette confiance gracieusement
offerte. Toi et la famille qu’on aura sous peu serez ma priorité. Je sais que
tu connais bien mes défauts vu comment je t’y ai exposé, mais j’espère avoir également
réussi à te communiquer combien je te chéris. Tu représentes l’avenir que j’espérais
un jour trouver sans savoir quand.
— C’est toi qui représentes
l’avenir que je n’espérais même pas Cédric. Tes défauts passent aux oubliettes
quand je prends en compte ce que j’ai vécu et continue d’expérimenter avec toi.
J’ai confiance que ma place est avec toi et prie que Dieu me permette de te
garder jusque dans mes vieux jours, je m’effondre sur la dernière phrase.
— Je n’irai nulle
part honey, nulle part avant toi, il chuchote et m’embrasse à nouveau.
On descend la minute
suivante et je me dévêts lentement sous son regard avide comme il l’a demandé. « Laisse-moi
voir mon réel trophée », c’était sa requête. On s’embrasse avec plus de
passion. Pendant qu’il me doigte, sa main me pétrit aussi les fesses. Je suis
plus pressée que lui, donc on ne se laisse pas le temps d’ôter ses vêtements.
Pantalon à ses chevilles, il me pénètre après m’avoir fait coucher sur le lit.
C’est de la démence ce que sa queue me fait. Plus mes doigts s’enfoncent dans
son fessier musclé, plus ses coups sont profonds. Il encadre ma tête grâce à ses
deux bras posés de part et d’autre de ma face.
—How much
more of me can you take my hot little cheerleader?
(Combien peux-tu
encore encaisser ma sexy cheerleader?) (Comprenez qu’une cheerleader c’est
quelqu’un qui t’encourage avec entrain comme Elikem l’a fait pour lui à la
soirée, je ne connais pas de mot français pour ça en dehors de pom pom girl.
Bref, retournons au tchouk.)
-Moreeeeeee, je scande
avant de me relever, tendue par le plaisir.
Mes bras agrippent son
cou, mes jambes s’enroulent autour de sa taille, je creuse le dos en attente de
l’extase que je sens poindre. Il m’attrape les fesses à deux mains et m ramone
la cheminée. J’aurais ajouté qu’il le fait bien sec, mais je mouille tellement
que mon entrejambe est devenu une patinoire pour sa bite qui parfois ressort dans
les va-et-vient et cogne bien les autres endroits sensibles de ma chatte.
— Shit…là-bas
Cédric, oui là-bas, je répète le cerveau brouillé par la course vers la
montagne qu’il m’intime.
— Give me the
twinsies Yafeu! c’est la dernière chose que je hurle avant de perdre le nord en
tremblant tel un invertébré.
***Belle Laré Aw***
Pourquoi quelqu’un m’appelle
à 5 h du matin en dehors de ma fille? je demande endormie devant l’écran qui
m’affiche un numéro inconnu. C’est Elikem que j’attendais et c’est à cause d’elle
que j’ai laissé ma sonnerie activée au lieu d’être en silencieux. Comme la personne
insiste, je quitte doucement le lit pour ne pas réveiller Eli.
— Allô? je dis dubitative
après m’être raclé la gorge.
—Hello? Am
I speaking with Elikem’s mother? I am Yafeu…I mean Cédric’s mom.
(Est-ce que je suis
sur le téléphone de la mère d’Elikem? Je suis la mère de Yafeu…, enfin je veux
dire Cédric.)
—Did something
happen to my baby? Je panique aussitôt.
(Qu’est-il arrivé à ma
chérie?)
—Not at all.
They should land soon in Nairobi from what she sent me via text when they were
boarding.)
(Rien du tout. Ils
devraient atterrir bientôt à Nairobi si je me fie au message qu’elle m’a envoyé
quand ils embarquaient.)
Je relâche mon soupir
et elle continue.
—My apologies, I probably
should have waited before calling but we are early birds over here and I just
couldn’t contain my excitement.
(Je m’excuse, j’aurais
probablement dû attendre avant de vous contacter, mais nous sommes des lève-tôt
de ce côté et je ne pouvais simplement pas contenir ma joie.)
— No worries, je réponds,
ne sachant toujours pas où la bonne dame veut en venir.
—So what does
your schedule look like in the next three weeks? Since we are already in
January, my husband and I were hoping to hold the ceremony around that time.
(À quoi ressemble
votre calendrier des trois semaines prochaines? Comme nous sommes déjà en
janvier, mon mari et moi espérions que la cérémonie se tiendra vers cette
date.)
J’entends un homme lui
parler en twi et elle converse avec lui. Ça me laisse le temps de me réveiller
un peu et d’essayer de remettre dans l’ordre ce qu’elle m’a dit.
—My husband
suggests we call you later. I am sorry, I tend to act fast when I am excited.
What time will work for you dear?
(Mon mari suggère qu’on
vous rappelle plus tard. Je suis désolée, j’ai tendance à agir rapidement quand
je suis euphorique. Quelle heure vous conviendrait mieux pour un rappel?)
—Uh…let’s
say 8 a.m. but since I am already up, we can continue.
(Disons 8 h, mais
comme je suis déjà debout, on peut continuer.)
— Fantastic…uh,
one moment please, elle demande et s’éloigne encore de la ligne pour parler en
twi.
—Annnnddd,
she said she wants to talk about it now Nyameba. Can you stop cutting me off
please? God you’re so annoying,
elle ajoute avant de revenir vers moi.
(Etttt, elle a dit qu’elle
veut en parler maintenant Nyameba. Peux-tu cesser de m’interrompre? Dieu que tu
es casse-pieds.)
—So…, what
kind of venues do you have in Lomé? We need a big place, there’s a lot of us in
the family.
(Alors…., qu’avez-vous
comme salles de fêtes à Lomé? Nous avons besoin d’une grande salle parce qu’on
est nombreux dans la famille.)
—I am
sorry, but you lost me at the schedule in three weeks part. What are we exactly
talking about?
(Pardon, mais vous m’avez
perdu au niveau du calendrier dans trois semaines. De quoi parle-t-on?)
—Oh right,
elle rit, I totally forgot to say that first. We are talking about the traditional
wedding of the kids. Your daughter gave us a wonderful gift yesterday. Because
of the way our son is, he doesn’t do huge ceremonies, awards, or parties so we
never had the chance to see him get the accolades he deserves for his
tremendous work until Elikem came into the picture. Not only did he attend but
she was sweet enough to call us and stay on the phone for some time. Nyameba
and I are so thankful for what she did that we think it’s time for our family to
officially ask for her hand in marriage. So as I was saying, we need a huge
venue because there….
(Je parle de la dot des
enfants. Hier, votre fille nous a offert un merveilleux cadeau. À cause de sa
personnalité, notre fils ne participe pas aux cérémonies grandiloquentes, remises
de prix ou fêtes, du coup nous n’avons jamais eu l’opportunité de le voir
célébré pour son immense travail jusqu’à l’arrivée d’Elikem. Non seulement il a
assisté à une cérémonie, mais Elikem nous a cordialement permis de vivre en
temps réel ce grand moment de notre fils en restant en appel vidéo avec nous pendant
un certain temps. Nyameba et moi sommes honorés par son geste et considérons qu’il
est grand temps pour notre famille de demander officiellement sa main. Donc
comme je le disais précédemment, nous avons besoin d’une énorme salle parce que…)
Demander la main de ma
petite fille in mariage? C’est tout ce que mon esprit a retenu. Comment on veut
marier Elikem et cet enfant m’a envoyé il y a quatre heures de ça, un simple « on
embarque bientôt maman, bisous ». C’est quelle enfant que j’ai ça? Elikem eh!
***Bruce Attipoe***
Ça y’est, c’est la fin
du premier trimestre. Jennifer et moi avons les sourires les plus niais du
monde à l’heure actuelle. Notre fierté et joie se porte à merveille. Son
gynécologue ne nous a donné que des bonnes nouvelles. On sait déjà que le bébé
sera AS puisque Jennifer est SS. Je suis bien portant pour ma part, on le
savait depuis, mais malgré son génotype, je suis soulagé et confiant que notre
boutchou vivra de longues années dans la santé sur cette terre. Pour célébrer
cette excellente nouvelle, j’emmène ma chérie faire des courses. Janvier a été
tendu entre nous. J’admets que j’ai exagéré, mais il fallait ça pour la ramener
à la raison. Je ne suis pas son ex-mari que certains surnommaient Monsieur chat
à l’école. Moi je suis un étalon, je ne léchouille pas, je donne le bâton bien
dur. Quand je passe sur une femme, elle le sent et le sait, donc je ne vais pas
accepter les comparaisons bêtes. Je baise longtemps, c’est mon habitude et les
femmes m’ont couru après pour mon endurance. Bref, ce sont des histoires anciennes
ça. On fait des courses pour le bébé dans une boutique pour enfants. C’est une
joie de la voir si satisfaite. On regarde actuellement différents modèles de siège
auto sans savoir lequel prendre.
— On pourrait
demander à Eben, je propose et elle me décoche automatiquement un regard
assassin.
— Ça ne te plaît
pas quand je suis bien hein. Tu as un problème avec ma joie.
— Arrête, tu sais
bien que non, mais jusqu’à quand tu comptes vivre en recluse ? Océane est déjà la femme d’Eben. On n’y peut rien.
Pourquoi ne pas passer l’éponge et essayer de la connaître?
— Quand tu te
feras traiter de sale merde par quelqu’un, tu pourras me conseiller de passer l’éponge,
elle répond avec hargne.
Une belle femme, mais
si têtue.
— Prenons un
siège auto noir, je lui propose pour revenir sur un sujet plus joyeux.
— Noir? C’est
pour emmener une aura sombre dans la vie de ma fille? On prend le rose avec le nœud
en haut de la capuche.
— Une fille hein,
je dis amusé. Quelqu’un croyait attendre une fille aussi avant de se retrouver
avec un garçon bien robuste.
— Je te brise les
couilles à la prochaine comparaison avec l’anguille qu’Eben appelle femme.
— Eh pardon, les
nerfs de femme enceinte. Prends le siège qui te plaît.
Je finis avec une
facture avoisinant 470 000 pour
un siège, un set de trois sacs bien que je ne comprends pas l’utilité de deux parmi
eux, une tétine et quelques habits. Pour bien finir la journée, Tessa nous accueille
avec un repas bien chaud. Une sauce d’arachide fumante à la viande de bœuf frite
et des morceaux de gombo dansant sur la sauce. Tout ce dont je raffole. J’ai du
riz en accompagnement. Jennifer boude. Elle veut plutôt de la pâte de maïs que
Tessa s’empresse d’aller lui faire. Personne ne peut nier qu’on est chanceux de
l’avoir parmi nous depuis janvier. Jennifer sait très bien tenir une maison,
mais sa santé ne lui permettait pas de s’occuper régulièrement de moi donc
Tessa a pris le relai sans même qu’on lui demande. Même ma bonne n’avait pas à
faire parfois parce que Tessa était déjà passée. Je sais que c’est le chômage
qui la pousse à être hyperactive, donc j’espère plus que tout qu’elle trouve
rapidement quelque chose.
— Tu connais du
monde en journalisme normalement non? j’interroge Jennifer pendant qu’on mange
ensemble mon riz.
Soudainement, elle ne peut
plus attendre la pâte. Elle se distrait avec le riz en attendant. Les drôleries
de femme enceinte.
— Ça date ça. C’est
pour Thérèse?
— Tessa pardon, Thérèse
c’est un peu vieux pour mon âge, nous dit l’intéressée qui revient avec la pâte
qui repose dans une grande tasse.
— Tchieu tu es
rapide hein, commente Jennifer tout en salivant devant nos regards amusés.
— On ne fait pas
attendre notre future maman.
— Elle allait même
bouffer mon bras si tu avais attendu une seconde de plus.
— C’est ton
enfant, tu assumes, elle réplique et se jette sur son plat.
Les termites même ne grignotent
pas le bois comme Jennifer a traité la pâte de maïs. Je n’ai même pas eu droit
à une boule sous prétexte que c’est nom enfant la priorité. Repus, on s’affale
chacun sur le sofa. Je suis penché, chemise ouverte en mode repos. Elle défait
les achats qu’elle montre à Tessa. Cette dernière aussi a les yeux en cœur devant
les effets de bébé, ce qui me fait lui demander.
— Ton petit gars de
Durban là attend quoi pour m’envoyer la dot? Il ne sait pas que tu es prête pour
les enfants?
— Oh Bruce, elle
rigole. J’ai quel petit gars à Durban?
— Il ne faut pas
mentir hein. C’est le rôle de ton cousin d’étudier les gars qui entreront dans
ta vie. Prends-le comme un conseil, ça t’évitera de perdre des années avec un
rigolo comme moi avant lui, lui dit Jennifer.
Bien parlé.
— Les hommes que
j’ai rencontrés en Afrique du Sud, c’était pas trop ça, elle dit la bouche
tordue. Ils pratiquaient la tromperie comme un sport national. Je me suis
lassée de ça et maman ne voulait même pas que je sois avec un étranger donc je ne
me suis dédiée qu’à ma carrière jusqu’à ce que mes plans flanchent. Trop mignon
le sac pour bibis.
— Enfin quelqu’un
a de l’œil dans cette maison. Dis-le à ton cousin.
— Sac pour bibi?
Donc c’est le biberon qui ne peut pas entrer dans le gros sac quoi?
— Pardon Tessa,
je n’ai pas la force. Explique-lui.
— Vous êtes
marrants, elle rigole. Alors, le gros c’est le sac à langer. Tu y mets les
couches, le nécessaire pour garder bébé propre, des vêtements et bavoirs. Le
sac à dos c’est un sac de conservation pour les bibis. Par exemple, si Jennifer
tire et vous comptez faire une longue route, vous pouvez mettre les bibis froids
dedans sans trop de crainte. Il faudra juste mettre le bibi de lait dans l’eau
chaude pour qu’il soit à une bonne température pour l’enfant. Et la pochette,
je sais pas trop.
— C’est pour que la maman y range son maquillage,
parce qu’on a tendance à s’oublier une fois qu’on a l’enfant dans nos bras. Il
faut aussi que je trouve comment personnaliser une tétine.
— Oh je peux t’aider, tu veux faire quoi?
lui demande Tessa.
— Dessiner une couronne et ajouter des
pierres autour de….
— Les choses des enfants du 22e siècle,
je commente hautement amusé par leurs plans grandioses.
— On est toujours au 21ème Bruce, rigole
Tessa.
Le soir, pendant qu’on se couche, Jennifer
ramène le sujet de l’emploi de Tessa.
— Elle a bien étudié en mass
communications et journalism hein?
— Oui oui. Elle a commencé dans les radios
avant d’intégrer le monde de la télé.
— Comme tu le sais, mon ancienne émission
n’a pas été renouvelée donc je doute que mes anciens contacts puissent faire
quelque chose pour elle, mais je connais une blogueuse qui prend de l’ampleur ici.
Elle fait un travail similaire à bellanaijaweddings tout en ajoutant sa touche
personnelle et se concentre pour l’instant sur le public de l’Afrique francophone.
— Bellamachin là c’est quoi?
— Tu vis sous quelle roche pour ne pas connaître
bellanaijaweddings? C’est la plateforme où tu te retrouves quand tu as un
mariage digne de ce nom.
— Ah bon? Eben et Océane y étaient?
— Ils ont eu un mariage digne de ce nom
ça?
— Tu exagères, c’est le plus beau mariage
auquel j’ai assisté.
— C’est que tu n’as pas assisté à beaucoup
de mariages et de toute façon le nôtre sera plus raffiné. Compte sur moi.
— Ça c’est vrai, j’approuve. Je n’ai pas
attendu 36 ans pour me marier simplement surtout qu’on a expédié la dot.
Je me réjouis d’entendre les plans de Jennifer
concernant notre avenir. J’avais raison quand je disais à Eben qu’il
s’inquiétait pour rien. Parlant de lui, il m’a remis depuis un moment l’invitation
pour la présentation de son fils qui aura lieu au début de février, mais ça ne
sert à rien d’en parler à Jennifer maintenant. Elle est de bonne humeur et j’ai
bon espoir de vider un peu mon énergie d’étalon avant de dormir.
Je disais donc qu’Eben se faisait des idées. J’admets
que le début avec Jennifer était bizarre, mais je peux affirmer sans crainte
que le passé de Jennifer est derrière elle. Elle est totalement à moi et bientôt
portera officiellement mon nom.
***Jennifer traditionnellement satisfaite dans
son règne Attipoén***
Avant Bruce, je n’aurais pas cru que ça
existait des hommes capables de faire l’amour bien qu’ils tombent de sommeil.
Dieu merci, il dort, je peux m’occuper de mes affaires. Je m’occupe d’accoucher
pour commencer et place au mariage de la vie. Océane sera aux premières loges
pour souffrir de ma plénitude. Je vais enregistrer des images de robes
éclatantes, rien à avoir avec ce qu’on trouve partout que j’avais à mon premier
mariage. Par amour et parce que je croyais avoir trouvé la perle, je me
comportais comme une énamourée devant les choses quelconques que Romelio m’avait
offertes quelques années plus tôt. On n’a même pas eu de vraie lune de miel. Ma
bouche pointue était forte pour le rassurer que ça ne me gêne pas puisqu’on commençait
une nouvelle vie au Nouveau-Brunswick. La seule chose que j’ai gardée de ce
mariage, c’est la nationalité canadienne. Au moins Romelio m’aura servi. Mon
bébé sera libre de voyager comme sa mère et c’est au Canada qu’on ira se
marier. Ouais! On va se marier à l’étranger, et comme Tessa sera employée chez Siaka,
je vais payer pour qu’on nous dédie une semaine entière de pub sur toutes leurs
plateformes. Même s’il s’isole dans un trou perdu, Romelio sera bien exposé à
mon bonheur. Bébé dans les bras avec mon Bruce qui a une très bonne carrière,
comparée à monsieur qui croyait être le meilleur parti du pays accompagné de sa
vieille qui ne peut plus faire d’enfants, c’est qui que le karma a visité
finalement?