chapitre 2

Ecrit par leilaji

Chapitre 2


A l’école de la Fondation, aujourd'hui c’est le jour de la semaine où je surprends tout le monde en étant en poste plus tôt que d’habitude. Une fois par trimestre, je me lève très tôt pour être devant le portail de l’école à 6 h 30 et voir tout le monde venir. 


J’inspecte tout et pour cela je me suis parée de ma tenue de « combat ». Tailleur strict et sourire crispé. La coiffure, celle que j’ai adoptée depuis que j’occupe ce poste, elle ne change pas. Il s’agit d’un carré structuré, très, femme politique américaine mais ma coquetterie m’y a fait ajouter des  ondulations méchées. Pour honorer mon statut de directrice, j’ai dû laisser de côté mon goût prononcé pour le changement hebdomadaire de coiffure: tresses, tissage, coiffure aux rouleaux, tout est déjà passé sur ma tête... mais plus maintenant.  Cependant, je me permets tout de même une petite touche de glamour : un rouge à lèvre et des joues parées d’un léger blush. Je suis une femme coquette, je n’y peux rien. 


Une quarantaine de minutes plus tard, le personnel administratif commence à garer tout doucement dans le parking qui nous est réservé. A ma vue, ils descendent aussi rapidement qu’ils peuvent de leur voiture, soudainement pressés de se retrouver derrière leur poste. C’est vraiment étrange d’être maintenant de l’autre côté de la barrière. Quand je travaillais à « The Firm » c’était à moi de me dépêcher pour être à l’heure au boulot. Et ce n’était pas vraiment aisé de respecter mes horaires avec mes enfants sur les bras. Maintenant les choses ont évolué, je leur apprends petit à petit à être autonomes. Ils apprécient et font des efforts dans ce sens.  


Les agents administratifs sont suivis de quelques élèves matinaux...Tout ce que j’entends pendant les instants qui suivent ce sont des saluts polis et étonnés. 


- Bonjour madame la directrice. 


Je réponds aimablement à chacune, tout en inspectant les uniformes de rigueur... Veste bleue marine, aucune extravagance n’est tolérée... Tout doit être propre et bien entretenu car les tenues « scolaires » sont fournies par la fondation. Riche ou pauvre, jeune ou vieille, ici tout le monde porte la même chose. Une bonne trentaine de minutes plus tard, j’ai saisi quelques objets inappropriés pour des salles de cours et je retourne à mon bureau très contente de moi. 


Le blues d'hier est derrière moi. 

Il faut que je me ressaisisse pour le bien de mes enfants. Je n'ai pas vraiment le choix. Je suis maintenant le chef de ma famille, je ne peux pas me permettre d’être faible ou de baisser les bras quand j’ai l’impression que tout va mal. Ils sont ce qui me reste de plus précieux au monde: mon unique réussite. Si je ne fais pas cet effort pour eux, qui le fera à ma place? Personne.


Mon téléphone vibre: c'est Leila. Je décroche immédiatement. Il est rare qu'elle m'appelle aussi tôt. J'espère qu’il n y a pas de souci. Nos relations sont un peu compliquées en ce moment. Mais je reste « sa grande sœur ». 


- Elle, je voulais faire rapidement une omelette pour Xander, mais je suis tombée sur un oignon tout blanc. Il est vraiment tout blanc comme s'il était albinos. Tu penses que je peux l’utiliser... Je t'assure que cet oignon fait peur à voir, on dirait qu’on lui a jeté un sort.


Kieeeee, Leila Larba épouse Khan...


- Nana c'est une variété d’oignon... Ils sont tous blancs c'est comme ça. 

- Sérieux j'en avais encore jamais vu des comme ça!!!

- Non toi t'as vraiment de la chance d'être tombée sur Khan hein... T’es quel genre de TG (togolaise). Ta langue tu ne la parles pas, et tu ne sais pas cuisiner. Non c’est extraordinaire hein !


Elle rigole, heureuse de m’entendre bavarder gaiement avec elle. Je dois avouer que ces derniers temps, je l’ai un peu évitée pour ne plus rencontrer Denis toujours fourré dans son couple. 


- Ah pardon laisse-moi. La dernière fois tu es venue préparer je ne sais quoi ici et Xander (diminutif du prénom de son mari) m’en a parlé pendant des mois. D’ailleurs, il se demande où tu es passée…

- C’est toi qui a voulu me donner les rennes de l’école de ta fondation, où veux-tu que je sois ? Je travaille. Je m’occupe de mes enfants et je travaille. C’est tout ce que j’ai le temps de faire en ce moment. 

- Ah ! Je repense à l’époque où tu me reprochais de trop travailler et de ne pas assez me faire plaisir. Je ne pensais pas qu’un jour ce serait à moi de te dire la même chose. On ne se voit plus… Toi tu as tes sœurs et tes cousines et tes amies et autres… Moi, je n’ai que toi et tu le sais alors s’il y a un malaise, dis-le moi s’il te plait. 

- Non sérieusement, c’est le boulot. A The Firm (ancien cabinet où on travaillait toutes les deux), je travaillais en journée continue et à 16 heures maximum j’avais fini. A l’école de la Fondation, j’ai de la chance si je peux rentrer chez moi avant 17 heures. 

- Tu es sure que ce n’est que ça ? demande-t-elle dubitative. Je sais que Denis…

- Stop Lei !


Un long silence s’installe au bout du fil. Je n’ai plus envie de parler de lui. Denis est amoureux de Leila et cette dernière ne s’en doute pas. Je n’ai pas envie d’être celle qui va faire apparaitre la zizanie entre des amis. Denis est comme un frère pour Xander le mari de Leila. Je ne veux pas m’en mêler.


- Et mon mari Ekang ? finit-elle par me demander.


Je me félicite intérieurement qu’elle ait changé de sujet. 


- Ton mari Ekang a une copine. 

- Déjà ? s’écrit-elle. Il m’a vite oublié hein. 

- Bah ça grandit vite tu sais.  Le problème c’est que la fille là ne me plait mais alors pas du tout. Elle a un petit genre impoli que je ne supporte pas. 

- Hum. Pardon ne t’en mêle pas. 


J’entends un bruit en arrière plan.


- Tu fais quoi ? 

- Je cherche la recette que j’ai notée sur un papier. Je ne retrouve plus le papier…

- Ah arrête de faire semblant de chercher le papier… Vous les TG là, on sait ce que vous faites avec le papier. 

- Quoi ?

- Vous ne connaissez pas le papier hygiénique alors vous vous acharnez sur le papier!

- Tu es malade hein ! s’exclame –t-elle en rigolant. Et puis ça fait quoi, tu ne sais pas que le papier froissé est plus doux que le papier hygiénique ! 

- Kiééééé !


On bavarde encore un peu puis on raccroche on se promettant de se voir ce week-end. 


Vers 17 heures…


Victorine, la ménagère de mon frère Étienne m'appelle. Son ton légèrement alarmé ne me dit rien de bon lorsque je décroche.


- Bonjour madame.

- Bonjour Victorine, ça va chez vous là bas?

- Non madame, il faut venir ici oh. Dit-elle en faisant ressortir son accent punu (ethnie du Gabon) Votre frère ne va pas bien et il n'y a personne pour s'occuper de l’enfant. Il est bourré depuis le début de la semaine et ne part plus au travail. L’enfant ne fait que manquer l'école et c’est moi qui lui donne à manger. Moi je ne peux plus le gérer. Il a dit que si je vous appelle il va me bastonner mais c'est trop grave ici. Venez seulement. 


Mais qu’est ce que c’est encore que ça? Je range rapidement mes affaires et préviens Mamara que j’ai un souci à régler de toute urgence. De toute manière ma journée est presque terminée. 


- Peux-tu appeler Frédéric pour qu’il aille me chercher les enfants à l’école et les déposer à la maison? je demande après l’avoir contactée par la ligne interne.

- Il y a un problème ?

- C’est ce que je m’apprête à aller vérifier. Pardon occupe t’en pour moi.

- Ok, je vais le faire tout de suite. 


Les rares fois où je n’ai pas pu aller chercher mes mômes, j’ai confié leur transport à un voisin taximan très gentil et serviable qui me les a ramenés au prix de la course. J’ai toute confiance en lui pour les conduire sains et saufs à la maison.  


C’est ça être une working woman indépendante et mère célibataire. On doit toujours gérer des situations de crises, des imprévues à tout moment. 


Et on les gère seule sans l’aide de personne. 


Après avoir quitté la fondation, je fonce droit chez mon frère qui habite le quartier Owendo. Ce n’est pas la porte à côté mais je ne suis pas rassurée du tout par ce que m’a expliqué Victorine. 


J’arrive quarante cinq minutes plus tard et gare la voiture comme je peux. Sa maison est en pleine construction. En réalité, il aurait pu la finir s’il n’avait pas décidé de la faire en étage. Le rendu est assez … sinistre. On dirait une maison abandonnée. Il n’en prend pas tellement soin, les peintures sont écaillées, l’herbe n’est pas coupée, il n’y a pas de barrière pour protéger la maison des regards trop curieux. 

Tout ça me rappelle la maison de Gaspard avant qu’il ne me rencontre et que je ne commence à lui voler ses cartes bancaires pour acheter des briques et faire les travaux qui s’imposaient. C’est tellement loin maintenant. Je souris tout de même. C’est dans ces instants qu’on se dit qu’une femme est essentielle dans une maison. 


Le temps que je verrouille la portière, une femme sort de la maison inachevée en courant et en jetant des choses à un homme que j'ai du mal à reconnaître. 


- Monsieur, arrêtez ou je vais appeler mon mari. Hurle t-elle en lui jetant sa babouche. 


Ne me dites pas que l’homme en caleçon c’est mon frère tout de même. J’avance déterminée à comprendre ce qu’il se passe. Oh seigneur c’est lui. Saoul comme une barrique ! 


- Qui … qui …t’as dit d’appeler la grande ? Je vais te tuer aujourd’hui !!! crache-t-il hargneux.


Victorine se rend enfin compte que je suis là et court se réfugier derrière moi. J’imite la voix de ma mère quand elle le grondait plus petit, ça le dessaoule à chaque fois. 


- Etienne ? Mais ce n’est pas possible ça ! 


Puis me retournant vers Victorine : 


- Où est Annie ? 


Annie est ma nièce, la fille qu’Etienne a eue avec son ex-petite amie décédée pendant un accouchement très difficile. Des heures et des heures en salle, puis le verdict final : « La petite vit mais la mère n’a pas survécu à l’épreuve ». 

Cette gamine, quasiment personne ne la voit parce que mon frère en prend soin seul et ne veut pas la confier aux femmes de la famille. Et pour ce choix qu’il a fait d’assumer sa responsabilité de père, je l’admire beaucoup. Peu d’hommes le feraient.  Je le comprends tout à fait. Annie est le portrait craché de sa mère. Mère qu’Etienne a aimée comme un fou malgré ses nombreuses autres relations.  Il parait qu’ici c’est comme ça que les hommes aiment. Il n’aime pas les sauces avec un seul ingrédient. Non il doit y avoir un soupçon de Murielle, un brin de Natacha, une cuillerée de Pauline dans la sauce que tu représentes à ses yeux. Sinon, c’est trop fade dans leur bouche, trop fade de consommer une seule femme pour le restant de leur vie. 


Mais la mère d’Annie était spéciale, quasiment sainte à mes yeux. Elle lui pardonnait tout, ses incartades, ses colères, sa violence quand il buvait. Elle pardonnait tout et quand elle n’en pouvait plus de pardonner, elle m’appelait pour me demander de l’aide et se raffermir. Je faisais de mon mieux, lui demandant quand j’étais agacée de prendre ses affaires et de partir. Mais elle s’accrochait à son homme. Je lui disais alors que j’allais parler à mon frère pour qu’il change de comportement et elle m’implorait de ne pas le faire. Il la tabassait quand il se rendait compte qu’elle parlait de leurs soucis aux membres de la famille. 

Et qu’a-t-elle eu en échange après toutes ces souffrances? 

Elle a trouvé la mort en lui donnant une merveilleuse petite fille. 


Je crois que ça, il n’arrive pas à se le pardonner. En tout cas moi j’ai du mal à le lui pardonner. J’adorais cette fille parce qu’elle aimait mon frère, cet idiot, à en mourir. Elle l’a aimé à en mourir et ce n’est malheureusement pas un jeu de mots. 


- Annie dort. Je lui ai fait du manioc avec de la sardine. Elle avait tellement faim qu’elle a tout mangé, il n’y plus rien à cuisiner dans la maison Madame. 


Mon frère s’approche de nous, les yeux injectés de sang et le visage abîmé par une nuit sans sommeil et une colère sans bornes. Il veut lui faire du mal. 


- Je dis hein sur qui veux-tu lever la main ? Sur moi ? je tonne pour lui remettre l’esprit en place. 


S’il y a bien une chose qui est respectée dans ma famille malgré tous les problèmes que nous traversons tous les jours, c’est le droit d’ainesse. Je suis l’ainée de tous les petits enfants de ma famille et tous me montrent du respect : femmes comme hommes.  Pourtant Etienne fait deux fois ma taille et mon poids. Mais quand je parle, il écoute. 


- Oh la grande … je gère ça. Est-ce … qu’elle avait besoin de… de … de… t’appeler ? demande-t-il d’une voix ralentie par les brumes de l’alcool. 


La grande est fatiguée de régler tous les problèmes des autres… La grande est fatiguée d’être la grande, celle qui est forte et qui conseille en tout temps sans jamais demander rien en retour. Je le regarde à la recherche de mots qui sauront lui faire comprendre que la situation est inadmissible surtout devant sa petite fille. Son visage se froisse encore plus que tout à l’heure puis il porte sa main à sa bouche avant de se mettre à vomir ses tripes juste à côté de mes chaussures. L’odeur de vomi mêlée à l’alcool est infecte !


C’est vraiment de mieux en mieux ! J’ai envie de le talocher comme quand on était plus jeune. Je me retiens. Devant son employée ? Il s’est déjà assez humilié comme ça. 


Je prends la décision qui s ‘impose :


- Victorine, fais les bagages de la petite, je l’emmène chez moi. Etienne tu viendras la chercher quand tu auras repris tes esprits. 


Victorine me regarde avec appréhension. Je lui fais signe d’avancer et de ne rien craindre. De toute manière son patron s’est à moitié endormi dans l’herbe, fatigué d’avoir trop vomi. Je la rejoins, cheminant vers la maison pour aller prendre un seau d’eau et du savon. 


Trente minutes plus tard, la petite est fin prête mais j’ai demandé à Victorine de l’installer devant la télévision et de faire diversion pendant que je m’occupe de son père. Pour la remercier de sa précieuse aide, je lui ai glissée un billet de dix mille francs dans la paume de la main. Elle m’a sourit reconnaissante mais je trouve que c’est peu. Elle aurait pu rentrer tranquillement chez elle, mais si elle a pris son téléphone pour me faire état de l’urgence de la situation, c’est qu’elle a bon cœur et qu’elle tient à Annie. 

Je ressors de la maison et rejoins mon frère avec deux seaux d’eau remplie d’une eau bien froide et je lui verse le premier seau au visage. Il sursaute et maugrée des phrases incompréhensibles en regardant de part et d’autre. 

Je lui enlève sa chemise.


- Etienne, tu vois ce que tu m’obliges à faire ?

- Rhoooo, la grande ! Tu es là ? demande t-il étonné de me voir.  


Je lui verse le second seau sur tout le corps pour mieux lui éclaircir les idées. 


- Et là t’es réveillé ou tu veux un autre seau ?   


Il se met à rire… 


- Non mais … la grande, tu ne changes pas quoi ? Toujours aussi … 

- Tais-toi ! intimé-je pleine de colère à mon tour. 


Son sourire de gamin s’efface. 


- Tu as une fille, Etienne, dis-je d’une voix tremblante de colère à l’idée qu’elle l’a peut-être déjà vu dans cet état. Une fille qui n’a plus de mère et qui compte sur toi pour l’élever. Mais c’est quoi ton problème ? 


Il se tait et s’affale à mes pieds sans plus cacher sa honte. Mais que se passe t-il dans la vie de mon petit frère ? Il avait tout pour réussir ! Informaticien à la CNSS (caisse nationale de sécurité sociale). Que demander de mieux ? 


- Sa mère me parle dans mes rêves. Murmure-t-il tout d’abord avant de s’éclaircir la voix pour mieux se faire entendre. Elle me dit tout le mal que je lui ai fait. 


Il s’arrête un moment pour tenter de se relever mais ça lui demande trop d’effort alors il se laisse retomber à mes pieds. 


- Je la cognais quand elle m’énervait et je m’excusais après … puis je la cognais de nouveau à la moindre phrase qui m’agaçait parce que je savais qu’elle ne me quitterait jamais, qu’importe ce que je pouvais lui faire. Je bois pour ne plus l’entendre Elle, mais sa voix me persécute tous les jours que Dieu fait. Qui va encore m’aimer comme elle m’aimait la grande? Qui ?


J’ai presque envie de lui crier qu’il fallait qu’il y pense quand elle était encore vivante et à ses côtés. J’ai voulu lui cracher qu’il est trop tard maintenant pour la pleurer et qu’il a des responsabilités envers leur fille. 


Les hommes ! Quand je pense qu’ils osent nous appeler le sexe faible. 


- Je ne peux pas porter tes problèmes de consciences avec toi. Ce n’est pas sa voix que tu entends. Ne te mens pas et ne pense pas que c’est elle qui te persécute. Non. C’est ta propre conscience qui te parle chaque jour et te perturbe. Reprends-toi. Chacun son fardeau sur cette terre. Là où elle est, elle te regarde. Et elle doit s’arracher les cheveux en voyant ton comportement. Soulage là et ressaisis-toi ! Pendant ce temps, je vais prendre ta fille avec moi. C’est mieux ainsi. 

- Non la grande, laisse Annie. 

- Je ne peux pas la laisser avec toi dans cet état. 

- Non la grande ne fais pas ça ! C’est ma princesse. Je … vais me ressaisir. Laisse Annie. Dit-il doucement. 


Je m’agenouille à ses côtés. 


- Tu pues l’alcool et tu es dégueulasse. Je ne veux pas qu’elle ait cette image de son père. 


Il ne dit plus rien et baisse les yeux sur son corps baignant dans la boue avec des traces de vomissures par-ci par là. Il porte encore le pantalon d’un costume de ville, pieds nus. Cette image n’est vraiment pas digne du cadre qu’il est. Il ne s’est pas lavé depuis des jours surement. Non, hors de question qu’Annie voit son père dans cet état. Je ne peux pas le permettre.


Il finit par le comprendre. 


- Ok. Emmène-la. Murmure-t-il en détournant ses yeux de moi pour m’empêcher de le voir pleurer. 

- Tu viendras la chercher quand tu seras ok, d’accord ? lui dis-je pour le rassurer. C’est pour votre bien à tous les deux. Je ne vais pas te la prendre ne t’inquiète pas. Je sais à quel point tu aimes ta fille. Pense au moins à ça pour te reprendre. Tu es un père merveilleux et c’est vrai qu’elle est trop petite pour te le dire mais moi je te le dis. Peu d’hommes feraient ce que tu as fait. Elever un bébé ce n’est pas chose facile et tu l’as réussi, alors continue je t’en prie… Ne te laisse pas abattre. Tu as déconné avec la mère d’Annie c’est vrai mais fais-toi pardonner, prends soin de sa fille et pour cela il faut que tu te reprennes. 

- Oui la grande. Finit-il par dire en évitant mon regard. 


Malgré le fait qu’il soit sale, je le serre dans mes bras très fort. Je me rappelle encore du jour où il est né. Etienne ! Je me rappelle du premier bisou qu’il m’a fait sur la joue. Je me rappelle de la première fois que maman l’a frappé parce qu’il lui avait volé des sous pour aller fumer une cigarette derrière la maison. Je me rappelle de son meilleur ami du primaire qui le fourrait toujours dans les problèmes. Je l’ai aussi élevé et ce n’est pas parce qu’il flanche aujourd’hui, que je vais l’abandonner. C’est mon frère. Il n’est pas parfait mais c’est mon frère. J’ai l’habitude de prendre soin de ma famille. C’est mon job. Je suis « la grande » après tout. C’est ainsi que tous me surnomment. La grande !


Je suis le pilier de ma famille, celle qui a toujours pris soin des autres mais dont personne ne prend jamais soin. 


Je n’attends plus rien de qui que ce soit. 


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Je t'ai dans la peau