
Chapitre 20
Ecrit par Josephine54
Arthur
Beverly sortit de mon bureau, la tête baissée comme une condamnée à mort. Je ne pus empêcher mon cœur de se serrer. J'étais allé trop loin, mais j'étais aussi terriblement triste. J'étais déçu de moi, de la désirer encore autant, de vouloir qu'elle fasse partie de ma vie malgré tout. Tout avait commencé par un besoin de vengeance, mais il était difficile d'admettre que ce n'était plus elle qui me guidait. J'avais joué avec le feu, et je m'étais brûlé. Cette femme, je l'avais aimée, et je l'aimais encore, avec chaque fibre de mon être. J'avais voulu, pour une fois dans sa vie, qu'elle soit courageuse, qu'elle assume notre amour aux yeux du monde, qu'elle accepte que je fusse l'homme de sa vie, qu'elle comprenne qu'elle ne pouvait vivre sans moi, tout comme c'était le cas pour moi. Je l'avais dans les veines, Beverly. Elle coulait dans chaque goutte de mon sang. J'avais finalement décidé de jeter les armes de la vengeance pour saisir celles de l'amour, mais apparemment, Beverly n'avait pas mon courage.
Je l'avais provoquée, poussée à bout une fois de plus, espérant qu'elle se déciderait enfin à nous donner une chance. Cette même chance qu'elle nous avait refusée il y a dix ans.
- Madame Kamdem, allez voir votre mari pour qu'il termine le travail.
J'avais senti une déchirure dans mon cœur à l'appeler madame Kamdem, mais il fallait être réaliste, c'est exactement ce qu'elle était. C'était sa place et elle tenait à la garder.
J'étais déçu qu'elle ne ressente pas le manque de moi comme je le ressentais pour elle. Je mourais à petit feu chaque matin en la voyant, sans pouvoir lui manifester mon amour.
- Il faut te rendre à l’évidence Arthur, elle ne t'aime pas autant que tu l'aimes, me chuchota une petite voix mesquine.
Une fois de plus, j'aurais tout donné pour cette fille, et une fois encore, elle n'en voulait pas. Elle ne voulait pas de moi. Je me sentais prêt à tout braver pour elle. Je me serais mis devant elle pour la protéger de toutes les attaques : Benjamin, sa mère, sa famille, la société… Mais elle n'en voulait pas. Elle ne voulait pas de moi.
Je lui avais posé cet ultimatum, au départ dans l'espoir de la pousser à quitter son homme avant de la larguer à mon tour. Mais j'avais été surpris d'attendre avec impatience sa réponse. J'avais été surpris de désirer qu'elle me dise oui, de vouloir qu'elle m'accepte dans sa vie. J'avais attendu avec impatience qu'elle me choisisse enfin.
Amanda
- Hé, bonsoir Beverly, quelle beauté, lançai-je en lui faisant une bise.
- T'es tout aussi belle, répondit Beverly avec un sourire qui me sembla crispé.
- On se voit de moins en moins là, lançai-je.
- C'est vrai, ma belle. Ce n'est pas toujours évident. Tu sais, le boulot, la famille et tout le reste.
- Haha, j'imagine, ce n'est facile pour personne.
Le serveur s'approcha de notre table et nous tendit le menu.
- Un plat de ndolé et plantain vapeur pour moi.
- Un plat de sole braisé, commanda Beverly.
- Ah, ma copine et le poisson, c'est plus qu'une histoire d'amour, dis-je après que le serveur se soit éloigné.
- Haha, on ne change pas l'équipe qui gagne. Avec mon poisson, je ne risque jamais d'être déçue.
- Ce n'est pas faux non plus.
On se mit à papoter de différents sujets, mais ma copine était toujours distraite.
- Hé, Beverly, tu es là ? dis-je en faisant défiler le mouchoir devant ses yeux.
- Ha, désolée, j'étais un peu perdue dans mes pensées.
- Rien de grave, j'espère ? demandai-je.
- Pas du tout, répondit-elle, le regard fuyant.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
Je préférai ne pas insister maintenant. Je repris la conversation et me rendis compte qu'elle était vraiment ailleurs. Le serveur apporta à cet instant nos plats.
- Bon appétit, ma belle, lançai-je à Beverly.
- Bon appétit, ma chérie, répondit Beverly en s'attaquant à son plat.
On commença à manger dans un petit silence plaisant. J'avais presque fini mon plat quand je me rendis compte que Beverly avait à peine entamé le sien. La sole est un poisson tellement plat qu'il ne faudrait pas plus de quinze minutes pour le dévorer en entier.
- Ma chérie, que t'arrive-t-il ? Regarde ton plat, dis-je d'une voix faussement inquiète.
Je vis une goutte de larme couler de la joue de Beverly.
- Rien ne va Amanda, rien ne va, dit-elle en éclatant à coup en sanglots.
Je posai ma main sur la sienne en signe de réconfort.
- Qu'y a-t-il ? Tu me fais énormément peur là, dis-je en rapprochant ma chaise de la sienne.
- J'ai commis une énorme bêtise, Amanda. J'ai été idiote.
- Mon Dieu, qu'as-tu fais ? dis-je en posant mon sac sur mes genoux. Il fallait que l'enregistrement soit clair et limpide.
- Je t'avais dit que j'avais revu Arthur, non ? dit-elle d'une voix triste.
- Oui, je me rappelle.
- Il n'a pas arrêté de me provoquer. J'ai résisté, j'ai résisté autant que j'ai pu, mais j'ai fini par céder, dit-elle d'une voix meurtrie.
- Qu'as-tu fait ?
Il était impératif qu'elle le dise clairement.
- J'ai fini par coucher avec lui, dit-elle enfin.
Je serrai les poings en signe de victoire sous la table. J'avais déjà ce que je voulais, mais il fallait qu'elle aille jusqu'au bout.
- Où cela s'est-il passé ? demandai-je.
- Dans son bureau. Nous avons fait l'amour dans son bureau, répondit-elle d'une voix honteuse.
- Quand cela s'est-il passé ?
- Il y a cinq mois, répondit-elle.
Voilà, tout s'expliquait. Cela correspondait exactement au moment où Benjamin a recommencé à être fréquent à la maison.
- Je vois, dis-je d'une voix grave. Tu sais déjà que je ne suis pas une personne obtuse. Je ne vais pas te condamner pour autant.
Si elle était dans cet état cinq mois plus tard, cela voulait simplement dire qu'elle ne s'était pas arrêtée à une seule partie de jambes en l'air.
- Tu sais, l'erreur est humaine. Ne dit-on pas dans la bible de jeter la pierre qui n'a jamais pêché ?
- Amanda, j'aurais voulu me limiter à cela, mais c'était plus fort que moi. Après avoir essayé de résister tous les deux, nous avons fini par remettre le couvert.
- Quoi ? dis-je en écarquillant les yeux, manifestant une fausse surprise.
- Oui, j'en ai honte, si tu savais.
Elle me raconta comment après avoir entretenu leur liaison dans les locaux de leur entreprise, ils avaient décidé par souci de prudence de se rencontrer chez Arthur.
- Wow, je ne m'y attendais vraiment pas, mentis-je.
- Je sais, ça ne me ressemble vraiment pas. J'en ai tellement honte, murmura Beverly.
- Que comptes-tu faire ? demandai-je.
- Je n'en sais rien. Arthur n'a plus l'intention d'accepter ces rencontres clandestines. Il veut que je quitte Benjamin. Il veut que j'emménage avec lui.
- Pardon ? m'exclamai-je.
Cela arrangerait mes affaires.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
- Oui. Il m'a posé un ultimatum il y a deux semaines de cela. Il veut que je quitte Benjamin.
- Et toi ?
- Je ne sais pas, répondit Beverly en reprenant ses larmes. Je l'aime tellement, mais j'ai peur.
- Tu aimes qui ? Tu ne peux pas être amoureuse de tous les deux Beverly, dis-je d'un ton faussement sévère. Il va falloir choisir.
- Je le sais. J'aime Arthur, de toutes mes forces, et je réalise maintenant que je n'ai jamais cessé de l'aimer. Mais vais-je détruire une famille pour autant ? Et comment justifier mon départ ? Et au boulot ? Arthur est mon boss après tout.
- Ce n'est vraiment pas facile. Je te comprends ma belle, tu es dans une vraie impasse. Il va te falloir faire un choix.
- Je le sais, répondit-elle.
- Et comment c'était avec Arthur ? lançai-je en lui faisant un clin d’œil coquin, j'espère que tu n'as pas risqué ton mariage pour un gars qui n'est même pas capable de te satisfaire sexuellement.
Elle eut une expression embarrassée à ces mots. Beverly a toujours été pudique. Haha, pudique mon œil. La pudique qui couche depuis des mois avec son ex. L'eau calme était vraiment profonde. J'avais néanmoins besoin qu'elle me donne quelques détails qui pousseront Benjamin à bout.
- Il est extraordinaire, Amanda, s'exclama Beverly, les yeux tout à coup brillants. Rien n'a changé entre nous. Lui seul est capable de me procurer un tel plaisir, continua-t-elle, les yeux rêveurs.
Merci, ma belle, ce sera tout, pensai-je.
- Je vois. J'espère que ce n'est pas une simple question de sexe. Tu sais, le plaisir sexuel passe vite, mais maintenir une vraie relation pendant des années, ce n'est pas donné.
- Cela va bien au-delà du sexe. Je l'aime. Je l'aime de tout mon cœur.
- Alors, penses-y vraiment et fais le bon choix. Il est inutile de vivre auprès d'un homme que tu n'aimes pas, ce serait mourir à petit feu, mais d'un autre côté, tu dois t'assurer que tes sentiments soient vraiment réciproques.
- C'est le cas, répondit-elle avec véhémence.
- Alors, tu as déjà ta réponse, dis-je en lui faisant un clin.
- Oui, merci ma belle. Cela m'a vraiment fait plaisir de m'ouvrir à toi. J'ai l'impression d'y voir un peu plus clair maintenant.
- Les amis servent à ça, ma chérie.
On passa un autre moment à converser gaiement. Je me sentais sur un petit nuage. J'avais rêvé pendant des années d’évincer cette chouette et elle venait de m'offrir l'occasion sur un plateau d'argent.
Je lançai la main dans mon sac et vis avec soulagement que l’enregistrement était encore actif. J'émis un large sourire avant de l'interrompre.
Benjamin n'aurait jamais quitté Beverly de son plein gré, à moins qu'elle ne commette une faute grave. Et c'était désormais le cas. J'avais bataillé pour l'expulser de la vie de ce moins que rien d'Arthur, pour lui faire payer l'affront qu'il m'avait fait il y a quelques années. Je m'étais battue pour qu'elle entre dans la vie de Benjamin. Il était maintenant temps qu'elle en sorte. Cette place m'appartenait.
Si elle n'avait pas le courage de quitter Benjamin, ce dernier le ferait.
Eh oui, je serai la future madame Kamdem. Ses millions seront à moi. Je ne devrais plus me contenter de quelques miettes qu'il me donnait. Après le départ de Beverly, je pourrais me transférer dans sa belle maison et quitter enfin cet appartement de merde.
Beverly
- Bonne soirée, ma chérie, merci encore pour ton écoute.
- Il n’y a pas de quoi ma belle. Je suis là si tu as besoin.
Je me séparai d'Amanda et remontai enfin dans ma voiture. J'étais heureuse d'avoir pu m'ouvrir à ma copine. C'était d'ailleurs la seule que j'avais.
Amanda avait su m’éclaircir les idées. Je savais désormais ce qui me restait à faire. Ce n'était bien évidemment pas tout de suite, mais ma décision était déjà prise.
J'allais quitter Benjamin pour me remettre avec l'homme que j'aime, l'homme que je n'ai jamais cessé d'aimer. J'allais faire part de ma décision lundi à Arthur et on trouvera ensemble le moyen de mettre fin à mon mariage de la manière la plus paisible possible. J'avais un enfant avec Benjamin et je prenais soin de Gabin depuis des années comme s'il venait de mon sein. Comment gérer cette situation ? Il n'était plus question que j'amène Virginie dans mon futur foyer, et Gabin ? Je n'avais pas envie de me séparer de lui. Il était aussi mon enfant.
Je savais que des moments difficiles m'attendaient, mais je savais qu'avec Arthur à mes côtés, j'étais capable braver tous les obstacles.
Il avait été prêt à tout par le passé pour moi, risquant même de mettre son avenir en péril, et c'était encore le cas aujourd'hui. Il avait accepté cette relation clandestine pendant de longs mois. Il était temps qu'il prenne la place qu'il mérite, celle de mon homme. Je lui avais assez fait de mal par le passé. Il était temps que je le restaure.