Chapitre 24

Ecrit par Verdo

LA SACOCHE AUX SECRETS (ROMAN)


CHAPITRE 24 


La nuit était calme, presque trop calme, dans la maison de Nadine. Les triplés dormaient paisiblement dans leurs berceaux. Sélinam, épuisée mais heureuse, s’était laissée emporter par un sommeil léger. Cependant, aux premières lueurs de l’aube, un cri strident la tira brutalement de son sommeil.


C’était la mère de Nadine.


— « Sélinam, viens vite ! » s’écria-t-elle, sa voix tremblante de panique.


Sélinam se leva précipitamment, suivie par Nadine qui accourut de la cuisine. Elles se dirigèrent vers les berceaux des triplés.


— « Que se passe-t-il ? » demanda Sélinam, le cœur battant à tout rompre.


Sa mère, les yeux écarquillés, désigna le visage du troisième bébé, endormi paisiblement. Là, sur sa joue droite, une marque étrange était apparue : une sacoche noire entourée de huit cauris parfaitement dessinés.


— « Ça… ça n’était pas là hier ! » balbutia Nadine, la voix étouffée par la stupéfaction.


Sélinam sentit une sueur froide couler le long de son dos. Elle se pencha pour examiner la marque de plus près. C’était comme si elle avait toujours été là, parfaitement incrustée dans la peau tendre de son enfant.


— « C’est impossible... Ce n’est pas naturel ! » murmura-t-elle, effrayée.


Le bébé ouvrit soudain les yeux, les fixant avec une sérénité troublante. Un frisson parcourut l’échine de Sélinam.


— « Appelle le pasteur Sika ! » lança Nadine.


Sélinam attrapa son téléphone en tremblant. Elle composa rapidement le numéro de Sika, mais il était injoignable.


— « Messagerie... Encore ! » dit-elle en secouant la tête.


Elle tenta à nouveau, puis encore, sans succès.


— « Que faisons-nous ? » demanda Nadine, l’angoisse visible sur son visage.


— « Je ne sais pas... Je ne comprends pas ! Pourquoi lui ? Cette sacoche, je me souviens que c'est Ethiam qui l'avait ramenée à l'église pour que Sika la fasse disparaître. Pourquoi cela se déssine sur le visage de mon fils? » répondit Sélinam, les larmes aux yeux.


La mère de Nadine, qui restait silencieuse jusqu’à présent, prit une profonde inspiration et dit :


— « Ce n’est peut-être pas une coïncidence. Tout peut être lié. Ce sont les enfants de Sika. Peut-être que ce signe est un message, un avertissement. »


Sélinam regarda la marque sur le visage de son enfant. Elle sentit une profonde inquiétude l’envahir.


— « Si Sika ne répond pas, il faut faire quelque chose nous-mêmes. Cette marque n’est pas anodine. Je ne laisserai rien arriver à mes enfants. »


Nadine posa une main réconfortante sur l’épaule de Sélinam.


— « Peut-être devrions-nous chercher de l’aide ailleurs. Si Sika ne répond pas, il y a sûrement quelqu’un d’autre qui peut nous expliquer ce que signifie cette marque. »


Sélinam hocha la tête, mais dans son cœur, elle savait que le pasteur Sika était le seul à pouvoir répondre à ses questions. La marque sur le visage de son bébé n’était pas un hasard, et elle devait en découvrir la signification avant qu’il ne soit trop tard.


Dans un silence lourd de tension, elle s’assit près des berceaux, incapable de détourner les yeux de la marque. Une question lui brûlait les lèvres : Pourquoi mon enfant ?


**************************************************************


Le soleil était haut dans le ciel lorsque Éthiam entama son huitième et dernier tour autour du village. Ses jambes lourdes et son dos courbé témoignaient de l'épuisement physique et mental qu’il subissait depuis le début de la cérémonie. Les rameaux des villageois claquaient encore sur son dos, mais ce n’était plus la douleur physique qui pesait sur lui : c’étaient les murmures.


À chaque pas, des visions surgissaient devant ses yeux : Mawugno souriant dans la ferme, Ayélévi tenant tendrement son fils, et les investisseurs autour d’une table, rêvant à un avenir prospère pour le village. Les scènes heureuses se transformaient brusquement en cauchemars : Mawugno gisant dans une mare de sang, Ayélévi pleurant la perte de sa famille, et les investisseurs criant de douleur avant de sombrer dans la mort.


« Ton pardon viendra du sacrifice. »


La voix était à la fois douce et glaciale, semblant résonner dans son âme. Elle se répétait à chaque vision, chaque coup porté, chaque pas qu’il faisait.


Arrivé près de la ferme, Éthiam s’arrêta, essoufflé. Devant lui, le terrain qui autrefois abritait une vie vibrante semblait vide et désolé. Les villageois s’étaient arrêtés à une distance respectable, observant en silence.


C’est alors qu’un éclair déchira le ciel sans prévenir, frappant un arbre non loin. Le tronc explosa, projetant des éclats de bois dans toutes les directions, et un trou béant se forma à l’endroit de l’impact. Une lumière étrange émanait du gouffre, et au-dessus, flottait la sacoche noire.


Les murmures des villageois s’amplifièrent, oscillant entre peur et fascination.


— « Les ancêtres ! » s’exclama une vieille femme.

— « Ils sont là ! » cria un autre.


Mais Éthiam n’entendait rien. Son regard était rivé sur la sacoche, qui semblait l’appeler silencieusement. Une force invisible le poussa en avant. Ses pieds refusant d’obéir, il se retrouva à marcher vers le trou.


— « Éthiam, recule ! » cria le prêtre du village, mais il était déjà trop tard.


Alors qu’il atteignait le bord, la sacoche tourna sur elle-même, projetant une lumière noire. Éthiam fut aspiré dans le gouffre.


Les villageois poussèrent des cris de panique.


— « Les ancêtres l’ont pris ! »

— « Est-il vivant ? »

— « Leur justice est tombée ! »


À l’intérieur du trou, tout était sombre et silencieux. Éthiam ouvrit les yeux et se retrouva seul, debout dans une sorte de néant. La sacoche flottait devant lui. Il voulait s’éloigner, mais ses pieds semblaient enracinés dans le sol invisible.


Un par un, les huit cauris sortirent de la sacoche. Ils commencèrent à flotter autour de lui, traçant un cercle. Puis, à mesure qu’ils tournaient, ils prirent forme humaine.


Mawugno apparut en premier, son regard empli de reproches. Ensuite sa femme, portant un bébé dans ses bras, suivie de ses deux autres enfants. Les investisseurs vinrent ensuite, et enfin, Nomagno, les yeux remplis de colère.


Ils avancèrent lentement vers Éthiam, leurs visages se déformant en masques de rage et de douleur. Leurs mains se transformèrent en griffes noires, leurs voix résonnant dans l’air comme des hurlements.


— « Pourquoi tu nous as tués ? » cria Mawugno.

— « Tu vas souffrir comme nous avons souffert ! » hurlèrent les enfants.

— « C’est ton tour de payer ! » rugirent les investisseurs.


Éthiam tomba à genoux, ses mains couvrant ses oreilles pour échapper à leurs cris.


— « Arrêtez ! Je suis désolé ! Pitié ! »


Les âmes des morts se rapprochèrent, formant un cercle serré autour de lui. Les griffes se levèrent, prêtes à frapper.


Éthiam ferma les yeux, son cœur battant à tout rompre. Il savait qu’il n’allait pas s’en sortir.


Dans le monde extérieur, les villageois observaient le trou en silence, se demandant si Éthiam était encore vivant ou si les ancêtres avaient rendu leur jugement final. Une tension lourde s’abattit sur eux.


Dans le néant, Éthiam, face à ses victimes, se préparait à accepter ce qu’il pensait être son destin.


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Ayélévi, accompagnée de ses parents, arriva enfin à Fongbé-Zogbédzi après des heures éprouvantes de voyage. Les épreuves du chemin n’avaient fait que renforcer sa détermination. La fatigue se lisait sur leurs visages, mais leurs cœurs étaient gonflés d’espoir et d’appréhension.


Dès qu’ils entrèrent dans le village, les murmures des habitants les alertèrent.


— « Éthiam est à la ferme… Les ancêtres le jugent. »

— « C’est une punition qu’aucun homme ne souhaiterait vivre. »


Ayélévi arrêta un passant, son regard trahissant son inquiétude.


— « Excusez-moi, pouvez-vous nous indiquer la ferme ? »


L’homme la regarda avec hésitation, mais en voyant sa sincérité, il accepta de les guider. Sans perdre un instant, ils suivirent le chemin tortueux qui menait à la ferme.


À leur arrivée, Ayélévi et ses parents furent frappés par l’atmosphère pesante qui régnait. Les villageois, rassemblés en silence, formaient un cercle autour d’un grand trou béant. Les éclats d’un éclair récent parsemaient le sol, et au-dessus du gouffre flottait une lueur inquiétante.


Le cœur d’Ayélévi se serra en voyant cette scène. 


Elle n’hésita pas un instant.


— « Je dois le sauver ! » dit-elle en s’avançant précipitamment.


Ses parents tentèrent de la retenir, mais elle les repoussa doucement. Elle se mit à genoux devant le chef du village et les anciens, ses yeux débordant de larmes.


— « Je suis Ayélévi, la femme d’Éthiam, » déclara-t-elle d’une voix brisée. « Je vous en supplie, aidez-moi à le sauver ! »


Les anciens échangèrent des regards graves. L’un d’eux, le visage marqué par l’âge et la sagesse, prit la parole.


— « Fille, ce n’est pas à nous de décider. Les ancêtres mènent leur jugement. Si nous interférons, nous risquons la colère des esprits et la destruction de notre village. »


Ayélévi trembla devant ces paroles, mais elle ne se laissa pas décourager.


— « Je suis prête à prendre ce risque ! Laissez-moi participer au rituel. Mon amour pour lui peut apaiser leur colère ! »


Le chef du village secoua la tête avec fermeté.


— « Non. Éthiam seul porte la responsabilité de ses actes. Il doit faire face aux âmes qu’il a trahies et assassinées. »


Ses parents s’approchèrent pour la calmer. Son père lui prit la main gauche, tandis que sa mère saisit sa main droite.


— « Ma fille, écoute les sages. Nous ne pouvons rien faire. Reviens à la raison. »


Mais Ayélévi, déchirée par son amour et sa douleur, refusa de céder. Profitant d’un moment d’inattention, elle se débattit et, d’un bond désespéré, sauta dans le trou sous les cris horrifiés des villageois.


Elle atterrit lourdement, son regard immédiatement capté par une scène terrifiante. Les huit âmes des victimes entouraient Éthiam, leurs visages déformés par la haine. Leurs mains, transformées en griffes noires, étaient serrées autour de son cou. Éthiam, pâle et couvert de blessures, semblait sur le point de rendre son dernier souffle.


Ayélévi se précipita sur lui, le prenant dans ses bras avec une tendresse désespérée.


— « Tout va bien se passer, mon amour. Je ne te quitterai pas. Si tu dois mourir, je mourrai avec toi aujourd’hui. On s’est promis pour le meilleur et pour le pire. »


Les âmes s’arrêtèrent, reculant légèrement à l’apparition d’Ayélévi. Mais leur répit fut de courte durée. Elles avancèrent à nouveau, leurs murmures devenant des cris assourdissants.


Ayélévi, le cœur battant, leva la tête et se mit à supplier :


— « Ne le tuez pas ! Pardonnez-lui ! Il a compris la leçon. Prenez tout ce qu’il possède, prenez sa richesse, mais laissez-lui la vie. Je vous en supplie ! »


Les âmes s’arrêtèrent, hésitant un instant. Mawugno, le plus grand des esprits, s’avança, son visage grave et terrifiant.


— « Et lui, qui nous a assassinés de sang-froid ? » gronda-t-il, sa voix résonnant comme un tonnerre.


Ayélévi sentit ses jambes fléchir, mais elle ne baissa pas les yeux.


— « Je sais qu’il a fait du mal, et je ne cherche pas à l’excuser. Mais s’il y a une chance qu’il puisse se racheter, s’il y a une chance de justice sans la mort, donnez-la-lui. Il peut encore changer. Il peut encore faire le bien. »


Les âmes murmurèrent entre elles, formant un cercle plus serré. Ayélévi, tremblante mais résolue, continua de tenir Éthiam contre elle, prête à affronter leur jugement ensemble.


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Le pasteur Sika arriva à Fongbé-Zogbédzi après un voyage épuisant, ses blessures encore fraîches le faisant boiter. Le village, baigné d’une lumière crépusculaire, semblait suspendu dans une étrange tension. Des murmures montaient des habitants rassemblés autour de la ferme, leurs regards emplis d’une peur mêlée de curiosité.


Il se fraya un chemin à travers la foule dense, ses vêtements froissés et poussiéreux et ses bandages recouverts de poussière témoignant de son périple. Lorsqu’il atteignit le cercle des anciens, il fut frappé par la scène devant lui : un grand trou au centre de la ferme, d’où s’échappaient des éclats de lumière sombre. Le spectacle était irréel. Une énergie oppressante semblait s’émaner du gouffre, comme si le lieu lui-même était vivant.


— « Que se passe-t-il ici ? » demanda Sika, sa voix grave et autoritaire résonnant au milieu des murmures.


Le chef du village se tourna vers lui, reconnaissant immédiatement l’homme de foi qu'il suivait autrefois sur sa radio vérité TV. 


— « Pasteur, vous arrivez au moment où les ancêtres jugent Éthiam pour ses crimes. Ce trou est leur tribunal, et nul ne peut interrompre leur sentence. »


Sika observa le trou avec intensité. Ayélévi, agenouillée auprès d’un Éthiam à l’agonie, le tenant fermement dans ses bras. Son cœur se serra en voyant la jeune femme défier l’impossible par amour.


Avant qu’il ne puisse répondre, la sacoche noire se manifesta soudainement. Elle émergea de l’ombre comme un être vivant, flottant au-dessus du trou. Des hurlements glacials retentirent, et le vent se leva, fouettant les visages des villageois. La terre trembla légèrement, provoquant des exclamations de panique dans la foule.


— « C’est elle ! La sacoche noire ! » cria un villageois.


Sika sentit son souffle se couper. La sacoche, symbole de malédiction et de ténèbres, semblait lui adresser un message silencieux. Avant qu’il ne puisse agir, la vieille femme mystique lui apparut dans une vision.


Elle était là, au milieu de la foule, mais personne d’autre ne semblait la voir. Sa silhouette rayonnait d’une lumière éthérée, et ses yeux perçaient l’âme de Sika.


— « La lumière contre les ténèbres, pasteur, » murmura-t-elle. « Mais es-tu prêt à perdre ce que tu chéris pour sauver des âmes ? Es-tu prêt à sacrifier tout ce que tu es pour mettre fin à cette malédiction ? Tu as la clé en ta possession ; la clé qui peut mettre fin à tout ceci. »


Les paroles résonnèrent dans son esprit comme une cloche, et il sentit une peur sourde s’emparer de lui. Mais il savait qu’il ne pouvait reculer.


— « Je suis prêt, » murmura-t-il avec détermination.


Reprenant ses esprits, il fit un pas en avant, mais le chef du village l’arrêta d’un geste ferme.


— « Pasteur, ce n’est pas votre combat. Si vous intervenez, vous risquez d’aggraver la colère des ancêtres. »


— « C’est mon devoir, » répondit Sika, son regard brûlant de conviction. « Je suis ici pour affronter les ténèbres et sauver ces âmes perdues. Que Dieu soit mon témoin, je ne reculerai pas. 


<<Vous n'avez pas pu vous sauver vous même, votre famille et votre église. Vous pensez sauver qui ici?>> Se moqua le chef du village. 


Avant que quiconque ne puisse réagir, Sika sauta dans le trou. Les villageois retinrent leur souffle, horrifiés par cet acte audacieux.


À l’intérieur du gouffre, l’atmosphère était encore plus oppressante. Les huit âmes des victimes entouraient Ayélévi et Éthiam, prêtes à fondre sur eux avec une rage surnaturelle. Mais l’arrivée de Sika provoqua une rupture dans leur cercle.


Il se releva avec difficulté, ses blessures le faisant grimacer. Levant une main tremblante, il fit face aux esprits.


— « Au nom de Dieu, arrêtez ! » cria-t-il. « Je viens ici en tant que serviteur de la lumière, pour implorer votre pardon et vous guider vers la paix. »


Les âmes s’arrêtèrent, hésitantes. Leur colère semblait vaciller face à l’aura de Sika. Mais Mawugno, le chef des esprits, avança, ses traits déformés par la haine.


— « Et pourquoi devrions-nous pardonner ? » gronda-t-il. « Cet homme a détruit nos vies ! Il mérite de souffrir comme nous avons souffert ! Vous aussi vous avez goûté à l'argent de notre sang! Vous méritez de mourir tout comme lui. »


Sika serra les poings, sentant le poids de leurs accusations.


— « Vous avez raison, » admit-il. « Mais la vengeance ne vous apportera pas la paix. Pardonner ne signifie pas oublier, mais cela vous libérera de cette haine qui vous emprisonne. »


Ayélévi, toujours agenouillée auprès d’Éthiam, se joignit à Sika.


— « S’il vous plaît, je vous en supplie, épargnez-le. Laissez-lui une chance de se racheter. Nous ferons tout ce qu’il faut pour honorer votre mémoire. »


Les esprits échangèrent des regards, indécis. Leur colère semblait diminuer, remplacée par une lueur de tristesse. Mawugno se tourna vers les autres, attendant leur décision.


Sika sentit une main invisible se poser sur son épaule. C’était la vieille femme mystique, bien qu’elle n’était visible que pour lui.


— « C’est ton moment, » murmura-t-elle. « Mais souviens-toi, tout sacrifice a un prix. Tu as la clé avec toi.»


Rassemblant son courage, Sika tendit ses mains vers les esprits, prêt à les affronter ou à les apaiser, selon leur choix.


******************************************************


Le bruit des pneus de la voiture de Marie soulevant un nuage de poussière précéda son arrivée à Fongbé-Zogbédzi. Elle descendit brusquement, sa silhouette tendue trahissant une rage contenue. Les villageois, rassemblés autour de la ferme, se retournèrent, surpris par son apparition. Marie, toujours vêtue de noir en signe de deuil, semblait une incarnation vivante de la vengeance.


Elle marcha droit vers le cercle des anciens, son regard brûlant balayant la foule.


— « Où est-il ? Où est Éthiam ? » lança-t-elle d’une voix forte.


Les murmures montèrent parmi les villageois. Certains évitaient son regard, effrayés par son intensité. Le chef du village se leva lentement, s’appuyant sur son bâton.


— « Éthiam est là où il doit être, » répondit-il calmement, pointant le grand trou au centre de la ferme.


Marie fixa le gouffre béant d’où émanait une lueur sombre et inquiétante. Elle serra les poings, retenant difficilement sa colère.


— « C’est ici que vous le cachez ? » dit-elle d’un ton accusateur. « Cet homme a détruit ma famille ! Il a tué mon père, Nomagno, et mon ami Kossivi ! Il doit être jugé par la loi, pas par vos croyances archaïques ! »


Le chef du village haussa un sourcil, mais garda son calme.


— « La loi a déjà échoué, jeune femme. Éthiam s’est échappé de vos prisons et a continué ses atrocités. Les ancêtres ont pris le relais. Ce jugement ne vous appartient plus. »


Les paroles du chef furent comme une claque pour Marie. Elle recula d’un pas, son souffle rapide trahissant l’intensité de ses émotions.


— « Et vous pensez que vos ancêtres feront mieux ? » rétorqua-t-elle, sa voix montant d’un cran. « Ils n’ont pas perdu leurs proches comme moi ! Ils ne savent pas ce que c’est que de vivre avec cette douleur chaque jour ! »


Le cercle des anciens resta silencieux, leurs regards empreints de gravité. Marie se tourna vers la foule, levant les bras.


— « Et vous, tous ! Allez-vous rester là à regarder ? Cet homme a ruiné nos vies ! Il mérite la justice, pas une vengeance spirituelle ! »


Les villageois baissèrent les yeux, intimidés par son élan. Mais personne ne bougea.


Voyant qu’elle ne recevrait aucun soutien, Marie sentit son sang bouillir. La haine et le chagrin bouillonnaient en elle, incontrôlables.


— « Très bien, » dit-elle en se retournant vers le trou. « Si personne n’a le courage de l’arrêter, je le ferai moi-même. Même s’il se trouvait en enfer auprès de Satan, j’irai le chercher ! »


Sans attendre, elle courut vers le gouffre.


— « Non ! » cria le chef du village, tendant une main pour l’arrêter.


Mais il était trop tard. Marie sauta dans le trou sous les cris horrifiés de la foule.


Marie atterrit lourdement, la lumière ténébreuse l’enveloppant immédiatement. L’air était glacé, et une odeur de terre humide imprégnait l’atmosphère. Ses yeux s’ajustèrent rapidement, et elle vit une scène terrifiante.


Éthiam, Ayélévi et Sika, agenouillés, étaient entourés des huit âmes des victimes. Le visage d'Ethiam était pâle, ses yeux remplis de terreur. Ayélévi, agenouillée à côté de lui, tentait désespérément de le protéger, ses bras entourant son corps tremblant.


Marie s’approcha, ses pas lourds résonnant dans l’espace.


— « Éthiam ! » hurla-t-elle.


Les âmes se tournèrent vers elle, leurs regards vides mais empreints d’une colère palpable. Mawugno, le plus imposant d’entre eux, avança d’un pas.


— « Tu es ici pour partager son sort ? » demanda-t-il, sa voix grave et résonnante.


Marie planta ses pieds fermement dans le sol, son regard défiant. Elle reconnut son père Nomagno parmi les âmes.


— « Je suis ici pour le prendre. Il doit payer pour ce qu’il a fait, mais pas comme ça. Il doit affronter la justice des hommes ! »


Mawugno éclata de rire, un son guttural et sinistre qui résonna dans tout le gouffre.


— « La justice des hommes ? » répéta-t-il avec mépris. « Elle n’a pas suffi la première fois. Pourquoi penses-tu que ce sera différent ? »


Marie ne recula pas.


— « Parce que cette fois, je ne lâcherai pas ! » cria-t-elle. « Si vous devez vous en prendre à quelqu’un, prenez-moi. Mais laissez-le pour qu'il aille en prison !»


Ayélévi leva des yeux larmoyants vers elle, surprise par ses paroles.


Les âmes semblèrent hésiter, leurs formes vacillant légèrement. Mawugno recula d’un pas, observant Marie avec intensité.


Nomagno se tourna vers sa fille. 


<<Non Marie, ma fille; laisse cette histoire. Éthiam a déjà son compte. Je veux que toi tu vives et que tu accomplisses ce que je n'ai pas pu accomplir.>> 


<<Papa….>> S'effondra-t-elle…


<<Il t'a arraché à moi, il t'a tué…>>



À suivre…


Écrit par Koffi Olivier HONSOU. 


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