146: The A. Affair continues in Ghana

Write by Gioia

***Elikem Akueson Asamoah***

J’ai réussi à convaincre monsieur de me laisser me changer seule parce qu’à deux, on aurait probablement abimé les perles de ma robe dans la précipitation. J’ai bien l’intention de la remettre autant que j’en aurai l’occasion, mais c’est fini pour aujourd’hui. Je l’accroche au cintre et la mets dans l’armoire à côté du kente de Yafeu dont les mains sont déjà sur mon corps uniquement recouvert de mes dessous. Il me retourne et fait appui sur le bas de mon dos pour que je me colle entièrement à lui.

— Je t’ai dit que tu étais beau aujourd’hui?

— Ah bon? il ironise. Il me semble que l’an dernier la même bouche a dit que tout ce que j’avais pour moi c’était un beau teint et l’arrogance sinon les yeux ne trouvaient pas de beauté sur moi.

— C’est ton arrogance qui enveloppait ta beauté, je réplique avec humour et il me presse les fesses tout en rigolant doucement.

— C’est mon excès de confiance qui te retient ici pourtant. Je sens ton corps frétiller dans l’attente de ma queue, il chuchote, tête dans mon cou.

— Shut up, je me marre pourtant je suis bel et bien impatiente.

Le lendemain de notre retour du Nigeria, il s’est envolé pour Pretoria où il est resté jusqu’à ce qu’on se retrouve à Lomé, donc il m’a vachement manqué. Pendant qu’on s’embrasse, je m’attaque à ses vêtements, mais il m’embête en me bloquant.

— Tu me dois un show.

— Tu es même sérieux hein.

J’éclate de rire quand il se met à massacrer la chanson favorite de ma grand-mère.

— Pardon, tu as encore internet pour trouver une chanson et puis vas m’attendre dans la chambre, je l’incite tout en le poussant à s’exécuter.

Dès que je l’ai poussé hors du dressing, je sors l’unique valise de vêtements avec laquelle j’ai quitté Nairobi. J’ai donné la majorité de mes effets aux refuges pour femmes et gardé ce qui a une valeur sentimentale pour moi. Je plie en deux un pagne que j’attache à mes hanches de manière que le tissu s’arrête en plein milieu de mes cuisses, puis je me sers du morceau de pagne faisant office de foulard pour l’enrouler autour de ma poitrine. Dans cette tenue, je pourrais danser plus facilement qu’à la dot où j’étais restreinte dans quelques mouvements. Aussi, je suis sexy comme ça. Mon ventre est dénudé, la façon dont j’ai noué mon pagne ajoute du volume sur mes hanches ce qui met en valeur mon petit ventre. Ça tape déjà dans les mains, signe qu’il a lancé la musique. Il ne me reste plus qu’à prier pour que mes ligaments et tendons coopèrent. Je fais une entrée sage et dès que les instruments embarquent, je laisse mon corps honorer mes traditions. Il est subjugué et ça m’enhardit qu’il m’observe comme si j’étais la chose la plus intéressante au monde. Comme il est assis sur le divan de la chambre, je reste abaissée, remue mes hanches et me rapproche de lui. Il réussit à me faire perdre concentration pendant une seconde avec sa carte de crédit qu’il me colle au front. La seconde où la musique finit, il me tient par la taille et je me retrouve sur ses jambes, dos à son torse.

— Tu as fait quelle école de danse traditionnelle? Elle mérite une donation.

— Celle de Gisèle, je dis après un rire franc.

Il me lèche furtivement le dos et ses dents dénouent le nœud du pagne que j’ai à la poitrine. Je me penche vers l’arrière pour coucher mon dos sur son torse et passe mon bras autour de son épaule ce qui rapproche nos faces. On s’embrasse avidement, ses deux mains font exactement ce dont mes seins raffolent. Ils sont massés, les pointes sont roulées entre pouce et index. Je suçote sa langue et remue lascivement mon bassin sur lui. Il lâche mes lèvres pour pencher sa tête qui se trouvait sous mon aisselle. Il me mordille le téton gauche très tendu et le suce fortement.

— Cédric, je murmure et j’emmène sa main libre vers mon entrejambe pressée de le sentir.

Comme le pagne est court et j’ai les jambes écartées, l’accès lui est facile.

— Puffy pussy, il commente d’une voix rauque et pince mes lèvres gonflées.

Son doigt veut faire je ne sais quelle danse à mon entrée, mais je suis déjà loin comme j’ai dit. Je vais prendre sa main et guide son doigt en moi.

—So wet and ready.

— Yeah, je confirme en gémissant.

—Fuck yourself with me honey.

— Yeah watch me fuck myself with you baby, je confirme d’une voix rigolote en gémissant et avec son doigt nettement plus satisfaisant que le mien, je fais du bien à ma chatte.

C’est bon, c’est jouissif, ça fait vibrer et peut-être que je raconte encore des conneries. Sa bite remplace son doigt et me fait dire davantage de bêtises. Il me tient par les hanches et mène le culbutage donc ça claque fort. Mes mains sont occupées à parcourir mon corps en feu et caresser ses boules.

— Touche-moi encore, il m’ordonne.

Je masse avec soin ses couilles au point d’en sourire quand ses jambes tremblent et je l’entends jurer.

—You like that? je susurre.

— Tu me tues Elikem, je vais te donner deux filles pour remercier ta mamie.

Je ris bêtement et me tourne pour lui faire face. C’est mon tour de prendre les rênes. Être au contrôle et voir le torrent dans ses yeux, c’est un peu ma kryptonite. Ça me pousse directement proche de l’orgasme, mais je veux durer sur sa queue, donc je lui demande de me prendre en levrette. Il me met face contre le lit, postérieur bien relevé et me pénètre profondément. Une erreur monumentale en gros. En quelques claquements de ses bourses contre ma chatte, je craque, touche mon clito et jouis sans retenue au point de m’écrouler sur le lit. Il se couche entièrement sur mon corps, me retient par ses deux bras dans une étreinte puissante et comme sa tête repose sur mon épaule, je reprends sa langue que je suçote ce qui accélère sa jouissance. Il prend du volume, m’écarte bien le minou et se vide en moi avec des coups de reins saccadés.

— Une fille pour remercier Gisèle, je me marre en me rappelant de l’idée pendant qu’on se câline paresseusement dans le lit.

— Deux filles j’ai dit.

— C’est ton utérus monsieur?

— Tu as bien dit « Give me the twinsies » quand nous étions à Lagos.

— Quand c’est ça tu enregistres hein, je dis amusée.

— Il faut bien sinon tu te défileras constamment.

— Primo, twinsies ne veut absolument pas dire que je veux des jumelles. C’est Dara qui m’a calé ce mot en tête à force de le dire dès que Snam habille les garçons de la même façon. Secundo, je n’arrive même pas à convaincre un bébé de s’implanter en moi alors deux…

— Eh…., c’est quoi cette phrase? il murmure main sous mon menton.

— C’est un peu inquiétant qu’on n’y arrive pas bien qu’on soit actifs. J’espérais qu’on ait la même chance qu’Océane et Eben, mais faut croire que…, bref je ne sais même pas.

— Je te mets la pression? il demande inquiet.

— Non du tout, qu’est-ce que tu vas chercher? Ça me réjouit quand tu l’évoques, je t’assure. Ce qui me met un peu la pression c’est l’attente tu vois? Les 35 ans sont arrivés et quelque part je me demande quelles seront mes chances si je n’y arrive pas cette année.

— On va y arriver, on a fait nos examens et nous sommes bien portants. Ce n’est qu’une question de temps j’en suis persuadé. En plus, je ne veux pas qu’on commence ce mariage avec une pression inutile. Pour moi tu as la même tête emmerdante qu’à seize ans, donc ton âge m’importe peu.

— Qu’est-ce que tu sais y faire toi, je me marre.

— C’est un talent inné, ne cherche pas à le copier, tu n’y arriverais pas, il répond avec le même humour.

Ainsi, il a réussi à me ramener dans l’esprit festif de la journée. J’ai faim, il veut nager, donc on décide de faire les deux. Il va se rincer rapidement avant qu’on aille dans la piscine donc j’en profite pour retrouver mon téléphone pendant que je sors de quoi nous faire un repas rapide. Pas de messages ou d’appels des parents, donc je peux souffler. J’en conclus que le convoi qui nous a incités à fuir la fête a réussi à les tranquilliser. Dara m’a averti il y a une heure et 07 minutes qu’ils ont quitté la fête. Je m’apprête à l’appeler pour avoir des nouvelles quand je reçois un appel. Il vient de maman Eliza.

—Hello Mummy, I am so sorry we left the party….

(Je m’excuse qu’on ait quitté la fête…)

—No worries at all dearie, I am actually surprised Yafeu didn’t pull that stunt sooner, elle rigole. Are you guys still in Prampram?

(Il n’y a pas de soucis ma chère. Je suis plutôt surprise que Yafeu n’ait pas sorti cette carte bien avant. Vous êtes toujours à Prampram?)

—Yes. He’s in the shower though, do you want to talk to him?

(Oui. Il est sous la douche en revanche, tu veux lui parler?)

—And why aren’t you in that shower with him young lady?

(Et pourquoi tu n’es pas sous cette douche avec lui jeune fille?)

Eh la gêne de ça. Je ris nerveusement ne sachant pas quoi dire bien qu’elle l’ait demandé sur un ton taquin.

—Euh…I was hungry so I am in the kitchen looking for something to make.

(Je crevais la dalle donc je suis en cuisine, à la recherche de quelque chose à préparer.)

—Something to maaakeee? Elle s’indigne, m’effrayant au passage. Aurais-je dit quelque chose qu’il ne fallait pas? Put Yafeu’s on, elle continue sur un ton plus sévère.

(Quelque chose à prépaaareeer?)

— Euh…OK, just a moment.

Heureusement, son fils est hors de douche quand je retourne en chambre.

— Je sais pas, peut-être que j’ai dit une connerie à ta maman, je chuchote gênée.

Il prend, je reste plantée là anxieuse, priant de ne pas avoir déconné pendant que lui n’a aucune expression. Il se mire même.

Il enlève son téléphone de l’oreille, met l’appel en HP et j’entends la maman le traiter de Cro-Magnon.

— Peux-tu lui dire que je ne t’ai pas fait de caprices pour que tu ailles en cuisine le premier jour de notre mariage? il me demande sur un ton ennuyé.

— Oh…c’est pour ça? je chuchote surprise.

—Stop lying and bullying the girl, elle réplique rapidement.

(Arrête de mentir et d’intimider la fille.)

—What part of her looks like I can bully her? il rétorque.

(Qu’est-ce qui indique sur elle que je peux l’intimider?)

— He didn’t bully me, je me dépêche d’ajouter. I was just hungry.  

—And why is it that your woman is hungry under your roof Cro-dric?

Le rire s’échappe avant que je puisse le retenir.

— Désolée, je dis lèvres serrées pour ne plus me laisser aller.

— Réjouis-toi, mais je ne veux pas entendre de plaintes quand elle sera sur ton cas.

— Oh…c’est quoi cette menace? Attends…ne me dis pas que tu as coupé? je m’exclame effarée.

— Qu’est-ce qu’elle disait d’intéressant? Elle aime trop être partout.

— Mais on fait ça? Déjà qu’on a quitté la fête, maintenant tu raccroches au nez de tes aînés? Cro-dric il faut changer, ce n’est pas bien.

— Dixit la meuf qui m’a suivi sans broncher.

— Ne commence pas à salir mon nom alors que c’est toi qui m’as entraîné Cro-dric, j’ajoute sur la fin ne pouvant m’empêcher et je ris comme une folle.

Il me soulève et me jette sur son épaule au style homme des cavernes malgré mes cris puis va se jeter dans la piscine avec moi. Ça m’apprendra aussi à me moquer.

Finalement je n’ai pas eu besoin de retourner en cuisine. Pendant que j’essayais d’enfoncer la tête de Yafeu dans l’eau, maman Eliza nous trouvait un chef cuistot de je ne sais où. C’est ce dernier qui nous a expliqué à son arrivée une trentaine de minutes plus tard qu’il a été booké pour nous servir. À son fils, elle a laissé un message le menaçant qu’il n’a pas intérêt à renvoyer le chef sinon c’est elle-même qui se pointera sans tarder. Le pauvre ne semblait même pas surpris. Il a simplement soupiré un « Cette femme ». Je n’avais pas les mots. Un chef personnel? Je n’ai jamais été traitée ainsi donc c’est avec curiosité que je suivais l’homme envoyé pour nous. Calepin en main, il a pris en note ce que nous voulions. Yafeu ne s’est même pas gêné donc je me suis mise à l’aise aussi. Le type est retourné à son resto pour se ravitailler en ingrédients et c’est dans notre cuisine à la manière de certains restos coréens qu’il a préparé nos mets. On a mangé le plus gros poisson chat que j’ai vu de ma vie et le vin a un peu trop coulé donc nous avons traîné un peu plus que prévu à Pram avant d’embarquer pour la demeure familiale des Asamoah à Akossombo.

***Romelio Bemba***

— Pourquoi une femme mariée dérange un pauvre homme comme moi à 5 h du matin? je texte Elikem après ses cinq appels.

Elle m’appelle à nouveau donc je décroche.

— Ta face est où?

— Dans mon pyjama, j’ai une vie hein. C’est une heure pour qu’une femme mariée soit soumise dans le lit de son mari.

— Le mari est à côté et te trouve amusant.

— Oh, je fais choqué et embarrassé. Euh…bonjour grand. C’est rien hein, juste une petite blague.

— Pisse doucement sur toi, il est à côté, mais n’a pas entendu, elle se marre comme si c’était drôle.

— Tu vois ce que j’ai toujours dit sur toi? Je ne peux pas te côtoyer et évoluer, pfff.

— Haha, tu vas me supporter à vie.

— C’est la force? Va honorer ton lit marital, laisse-moi.

— Tu es où mah? Je te croyais endormi comme les autres à notre arrivée hier, mais Hadassah m’apprend ce matin que tu l’as confié à tonton Magnim en disant que tu les rejoindrais plus tard.

— La fatigue a eu raison de moi en fait. J’ai préféré me reposer au lieu de sauter dans une voiture directement.

— Ça ne me dit pas le pourquoi tu n’es pas parti avec les autres. Ne me dis pas que tu es resté pour te taper le travail de…

— Il n’y avait aucun travail Mme Asamoah, on se calme. Je suis resté pour discuter avec le restant des invités qui ne voulait pas se barrer rapidement et comme j’ai dit, la fatigue accumulée m’a découragée.

— Donc on ne te verra pas aujourd’hui? elle m’interroge inquiète.

— Pardon, qui peut rater le show de l’année? Je saute dans la douche dès qu’on raccroche et tu me verras à l’église sans faute.

— Cédric dit qu’on va dépêcher une voiture pour venir te chercher.

— Oh non, ce n’est pas néce….

— Je ne veux pas que tu conduises sur les rues à 5 h Tchaa. Ce n’est pas prudent d’être seul. La voiture ne traînera pas. C’est quelqu’un…OK, Cédric dit que c’est le chauffeur de Thema.

— Ce n’est vraiment pas nécessaire je vous assure. Arthur aussi est resté donc on avait prévu partir ensemble.

— Une seconde, elle dit et l’explique à son gars puis me revient. Dans ce cas, vous partagez le volant pendant le trajet pour que chacun ait le temps de se reposer.

— Tchaiii, petite, tu me prends pour un vieux de 95 ans?

— Arrête Romelio, je sais que tu as beaucoup fait le mois dernier. Ce n’est pas une petite organisation qui donne le genre de fête que j’ai vu hier donc ménage-toi s’il te plaît.

— OK Mme Asamoah. Je vais suivre les conseils du médecin. On se voit à l’église?

— Yes, à l’église. Bisous.

— Je t’ai dit de ne pas me chercher les problèmes, je la menace faussement en rigolant et raccroche.

Arthur qui a dormi chez moi était déjà debout donc une vingtaine de minutes plus tard, nous quittions la maison.

— Imagine, il commence avec un rire moqueur, tête sur son téléphone. Voilà une énième personne qui veut savoir où se tiendra la réception après l’église.

— Qui ça?

— Une ancienne camarade de collège de Dara qui visite souvent les parents, du moins c’est ainsi qu’elle s’est présentée.

— Et comment tu te retrouves avec son numéro toi? Tu ne vas pas arrêter de draguer les enfants des gens hein.

— Haha, mais je suis célibataire ou pas? On ne sait pas d’où viendra Mme Sodji.

— On vous a déjà dit de choisir les sœurs de l’église. Elles ne font pas les prières soutenues pour que vous alliez voir ailleurs, consommez local, je le taquine.

— Pardon, laissez-nous. On choisit là où le cœur nous guide.

— Et c’est vers l’ancienne camarade de Dara que tu te tournes hein?

— Tout sauf ça, il rigole. Je regrette même de lui avoir refilé mon numéro. Au lieu qu’on discute de ses besoins en architecture comme elle me l’avait fait croire ou même qu’on fasse simplement connaissance, elle ne cesse de s’inviter dans mon programme de la journée. « En tout cas, sache que je suis totalement libre aujourd’hui, si tu as besoin de quelqu’un pour t’accompagner à la réception, je pourrais même te ramener donc tu pourras boire tranquillement », c’est le dernier message qu’elle m’a envoyé avec un clin d’œil à l’appui.

— Ouais, je suis fan, elle n’y va pas par quatre chemins, je dis avec humour.

— Dis-toi que sa méthode n’est même pas la pire hein. Maman Hana plaisantait hier que les chrétiens de Noël qui ont eu les échos de la dot vont probablement se ramener au culte croyant que le religieux se tiendra à notre église.

— Haha, ils en profiteront pour recevoir la bonne parole.

— Imagine un peu le goût de cette déception, il rigole aussi. J’espère simplement que la sœur à la mini ne choisira pas ce jour pour se pointer.

— Tu l’as encore à l’esprit?

— Parce que tu l’as oublié toi?

— Bon j’avoue, j’assume et il se moque.

— La vie étant injuste, quelque chose me dit que c’est en notre absence qu’elle viendra hein, ça va tellement m’énerver.

— Elle t’intéresse réellement?

— Elle t’intéresse toi?

— Je….oui, mais ce n’est….

— Arrête-moi les excuses, si elle t’intéresse, dis juste oui.

— Oui, elle m’intéresse, je confirme.

— C’est bien, j’en suis content.

— Tu es content qu’on s’intéresse à la même femme? je le questionne étonné.

— Je suis content que tu t’intéresses à une femme, ça me prouve que tu ne t’es pas fermé à la possibilité d’une relation.

— Ça ne règle pas le problème qu’on s’intéresse à la même.

— Mon frère, c’est la femme qui décide. Peut-être même qu’on parlemente sur elle, mais elle est occupée.

— Je ne vais quand même pas draguer une femme à qui tu feras aussi la cour. C’est malsain et n’essaie pas de me dire que tu laisseras tomber parce que j’ai divorcé et mérite plus de trouver quelqu’un. Je le prendrai comme une insulte.  

— Laissons donc le destin décider. Le premier qui la voit a le monopole.

— Tu es comment? Et si c’est la femme de ta vie?

— Regarde, tu m’arrêtes ça hein. C’est toi qui écris le livre de ma vie pour lui donner ce titre? Oublie mon existence parce que je ne vais pas me souvenir de la tienne si je tombe sur elle en premier.

J’ignore pourquoi, mais cette phrase réveille une sensation étrange en moi. Je sais que c’est malsain, je ne peux pas justifier ce désir, mais l’idée même qu’il tombe sur elle en premier me soûle. Je ne veux personne autour d’elle pourtant j’ignore où elle se trouve, donc la première prière que je fais dès notre arrivée à l’église où se déroulera le culte d’actions de grâces des Asamoah, c’est qu’il la sorte du trou où elle se cache.

Nous dépassons le double de ce qu’on était à la dot hier. Je dirais à vu d’œil qu’on tend vers 400 dans cette église et il reste une dizaine de minutes pour que le culte débute donc il y a bien de chances qu’on excède ce nombre surtout qu’il reste une dernière rangée d’environ quinze chaises. J’ai compris en questionnant certains que le culte régulier s’est tenu ce matin de 7 à 9 h 30. La séance de 10 h n’est dédiée qu’à nous et comme à la dot, il y a un service de sécurité devant l’enceinte de l’église quoique cette fois on ne nous a pas demandé d’invitations pour entrer. Quand je vois le défilé des personnes qui ne cesse de solliciter le nouveau couple pour des salutations, je sens que les mois à venir seront intéressants pour notre Perla qui a tendance à se sentir facilement envahie. Le culte débute à l’heure exacte. La maman témoigne pendant trente minutes. Je n’exagère pas, j’ai regardé à plusieurs reprises ma montre et précise qu’avant elle, les oncles de Cédric aussi se sont étalés en longs témoignages. Quand vient le tour des Laré Aw, la maman Eliza intervient lorsqu’elle juge que notre Papa Eli ou maman Belle oublient des détails importants. Je précise aussi que son témoignage à elle n’était que le condensé des qualités de son fils et Elikem. À la fin de son oratoire, tu te dis même mince! Si tu n’as pas de Yafeu ou Elikem dans ta vie, tu as raté quelque chose. Elle n’est pas devenue procureure de la République en mangeant les arachides la dame Eliza. S’ils font tout ça pour un culte de remerciements, le mariage religieux ressemblera à quoi?

Le papa de Cédric que je prenais pour le plus raisonnable du couple m’a prouvé qu’en chacun de nous sommeille une star qui n’attend que l’occasion appropriée pour se réveiller. Cet homme a pris le micro et mené une session de louange qui a fait bouger la salle. Certaines de ses chansons se sont imprimées dans mon esprit bien que je ne sois pas sûr de l’exactitude des paroles en twi que j’ai enregistré. Au final, le culte n’a été que ça, une réunion de gens heureux. Il n’y a pas vraiment eu de message prêché. Témoignages, actions de grâce, chansons, accolades, bénédictions et chacun a repris son véhicule en direction de la demeure familiale des Asamoah à Akosombo.

J’ai personnellement embarqué mes parents, Hadassah et Arthur. On se suit à la queue leu leu pour ceux comme nous qui ne connaissent pas l’endroit. Pendant ce temps, maman qui n’a jamais sa langue dans la poche se moque de l’exubérance des femmes Asamaoh. Tout comme moi, elle se demande sur un ton amusé comment sera la vie d’Elikem parmi ses gens.

— Comment tata Elikiki fera alors pour travailler? nous interroge Hadassah.

— Elle va travailler à Accra désormais.

— Oh….mais c’est loin la maison des Asamoah, ça sera pas dur pour elle?

— Mais chérie, généralement on ne vit pas chez ses parents après le mariage, lui explique mon père avec humour.

— Mais pourquoi il y a des Asamoah mariés qui vivent avec les parents de Thema?

— Ouais bon, il y a des exceptions et chacun a son idéal de vie familiale, lui répond papa.

— Moi j’aurais pas accepté de vivre ailleurs. Elle est comme un hôtel la maison des Asamoah, pas vrai mamie?

— C’est vrai qu’elle est spectaculaire, tu devrais approcher Mr Nyameba pour discuter avec lui Arthur. Apparemment, il est derrière l’architecture de la maison, pourtant il n’a même pas fait de plans.

— Ah? Je croyais qu’il était un agriculteur?

— C’est le titre qu’il se donne, mais je pense que cet homme est un touche-à-tout. Ce qu’il a pensé et réalisé avec sa famille à Akosombo là…., en tout cas vous verrez à l’arrivée, ce n’est pas pour rien qu’apparemment la maison est considérée comme un lieu touristique dans la région, ajoute papa qui réveille ma curiosité.

Mon vieux n’est pas du genre à s’émouvoir facilement donc s’il le dit, c’est que ça vaut le détour. Nous n’étions pas prêts, je le confirme quand on arrive en face de ce qu’on ne peut définitivement pas appeler maison. Pour moi, c’est un domaine ou à la rigueur un hôtel, c’est ce que me rappelle l’entrée gardée par une barrière automatique qu’ouvrent les gardes après vérifications de pièces d’identité. Je pense qu’il me faudra une nouvelle mâchoire d’ici demain parce que je suis encore bouche bée pourtant ma voiture est déjà dans la demeure. Toit de chaume, denses palmeraies, un paysage verdoyant qui s’étend à perte de vue, j’ai honnêtement l’impression d’être dans une station balnéaire. C’est un des frères de Cédric, Saahene à l’aura de tombeur qui nous accueille et nous conduit Arthur et moi à nos chambres. Tous les plafonds sont hauts et faits de bois. Idem pour les meubles, tout est en bois. C’est l’adaptation la plus moderne du style artisanal que j’ai vu de ma vie.

— Viens papa, regarde, tu peux voir la rivière Volta de toutes les chambres de la maison, m’explique ma fille excitée depuis la fenêtre de ma chambre.

— La rivière Volta?

— Oui. Hier, Saahene nous a emmenés en bateau et on est passé sous le pont là, celui qu’on a traversé pour arriver ici.

— Adomi bridge.

— Exactement, elle me confirme tout sourire. C’était trop bien. La maman de Thema a dit qu’elle nous réserve des surprises aujourd’hui.

— Donc tu es partie en bateau avec Saahene hein, je commente.

— Ouais, avec Thema, tonton Mally, tata Snam et les garçons. C’était l’éclate.

— Je vois ça, c’est super.

— Pourquoi tu le dis comme ça?

— Hayii, je l’ai dit comment?

— Beh tu me regardes bizarrement. Je ne devais pas aller sur la rivière?

— Non chérie, c’est bon, je conclus.

On abordera le sujet des garçons après. Arthur se signale par un coup à la porte. Il a l’air étonné, probablement comme moi.

— Gars ce domaine….

— Je te dis. Tu dois rencontrer cet homme.

— Totalement! Une idée d’où la grande se trouve? Parce qu’on ne peut pas chercher un humain dans cette forteresse.

— Tu sais où se trouve le salon ma puce?

— Lequel? Il y en a cinq.

— Bon, commençons par celui que tu connais, je dis effaré.

Arthur est toujours bouche bée. Je dois le tirer pour qu’il nous suive. Heureusement on a trouvé une partie de notre groupe en se dirigeant vers le fameux salon. Ils sont tous en blanc, annonçant le début de la white party sur laquelle on finira la journée. C’est en groupe qu’on se dirige vers l’immense paillote où se déroulera la fête si je me fie à la longue lignée de réchauds qui ornent les différentes tables ainsi que le groupe musical qui installe des instruments. Elvis, un autre frère de Cédric qui semble en charge des activités ici, s’approche pour nous accueillir. Il nous explique que c’est free service ici. On prend les tables qu’on veut et le bar est ouvert.

— Une question, ton père aurait une seconde à nous accorder? je me lance.

— Euh…je pense bien. Il donnait une interview sous l’arbre Dua, mais je pense qu’il devrait finir sous peu. Je peux vous conduire à lui.

Je tapote le dos d’Arthur qui sourit comme un enfant dans un magasin de jouets.

— S’il te plaît oui.

— Ne bavarde pas trop là-bas hein, je le taquine quand il s’élance.

— Lol, je vais essayer.

Je m’éclipse aussi pour aller me mettre en blanc. Confiant, j’ai confirmé à Hadassah qu’elle n’avait pas besoin de me suivre. Un vieux comme moi ne peut pas se perdre normalement, pourtant le vieux que je suis s’est retrouvé je ne sais où à force de suivre ce qui attirait mes yeux. Dans un tournant inattendu, je tombe sur notre Perla qui sursaute l’air effrayé.

— Qu’est-ce….

— Shhh, elle m’intime au silence et me tire par la main pour qu’on avance un peu plus loin.

— Yooo Elikem, Océane crie carrément.

La façon dont Elikem court pour lui couvrir la bouche me fait fondre de rire.

— C’est quoi? Tu es dans ton village ici?

Océane lui lance un air interrogateur.

— Tu…et toi aussi, elle m’indexe, vous avez intérêt à garder une voix basse.

— Tu essaies déjà de fuir la belle famille d’amour? je ne peux m’empêcher de me moquer.

— Comment on dit white party et je n’ai pas le droit de mettre du blanc? On me donne comme prétexte que je suis la reine de la soirée, donc je ne peux pas être comme les autres.  

— La reine du domaine même, Océane se moque aussi.

— Parlant de domaine, tu es même comment toi? On nous invite dans un palais et tu ne me dis pas d’apprendre un peu les règles de cour? je me lance.

— Je te dis! renchérit Océane. Dieu merci, j’ai un mari qui pense à m’informer parce qu’on ne peut pas compter sur toi hein.

— Pardon, j’ai découvert le fameux palais en même temps que vous. Il faut vous en prendre à Cédric, c’est lui qui ne trouve pas important de partager ce genre d’infos.

— Arrête de mentir sur le pauvre garçon, je réplique.

— Oui, ne nous cherche pas les problèmes avec le beau. C’est toi qui aimes faire dans la rétention d’informations, ajoute Océane.

— Mais regardez-vous, bande de vendus, on rigole ensemble.

— La réunion des trois mousquetaires, on entend de maman qui se rapproche de nous.

C’est vrai tiens, on est à trois là comme dans le passé.

— Ça va ma Perla? Pas trop perdue dans cette populace? maman aussi se moque.

On connaît trop Elikem en fait.

— Je me défends, mais compte sur moi pour venir me cacher chez toi si ça me dépasse, elle réplique avec humour et fait rire maman.

— Ça va Océane? Le bébé a pu dormir hier finalement?

— Oui tata, j’ai fini par le mettre au dos et après un tour avec son père dans le jardin, il nous a collé la paix.

— Haha, courage, comme je t’ai dit le changement d’environnement peut troubler la routine, mais ça ne devrait pas durer normalement.

— Oui, merci de m’avoir rassuré.

— Je t’en prie. Bon, il paraît qu’on a une soirée chargée en activités donc je vais prendre mes cachets assez tôt pour en profiter. Il se peut qu’on ne se voit plus d’ici le départ demain matin vu la quantité de monde qui se promène ici, donc heureux mariage ma chérie. Je suis très heureuse de te voir prendre cet envol tout comme ça m’a ravie de te voir épanouie avec ton mari et bébé Océane. Priez pour votre dernier mousquetaire ici. Je veux aussi vous recevoir chez moi pour son mariage.

— On est dessus tata, compte sur nous, les deux folles répondent l’une à la suite de l’autre.

Maman me tapote affectueusement la joue après avoir fait un câlin à Elikem et Océane puis s’éloigne.

— Eh beh ça, j’avais mis sa bienveillance d’hier sous le compte de son ancien métier, mais je ne l’aurais pas cru si on m’avait dit que tata Hana pouvait m’apprécier, commente Océane sur un ton agréable.

— Les gens changent, continue Perla. On ne peut lui reprocher que son côté catégorique, mais elle n’a jamais été malicieuse.

Jamais elle ne l’a été, et je suis si heureux de voir l’évolution de son comportement. Cédric qui est habillé en blanc tombe sur nous. Fini la fuite d’Elikem. Il m’aide également à retrouver mon chemin et je tombe sur Hadassah quand je suis proche de la chambre.

— Bah alors? T’étais où? elle me gronde presque.

— Je prenais de l’air.

— C’est ça! Avoue plutôt que tu t’es perdu!

— C’est quoi? Je ne peux pas me promener? Tu me veux quoi d’ailleurs?

— Beh je trouvais bizarre que tu dures. Tiens goûte, il est trop bon, elle m’incite en me présentant son cocktail que j’apprécie tellement que je refuse de lui rendre.

— C’est pas du jeu, elle se plaint bras croisés. J’ai longtemps attendu dans la file pour en avoir un et la tata de l’église m’a même cédé sa place.

— C’est bon oh, prends-même, je dis amusé et le lui rends. De quelle tata d’église tu parles?

— Celle qui avait porté la mini jupe.

— Qu’est-ce que tu dis? je me redresse aussitôt pourtant je comptais m’asseoir.

— Qu’est-ce qu’il y a? Pourquoi tu cries?

— Tu me parles bien de la tata qui était à l’église de Lomé?

— Beh oui. Il n’y’en a pas beaucoup qui portent des mini non? Elle était à la dot, tu ne l’as pas vu?

— Mais de quoi tu me parles? Comment ça elle était à la dot? je demande déboussolé.

Là elle m’explique qu’elle a vu Mini passer en coup de vent quelques fois à la dot et qu’aujourd’hui aussi elle était à l’église. Thema lui aurait expliqué qu’elle vient du magazine Source chargé de faire la couverture des festivités et elle l’a même interviewé après avoir fini avec le papa. Je m’assois l’esprit défaitiste.

— Eh papa…tu m’inquiètes, ça va pas? elle me demande sur un ton soucieux qui me ramène à la réalité.

— Ne t’inquiète pas mon ange, je suis juste surpris. Tu m’attends pendant que je me change?

— Non, je vais plutôt faire la file comme ça tu n’auras pas à attendre pour avoir un cocktail, elle annonce et détale.

Il faut croire qu’elle est faite pour Arthur vu comment les choses se sont déroulées. Il l’a certainement croisée en allant rencontrer le père de Cédric. Pas de regret, j’ai fait ce qu’il fallait de toute façon. Je me change en blanc, porte mon parfum favori et sors en fermant doucement la porte. Une autre s’ouvre et elle en sort. Déboussolé, j’ouvre simplement la bouche. Elle a un mouvement de recul aussi, mais sourit si grandement que quelque chose en moi se réveille. Elle est encore plus belle que dans mes souvenirs.

— Bonsoir…euh, je pense que vos prières ont marché, elle m’annonce de sa voix mélodieuse.

— Les vôtres aussi, je confirme sans réfléchir.

***Cédric Yafeu Asamoah***

La fête bat son plein sous la paillote et ses environs. Maman est au four et au moulin. Godson le fêtard par excellence parmi nous est aux platines. Pour ça, je ne peux mentir, il n’y a pas meilleur. On a aussi un groupe musical, mais sa présence aux platines ajoute quelque chose. Même Elvis arrive à se détendre malgré qu’il soit arrivé en colère au pays après que maman lui ait interdit de se présenter avec son partenaire Adrien. Les années s’écoulent et maman ne l’accepte toujours pas. Plus jeune, j’avais un tempérament extrême. Je n’ai pas forcément trouvé naturel que mon frère ne soit attiré que par des hommes, toutefois je n’ai pas digéré la réaction de mes parents quand ils l’ont découvert donc j’ai mal géré la chose. Rencontrer Bérénice et connaître son histoire m’ont fait réaliser que mes parents n’ont pas mérité les erreurs que j’ai commises en croyant protéger mon frère Elvis. Mes parents sont bons, aimants et protecteurs avec nous malgré tout. Pendant de longues années, nous avons beaucoup tâtonné, chacun étant fier dans son coin, au lieu de se réconcilier, c’est donc pour ça que je lui ai un peu laissé les rênes. Contrairement à mon père, elle aime célébrer, être au cœur de la fête, organiser des événements grandioses où les rires ne s’arrêtent pas, c’est tout ce qu’elle adore donc je lui ai sciemment laissé le champ libre après qu’Elikem m’ait confirmé que ça ne la dérangeait pas. J’avoue être amusé par les réactions de la famille d’Elikem face à la mienne. Sa mère qui se pensait extra a très vite démissionné devant la mienne. Actuellement, nous sommes dans le jardin à quelques pas du terrain de tennis. Maman fait partager des raquettes de tennis par mes frères pendant qu’elle explique les règles de son jeu de tennis.

— Bella tu seras la première adversaire de ta copine hein, Elikem la provoque.

— Je t’ai demandé quoi? Ma paix te dérange en quoi?

— Mummy Elikem…., maman crie dans son mégaphone.

— Oh Yessou, soupire maman Belle et m’arrache un rire.

La pauvre maman Belle se lève et tente d’expliquer à maman qu’elle ne sait pas jouer au tennis, mais la mienne insiste que c’est facile. Maman Belle essaie la carte de la fatigue, mais maman lui renvoie qu’elle a justement modifié le jeu pour que ça ne dure pas. Elle propose même le papounet d’Elikem arguant qu’il aime le tennis, pourtant ce dernier est perdu dans une conversation avec mon père. Ça ne tourne certainement qu’autour des valeurs africaines ou la préservation de l’environnement, mon père ne parle que de ça en général. Je ris tellement de l’air désolé de maman Belle face à l’encouragement de ses enfants et son mari qui semblent prendre un malin plaisir à la voir dans cette situation. Comme la partie commence, j’emmène Elikem pour qu’elle change de tenue.

— Mais ta maman….

— On s’en fout. Elle est occupée sur son terrain de tennis. Si tu ne veux plus porter ton kente, tu ne le portes plus.

— Je vais dire que c’est toi qui m’as forcé, elle rigole et se précipite pour sortir de l’ensemble en jupe longue bleue et haut doré.

— Tant mieux, je vais rapidement m’habituer au fait que tu te cacheras plusieurs fois derrière moi.

— Quoi? Qu’essaies-tu de dire? elle réplique en enfilant une robe blanche qui s’arrête juste en haut de ses mollets.

— Que tu pourras te réfugier derrière moi autant de fois que nécessaire, je sais que tu n’es pas habituée au monde dans lequel je t’entraîne.

— Tu aimes être mignon avec moi hein, elle commente avec un sourire adorable d’enfant.

— C’est pour que tu restes à jamais sous mon charme.

On ressort main dans la main après qu’elle ait enfilé ses sandales. Elle est tellement dramatique cette fille. Pour me signifier qu’elle se sent enfin libre hors de ses tenues de fête, elle s’accroupit, fait des grands écarts, sautille comme une sauterelle, bref la bête dans son état naturel. L’expression me rappelle la fois où je l’ai trouvé dans la tenue trouée avec le masque au visage et j’en rigole.

— C’est drôle de dire qu’on a fait du chemin vu qu’on n’a pas non plus cinq ans de fréquentation sous la ceinture, mais j’ai la sensation qu’on a vraiment fait du chemin.

— Je ne te le fais pas dire, elle confirme rêveuse et revient poser sa tête contre mon épaule. Ce week-end a excédé tous mes rêves. J’étais heureuse de devenir ta femme, mais je ne m’attendais pas à ce que mon cœur déborde autant. Être avec toi, entourée de ceux qu’on aime avec les nombreuses surprises au programme et continuer aujourd’hui, c’était inoubliable. Je vais peut-être dire une bêtise, mais je ne vois vraiment pas ce qui pourra rivaliser avec ce week-end. Mon cerveau ne veut même pas descendre du nuage où il est pour penser à une quelconque suite.

— On peut rester sur cette note positive, je propose surexcité.

— Comment ça?

— On n’est pas obligé de se casser la tête pour une cérémonie religieuse à moins que tu tiennes à la robe blanche et le tralala. La dot était plus importante que tout pour moi. Ma famille c’est la seconde autorité que je respecte après Dieu, donc t’épouser pour moi c’est te prendre chez ton père pour t’emmener dans ma famille. Le reste m’importe peu.

— Mais….tu veux qu’on s’arrête à la dot?

— Non, on signera l’acte de mariage avec des témoins comme le demande la loi pour que ça soit légal, mais le reste ne m’intéresse honnêtement plus.

— Ta mère Cédric…, elle rigole étonnée. Ce que tu proposes là…., enfin je pense qu’elle attend la seconde partie avec impatience? C’est dans son pays que ça devait se faire, sur son territoire quoi. Elle avait sûrement ses plans.

— Je lui ai donné une première partie, elle s’en contentera. La question c’est, est-ce que ça te suffit toi? C’est ton opinion qui m’importe.

Je danse. Mes frères, cousins et amis sont étonnés parce que ce n’est pas mon habitude, mais ils ne peuvent pas comprendre le soulagement que je ressens. Je me sens tellement léger qu’il me faut chanter pour Elikem.

—The way I dey love you neh (l’équivalent de : je t’aime à un niveau élevé.)

Nobody go fit love you like I do (Je suis le seul à t’aimer ainsi.)

Odo aa me do wo dee (Ce que je ressens pour toi actuellement.)

Dem dey talk say you do me juju (fera dire aux gens que tu m’as ensorcelé.)

Enh so whatever go happen neh, Oheema (Envers et contre tout, ma reine.)

Meni wo aa nae ko (Tu es celle que j’ai choisie.)

You be my alomo oh (Alomo bitters là c’est une boisson chérie des Ghanéens donc disons ici, tu es ma chérie.)

Meni wo ann ne ko, Oheema (Tu es celle que j’ai choisie.)

Entsi zah zah zah (l’équivalent de oh yeah yeah yeah.)

Eye woara against eni bewo oh (Nos jaloux seront couverts de honte.)

Elle me donne si bien le change avec ses pas que j’ôte mon chapeau et le luit met à la tête déchaînant notre entourage. Les caméras sont braquées sur nous et ils sont si heureux sans se douter de la raison de notre joie. C’est ma femme, elle s’en fout de la robe blanche, du voile, des fleurs, de l’église, c’est ce qu’elle m’a dit en rigolant aux larmes avant d’ajouter que sa mère risque de la renier. On nous reniera simplement ensemble, nous resterons entre rebelles, à faire nos pas assortis et danser « Dem say you do me like mumu, I no know wetin I go do, doo doo, doo, I be your scoobi doo-doo».

***Bruce Attipoe***

Tessa m’ayant oublié en bonne lâcheuse, je me suis rabâché sur les réseaux d’Océane qui pense au moins aux gens comme moi. Sans elle, je n’aurais aucune idée de ce qui se passe là-bas, parce que je n’ai rien vu sur le net concernant ce mariage. C’est à croire que tous les invités ont laissé leurs téléphones chez eux. Je commence même à me demander ce que Tessa est donc supposée faire là-bas si ce n’est pas un reportage. Bref, Océane a posté, ce que je cherche à l’heure actuelle, c’est trouver l’adresse du lieu où ils sont. Je sais que le Ghana regorge de coins agréables, mais ils semblent franchement être dans un endroit sélect vu les nombreux paysages que notre belle-sœur a partagés. Eben hein, il a trop changé. Depuis quand il sait jouer au tennis? Depuis quand il sait conduire un bateau? Et pourquoi je le découvre sur internet? Bref, je…

Je sursaute sur le pot à cause du coup donné à la porte.

— Tu fiches quoi dedans depuis là? me demande Jennifer.

— Je ne peux plus vider mon intérieur en paix?

— Bref, sors vite, c’est urgent.

Je soupire, me lève et tire la chasse. Je suis même allé de force à l’église ce dimanche matin juste pour avoir la paix, mais j’ai fini par rentrer parce qu’elle a appelé se plaignant de courbatures.

— Les courbatures sont de retour? je demande en sortant.

— Loin de moi amen. Viens t’asseoir, elle m’incite d’un ton plutôt joyeux.

Je la rejoins au lit et regarde son iPad qu’elle me montre.

— Alors voilà le concept. Je veux le thème teddy bear donc il faudra trouver les quatre boîtes claires pour écrire le baby. La guirlande de ballons doit être assez grande pour l’entrée de mon resto. Je veux aussi un mix de fleurs de couleur blanche et d’un doux orange. Les invités s’assiéront sur des coussins, mais je veux un trône moi. Tu penses quoi de ces invitations? Ça ne fait pas trop fifille?

— Je dis….tout ça c’est pour quoi?

— Comment ça pour quoi? Tu ne vois pas Baby d’écrit sur les quatre boîtes claires? Je suis enceinte non. Tu ne sais pas toi qu’on doit faire un baby shower pour accueillir l’enfant?

— Baby shower là ce n’est pas vers la fin qu’on le fait? je l’interroge, perdu.

— C’est écrit où? Je le veux dans deux semaines moi.

-Hayiiiiiiii, deux semaines? Pourquoi?

— Parce que j’ai souffert ce mois-ci et dans deux mois on entrera en mars donc ça sera une occasion de bien débuter le prochain mois.

— Et qui a dit qu’en mars tu ne souffriras pas aussi.

— Sorcier! elle me frappe au bras. Ça te plaît que je souffre c’est ça? Tu sais ce que je ressens dans mon corps? Tu sais combien j’agonise quand tu dors paisiblement?

Je soupire et roule des yeux. C’est parti. Comme je n’ai pas la drépanocytose, elle doit crier pour m’expliquer la douleur. Que je dorme la nuit ou pas, est-ce que ça change quelque chose sur sa maladie?

— OK, tu veux le baby shower, j’ai compris, mais c’est un truc de femmes ça. Pourquoi tu m’en parles au lieu de le dire à tes copines?

— Tu me connais quelle copine? Je n’en ai pas. Je n’ai que ma tante et toi! Tu comprends? Je n’ai que toi et ça me plombe quand tu vis comme si je ne souffrais pas, elle se met à pleurer.

Il faut donc la câliner et nettoyer ses larmes. C’est franchement le travail cette relation.

— OK, je suis désolé. On va attendre le retour de Tessa pour te l’organiser ton baby shower.

— Avec le nounours blanc qui fera la moitié de ma taille aussi? elle chuchote en reniflant contre mon torse.

— Si on…

— Il faut le trouver, je le veux. Et puis le trône aussi, elle chuchote.

— OK la reine, on va te trouver tout ça. Tu auras ton baby shower. Mon ventre me dérange franchement, je peux retourner aux toilettes?

— D’accord, elle réplique en se détachant et retourne à sa tablette.

En tout cas, elle a l’air d’aller mieux donc je m’enferme à nouveau téléphone sur le comptoir de lavabo, écouteurs dans les oreilles. Le marié est trop timide pour la femme qu’il a. C’est comme ça qu’on danse Peru, para? J’aurais dû être là-bas.

***Belle Laré Aw***

Un lundi tranquille, c’est ce que mérite l’homme après avoir expérimenté Eliza Ameley Coleman Asamaoh ce week-end. Vraiment, je n’ai rien contre elle, mais j’ai prié que Dieu garde nos chemins séparés pour au moins trois mois. Je n’ai pas le cœur pour suivre cette femme dans ses folies et encore moins la force pour argumenter le choix d’Elikem. Je ne sais même pas pourquoi mon calme l’a étonné. Je devrais avoir des sueurs froides sur le cas d’une vieille de 35 ans qui m’en a fait voir de toutes les couleurs depuis qu’elle sait parler? En réalité, je devais même la remercier d’avoir été si coopérative pour la dot, parce qu’on la connaît. Bref, mon cœur est réservé pour mes petits-enfants. Ils peuvent même se pendre hein ses trois traitres d’enfants qui se sont moqués de la correction que m’a infligé Eliza sur le terrain de tennis.

Le calme que j’appréciais tant ne pouvait malheureusement pas durer. Il a fallu qu’on sonne chez nous et la personne a choisi d’insister comme si on lui a dit qu’on cachait un trésor chez nous. Exaspéré, Eli sort de la chambre.

— C’est quoi le délire?

— Ah…, c’est toi le chef de maison non, je réponds en haussant les épaules.

Il pousse un juron et va ouvrir. Lui-même c’est mon ennemi. Il faisait partie de mes moqueurs du week-end. Je l’entends passer un savon dans sa voix rauque sexy, mais subitement il se tait. Intriguée, je vais voir ce qui se passe. Ce n’est pas la moitié du quartier qu’on a devant notre portail ça? Un homme prend la parole parmi eux et se met à nous remercier profusément. Eli et moi sommes si confus qu’on ne sait quoi dire. L’homme qui nous a remerciés explique que les 250000 francs qu’on lui a donnés le samedi l’ont aidé à compléter ce qui lui manquait pour régler la facture d’hôpital de sa femme qui a accouché. Une autre dit qu’elle a réussi à payer son loyer du mois passé. Les témoignages sont nombreux et ils insistent pour qu’on n’hésite pas à leur faire appel en cas de besoin. Ils ont tellement béni le mariage d’Elikem qu’on n’arrivait même pas à leur dire au revoir. Une bénédiction suivait une autre.

— C’est elle, n’est-ce pas? m’interroge un Eli perdu.

— Bon….au moins, elle a pensé à ceux qu’elle a bloqués chez eux.

Je finis à peine qu’on sonne encore chez nous. Pitié, que le nom Eliza Ameley disparaisse de mon quotidien d’ici six moins. Je n’ai plus le cœur.

P.S : Rêvez bien à la robe blanche hein, vous aviez oublié sur qui vous comptiez. Elle chante là-bas qu’elle sera le scoubidou de garçon. Oheema de Kuami Eugene, c’est le titre de la chanson. 

D’amour, D’amitié