147: New beginnings

Ecrit par Gioia

***Elikem Akueson Asamoah*** (Respectez l’ordre des noms de famille s’il vous plaît, le papounet est toujours en vie.)

Fini le fun, place aux choses sérieuses si on peut le dire ainsi. Dans cinq jours, je commence le travail et Yafeu retourne à Pretoria où il fera trois semaines. Il nous faut donc trouver une place à Accra et j’ai besoin d’une voiture parce qu’il est hors de question que je retouche à sa Lexus après ce que monsieur m’a fait subir ce matin. Plus jamais je ne conduirai le véhicule de cet homme du moins avec lui à mes côtés, parce que sa Cadillac me fait trop de l’œil pour que je dise un non définitif. Il peut se garder sa Lexus qu’il croit être la voiture la plus complexe du monde vu que monsieur voulait même me conseiller sur comment accélérer. J’ai quand même le permis depuis plus de dix ans, qu’on respecte ça.

Bref, en dehors de son attitude relou que j’ai supportée en allant le déposer aux bureaux de Nyameba BME Accra, je ne peux pas me plaindre. J’ai passé une excellente matinée au Vida e caffe en compagnie de tata Cathy Coleman, le gynéco qui m’a fait naître, c’est encore drôle à dire. Elle se décrit comme la plus relax des Coleman et je confirme bien que je ne connais que maman Eliza de leur côté. Elle est mariée à un afro-américain médecin aussi et vit à Boston avec leur fils. Leur fille aînée s’est installée au Ghana l’an dernier donc leur famille a décidé de rentrer plus souvent. En plus d’être relax, elle est vraiment amusante et pleine de ressources. De cette matinée qu’on a passée, je suis ressorti avec une longue liste adressant la majorité de mes besoins. Les meilleurs coins pour trouver des aubaines sur les vêtements professionnels, le meilleur salon qui ne coûtera pas un bras pour se coiffer, là où acheter des produits de beauté à prix correct, les meilleurs endroits pour meubler une maison de façon coquette sans souffrir d’hypertension, elle a rigolé à la fin de mes questions, prétextant que je lui rappelle trop mon papa Eli avec ma manie de compter mes sous. Elle m’a ramené à leur époque avec ses anecdotes. Apparemment, papa était connu dans leur fac de médecine comme l’étudiant le plus pauvre parce qu’il achetait des nouilles en gros et ne bouffait que ça jusqu’à épuisement de stock. À force de se foutre de sa gueule, les deux ont fini par devenir amis et selon ses dires, elle lui doit sa carrière aujourd’hui parce qu’elle aurait tout abandonné s’il ne l’avait pas soutenu après deux échecs consécutifs. Je sais que mon père est un homme de qualité, mais ça fait tellement plaisir d’entendre du bien sur lui et la cerise sur le gâteau, c’est que tata Cathy a carrément exigé d’avoir mon CV pour me mettre en contact avec des hôpitaux digne de confiance prétextant que c’est la moindre des choses. J’ai déjà dit qu’elle a refusé que je règle notre facture au café? Je voulais le faire en guise de remerciements, mais elle a refusé, avec la raison que je suis presque sa fille adoptive par papa, mais aussi Yafeu qui a été d’un grand soutien à sa fille aînée quand il était à Boston pour son MBA, mais aussi lorsqu’elle a décidé de rentrer. Est-ce utile de dire que j’ignorais le passage de mon gars à Boston? Ce type et la rétention d’infos, il va en finir avec moi et c’est lui qui sort de l’immeuble dans lequel se trouvent leurs bureaux. Il porte si bien le blanc ce type et son air sérieux qui le caractérise est toujours en place. Il est vraiment comme un sucre, tu sais qu’il faut le consommer avec modération, mais tu as tout le temps envie de déborder. Il dit que c’est moi qui exagère dans le couple, pourtant il fait le tour de sa Lexus pour l’inspecter avant de s’installer à mes côtés.

— Tu m’aurais même fait quoi si je l’avais cabossé?

— Te jeter derrière et te baiser jusqu’à ce que tu n’aies plus la force de revenir en avant, il répond sans détour.

— Sauvage, je chuchote, luttant pour retenir le sourire d’envie qui veut étirer mes lèvres.

Je démarre directement. On joue à ce jeu de «je n’entre pas dans ses locaux» donc ce n’est pas le moment que je traîne ici pour risquer que ses employés me reconnaissent. Je ne veux pas être traitée comme «la femme du patron» alors que je viens pour apprendre les rouages d’une compagnie médicale. Il m’indique le premier endroit où nous devons nous rendre et pendant que je suis ses instructions, je lui raconte aussi ma journée avec tata Cathy.

Notre premier stop est Labone où on visite deux estates différents. Je me demande si le concept des estates existe déjà chez nous parce qu’à Nairobi aussi, c’est régulier. Un développeur immobilier achète une énorme parcelle de terrains sur laquelle il fait construire des appartements ou maisons, généralement de deux à trois ou quatre chambres qu’il revend à des prix différents. Le premier estate n’a pas conquis monsieur.  

— Il n’y a pas d’école assez proche d’ici. S’il te faut chercher Malike avant de rentrer, ça vous fera un trajet trop long, il m’explique.

— OK, mais elle était jolie la vue depuis le balcon à l’étage.

— Les femmes, il soupire et me fait sourire.

La vue est importante non? Bref, direction le second estate qui ne me convainc pas. Les maisons sont trop proches l’une de l’autre, je sais que c’est le concept du développeur, mais je n’adhère même pas à l’architecture.

— Direction Cantonments, il annonce sans même que je donne mon opinion, il a dû le lire sur ma face.

Cantonments est un quartier hyper bien situé. On est passé devant plusieurs ambassades avant d’arriver dans à AU village, un gated community (une petite communauté à accès uniquement réservé aux résidents et visiteurs autorisés par les membres du quartier).

La maison me convainc moyennement, mais j’aime beaucoup la communauté. Les maisons sont bien détachées donc on garde cet aspect d’intimité bien qu’on vive proche des autres. C’est un coin vraiment agréable.

— Elle est bien non? je demande à monsieur quand on finit le tour guidé.

— Dis-le si tu n’es pas conquise au lieu de forcer les mots hors de ma bouche.

— C’est quelle façon de mettre les mots dans ma bouche ça? je me fâche pour rigoler.

— J’aurais préféré y mettre autre chose.

— Effectivement je….HEY! je m’écrie choquée quand mon cerveau finit l’analyse de ses mots et je le frappe sur le bras, ce qui nous vaut une blague de l’agent immobilier. Non mais, c’est quoi ces manières? je le gronde entre mes dents.

— I missed you today, il se permet de répondre sur un ton moqueur après m’avoir attiré à lui.

— Aww, newlyweds? nous demande l’agent. (Nouveaux mariés)

Il lui confirme et je comprends son jeu quand il me révèle le prix de la maison quelques minutes plus tard.

— Quand tu me dis 850000, c’est en cedis ou…

— Tu penses acheter des lego ou quoi? Depuis quand une maison dans un secteur proche des ambassades coûterait 850000 cedis? On parle de $.

-850000 $? je répète estomaquée.

— On peut jouer le rôle du cute couple devant elle et économiser un 10000 $ sur le prix.

— Non non, attends…., il y a quoi sur cette maison qui justifie ce prix? On ne parle même pas d’une Smart house.

— Il y a la position du quartier, le paysage, la restriction à l’entrée qui assure une sensation de protection, les personnalités parmi lesquelles tu vivras, la proximité aux écoles et le CBD, je continue? il ironise.

— Non merci, rentrons, c’est quoi ça? J’ai vu plein de maisons sur internet à des prix raisonnables, tu ne connais pas ses coins?

— Hors de question qu’on vive à East Legon, je travaille déjà dans Legon, la majorité de mes connaissances vivent dans ce secteur. Même si l’endroit est grand, je ne me vois pas y vivre. Je n’aurais jamais la paix.

—Beh….les maisons sont abordables là-bas ou pas?

— Je n’y vivrai quand même pas.

— Tu as 850000 $ à jeter dans une maison toi? Je t’ai bien dit que je n’ai que 200000 $. En plus le mobilier fait vieux dans cette maison. Les douches alors, je n’aime pas les baignoires. Il faudra refaire tout ça. C’est pour se retrouver près de 900000 $ à la fin? Dans un pays africain? je m’indigne.

— Bon, rentrons, il se fait tard, il tranche.

Environ quarante minutes plus tard, nous sommes hors d’Accra en route pour Pram, mais je ne digère toujours pas ce gros prix.

— La maison que je prévoyais acheter quand je vivais au Colorado coûtait 350 k. Elle était à Denver et très bien située, une maison de trois chambres. Mon salaire devait tourner entre 190 et 200 durant ma première année à Denver et potentiellement j’aurais pu atteindre 400 k avant dix ans. Je ne comptais pas la prendre seule cette maison, donc à deux on aurait parfaitement pu vivre, économiser, nous faire plaisir, bref, tu vois le tableau. Ce que je veux comprendre hein, la maison de 850K là est faite pour qui? Combien à Accra peuvent confortablement entrer dans une maison pareille et avoir l’esprit tranquille que la progression naturelle de leurs salaires leur permettra d’y vivre d’ici vingt ans pour finir de payer leur hypothèque?

— Mon père aurait adoré débattre de ça avec toi, il dit amusé.

— Mais ça ne répond pas à ma question Cédric.

—What do you want me to tell you honey? Ce sont des endroits réservés aux diplomates, politiciens, athlètes internationaux, et expatriés qui cherchent l’endroit le plus sécure du pays à cause des histoires qu’ils ont entendues, leurs appréhensions basées sur des préjugés ou simplement qu’ils veulent juste être entre eux. Quoique généralement, les expatriés optent majoritairement pour la location au lieu de l’achat, mais ce sont généralement les gens que tu retrouveras là-bas.

— Ce n’est quand même pas le seul endroit sécure d’Accra non? J’ai entendu d’autres noms en dehors d’East Legon sur YouTube…

— Ta source d’infos par excellence, il se moque. Tu as entendu quoi? Roman Ridge?

— Oui ça, quelque chose Addo et Douzou machin.

— Haha, je ne vais pas vivre à Tse Addo. Même s’il est bien et propre, les inondations dans ce coin sont abominables. Dzorwulu c’est une option, on verra demain.

— La dernière option c’est de s’acheter un terrain. On pourrait se faire construire quelque chose à nos goûts et dans un budget raisonnable?

— C’est quoi un budget raisonnable pour toi?

-400k, max.

— Tu auras le temps pour superviser un chantier? Moi non.

— Oui je l’aurais.

— Ah bon? Tu l’auras quand avec le travail? Et tu vis où en attendant? Tu veux rester avec maman à Trasacco Valley le temps que finisse la construction? Prenons le meilleur des cas où on achète le terrain sans encombre, tu auras l’énergie pour rester en contact avec tous les contracteurs, suivre les différents devis pour t’assurer qu’on ne profite pas de toi? Parce que sois certaine, qu’on essaiera de profiter de toi, tu es étrangère, tu ne parles pas twi, la cible parfaite. Être Asamoah ou la belle-fille d’Eliza ne changera rien si c’est ce que tu t’imagines. Ils seront très courtois avec toi, mais ils s’essaieront quand même comme ils l’ont fait avec Godson qui voulait acheter un ancien bar le mois dernier.

— Ah bon? Ils n’ont pas craint les représailles avec ta famille?

— Est-ce qu’ils s’attendaient à se faire prendre? Et de toute façon, l’envie de se rendre justice est si poussée chez certains qu’ils n’évaluent pas avec justesse les risques.

— Tu veux dire quoi par l’envie de se rendre justice?

— Beaucoup sont persuadés que les familles politiciennes s’enrichissent uniquement sur le dos du peuple donc ils n’ont pas de scrupule avec les gens comme nous, et de toute façon, l’escroquerie est rampante en construction d’où la popularité des développeurs depuis un moment. C’est vrai qu’il te revend la maison à un prix deux ou trois fois plus cher que le coût de construction, mais le prix reste fixe. Aussi tu achètes en quelque sorte la paix de l’esprit parce que la majorité des développeurs ont un département de qualité ainsi que des régulations qu’ils respectent. Ils ont une réputation à défendre et s’il devait y avoir des dommages sur le produit fini qu’ils te vendent, tu sais vers qui te tourner directement pour une plainte. Pourtant, lorsque tu es maître de ton chantier, il te faut tout surveiller et ce sera à toi d’effectuer les démarches et couvrir les réparations s’il doit y en avoir.

— C’est bon tu as gagné, je dis d’une petite voix.

— Et l’avantage c’est qu’en achetant dans un endroit prisé, tu as au moins la garantie que tu pourras revendre à un bon prix ou au pire louer dans quelques années. Bien qu’on ait nos défis, notre pays jouit d’un climat politique assez stable et les opportunités économiques attirent beaucoup, donc tu trouveras toujours un acheteur ou locataire pour des coins comme Cantonments.  C’est ce qui pousse aussi certains à s’endetter exagérément et faire des folies pour vivre dans des endroits pareils. Ils le considèrent comme un investissement.

— Je vais investir oh papa, je vais investir, je boude et il rigole.

— C’est quoi cette attitude défaitiste?

— C’est celle de quelqu’un qui reconnaît humblement que ce n’est pas sa catégorie.

— Ton humilité est drôle à voir. Pourquoi tu ne me demandes pas de te l’offrir?

— Tu es fou? Je demande ça comment quand je n’ai même pas la moitié du prix d’achat? Tu sais très bien que je touche à l’héritage préparé mes deux pères et ma mère pour cette maison là. Je devais normalement utiliser ce fond pour obtenir un prêt afin d’ouvrir ma clinique donc ça me peine déjà d’en faire autre chose.

— C’est donnant donnant entre nous?

— Bah oui! C’est comme ça que j’ai toujours opéré.

— Ce n’est pas donnant donnant entre nous, j’ai plus de moyens que toi. Je suis plus établi que toi.

— OK, mais établi jusqu’à quel niveau? On n’a jamais parlé de tes avoirs.

— C’est parce que tu te comportes toujours étrangement quand on parle d’argent et n’essaie pas de te cacher derrière l’humilité.

— Parle-moi doucement, je me défends en souriant sachant qu’il m’a ôté ma justification.

— On rencontrera mon conseiller financier demain en matinée pour discuter de mes avoirs et de l’achat de la maison qui sera à toi humilité ou non.

— Ta mère t’a dit d’être romantique avec moi donc arrête le forcing.

— Je peux être romantique et t’envoyer vivre avec elle aussi, ça ne me gêne pas.

— Heuh non…, une femme vit avec son homme.

Il rigole et m’insulte. Tout sauf vivre avec belle-maman. Déjà, ce matin quand on quittait Akosombo, la dame me demandait mon planning pour programmer une visite chez un voisin qui a accepté de nous vendre sa maison. Elle a tout démarché sans même nous avertir, donc non…, je ne suis pas tranquille à l’idée de vivre près d’elle. Je sais que son emploi du temps est assez chargé donc il y a peu de chance qu’elle passe toutes ses soirées chez nous, mais je préfère comme Cédric être ailleurs ne serait-ce que pour garder un peu d’intimité.

La nuit est courte parce qu’il faut se lever tôt pour se rendre à Accra. Un homme simple aurait craqué après une semaine à se taper des trajets de quatre heures juste pour le travail, mais Cédric, Ya le feu? Jamais! Pram c’est la meilleure ville pour lui et ça ne lui dit rien d’être dans les embouteillages régulièrement. Je sais qu’il a aussi un appartement dans ses bureaux où parfois il dort quand il n’est pas chez sa mère, mais ça reste un voyage régulier entre deux villes quoi. Bref, nous arrivons à CalBank où nous allons rencontrer son conseiller.

Une heure plus tard, je ressors l’esprit mélangé. Je comprends assez le monde de l’investissement ayant moi-même un petit portefeuille de placements essentiellement composé d’actions et obligations en France, seulement j’ai découvert tant de choses aujourd’hui que…

— Questions? je t’écoute, il m’interrompt.

— Finalement, qu’est-ce qui est à toi et qu’est-ce qui est à Nyameba BME? Comment tu fais la distinction?

— Actuellement je n’en fais pas, mais cette rencontre servait aussi à ça.

— Mais comment tu vivais alors? Je veux dire, comment tu arrivais à suivre tes dépenses et respecter les charges de Nyameba BME tout en restant dans vos chiffres?

— Je me privais simplement de salaire. Je ne suis pas dépensier donc je vivais très bien avec ce que je gagnais pour mes services de consultation pour l’association des professionnels de la santé de l’Afrique du Sud, mais ça va changer comme nous avons des projets de famille.

— Alors la maison que tu as achetée à Nairobi c’était avec ton salaire de consultant?

— Non, je l’ai fait avec le fond de lancement prévu pour Nyameba BME Nairobi.

— Donc tu sépares tes entreprises?

— Pour l’instant oui. Ça me permet de suivre plus facilement la rentabilité de chacune. Nyameba BME Accra est la première filiale en revanche. Mon espoir c’est d’ouvrir une équipe administrative dans chaque pays où nous avons un marché conséquent. Lomé est la prochaine ville dans deux ou trois ans, on verra selon nos évolutions. Ça va? il sourit après ma lourde respiration.

— Oui…, je crois que ça s’éclaire dans mon esprit. Tu es inspirant, je suis bluffée.

— Mon père m’a forcé à lire ses douze bouquins et j’ai appris sur le marché en Afrique du Sud.

— Lol ton papa est écrivain?

— Tout un auteur best-seller, il nous oblige à avoir des copies de ses livres partout. Il est même étudié dans certains programmes d’agriculture.

— Waouh, vous n’avez pas une petite pression sur les épaules chez vous.

— J’en attends tout autant de toi madame. Je ne t’offre pas la maison pour tes beaux yeux ou tes hanches ensorcelantes, mais parce que tu es l’investissement de nos enfants.

— Hein?

— Nos enfants hériteront de ta clinique.

— Hayiii Yafeu, la clinique qui n’existe que dans mon esprit?

— Pour l’instant, il précise. Les pédiatres hématologues ne courent pas les rues à Accra, ça au moins je le sais. Je suppose que c’est pareil à Lomé, donc j’ai déjà une idée de la demande que tu auras. En plus, je t’ai vu à l’œuvre. 36 heures entre deux pays et tu vas au travail sans rechigner. Dois-je te rappeler que tu t’es laissée convaincre de repousser ta démission à la clinique de Nairobi?

— Je n’avais pas le cœur de laisser ma petite patiente qui paniquait littéralement depuis l’annonce de la ponction lombaire qu’on devait lui faire.

— Je sais, je sais que tes patients vivent dans ton esprit même quand tu n’es pas à l’hôpital et ce dévouement te conduira loin. C’est sur ce dévouement ainsi que ta résilience que je mise pour nos enfants. On ignore ce que l’avenir nous réserve. Je ne trempe dans rien de louche, je te l’ai déjà dit, en revanche, Nyameba BME m’appartient à 60% à ce jour. Le 40% est partagé entre plusieurs investisseurs. Je prie qu’on reste en vie avec nos enfants pour leur transmettre le nécessaire, mais dans l’éventualité où quelque chose devait m’arriver, je préfère que tu abandonnes Nyameba BME si jamais les investisseurs te rendent la tâche difficile. Ne t’attache pas au fait qu’il te faut absolument garder la compagnie dans la famille au point de perdre tout ce qu’on aura construit à côté. Elles sont nombreuses les histoires de successeurs qui en courant après leurs héritages ont perdu la majorité de leurs biens et certains n’ont même pas pu maintenir à flot les entreprises. Concentre-toi sur ce que tu maîtrises, c’est la médecine. Si un de nos enfants doit et veut suivre mes pas, il aura les bouquins de gestion de mon père, ceux que je vais écrire lorsque je me déciderai un jour, ainsi que toi et l’éducation qu’on lui aura transmise pour le faire.

Ce côté calculateur, je pense que c’est ce qui m’a séduit. Je l’accuse souvent d’attendre à la dernière minute, mais quand il s’ouvre à moi, il m’étonne toujours par sa prévoyance. Je le laisse à l’immeuble qui abrite ses bureaux et comme j’ai toujours la voiture, je pars en exploration de maisons. Les fois où je m’égare, je questionne les passants et vers 15 h, je conduis comme une folle pour retourner à Nyameba BME. Surexcitée, j’ai même failli rentrer dans une portière ouverte subitement par un garçon quand je me garais.

—Are you OK? je demande paniquant à la sortie.

— Did I not tell you to pay attention before opening Richie? le gronde celle que je suppose être sa mère.

— Ouais ouais, il répond en roulant des yeux et nous dépasse toutes les deux bien que sa mère l’intime de revenir.

Elle s’excuse et le suit en le grondant. Les garçons, toujours des têtus décidément. Le mien de têtu sort à l’heure prévue, 15 h 30.

— J’ai trouvé notre maison! je lui annonce sans tarder.

— Ah? Où?

Il ne fallait pas m’en demander plus. Je me suis bien assurée de mémoriser le trajet en arrivant donc je l’y conduis sans perdre une seconde.

-380k au Cantonments? il n’en croit pas ses oreilles bien qu’on soit devant la maison.

— Yep, je confirme. Le prix est affiché sur le site du promoteur. On n’est pas dans une résidence aussi grande et protégée que AU village, mais nous sommes bien situés et l’intérieur de la maison est superbe, j’ai filmé attend, je dis et lui montre. C’est vrai qu’elle n’est pas meublée, mais je vais m’en charger le temps que tu rentres de Pretoria.

— Elle t’a conquise je suppose?

— Totalement, mais on la visitera demain aussi pour…

— On l’achète demain.

— Oh? Tu ne veux pas voir?

— Plus que ce que je vois là?

— Mais l’intérieur non? Le balcon…

— C’est toi qui aimes être sur le balcon. De toute façon, ma maison de Prampram reste en tête.

— Kieh, un homme et sa maison de plage, je dis avec humour.

— Rien ne rivalise avec l’air de mer, il confirme sur le même ton.

Il refuse de prendre la totalité de mon chèque. On s’entend sur 50 k comme contribution de ma part. Il prend en charge le reste et la maison sera en mon nom. Je n’oublie pas que ce n’est pas pour mes beaux yeux. La confiance totale qu’il a en moi concernant la postérité de nos enfants me met le feu aux fesses. Il a confirmé les conseils de maman, je vais m’investir à fond pour eux. Ils auront autant, voire plus d’opportunités que nous. Monsieur «je décide en une seconde» nous emmène directement dans une boutique Home&Decor pourtant on n’a même pas encore acheté la maison. Lits, matelas, coussins, draps, banc de chambre, sofa, lampes, on a meublé les quatre chambres de la maison non achetée. La dame nous a même montré des photos d’articles qu’ils attendent en commande donc on a aussi commandé toute notre salle à manger. Pour le reste, je préfère regarder un peu ailleurs pour comparer les prix. Tata Cathy m’a quand même refilé des adresses à explorer. Confiante qu’on l’a notre maison, j’informe mes gens de Lomé que bientôt ils pourront nous visiter et comme hier, on a mangé des restes parce que j’étais épuisée, aujourd’hui, je veux nous mettre bien. On s’arrête à Shoprite pour des courses donc je vois la réponse de Romelio passer sans pouvoir la lire.

***Romelio Bemba***

Lundi matin, je me suis levé après une soirée inoubliable pour me retrouver sans voiture. Arthur qui s’est cru malin a décidé de rentrer avec ma voiture sans moi. Il a littéralement embarqué mes parents et ma fille en me laissant un message expliquant que le destin a choisi qu’elle ne soit plus dans les parages quand il a rejoint le père Asamoah, donc je dois lui laisser cette petite vengeance. Comme il m’a forcé, j’ai donc accepté sa perche, du moins c’est ce que j’ai choisi comme justification pour demander à Mini une place de retour au lieu de me tourner vers mon oncle Magnim. Les Asamoah avaient dépêché une voiture pour conduire l’équipe du magazine Source au Ghana et c’est leur chauffeur qui nous a également ramené à Lomé, juste qu’on l’a laissé à Tema à sa demande. Je suis à Lomé, j’ai récupéré ma voiture mais pas mon esprit. Je ne sais quoi penser d’où le destin me conduit là. Elle m’a révélé qu’après ma prière, elle a passé une entrevue avec le magazine Source qui ne présageait rien de bon puis à la dernière minute, Sia l’a approché avec cette offre. Elle ne sait pas que je connais Sia. Mon prénom aussi lui est inconnu. Ce qui m’intrigue c’est qu’elle ne l’a pas demandé, pourtant on a parlé et même dansé une fois ce samedi là. J’ai même son numéro. Elle a aussi le mien, j’attends un signe parce qu’elle est toujours au Ghana.

***Mini Attiba***

Maman se porte bien. Durban lui manque, mais Tema n’est pas mal. Elle refuse de me suivre à Lomé en revanche. Les dynamiques familiales entre les familles Attiba et Attipoe sont difficiles à saisir pour moi. Même mon passé me paraît difficile à expliquer. Mon père n’était qu’un gardien, ma mère se débrouillait et un beau matin on a quitté Lomé pour Tema. À l’époque j’ai pris cette chance pour une bénédiction. Papa était évasif dans ses réponses et peut-être j’étais trop naïve pour le questionner davantage. Bref, avec le temps, j’ai fini par comprendre que le côté Attipoe qui domine et a plus de réussites ne s’attendait pas à ce qu’un Attiba arrive à envoyer sa fille en Afrique du Sud. C’est de Bruce qu’on l’a entendu. C’est le seul Attipoe avec qui nous avons gardé des liens vu qu’à un moment, papa a prêté main-forte à sa famille lorsqu’elle a tout perdu. Depuis, il est resté un mentor pour moi-même si maman a toujours surveillé ce que je lui disais sous prétexte qu’il ne sait pas la fermer. C’est lui qui nous a assistés pour le décès de papa survenu dans des conditions lugubres. Maman jure encore que les Attipoe sont derrière et papa aurait dû nous suivre en Afrique du Sud au lieu de s’entêter pour s’installer à Lomé. Elle n’a jamais vu d’un bon œil que j’accepte la proposition de Bruce. Il a fallu que j’accepte de porter ses fameuses amulettes de protection pour qu’elle me laisser y aller, et j’ai aussi reçu l’ordre formel de cacher à Bruce qu’on a une maison à Tema sous prétexte qu’avec lui on ne sait jamais. Il peut penser qu’il nous défend des injures de ses oncles et nous exposer. Bref, je déteste me rappeler de mon passé et je déteste encore plus le climat dans lequel je suis actuellement. Vivement que ce reportage convainque la propriétaire du magazine. Je sais que c’était inhabituel de couvrir un mariage comme une cérémonie de prix, mais j’espère qu’en me voyant à l’œuvre sur les enregistrements, elle pourra me recommander à des gens du milieu. Je veux reprendre ma vie en main, mes économies arrivent à épuisement, c’est stressant.

Après la rencontre récapitulative avec la patronne, je n’ai qu’une envie, parler à ma bonne étoile donc je le texte.

— Tu as une seconde pour prier sur la pécheresse que je suis? je lui envoie par message.

Mon cœur s’affole quand mon téléphone se met à vibrer dans ma main. C’est lui qui appelle.

— Si je te dérange je…

— Tu es où? il m’interrompt.

— Je suis à Lomé, je viens de sortir d’une rencontre avec la proprio du magazine et je panique un peu.

— Tu connais l’hôpital AELI?

— Euh….juste de nom. Je t’envoie la position et tu m’y rejoins si tu as une minute.

J’accepte et quelques minutes plus tard, je suis au département qu’il m’a indiqué. Je le texte et la minute suivante, il apparaît. Cet homme est vraiment agréable à regarder. Grand, belle gueule, et il a des pieds hyper longs. Selon une de mes copines, les pieds longs signifient que le troisième pied est conséquent, je m’excuse, je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à ça, mais ça m’est venu tout seul.

— Tu n’aimes pas le sushi?

— Hein?

— Je t’ai demandé si tu avais envie de sushi et tu as baissé les yeux?

— Oh non…, je…oui, j’aime les sushis, je réponds gênée.

Mes yeux sont allés où? Je suis mortifiée. Si maman savait. Bref, je le suis comme il me demande et on se retrouve dans un bureau.

— Ça te convient qu’on mange sur place? J’ai une réunion à 14 h 30 que je ne peux pas manquer, ça nous laisse un peu plus de deux heures d’ici là.    

— Oui bien sûr, on fait comme tu veux.

Il passe commande au téléphone, pendant que j’observe avec curiosité son espace de travail. Un laptop sur la gauche, un desktop sur la droite. Quelques papiers. Lui-même a les manches retroussées, exposant une élégante chevalière à son poignet. Il ne porte pas d’alliance, mais je ne cherche pas hein. Il a une ado et je suis une grande ado dans la tête donc pardonnez ma vie.

— Dans une vingtaine de minutes, on pourra manger.

— Tu…

On nous interrompt par un coup à la porte. Une infirmière fait son entrée et il la suit après s’être excusé. Pendant qu’il s’occupe, je me distrais avec des jeux sur mon téléphone. Il revient l’air préoccupé.

— Il y a un souci?

— Un accouchement qui n’évolue pas bien. On a transféré la maman à l’hôpital.

— Oh..l’hôpital? Ce n’est pas un hôpital ici?

— C’est une maison de naissances associée à l’hôpital. Le suivi et les accouchements sont réalisés de manière naturelle uniquement par des sages-femmes et lorsque des complications surviennent, on les transfère à l’obstétrique. La maman est jeune et c’est son premier donc elle est à fleur de peau. Elle ne voulait pas aller à l’hôpital malgré les recommandations de la sage-femme.

— Mais elle et le bébé vont s’en sortir?

— J’attends l’appel du gynécologue à qui on l’a confié.

On reste dans ce climat de stress donc les sushis restent dans leurs boîtes jusqu’à ce qu’on lui annonce par téléphone que sa patiente a accouché une quarantaine de minutes après son transfert. Je sautille comme une biche à la bonne nouvelle.

— Je nous ai sapé le déjeuner hein, il rigole. Désolé, je n’arrivais pas à me l’ôter de l’esprit.

— Mais bien sûr que non. Je suis trop contente. Elle a eu quoi?

— Une petite fille qu’elle a apparemment décidé d’appeler Lia pour me remercier.

— C’est adorable, je glousse. J’étais pas si loin finalement, je t’ai renommé Lucky star comme je me suis rappelé après l’échange de numéros que je n’avais pas ton nom.

—Lucky star? il pouffe de rire.

— Arrête, ne te moque pas, ta prière a débloqué des choses, je rigole aussi.

— C’est mieux que moi. Je t’ai surnommé Mini.

— Mini? Non mais, je fais 1m70, ce n’est pas un format mini ça.

— Tu as oublié ta mini jupe?

— Ma mini…genre la jupe que j’avais à l’église? C’est quoi ce surnom? je le questionne avec humour, mais subitement, toute trace d’amusement disparaît dans son regard.

— Tu as marqué beaucoup le jour là, moi le premier, il le dit d’une voix que je trouve chaude.

— Oh Seigneur, ne me dis pas qu’on a tenu des réunions par ma faute? Pitié, dis-moi que non, je lui demande mortifiée et il éclate de rire.

— Peut-être bien, peut-être que non.

— Oh mon Dieu, je dis le visage couvert avec mes mains. Je n’avais même pas prévu aller à l’église en fait. J’allais rencontrer une amie mais je me suis perdue en chemin parce que j’ai du mal avec quelques endroits à Lomé. Comme je suis tombée sur l’église et j’étais déjà démoralisée, je me suis dit pourquoi ne pas entrer pour voir. J’ai dérangé beaucoup de monde?

— Mais non, ne t’en fais pas. L’essentiel c’est que tu aies trouvé ce qui t’y a conduit.

— Je pense avoir trouvé, je dis un peu trop optimiste. Si tu peux prier pour moi à nouveau, je pense que ça se fera.

— Tu pries pour toi-même?

— Pas vraiment, ce n’est pas mon fort. Je sais juste me lamenter et pleurer, j’avoue et il sourit, mais son sourire est compatissant.

— Ça compte aussi, les prières les plus puissantes sont les honnêtes. Si tu ressens le besoin de te lamenter, tu as le droit. De toute façon, ce ne sont pas les mots qui forcent Dieu à agir. Il le fait par grâce et en son temps.

— C’est une façon indirecte de m’exhorter à la patience ça? Je ne veux pas attendre hein.

— C’est une façon de te dire que tu as les clés entre tes mains Mini. Je vais prier pour toi, mais sache que tu peux aussi prier et tes mots ne sont pas plus efficaces que les miens.

— Trop de viande ne gâte pas la sauce, je dis satisfaite et il rigole.

Il ne lui reste plus assez de temps à sa pause donc il propose que je rentre avec les cinq boîtes de sushis.

— Et toi? Tu n’as rien mangé.

— Oh, je me prendrai quelque chose après le rendez-vous.

— Mais non, on partage, je dis et m’active en divisant les différentes sortes de sushis pour que chacun ait sa part.

Satisfaite, je me redresse et encore une fois, l’intensité de son regard me scotche sur place. Depuis le samedi, j’ai cette impression qu’il me sonde, pourtant je ne vois pas pourquoi.

— Euh…., je vais y aller Lio. Ma prière? je dis en me levant pour venir vers lui.

— C’est mieux que tu restes à ta place.

— On ne va pas se tenir les mains pour prier comme la dernière fois?

— Non. Je risque cette fois de me laisser aller et goûter à tes lèvres.

Troublée par cette révélation, je ne sais quoi dire. Je reste dans la même position et le fixe. Il ne détourne absolument pas le regard.

— Je vais prier pour toi d’ici, il continue naturellement, ferme les yeux et commence.

Dieu même sait que je n’ai rien retenu. J’ai quand même dit amen, mais tout ce que mon esprit a retenu c’est qu’il veut connaître le goût de mes lèvres. Je suis déjà à la maison, mais je n’arrive pas à ôter cette pensée de ma tête.

— Depuis quand tu veux goûter mes lèvres? j’ose le texter.

Le klaxon de Bruce me sort de l’emprise sensuelle dans laquelle m’a plongé l’intention sensuelle de Lio.

— Donne-moi un coup de main s’il te plaît, me demande Bruce qui ouvre son coffre.

— Wow, je m’exclame pris de court par l’immense ourson brun dans son coffre.

— Tu vois comment on malmène ton cousin. Un vieux comme moi, j’ai fouillé dans tout Lomé pour un jouet à cause de femme, il me fait rire par sa plainte.

— Elle t’habitue au rôle de papa.

— Pardon, je vais mal fesser l’enfant là s’il ose me ramener les caprices ici. Tu peux garder le jouet dans ta chambre s’il te plaît?

— Oh c’est une surprise? Trop mignon.

— Elle ne pourra pas me dire que je n’ai rien fait pour l’enfant, il se plaint encore et me suis les bras chargés de sac cadeaux.

On dépose tout dans un coin de ma chambre et pendant qu’on partage les sushis de Lio, il m’explique son idée.

— Ce n’est pas un peu tôt pour le baby shower?

— Ah…., j’ai parlé, mais on m’a dit que je suis un homme.

— Bon, je n’ai pas d’enfants donc je ne pense pas pouvoir parler de ça.

— Ma grande, tu fais bien. Supportons simplement, d’ici août l’enfant sera parmi nous.

— Tu as hâte hein, je dis contente.

— Ouais, on va voir s’il prendra mes oreilles pointues ou la bouche de sa mère.

— Ou une combinaison des deux, un parfait mélange de papa et maman, il sera trop mignon. Tu imagines, lui et Ezer seront amis.

— Eh ne dis plus jamais ça. Encore heureux que madame soit au restaurant. Ezer est l’enfant de son ennemie jurée. Elle ne supporte pas la femme d’Eben.

— Ah bon? Pourquoi?

— Le salopard d’ex -mari de Jennifer a couché avec la femme d’Eben dans le passé.

—Wow, what? Eben est au courant?

— Ah ma chérie, il sait et il a fait son choix.

— Eh bien…, pauvre Jen. Tu es certain qu’Eben sait et il est toujours avec elle?

— C’est compliqué en soi, mais disons qu’Eben a choisi de fermer les yeux pour sauver sa famille.

— Je suis choquée, je…wow quoi. C’est quelqu’un que tu connais l’ex?

— Il ne mérite pas qu’on l’évoque.

— Ouais tu as raison. C’est Jennifer qui compte.

C’est elle qui klaxonne maintenant et semble d’excellente humeur quand on lui ouvre. Son ventre continue de s’arrondir de jour en jour et je trouve qu’il lui va très bien. C’est vrai que je ne savais pas comment l’aborder au début à cause de ses sautes d’humeur, mais savoir qu’un type l’a trompé avec une proche, c’est révoltant.

Ce qui la rend de bonne humeur c’est qu’elle a trouvé une décoratrice pour son baby shower.

— Et pourquoi tu demandes que je m’en occupe si c’est pour le faire dans mon dos? l’interroge Bruce d’un air mécontent.

— On ne peut plus donner un coup de pouce à son chéri?

— Donne un coup de bras directement et fais tout, rouspète Bruce et on rigole.

— Ah non hein, je vous laisse ça mon comité d’organisation. Voilà le numéro de la déco, je compte sur toi Tessa. Oh ils me font de l’œil tes sushis.

— Va loin, tu n’as pas le droit.

— On chasse de cette façon Bruce, elle rigole et s’éloigne en chantonnant.

Un couple franchement amusant. Bruce et moi continuons à comploter sur les projets du baby shower, mais il se retire tôt pour se coucher. C’est dans la chambre que je vois enfin la réponse de Lio. Je tente un appel comme il sonne déjà 22 h.

— Tu berces ta fille? je demande hésitante.

— Elle me renierait si j’ose, il répond avec humour.

— Lol, à sa place j’en profiterais à fond. Un papa c’est tellement important pour un enfant.

— Ne t’en fais pas, elle en profite grandement quand il faut lui acheter ses atroces chaussures qu’elle collectionne.

— J’espère que tu ne parles pas des DOC Martens qu’elle portait à l’église.  

— Hideuses avec un grand H.

— Désolée, mais tu n’as pas de goût, je dis faussement indignée et le fait rire.

— J’ai du goût sur d’autres plans, ça me va amplement.

— Quels plans? Permets-moi d’en douter.

— Je te parle, c’est la preuve que j’ai du goût, il déclare sans détour et je ris sottement.

— Tu n’as pas répondu à ma question, je réplique ramenant le message que j’ai lu avant de l’appeler.

— Je n’ai pas envie d’embarquer dans cette discussion avec une fille de 23 ans.

— L’âge n’est qu’un chiffre, je dis amusée.

— Pas chez moi, j’ai critiqué un ami qui fréquente une fille de cet âge, il est hors de question que je lui donne l’occasion de se foutre de ma gueule.

— Haha, tu as quel âge pour être autant à cheval dessus?

-36 ans.

— Je m’en doutais un peu. Tu les fais bien.

— Tu sous-entends que je suis vieux jeune fille?

— Non, je confirme que tu fais mature. Tu as la pensée et la posture de ce que j’imagine d’un homme à cet âge. Tu me donnes quel âge?

— Qu’est-ce que je gagne si je le trouve?

— Je te laisse choisir, je propose joueuse et peut-être émoustillée. De toute façon, rien ne m’oblige à le revoir. Un petit flirt n’a jamais tué.

— Plus de 25 ans parce…

— Ah non, ce n’est pas du jeu ça. Tu dois donner un âge fixe.

— Tu permets que je finisse? il me questionne amusé.

— Bon continue, mais je ne retiendrai qu’une réponse exacte.

— Je disais donc plus de 25 ans parce que ce dont j’ai envie avec toi…

— De quoi as-tu envie? je l’interromps par un murmure.

— Je veux te découvrir entièrement. Joies, peines, aspirations, questionnements, défauts, qualités, je veux entrer dans ton intimité émotionnelle comme physique. Je veux découvrir ce qui te fait sourire, rire, pleurer, frémir, trembler, espérer, jouir. Je veux te connaître Mini.

— Je m’appelle Tessa, mais j’adore le Mini que tu me colles, je chuchote émoustillée.

— Tu peux aussi m’appeler Tchaa comme les intimes ou Lio, personne ne m’appelle ainsi. Mon prénom entier c’est….

— Lio ça me va, c’est pour moi, je déclare.

— Alors? As-tu l’âge de la découverte?

— L’âge plus trois. On la commence quand cette découverte? je l’interroge sans réfléchir.

— Demain, tu vis où?

— Euh…demain, j’ai des courses à faire. On prépare le baby shower de la femme de mon cousin, mais…demain soir?

— En soirée c’est compliqué avec Hadassah, mais si tu n’es pas une couche-tôt, je peux passer te voir quand elle dort.

— OK, je t’indique la maison par message.

On se laisse sur des phrases qui accroissent mon impatience d’être à demain. Pardon Seigneur, qu’une copine ne sorte pas de l’ombre pour me causer des problèmes. Je veux seulement profiter un peu de ta belle créature. Mince, cet homme a des grands pieds, je continue à mater sa photo de profil sur Whatsapp où il est assis jambes bien écartées. Qu’est-ce que ça fait quand il passe sur une femme? Mon esprit est trop fertile. 

D’amour, D’amitié