
147: New beginnings
Write by Gioia
***Elikem Akueson
Asamoah*** (Respectez l’ordre des noms de famille s’il vous plaît, le papounet
est toujours en vie.)
Fini le fun, place aux
choses sérieuses si on peut le dire ainsi. Dans cinq jours, je commence le
travail et Yafeu retourne à Pretoria où il fera trois semaines. Il nous faut
donc trouver une place à Accra et j’ai besoin d’une voiture parce qu’il est
hors de question que je retouche à sa Lexus après ce que monsieur m’a fait
subir ce matin. Plus jamais je ne conduirai le véhicule de cet homme du moins
avec lui à mes côtés, parce que sa Cadillac me fait trop de l’œil pour que je
dise un non définitif. Il peut se garder sa Lexus qu’il croit être la voiture
la plus complexe du monde vu que monsieur voulait même me conseiller sur
comment accélérer. J’ai quand même le permis depuis plus de dix ans, qu’on
respecte ça.
Bref, en dehors de son
attitude relou que j’ai supportée en allant le déposer aux bureaux de Nyameba
BME Accra, je ne peux pas me plaindre. J’ai passé une excellente matinée au
Vida e caffe en compagnie de tata Cathy Coleman, le gynéco qui m’a fait naître,
c’est encore drôle à dire. Elle se décrit comme la plus relax des Coleman et je
confirme bien que je ne connais que maman Eliza de leur côté. Elle est mariée à
un afro-américain médecin aussi et vit à Boston avec leur fils. Leur fille
aînée s’est installée au Ghana l’an dernier donc leur famille a décidé de
rentrer plus souvent. En plus d’être relax, elle est vraiment amusante et
pleine de ressources. De cette matinée qu’on a passée, je suis ressorti avec
une longue liste adressant la majorité de mes besoins. Les meilleurs coins pour
trouver des aubaines sur les vêtements professionnels, le meilleur salon qui ne
coûtera pas un bras pour se coiffer, là où acheter des produits de beauté à
prix correct, les meilleurs endroits pour meubler une maison de façon coquette
sans souffrir d’hypertension, elle a rigolé à la fin de mes questions, prétextant
que je lui rappelle trop mon papa Eli avec ma manie de compter mes sous. Elle m’a
ramené à leur époque avec ses anecdotes. Apparemment, papa était connu dans
leur fac de médecine comme l’étudiant le plus pauvre parce qu’il achetait des
nouilles en gros et ne bouffait que ça jusqu’à épuisement de stock. À force de
se foutre de sa gueule, les deux ont fini par devenir amis et selon ses dires,
elle lui doit sa carrière aujourd’hui parce qu’elle aurait tout abandonné s’il
ne l’avait pas soutenu après deux échecs consécutifs. Je sais que mon père est
un homme de qualité, mais ça fait tellement plaisir d’entendre du bien sur lui
et la cerise sur le gâteau, c’est que tata Cathy a carrément exigé d’avoir mon
CV pour me mettre en contact avec des hôpitaux digne de confiance prétextant
que c’est la moindre des choses. J’ai déjà dit qu’elle a refusé que je règle
notre facture au café? Je voulais le faire en guise de remerciements, mais elle
a refusé, avec la raison que je suis presque sa fille adoptive par papa, mais
aussi Yafeu qui a été d’un grand soutien à sa fille aînée quand il était à
Boston pour son MBA, mais aussi lorsqu’elle a décidé de rentrer. Est-ce utile
de dire que j’ignorais le passage de mon gars à Boston? Ce type et la rétention
d’infos, il va en finir avec moi et c’est lui qui sort de l’immeuble dans
lequel se trouvent leurs bureaux. Il porte si bien le blanc ce type et son air
sérieux qui le caractérise est toujours en place. Il est vraiment comme un
sucre, tu sais qu’il faut le consommer avec modération, mais tu as tout le
temps envie de déborder. Il dit que c’est moi qui exagère dans le couple,
pourtant il fait le tour de sa Lexus pour l’inspecter avant de s’installer à
mes côtés.
— Tu m’aurais
même fait quoi si je l’avais cabossé?
— Te jeter
derrière et te baiser jusqu’à ce que tu n’aies plus la force de revenir en
avant, il répond sans détour.
— Sauvage, je
chuchote, luttant pour retenir le sourire d’envie qui veut étirer mes lèvres.
Je démarre
directement. On joue à ce jeu de « je
n’entre pas dans ses locaux » donc
ce n’est pas le moment que je traîne ici pour risquer que ses employés me
reconnaissent. Je ne veux pas être traitée comme « la femme du patron » alors que je viens pour apprendre les rouages
d’une compagnie médicale. Il m’indique le premier endroit où nous devons nous
rendre et pendant que je suis ses instructions, je lui raconte aussi ma journée
avec tata Cathy.
Notre premier stop est
Labone où on visite deux estates différents. Je me demande si le concept des
estates existe déjà chez nous parce qu’à Nairobi aussi, c’est régulier. Un développeur
immobilier achète une énorme parcelle de terrains sur laquelle il fait construire
des appartements ou maisons, généralement de deux à trois ou quatre chambres qu’il
revend à des prix différents. Le premier estate n’a pas conquis monsieur.
— Il n’y a pas d’école
assez proche d’ici. S’il te faut chercher Malike avant de rentrer, ça vous fera
un trajet trop long, il m’explique.
— OK, mais elle
était jolie la vue depuis le balcon à l’étage.
— Les femmes, il
soupire et me fait sourire.
La vue est importante
non? Bref, direction le second estate qui ne me convainc pas. Les maisons sont
trop proches l’une de l’autre, je sais que c’est le concept du développeur,
mais je n’adhère même pas à l’architecture.
— Direction Cantonments,
il annonce sans même que je donne mon opinion, il a dû le lire sur ma face.
Cantonments est un
quartier hyper bien situé. On est passé devant plusieurs ambassades avant d’arriver
dans à AU village, un gated community (une petite communauté à accès uniquement
réservé aux résidents et visiteurs autorisés par les membres du quartier).
La maison me convainc moyennement,
mais j’aime beaucoup la communauté. Les maisons sont bien détachées donc on
garde cet aspect d’intimité bien qu’on vive proche des autres. C’est un coin
vraiment agréable.
— Elle est bien
non? je demande à monsieur quand on finit le tour guidé.
— Dis-le si tu n’es
pas conquise au lieu de forcer les mots hors de ma bouche.
— C’est quelle
façon de mettre les mots dans ma bouche ça? je me fâche pour rigoler.
— J’aurais préféré
y mettre autre chose.
— Effectivement
je….HEY! je m’écrie choquée quand mon cerveau finit l’analyse de ses mots et je
le frappe sur le bras, ce qui nous vaut une blague de l’agent immobilier. Non
mais, c’est quoi ces manières? je le gronde entre mes dents.
— I missed you
today, il se permet de répondre sur un ton moqueur après m’avoir attiré à lui.
— Aww, newlyweds?
nous demande l’agent. (Nouveaux mariés)
Il lui confirme et je
comprends son jeu quand il me révèle le prix de la maison quelques minutes plus
tard.
— Quand tu me dis
850 000, c’est en cedis ou…
— Tu penses
acheter des lego ou quoi? Depuis quand une maison dans un secteur proche des
ambassades coûterait 850 000 cedis?
On parle de $.
-850 000 $? je répète estomaquée.
— On peut jouer le
rôle du cute couple devant elle et économiser un 10 000 $ sur le prix.
— Non non,
attends…., il y a quoi sur cette maison qui justifie ce prix? On ne parle même
pas d’une Smart house.
— Il y a la
position du quartier, le paysage, la restriction à l’entrée qui assure une
sensation de protection, les personnalités parmi lesquelles tu vivras, la
proximité aux écoles et le CBD, je continue? il ironise.
— Non merci,
rentrons, c’est quoi ça? J’ai vu plein de maisons sur internet à des prix
raisonnables, tu ne connais pas ses coins?
— Hors de
question qu’on vive à East Legon, je travaille déjà dans Legon, la majorité de
mes connaissances vivent dans ce secteur. Même si l’endroit est grand, je ne me
vois pas y vivre. Je n’aurais jamais la paix.
—Beh….les maisons sont
abordables là-bas ou pas?
— Je n’y vivrai
quand même pas.
— Tu as 850 000 $ à jeter dans une maison toi? Je t’ai
bien dit que je n’ai que 200 000 $.
En plus le mobilier fait vieux dans cette maison. Les douches alors, je n’aime pas
les baignoires. Il faudra refaire tout ça. C’est pour se retrouver près de 900 000 $ à la fin? Dans un pays africain? je
m’indigne.
— Bon, rentrons,
il se fait tard, il tranche.
Environ quarante
minutes plus tard, nous sommes hors d’Accra en route pour Pram, mais je ne digère
toujours pas ce gros prix.
— La maison que
je prévoyais acheter quand je vivais au Colorado coûtait 350 k. Elle était
à Denver et très bien située, une maison de trois chambres. Mon salaire devait
tourner entre 190 et 200 durant ma première année à Denver et potentiellement j’aurais
pu atteindre 400 k avant dix ans. Je ne comptais pas la prendre seule
cette maison, donc à deux on aurait parfaitement pu vivre, économiser, nous
faire plaisir, bref, tu vois le tableau. Ce que je veux comprendre hein, la
maison de 850K là est faite pour qui? Combien à Accra peuvent confortablement
entrer dans une maison pareille et avoir l’esprit tranquille que la progression
naturelle de leurs salaires leur permettra d’y vivre d’ici vingt ans pour finir
de payer leur hypothèque?
— Mon père aurait
adoré débattre de ça avec toi, il dit amusé.
— Mais ça ne
répond pas à ma question Cédric.
—What do
you want me to tell you honey? Ce
sont des endroits réservés aux diplomates, politiciens, athlètes
internationaux, et expatriés qui cherchent l’endroit le plus sécure du pays à
cause des histoires qu’ils ont entendues, leurs appréhensions basées sur des
préjugés ou simplement qu’ils veulent juste être entre eux. Quoique généralement,
les expatriés optent majoritairement pour la location au lieu de l’achat, mais
ce sont généralement les gens que tu retrouveras là-bas.
— Ce n’est quand
même pas le seul endroit sécure d’Accra non? J’ai entendu d’autres noms en
dehors d’East Legon sur YouTube…
— Ta source d’infos
par excellence, il se moque. Tu as entendu quoi? Roman Ridge?
— Oui ça, quelque
chose Addo et Douzou machin.
— Haha, je ne
vais pas vivre à Tse Addo. Même s’il est bien et propre, les inondations dans
ce coin sont abominables. Dzorwulu c’est une option, on verra demain.
— La dernière
option c’est de s’acheter un terrain. On pourrait se faire construire quelque
chose à nos goûts et dans un budget raisonnable?
— C’est quoi un
budget raisonnable pour toi?
-400k, max.
— Tu auras le
temps pour superviser un chantier? Moi non.
— Oui je l’aurais.
— Ah bon? Tu l’auras
quand avec le travail? Et tu vis où en attendant? Tu veux rester avec maman à
Trasacco Valley le temps que finisse la construction? Prenons le meilleur des cas
où on achète le terrain sans encombre, tu auras l’énergie pour rester en
contact avec tous les contracteurs, suivre les différents devis pour t’assurer
qu’on ne profite pas de toi? Parce que sois certaine, qu’on essaiera de
profiter de toi, tu es étrangère, tu ne parles pas twi, la cible parfaite. Être
Asamoah ou la belle-fille d’Eliza ne changera rien si c’est ce que tu t’imagines.
Ils seront très courtois avec toi, mais ils s’essaieront quand même comme ils l’ont
fait avec Godson qui voulait acheter un ancien bar le mois dernier.
— Ah bon? Ils n’ont
pas craint les représailles avec ta famille?
— Est-ce qu’ils s’attendaient
à se faire prendre? Et de toute façon, l’envie de se rendre justice est si
poussée chez certains qu’ils n’évaluent pas avec justesse les risques.
— Tu veux dire
quoi par l’envie de se rendre justice?
— Beaucoup sont persuadés
que les familles politiciennes s’enrichissent uniquement sur le dos du peuple
donc ils n’ont pas de scrupule avec les gens comme nous, et de toute façon, l’escroquerie
est rampante en construction d’où la popularité des développeurs depuis un
moment. C’est vrai qu’il te revend la maison à un prix deux ou trois fois plus
cher que le coût de construction, mais le prix reste fixe. Aussi tu achètes en
quelque sorte la paix de l’esprit parce que la majorité des développeurs ont un
département de qualité ainsi que des régulations qu’ils respectent. Ils ont une
réputation à défendre et s’il devait y avoir des dommages sur le produit fini
qu’ils te vendent, tu sais vers qui te tourner directement pour une plainte. Pourtant,
lorsque tu es maître de ton chantier, il te faut tout surveiller et ce sera à
toi d’effectuer les démarches et couvrir les réparations s’il doit y en avoir.
— C’est bon tu as
gagné, je dis d’une petite voix.
— Et l’avantage c’est
qu’en achetant dans un endroit prisé, tu as au moins la garantie que tu pourras
revendre à un bon prix ou au pire louer dans quelques années. Bien qu’on ait
nos défis, notre pays jouit d’un climat politique assez stable et les opportunités
économiques attirent beaucoup, donc tu trouveras toujours un acheteur ou locataire
pour des coins comme Cantonments. C’est ce
qui pousse aussi certains à s’endetter exagérément et faire des folies pour vivre
dans des endroits pareils. Ils le considèrent comme un investissement.
— Je vais
investir oh papa, je vais investir, je boude et il rigole.
— C’est quoi cette
attitude défaitiste?
— C’est celle de
quelqu’un qui reconnaît humblement que ce n’est pas sa catégorie.
— Ton humilité
est drôle à voir. Pourquoi tu ne me demandes pas de te l’offrir?
— Tu es fou? Je
demande ça comment quand je n’ai même pas la moitié du prix d’achat? Tu sais
très bien que je touche à l’héritage préparé mes deux pères et ma mère pour
cette maison là. Je devais normalement utiliser ce fond pour obtenir un prêt
afin d’ouvrir ma clinique donc ça me peine déjà d’en faire autre chose.
— C’est donnant
donnant entre nous?
— Bah oui! C’est comme
ça que j’ai toujours opéré.
— Ce n’est pas
donnant donnant entre nous, j’ai plus de moyens que toi. Je suis plus établi
que toi.
— OK, mais établi
jusqu’à quel niveau? On n’a jamais parlé de tes avoirs.
— C’est parce que
tu te comportes toujours étrangement quand on parle d’argent et n’essaie pas de
te cacher derrière l’humilité.
— Parle-moi
doucement, je me défends en souriant sachant qu’il m’a ôté ma justification.
— On rencontrera
mon conseiller financier demain en matinée pour discuter de mes avoirs et de l’achat
de la maison qui sera à toi humilité ou non.
— Ta mère t’a dit
d’être romantique avec moi donc arrête le forcing.
— Je peux être
romantique et t’envoyer vivre avec elle aussi, ça ne me gêne pas.
— Heuh non…, une
femme vit avec son homme.
Il rigole et m’insulte.
Tout sauf vivre avec belle-maman. Déjà, ce matin quand on quittait Akosombo, la
dame me demandait mon planning pour programmer une visite chez un voisin qui a
accepté de nous vendre sa maison. Elle a tout démarché sans même nous avertir,
donc non…, je ne suis pas tranquille à l’idée de vivre près d’elle. Je sais que
son emploi du temps est assez chargé donc il y a peu de chance qu’elle passe
toutes ses soirées chez nous, mais je préfère comme Cédric être ailleurs ne
serait-ce que pour garder un peu d’intimité.
La nuit est courte parce
qu’il faut se lever tôt pour se rendre à Accra. Un homme simple aurait craqué
après une semaine à se taper des trajets de quatre heures juste pour le travail,
mais Cédric, Ya le feu? Jamais! Pram c’est la meilleure ville pour lui et ça ne
lui dit rien d’être dans les embouteillages régulièrement. Je sais qu’il a
aussi un appartement dans ses bureaux où parfois il dort quand il n’est pas
chez sa mère, mais ça reste un voyage régulier entre deux villes quoi. Bref,
nous arrivons à CalBank où nous allons rencontrer son conseiller.
Une heure plus tard, je
ressors l’esprit mélangé. Je comprends assez le monde de l’investissement ayant
moi-même un petit portefeuille de placements essentiellement composé d’actions et
obligations en France, seulement j’ai découvert tant de choses aujourd’hui que…
— Questions? je t’écoute,
il m’interrompt.
— Finalement, qu’est-ce
qui est à toi et qu’est-ce qui est à Nyameba BME? Comment tu fais la distinction?
— Actuellement je
n’en fais pas, mais cette rencontre servait aussi à ça.
— Mais comment tu
vivais alors? Je veux dire, comment tu arrivais à suivre tes dépenses et
respecter les charges de Nyameba BME tout en restant dans vos chiffres?
— Je me privais
simplement de salaire. Je ne suis pas dépensier donc je vivais très bien avec ce
que je gagnais pour mes services de consultation pour l’association des
professionnels de la santé de l’Afrique du Sud, mais ça va changer comme nous avons
des projets de famille.
— Alors la maison
que tu as achetée à Nairobi c’était avec ton salaire de consultant?
— Non, je l’ai fait
avec le fond de lancement prévu pour Nyameba BME Nairobi.
— Donc tu sépares
tes entreprises?
— Pour l’instant
oui. Ça me permet de suivre plus facilement la rentabilité de chacune. Nyameba
BME Accra est la première filiale en revanche. Mon espoir c’est d’ouvrir une
équipe administrative dans chaque pays où nous avons un marché conséquent. Lomé
est la prochaine ville dans deux ou trois ans, on verra selon nos évolutions. Ça
va? il sourit après ma lourde respiration.
— Oui…, je crois
que ça s’éclaire dans mon esprit. Tu es inspirant, je suis bluffée.
— Mon père m’a
forcé à lire ses douze bouquins et j’ai appris sur le marché en Afrique du Sud.
— Lol ton papa est
écrivain?
— Tout un auteur
best-seller, il nous oblige à avoir des copies de ses livres partout. Il est même
étudié dans certains programmes d’agriculture.
— Waouh, vous n’avez
pas une petite pression sur les épaules chez vous.
— J’en attends
tout autant de toi madame. Je ne t’offre pas la maison pour tes beaux yeux ou tes
hanches ensorcelantes, mais parce que tu es l’investissement de nos enfants.
— Hein?
— Nos enfants
hériteront de ta clinique.
— Hayiii Yafeu,
la clinique qui n’existe que dans mon esprit?
— Pour l’instant,
il précise. Les pédiatres hématologues ne courent pas les rues à Accra, ça au
moins je le sais. Je suppose que c’est pareil à Lomé, donc j’ai déjà une idée
de la demande que tu auras. En plus, je t’ai vu à l’œuvre. 36 heures entre
deux pays et tu vas au travail sans rechigner. Dois-je te rappeler que tu t’es
laissée convaincre de repousser ta démission à la clinique de Nairobi?
— Je n’avais pas
le cœur de laisser ma petite patiente qui paniquait littéralement depuis l’annonce
de la ponction lombaire qu’on devait lui faire.
— Je sais, je
sais que tes patients vivent dans ton esprit même quand tu n’es pas à l’hôpital
et ce dévouement te conduira loin. C’est sur ce dévouement ainsi que ta résilience
que je mise pour nos enfants. On ignore ce que l’avenir nous réserve. Je ne trempe
dans rien de louche, je te l’ai déjà dit, en revanche, Nyameba BME m’appartient
à 60% à ce jour. Le 40% est partagé entre plusieurs investisseurs. Je prie qu’on
reste en vie avec nos enfants pour leur transmettre le nécessaire, mais dans l’éventualité
où quelque chose devait m’arriver, je préfère que tu abandonnes Nyameba BME si
jamais les investisseurs te rendent la tâche difficile. Ne t’attache pas au
fait qu’il te faut absolument garder la compagnie dans la famille au point de
perdre tout ce qu’on aura construit à côté. Elles sont nombreuses les histoires
de successeurs qui en courant après leurs héritages ont perdu la majorité de
leurs biens et certains n’ont même pas pu maintenir à flot les entreprises. Concentre-toi
sur ce que tu maîtrises, c’est la médecine. Si un de nos enfants doit et veut suivre
mes pas, il aura les bouquins de gestion de mon père, ceux que je vais écrire lorsque
je me déciderai un jour, ainsi que toi et l’éducation qu’on lui aura transmise
pour le faire.
Ce côté calculateur,
je pense que c’est ce qui m’a séduit. Je l’accuse souvent d’attendre à la
dernière minute, mais quand il s’ouvre à moi, il m’étonne toujours par sa
prévoyance. Je le laisse à l’immeuble qui abrite ses bureaux et comme j’ai toujours
la voiture, je pars en exploration de maisons. Les fois où je m’égare, je
questionne les passants et vers 15 h, je conduis comme une folle pour
retourner à Nyameba BME. Surexcitée, j’ai même failli rentrer dans une portière
ouverte subitement par un garçon quand je me garais.
—Are you OK? je demande
paniquant à la sortie.
— Did I not tell
you to pay attention before opening Richie? le gronde celle que je suppose être
sa mère.
— Ouais ouais, il
répond en roulant des yeux et nous dépasse toutes les deux bien que sa mère l’intime
de revenir.
Elle s’excuse et le
suit en le grondant. Les garçons, toujours des têtus décidément. Le mien de
têtu sort à l’heure prévue, 15 h 30.
— J’ai trouvé
notre maison! je lui annonce sans tarder.
— Ah? Où?
Il ne fallait pas m’en
demander plus. Je me suis bien assurée de mémoriser le trajet en arrivant donc
je l’y conduis sans perdre une seconde.
-380k au Cantonments? il
n’en croit pas ses oreilles bien qu’on soit devant la maison.
— Yep, je confirme.
Le prix est affiché sur le site du promoteur. On n’est pas dans une résidence
aussi grande et protégée que AU village, mais nous sommes bien situés et l’intérieur
de la maison est superbe, j’ai filmé attend, je dis et lui montre. C’est vrai
qu’elle n’est pas meublée, mais je vais m’en charger le temps que tu rentres de
Pretoria.
— Elle t’a conquise
je suppose?
— Totalement,
mais on la visitera demain aussi pour…
— On l’achète
demain.
— Oh? Tu ne veux
pas voir?
— Plus que ce que
je vois là?
— Mais l’intérieur
non? Le balcon…
— C’est toi qui
aimes être sur le balcon. De toute façon, ma maison de Prampram reste en tête.
— Kieh, un homme
et sa maison de plage, je dis avec humour.
— Rien ne rivalise
avec l’air de mer, il confirme sur le même ton.
Il refuse de prendre
la totalité de mon chèque. On s’entend sur 50 k comme contribution de ma
part. Il prend en charge le reste et la maison sera en mon nom. Je n’oublie pas
que ce n’est pas pour mes beaux yeux. La confiance totale qu’il a en moi concernant
la postérité de nos enfants me met le feu aux fesses. Il a confirmé les
conseils de maman, je vais m’investir à fond pour eux. Ils auront autant, voire
plus d’opportunités que nous. Monsieur « je décide
en une seconde » nous
emmène directement dans une boutique Home&Decor pourtant on n’a même pas
encore acheté la maison. Lits, matelas, coussins, draps, banc de chambre, sofa,
lampes, on a meublé les quatre chambres de la maison non achetée. La dame nous
a même montré des photos d’articles qu’ils attendent en commande donc on a
aussi commandé toute notre salle à manger. Pour le reste, je préfère regarder
un peu ailleurs pour comparer les prix. Tata Cathy m’a quand même refilé des
adresses à explorer. Confiante qu’on l’a notre maison, j’informe mes gens de
Lomé que bientôt ils pourront nous visiter et comme hier, on a mangé des restes
parce que j’étais épuisée, aujourd’hui, je veux nous mettre bien. On s’arrête à
Shoprite pour des courses donc je vois la réponse de Romelio passer sans pouvoir
la lire.
***Romelio Bemba***
Lundi matin, je me suis
levé après une soirée inoubliable pour me retrouver sans voiture. Arthur qui s’est
cru malin a décidé de rentrer avec ma voiture sans moi. Il a littéralement
embarqué mes parents et ma fille en me laissant un message expliquant que le
destin a choisi qu’elle ne soit plus dans les parages quand il a rejoint le
père Asamoah, donc je dois lui laisser cette petite vengeance. Comme il m’a
forcé, j’ai donc accepté sa perche, du moins c’est ce que j’ai choisi comme
justification pour demander à Mini une place de retour au lieu de me tourner
vers mon oncle Magnim. Les Asamoah avaient dépêché une voiture pour conduire l’équipe
du magazine Source au Ghana et c’est leur chauffeur qui nous a également ramené
à Lomé, juste qu’on l’a laissé à Tema à sa demande. Je suis à Lomé, j’ai
récupéré ma voiture mais pas mon esprit. Je ne sais quoi penser d’où le destin
me conduit là. Elle m’a révélé qu’après ma prière, elle a passé une entrevue
avec le magazine Source qui ne présageait rien de bon puis à la dernière
minute, Sia l’a approché avec cette offre. Elle ne sait pas que je connais Sia.
Mon prénom aussi lui est inconnu. Ce qui m’intrigue c’est qu’elle ne l’a pas
demandé, pourtant on a parlé et même dansé une fois ce samedi là. J’ai même son
numéro. Elle a aussi le mien, j’attends un signe parce qu’elle est toujours au
Ghana.
***Mini Attiba***
Maman se porte bien. Durban
lui manque, mais Tema n’est pas mal. Elle refuse de me suivre à Lomé en revanche.
Les dynamiques familiales entre les familles Attiba et Attipoe sont difficiles
à saisir pour moi. Même mon passé me paraît difficile à expliquer. Mon père n’était
qu’un gardien, ma mère se débrouillait et un beau matin on a quitté Lomé pour Tema.
À l’époque j’ai pris cette chance pour une bénédiction. Papa était évasif dans
ses réponses et peut-être j’étais trop naïve pour le questionner davantage.
Bref, avec le temps, j’ai fini par comprendre que le côté Attipoe qui domine et
a plus de réussites ne s’attendait pas à ce qu’un Attiba arrive à envoyer sa
fille en Afrique du Sud. C’est de Bruce qu’on l’a entendu. C’est le seul
Attipoe avec qui nous avons gardé des liens vu qu’à un moment, papa a prêté
main-forte à sa famille lorsqu’elle a tout perdu. Depuis, il est resté un
mentor pour moi-même si maman a toujours surveillé ce que je lui disais sous
prétexte qu’il ne sait pas la fermer. C’est lui qui nous a assistés pour le
décès de papa survenu dans des conditions lugubres. Maman jure encore que les
Attipoe sont derrière et papa aurait dû nous suivre en Afrique du Sud au lieu
de s’entêter pour s’installer à Lomé. Elle n’a jamais vu d’un bon œil que j’accepte
la proposition de Bruce. Il a fallu que j’accepte de porter ses fameuses amulettes
de protection pour qu’elle me laisser y aller, et j’ai aussi reçu l’ordre formel
de cacher à Bruce qu’on a une maison à Tema sous prétexte qu’avec lui on ne
sait jamais. Il peut penser qu’il nous défend des injures de ses oncles et nous
exposer. Bref, je déteste me rappeler de mon passé et je déteste encore plus le
climat dans lequel je suis actuellement. Vivement que ce reportage convainque la
propriétaire du magazine. Je sais que c’était inhabituel de couvrir un mariage comme
une cérémonie de prix, mais j’espère qu’en me voyant à l’œuvre sur les
enregistrements, elle pourra me recommander à des gens du milieu. Je veux reprendre
ma vie en main, mes économies arrivent à épuisement, c’est stressant.
Après la rencontre récapitulative
avec la patronne, je n’ai qu’une envie, parler à ma bonne étoile donc je le
texte.
— Tu as une seconde
pour prier sur la pécheresse que je suis? je lui envoie par message.
Mon cœur s’affole
quand mon téléphone se met à vibrer dans ma main. C’est lui qui appelle.
— Si je te
dérange je…
— Tu es où? il m’interrompt.
— Je suis à Lomé,
je viens de sortir d’une rencontre avec la proprio du magazine et je panique un
peu.
— Tu connais l’hôpital
AELI?
— Euh….juste de
nom. Je t’envoie la position et tu m’y rejoins si tu as une minute.
J’accepte et quelques
minutes plus tard, je suis au département qu’il m’a indiqué. Je le texte et la
minute suivante, il apparaît. Cet homme est vraiment agréable à regarder. Grand,
belle gueule, et il a des pieds hyper longs. Selon une de mes copines, les
pieds longs signifient que le troisième pied est conséquent, je m’excuse, je ne
sais pas pourquoi j’ai pensé à ça, mais ça m’est venu tout seul.
— Tu n’aimes pas
le sushi?
— Hein?
— Je t’ai demandé
si tu avais envie de sushi et tu as baissé les yeux?
— Oh non…, je…oui,
j’aime les sushis, je réponds gênée.
Mes yeux sont allés
où? Je suis mortifiée. Si maman savait. Bref, je le suis comme il me demande et
on se retrouve dans un bureau.
— Ça te convient
qu’on mange sur place? J’ai une réunion à 14 h 30 que je ne peux pas
manquer, ça nous laisse un peu plus de deux heures d’ici là.
— Oui bien sûr,
on fait comme tu veux.
Il passe commande au
téléphone, pendant que j’observe avec curiosité son espace de travail. Un laptop
sur la gauche, un desktop sur la droite. Quelques papiers. Lui-même a les
manches retroussées, exposant une élégante chevalière à son poignet. Il ne
porte pas d’alliance, mais je ne cherche pas hein. Il a une ado et je suis une
grande ado dans la tête donc pardonnez ma vie.
— Dans une
vingtaine de minutes, on pourra manger.
— Tu…
On nous interrompt par
un coup à la porte. Une infirmière fait son entrée et il la suit après s’être excusé.
Pendant qu’il s’occupe, je me distrais avec des jeux sur mon téléphone. Il revient
l’air préoccupé.
— Il y a un
souci?
— Un accouchement
qui n’évolue pas bien. On a transféré la maman à l’hôpital.
— Oh..l’hôpital? Ce
n’est pas un hôpital ici?
— C’est une maison
de naissances associée à l’hôpital. Le suivi et les accouchements sont réalisés
de manière naturelle uniquement par des sages-femmes et lorsque des
complications surviennent, on les transfère à l’obstétrique. La maman est jeune
et c’est son premier donc elle est à fleur de peau. Elle ne voulait pas aller à
l’hôpital malgré les recommandations de la sage-femme.
— Mais elle et le
bébé vont s’en sortir?
— J’attends l’appel
du gynécologue à qui on l’a confié.
On reste dans ce climat
de stress donc les sushis restent dans leurs boîtes jusqu’à ce qu’on lui
annonce par téléphone que sa patiente a accouché une quarantaine de minutes
après son transfert. Je sautille comme une biche à la bonne nouvelle.
— Je nous ai sapé
le déjeuner hein, il rigole. Désolé, je n’arrivais pas à me l’ôter de l’esprit.
— Mais bien sûr
que non. Je suis trop contente. Elle a eu quoi?
— Une petite
fille qu’elle a apparemment décidé d’appeler Lia pour me remercier.
— C’est adorable,
je glousse. J’étais pas si loin finalement, je t’ai renommé Lucky star comme je
me suis rappelé après l’échange de numéros que je n’avais pas ton nom.
—Lucky star? il pouffe
de rire.
— Arrête, ne te
moque pas, ta prière a débloqué des choses, je rigole aussi.
— C’est mieux que
moi. Je t’ai surnommé Mini.
— Mini? Non mais,
je fais 1m70, ce n’est pas un format mini ça.
— Tu as oublié ta
mini jupe?
— Ma mini…genre
la jupe que j’avais à l’église? C’est quoi ce surnom? je le questionne avec
humour, mais subitement, toute trace d’amusement disparaît dans son regard.
— Tu as marqué
beaucoup le jour là, moi le premier, il le dit d’une voix que je trouve chaude.
— Oh Seigneur, ne
me dis pas qu’on a tenu des réunions par ma faute? Pitié, dis-moi que non, je lui
demande mortifiée et il éclate de rire.
— Peut-être bien,
peut-être que non.
— Oh mon Dieu, je
dis le visage couvert avec mes mains. Je n’avais même pas prévu aller à l’église
en fait. J’allais rencontrer une amie mais je me suis perdue en chemin parce
que j’ai du mal avec quelques endroits à Lomé. Comme je suis tombée sur l’église
et j’étais déjà démoralisée, je me suis dit pourquoi ne pas entrer pour voir. J’ai
dérangé beaucoup de monde?
— Mais non, ne t’en
fais pas. L’essentiel c’est que tu aies trouvé ce qui t’y a conduit.
— Je pense avoir
trouvé, je dis un peu trop optimiste. Si tu peux prier pour moi à nouveau, je
pense que ça se fera.
— Tu pries pour toi-même?
— Pas vraiment,
ce n’est pas mon fort. Je sais juste me lamenter et pleurer, j’avoue et il
sourit, mais son sourire est compatissant.
— Ça compte
aussi, les prières les plus puissantes sont les honnêtes. Si tu ressens le
besoin de te lamenter, tu as le droit. De toute façon, ce ne sont pas les mots
qui forcent Dieu à agir. Il le fait par grâce et en son temps.
— C’est une façon
indirecte de m’exhorter à la patience ça? Je ne veux pas attendre hein.
— C’est une façon
de te dire que tu as les clés entre tes mains Mini. Je vais prier pour toi,
mais sache que tu peux aussi prier et tes mots ne sont pas plus efficaces que
les miens.
— Trop de viande
ne gâte pas la sauce, je dis satisfaite et il rigole.
Il ne lui reste plus
assez de temps à sa pause donc il propose que je rentre avec les cinq boîtes de
sushis.
— Et toi? Tu n’as
rien mangé.
— Oh, je me
prendrai quelque chose après le rendez-vous.
— Mais non, on
partage, je dis et m’active en divisant les différentes sortes de sushis pour
que chacun ait sa part.
Satisfaite, je me redresse
et encore une fois, l’intensité de son regard me scotche sur place. Depuis le
samedi, j’ai cette impression qu’il me sonde, pourtant je ne vois pas pourquoi.
— Euh…., je vais
y aller Lio. Ma prière? je dis en me levant pour venir vers lui.
— C’est mieux que
tu restes à ta place.
— On ne va pas se
tenir les mains pour prier comme la dernière fois?
— Non. Je risque cette
fois de me laisser aller et goûter à tes lèvres.
Troublée par cette révélation,
je ne sais quoi dire. Je reste dans la même position et le fixe. Il ne détourne
absolument pas le regard.
— Je vais prier
pour toi d’ici, il continue naturellement, ferme les yeux et commence.
Dieu même sait que je
n’ai rien retenu. J’ai quand même dit amen, mais tout ce que mon esprit a retenu
c’est qu’il veut connaître le goût de mes lèvres. Je suis déjà à la maison,
mais je n’arrive pas à ôter cette pensée de ma tête.
— Depuis quand tu
veux goûter mes lèvres? j’ose le texter.
Le klaxon de Bruce me
sort de l’emprise sensuelle dans laquelle m’a plongé l’intention sensuelle de
Lio.
— Donne-moi un
coup de main s’il te plaît, me demande Bruce qui ouvre son coffre.
— Wow, je m’exclame
pris de court par l’immense ourson brun dans son coffre.
— Tu vois comment
on malmène ton cousin. Un vieux comme moi, j’ai fouillé dans tout Lomé pour un
jouet à cause de femme, il me fait rire par sa plainte.
— Elle t’habitue
au rôle de papa.
— Pardon, je vais
mal fesser l’enfant là s’il ose me ramener les caprices ici. Tu peux garder le
jouet dans ta chambre s’il te plaît?
— Oh c’est une
surprise? Trop mignon.
— Elle ne pourra
pas me dire que je n’ai rien fait pour l’enfant, il se plaint encore et me suis
les bras chargés de sac cadeaux.
On dépose tout dans un
coin de ma chambre et pendant qu’on partage les sushis de Lio, il m’explique
son idée.
— Ce n’est pas un
peu tôt pour le baby shower?
— Ah…., j’ai parlé,
mais on m’a dit que je suis un homme.
— Bon, je n’ai
pas d’enfants donc je ne pense pas pouvoir parler de ça.
— Ma grande, tu fais
bien. Supportons simplement, d’ici août l’enfant sera parmi nous.
— Tu as hâte
hein, je dis contente.
— Ouais, on va voir
s’il prendra mes oreilles pointues ou la bouche de sa mère.
— Ou une
combinaison des deux, un parfait mélange de papa et maman, il sera trop mignon.
Tu imagines, lui et Ezer seront amis.
— Eh ne dis plus
jamais ça. Encore heureux que madame soit au restaurant. Ezer est l’enfant de
son ennemie jurée. Elle ne supporte pas la femme d’Eben.
— Ah bon?
Pourquoi?
— Le salopard d’ex
-mari de Jennifer a couché avec la femme d’Eben dans le passé.
—Wow, what? Eben est au
courant?
— Ah ma chérie,
il sait et il a fait son choix.
— Eh bien…, pauvre
Jen. Tu es certain qu’Eben sait et il est toujours avec elle?
— C’est compliqué
en soi, mais disons qu’Eben a choisi de fermer les yeux pour sauver sa famille.
— Je suis
choquée, je…wow quoi. C’est quelqu’un que tu connais l’ex?
— Il ne mérite
pas qu’on l’évoque.
— Ouais tu as
raison. C’est Jennifer qui compte.
C’est elle qui klaxonne
maintenant et semble d’excellente humeur quand on lui ouvre. Son ventre continue
de s’arrondir de jour en jour et je trouve qu’il lui va très bien. C’est vrai
que je ne savais pas comment l’aborder au début à cause de ses sautes d’humeur,
mais savoir qu’un type l’a trompé avec une proche, c’est révoltant.
Ce qui la rend de bonne
humeur c’est qu’elle a trouvé une décoratrice pour son baby shower.
— Et pourquoi tu
demandes que je m’en occupe si c’est pour le faire dans mon dos? l’interroge
Bruce d’un air mécontent.
— On ne peut plus
donner un coup de pouce à son chéri?
— Donne un coup
de bras directement et fais tout, rouspète Bruce et on rigole.
— Ah non hein, je
vous laisse ça mon comité d’organisation. Voilà le numéro de la déco, je compte
sur toi Tessa. Oh ils me font de l’œil tes sushis.
— Va loin, tu n’as
pas le droit.
— On chasse de
cette façon Bruce, elle rigole et s’éloigne en chantonnant.
Un couple franchement
amusant. Bruce et moi continuons à comploter sur les projets du baby shower,
mais il se retire tôt pour se coucher. C’est dans la chambre que je vois enfin
la réponse de Lio. Je tente un appel comme il sonne déjà 22 h.
— Tu berces ta
fille? je demande hésitante.
— Elle me
renierait si j’ose, il répond avec humour.
— Lol, à sa place
j’en profiterais à fond. Un papa c’est tellement important pour un enfant.
— Ne t’en fais
pas, elle en profite grandement quand il faut lui acheter ses atroces chaussures
qu’elle collectionne.
— J’espère que tu
ne parles pas des DOC Martens qu’elle portait à l’église.
— Hideuses avec
un grand H.
— Désolée, mais
tu n’as pas de goût, je dis faussement indignée et le fait rire.
— J’ai du goût
sur d’autres plans, ça me va amplement.
— Quels plans? Permets-moi
d’en douter.
— Je te parle, c’est
la preuve que j’ai du goût, il déclare sans détour et je ris sottement.
— Tu n’as pas
répondu à ma question, je réplique ramenant le message que j’ai lu avant de l’appeler.
— Je n’ai pas
envie d’embarquer dans cette discussion avec une fille de 23 ans.
— L’âge n’est qu’un
chiffre, je dis amusée.
— Pas chez moi, j’ai
critiqué un ami qui fréquente une fille de cet âge, il est hors de question que
je lui donne l’occasion de se foutre de ma gueule.
— Haha, tu as
quel âge pour être autant à cheval dessus ?
-36 ans.
— Je m’en doutais
un peu. Tu les fais bien.
— Tu sous-entends
que je suis vieux jeune fille?
— Non, je confirme
que tu fais mature. Tu as la pensée et la posture de ce que j’imagine d’un homme
à cet âge. Tu me donnes quel âge?
— Qu’est-ce que
je gagne si je le trouve?
— Je te laisse
choisir, je propose joueuse et peut-être émoustillée. De toute façon, rien ne m’oblige
à le revoir. Un petit flirt n’a jamais tué.
— Plus de 25 ans
parce…
— Ah non, ce n’est
pas du jeu ça. Tu dois donner un âge fixe.
— Tu permets que
je finisse? il me questionne amusé.
— Bon continue,
mais je ne retiendrai qu’une réponse exacte.
— Je disais donc
plus de 25 ans parce que ce dont j’ai envie avec toi…
— De quoi as-tu
envie? je l’interromps par un murmure.
— Je veux te
découvrir entièrement. Joies, peines, aspirations, questionnements, défauts,
qualités, je veux entrer dans ton intimité émotionnelle comme physique. Je veux
découvrir ce qui te fait sourire, rire, pleurer, frémir, trembler, espérer,
jouir. Je veux te connaître Mini.
— Je m’appelle
Tessa, mais j’adore le Mini que tu me colles, je chuchote émoustillée.
— Tu peux aussi m’appeler
Tchaa comme les intimes ou Lio, personne ne m’appelle ainsi. Mon prénom entier
c’est….
— Lio ça me va, c’est
pour moi, je déclare.
— Alors? As-tu l’âge
de la découverte?
— L’âge plus trois.
On la commence quand cette découverte? je l’interroge sans réfléchir.
— Demain, tu vis
où?
— Euh…demain, j’ai
des courses à faire. On prépare le baby shower de la femme de mon cousin, mais…demain
soir?
— En soirée c’est
compliqué avec Hadassah, mais si tu n’es pas une couche-tôt, je peux passer te
voir quand elle dort.
— OK, je t’indique
la maison par message.
On se laisse sur des phrases qui accroissent mon impatience d’être à demain. Pardon Seigneur, qu’une copine ne sorte pas de l’ombre pour me causer des problèmes. Je veux seulement profiter un peu de ta belle créature. Mince, cet homme a des grands pieds, je continue à mater sa photo de profil sur Whatsapp où il est assis jambes bien écartées. Qu’est-ce que ça fait quand il passe sur une femme? Mon esprit est trop fertile.