Chapitre 4

Ecrit par leilaji

La mater

Episode 4


Otsiemi n’aurait pas parié un franc CFA ce matin qu’il verrait dans les heures suivant le coup de fil de son ami, l’unique femme qui avait réussi à fendiller son cœur de mauvais garçon. Aujourd’hui encore il avait du mal à accepter qu’en réalité elle ne lui avait pas fendillé le cœur. Non. Elle l’avait plutôt brisé en milliards de morceaux transformés en poudre à canon après coup. Il avait bien retenue la leçon après sa relation avec Véronique. Il ne s’attachait pas aux femmes et elles le lui rendaient bien dès qu’elles comprenaient quel style de vie il menait. 

Sa vie de policier quarantenaire consistait à baiser la nuit, se lever le matin en se gargarisant avec une bonne Regab rafraichit par son vieux frigidaire de célibataire, mener ses enquêtes, passer des deals avec les petits voyous des quartiers pour toujours entendre battre le pouls de Libreville et enfin…retrouver les gens disparus.


Lorsqu’Hervé Philippe lui avait demandé de venir en aide à une de ses belles-sœurs, il n’avait pas pensé à Véronique. Il fallait avouer que la brillante carrière du mari de cette dernière la faisait habituellement évoluer dans des sphères qu’il ne fréquentait que très peu. Elle était devenue une femme hors de sa portée. A bien y réfléchir, elle l’avait toujours été. Ce n’était vraiment pas le moment de remuer le passé mais il ne pouvait s’en empêcher.

Il n’avait jamais compris par quel sort, une fille comme elle avait pu tomber amoureuse d’un mec comme lui, qui à cette époque déjà n’en menait pas large. Ce n’était peut-être pas une bombe sexuelle mais elle était intelligente et drôle. Ce qui à l’époque l’effrayait même un peu. A 20 ans, il pensait qu’il finirait surement mort, bourré dans un ravin mais elle, elle était persuadée du contraire. Elle lui disait qu’il méritait d’être aimé tel qu’il était malgré ses défauts car il n’y avait pas ami plus fidèle et franc que lui. Il lui répondit qu’elle méritait mieux que lui qu’il était peut-être l’ami parfait mais un petit ami fort désolant. Elle lui demandait de ne pas s’obliger changer pour elle sinon il lui en voudrait plus tard. Il ne s’y essayait pas vraiment. Elle voulait juste qu’il se laisse aimer par elle. Et il avait dû lutter comme un forcené pour ne pas céder à la tentation. Il avait vaillamment lutté et glorieusement perdu. Il avait connu dans ses bras, un bonheur sans mélange puis s’était laissé terrifier par les sentiments qu’il commençait à ressentir pour elle.


Alors comme tout stupide être humain doté d’un chromosome Y, il avait déconné. Et de la même manière qu’elle l’avait follement aimé, c’est de cette même manière qu’elle s’était détournée de lui en choisissant au pire moment de sa vie de le laisser tomber pour un autre. Un autre qui aujourd’hui était premier ministre tandis que lui roulait encore sa bosse comme flic.


Otsiemi s’extirpa de ses souvenirs comme un rat qui se réveille à l’approche du propriétaire des lieux. Il posa ses yeux sur Véronique. A voir son air paniqué, il décida de jouer à celui qui ne la connaissait pas. Il tendit la main à son ami et salua de la tête Véronique qui sembla se détendre.


- Comme je te l’ai expliqué, l’affaire est ultra confidentielle. Je sais que je peux compter sur ta discrétion légendaire.

- De quoi s’agit-il, tu ne m’as presque rien expliqué au téléphone ?

- Tu la reconnais n’est-ce pas ?

- Oui. C’est la femme du premier ministre, lâcha-t-il du bout des lèvres conscient du fait qu’elle détestait surement être reléguée à ce rôle.

- Son fils a disparu…

- Hier, continua Véronique qui ne pouvait s’empêcher d’essayer de prendre les commandes de la discussion.

- Avez-vous fouillé les morgues et les hôpitaux ?


La question pourtant très simple glaça le sang de l’ancienne juge. Elle savait qu’il avait raison de la poser. Mais ça ne l’empêchait pas de lui en vouloir. Pour Véronique, son fils avait disparu. Il n’était pas mort. Alors elle n’avait pas jugé nécessaire de faire le tour des morgues. Cependant c’était une éventualité qui avait paru logique à Ostiemi et son analyse froide.


- Je ne sais pas si c’est une bonne idée de vous mêler à cette histoire, remarqua Véronique sur les nerfs.

- Quel âge a-t-il ? demanda le policier sans se démonter car même si elle était aujourd’hui une des femmes de l’ombre les plus influentes du pays, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait caressé son corps et fait sourire ses lèvres. Auparavant.


Véronique ne répondit pas immédiatement comme si elle se donnait un délai de réflexion avant de délivrer cette information. Un silence étrange flotta entre les trois protagonistes. Hervé Philippe qui voulait prouver à sa belle-sœur qu’il avait hâte d’aider le policier à retrouver son neveu, répondit à sa place. Noah avait dix-huit ans. Otsiemi sursauta. Il ne le savait pas si vieux. Le chiffre lui semblait étrangement familier. Comme s’il marquait pour lui aussi un nombre d’années important. Il se convainquit d’y repenser plus tard et retint tout simplement qu’il s’agissait d’un jeune adulte.


Le policier ne quittait plus Véronique des yeux. Au fil du temps, elle avait pris des rondeurs. Sa généreuse poitrine tendait le tissu de sa robe. Les kilos, qu’il imaginait aisément Véronique désiré voir disparaitre, elle qui avait été si mince auparavant, s’étaient glissés aux bons endroits. Son visage au teint noir ébène n’avait pas pris une seule ride, comme si les malices du temps n’avaient pas d’effet sur elle. En réalité, même s’il aurait préféré se voir couper la tête avec un cutter plutôt que de l’avouer : pour lui, elle restait belle comme jamais.


Hervé Philippe se déplaça pour aller prendre de lourds albums de photos qu’il se mit à fouiller.


- Que fais-tu ?

- Je cherche des photos de Noah… Otsiemi a besoin de savoir qui il doit chercher ou faire chercher.

- Tes photos sont toutes anciennes. Laisse tomber Hervé Philippe. Je lui en donnerai des récentes. S’il te plait ne te tracasse pas.

- D’accord ma belle-sœur. En tout cas je suis rassuré car je sais que tu es maintenant entre de bonnes mains.


Le policier jeta un coup d’œil à sa montre pour signifier qu’il devait prendre congé.


- Il va te raccompagner. Mon mécanicien te rapportera la voiture. Ça te va ?

- Oui. Merci.

- Pas de problème.


Otsiemi et Véronique Ndong quittèrent donc le quartier Mindoumbé quelques minutes plus tard à bord d’une Toyota Carina au moteur vieux d’une vingtaine d’années mais à la peinture de tôlerie étincelante. Le siège passager n’ayant pas de ceinture de sécurité, Véronique se contenta de s’y agripper. Aucun des deux ne savait quoi dire à l’autre alors ils restèrent silencieux. Otsiemi glissa une clef USB dans le nouvel autoradio greffé à l’ancienne machinerie. La rumba congolaise inonda l’habitacle. Lorsqu’ils se retrouvèrent bloqués dans les embouteillages causés par un accident à IAI, Ostiemi se décida à rompre le silence. Mais la circulation se fluidifia de nouveau et ils purent continuer leur chemin. A présent qu’elle regardait par la fenêtre, aussi loin de lui que possible en pensée, il ne trouvait plus leur silence si forcé que cela. Alors il se contenta de continuer à conduire s’étonnant du rapport étrange qui s’était installé entre eux alors qu’ils avaient été si proches auparavant. Dès que la voie fut libre, il appuya sur le champignon. Le téléphone de Véronique sonna, le coupant dans son élan. Elle écouta attentivement les explications qui lui furent donné et raccrocha le cœur lourd de chagrin après leur avoir recommandé de fouiller discrètement les morgues et les hôpitaux. L’enquête des agents dépêchés par son mari n’avait pas avancé d’un pouce. Ils ne savaient toujours rien de nouveau. Apparemment les employés n’avaient livré aucune information intéressante malgré des heures d’interrogatoire.


- Arrête-toi s’il te plait !

- Quoi ?

- Arrête-toi !


Elle n’avait pas crié, juste murmuré sa demande. Mais il l'avait entendu comme un cri. Il exécuta une manœuvre dangereuse et se gara sur la bas-côté, juste face à un bar dénommé « le vin c’est la vie ». Véronique posa son téléphone,  puis ouvrit sa portière sans pour autant descendre. Elle avait juste besoin de se reprendre, de ne pas se laisser abattre par la lenteur de l'enquête. Le téléphone sonna et le nom de son mari apparut sur l'écran brisé. Elle ne décrocha pas.


- Je fais ce métier depuis très longtemps et je sais que lorsque les parents ne se soutiennent pas l'un l'autre lors de la disparition de proches, les conflits tus depuis des années finissent par remonter à la surface et les familles se déchirent. Il faut que tu lui répondes. Pour qu'il n'ait pas à s'inquiéter, et pour son fils et pour toi.

- Ne t'en mêle pas. Ce n'est pas parce que je n'ai rien dit chez Henri-Philippe que ça veut dire que tu peux te mêler de ma vie, lui fit-elle remarquer froidement en le regardant bien droit dans les yeux. Je ne peux faire confiance à personne. Ma famille est puissante. Quelle enquête pourrais-tu bien diligenter ?

- Oh ne te fie pas à mon jean usé et à ma veste en cuir élimé. J'ai des dossiers sur tous les membres du gouvernement et sur toutes les personnes puissantes de ce pays. Et surtout, je ne crains rien ni personne car je ne dois rien à personne.


Véronique ne put cacher son étonnement.


- Ne fais pas cette tête, je n'ai pas autant raté ma vie que tu sembles l'imaginer.

- Je ne l'ai jamais pensé, protesta-t-elle.

- On sait tous les deux que si. Disons que j'avais une revanche à prendre sur la vie après m'être fait larguer comme une vieille feuille de banane.

- Tu veux vraiment qu'on parle de ça maintenant ? Alors que le chien de mon fils a été éventré, mon gardien battu et que mon fils est porté disparu. Tu veux qu'on parle de toi et moi ?


Otsiemi détourna les yeux, conscient qu'il venait de faire une belle gaffe.


- Bref, je dirigeais la cellule chargée des enquêtes de moralité. A toi je peux bien le dire.

- Je pensais qu'on ne le faisait que pour les professions libérales, les avocats, les notaires et compagnie.

- Non. Même si ça n'en a pas l'air, avant chaque nomination des membres du gouvernement, on fait une petite enquête de moralité et on garde le dossier bien au chaud.

- Pour pouvoir mieux vous servir d'eux en cas de problème.

- Qui vous ? Je ne suis pas dans le « vous » que tu viens de prononcer. Ne m'attaque pas. Mon job consistait à constituer les dossiers, pas à utiliser ce qu'ils contenaient.


Le téléphone sonna une seconde fois. Véronique ne fit pas mine de décrocher, ce qui étonna un peu plus Otsiémi. Il y avait-il de l'eau dans le gaz entre Véronique et son fringant mari. Il se tourna complètement vers elle et détacha sa ceinture de sécurité qui n'avait plus grand chose d'une ceinture tellement le corde en était élimée. La gérante du bar, habillée d'un tee-shirt moulant et d'un collant noir en similicuir les regardait d'une manière bien étrange. Peut-être se demandait-elle si elle pouvait reconnaître quelqu'un.


- Que se passe-t-il pour que tu ne répondes pas à ton mari ?

- Rien.

- Véro... insista le policier en tournant le visage de Véronique de manière à ce que son regard ne puisse échapper au sien. Parle-moi.

- Pourquoi je devrais te faire confiance ? Quand Patrick est devenu premier ministre, j'ai compris que tout le monde était mon ennemi.

- C'est vrai que ça fait des années nous deux mais... regarde-moi bien dans les yeux. Jamais je ne te ferai de mal consciemment, tu le sais.

- Non je n'en sais rien répondit-elle en détournant les yeux. On ne se connait plus. Je ne peux faire confiance qu'à moi-même.

- Je vais t'aider à retrouver ton fils, je te le jure sur ce que tu voudras. Mais pour cela il faut que tu me parles. Il te faut l'avis de quelqu'un qui n'est pas proche de toi et qui peut analyser les choses froidement même si je sais que tu es la reine de l'analyse froide.


Après un court instant de réflexion, Véronique prit la parole.


- J'étais persuadé qu'Henri Philippe avait orchestré tout ça. Mais finalement ce n'est pas lui, et mon cerveau tourne la situation dans tous les sens. Le nom de mon mari revient à chaque fois parce que mon fils m'a dit une chose étrange avant de disparaître.

- Tu as un doute sur lui ?

- J'ai un doute. Un doute minuscule mais un doute quand même.

- Ton fils t'as dit quelque chose et c'est seulement sur ça que tu te bases ? Il est dans l'ordre des choses qu'un père et un fils se disputent. Tu te rappelles que je disais tout le temps des conneries sur mon père surtout lorsqu'il m'interdisait de boire, fumer... Ça m'énervait.

- Je le sais. Je sais qu'une phrase anodine mal interprétée peut faire beaucoup de mal. Je fais peut-être d'un tout petit détail de rien du tout, une montagne. En tant que juge d'instruction, je sais que chaque criminel a un mobile. Alors quel pourrait bien être celui de Patrick ? En plus si je l'accuse d'avoir fait du mal à notre fils alors qu'il n'y est pour rien, il ne me le pardonnerait jamais. Et je ne veux pas le perdre. Mais il faut que je sache. 

- Ok, je comprends ton dilemme.

- Est-ce que je peux…te demander un service ?


Ça y était, elle était redevenue elle-même. Une machine à analyse. 


- Est-ce que je peux consulter le dossier que tu as sur lui ?

- Je ne travaille plus là-bas. 

- Donne-moi le contact de quelqu’un qui y travaille alors. Je me débrouillerai. 

- Tu ne peux pas les corrompre.

- Tu sais très bien que ce n’est pas mon style.   

- Non. Je ne sais plus rien de toi depuis des années. 

- Tu peux m’aider oui ou non ? trancha -t-elle.


Otsiemi ne répondit pas. Il se contenta de lui faire signe de refermer sa portière et il redémarra sa voiture. Une vingtaine de minutes plus tard, ils se retrouvèrent en plein centre-ville devant un antique bâtiment à la façade rongée par les eaux qui s’écoulaient des vieux climatiseurs muraux.  Il fouilla dans toute sa voiture puis trouva une clef sous le tapis de plancher de l’habitacle. Ils descendirent tous les deux, un peu sonné par le calme du centre-ville. En pleine semaine, un brouhaha monstre régnait habituellement dans les lieux. Véronique le suivit sans discuter mais regarda tout de même auteur d’eux pour être sûre que personne ne les espionnait. L’entrée principale du bâtiment n’était ni fermée si surveillée. Ils passèrent sans peine. 


Véronique n’était pas très sûre du nom de l’endroit où ils se trouvaient. Elle était certainement passée des centaines de fois devant cet immeuble sans vraiment y prêter attention. Avec son état délabré, tout le monde devait le penser inhabité. Ils gravirent quelques étages, longèrent des couloirs vides, puis s’arrêtèrent devant une porte qu’Otsiemi ouvrit avec la clef en sa possession. La salle, contrairement au reste du bâtiment était remplie d’ordinateurs neufs et de meubles de bureaux clinquants organisés en open-space.


- Où sommes-nous ? 

- Après la crim et avant la brigade des recherches, j’ai travaillé ici. 

- Le bureau d’enquête de moralité. Mais pourquoi tu en as toujours la clef si tu ne travailles plus ici ? 

- C’est un double que j’ai gardé par devers moi. Ce n’est pas toi qui vas t’en plaindre vu que ça va t’aider aujourd’hui. 

- Merci. 

- Mais si on se fait attraper ne me laisse pas croupir en prison ok ? 

- Je suis sûre que tu sais très bien qu’on ne se fera pas attraper. Faisons vite alors.


Otsiemi s’installa devant une machine et l’alluma. L’écran lui présenta un logo puis demanda un mot de passe. Il composa le sien et le système lui permit l’intrusion. 


- Ils n’ont pas changé les mots de passe, lui fit-il remarquer en rigolant comme un enfant. C’est pas croyable ces cons n’ont pas changé le mot de passe. Ma session existe même encore ! 

- Merci à l’administration gabonaise et ses lenteurs… 


La joie fut de courte durée. Otsiemi se rendit rapidement compte que les données concernant le premier ministre ainsi que d’autres membres avaient été effacées en machine. Pendant ce temps, Véronique fouilla les grands classeurs noirs alignés contre le mur qui faisait face à la porte d’entrée. 


- Mais de mémoire je peux te dire que son dossier était le plus clean que j’avais vu, continua Otsiemi tout en tentant de vérifier qui avait effacé les données. Pour un homme politique surtout au Gabon, il n’avait ni maitresse, ni fait de détournement ni quoi que ce soit qui puisse l’emmener au gnouf. On n’a même pas trouvé un juge ou un greffier qui aurait bien voulu se plaindre de lui du temps où il était avocat. 

- Tout ça je le sais déjà Ostiémi. Je veille au grain. Beaucoup ont tenté de le corrompre en passant par moi mais c’est bien mal me connaitre. 

- Mais je ne sais pas si entre temps, des choses se sont ajouté ou pas à son dossier.   


Véronique ne l’écoutait même plus. Elle était tombée sur un classeur poussiéreux qui portait le nom de son mari. Elle s’en saisit et commença à la lire. Il n’était pas très épais. En une dizaine de minute elle avait lu toutes les informations qu’il contenait. Otsiemi avait raison. Il n’y avait là pas de quoi fouetter un chat. Elle fit des photos et lui fit signe qu’il était temps qu’ils partent.


Pendant ce temps-là, Patrick Ndong avait donné des instructions pour qu’on libère ses employés. Il était intimement convaincu qu’ils n’étaient pas mêlés à la disparition de son fils. Par ailleurs en tant qu’ancien avocat qui s’était toujours battu pour le respect des droits de l’homme, il ne supportait pas qu’on les détienne sans réels charges contre eux. Son téléphone sonna. Il s’agissait d’un de ses neveux qui malgré un diplôme en comptabilité ne vivait que de petits boulots. Il n’était pas d’humeur à répondre aux doléances de la famille alors qu’il craignait pour la vie de son fils, mais il redoutait de répondre absent quand on avait désespérément besoin de lui. 


- Bonjour tonton.

- Bonjour comment ça va ? 

- Ça va bien tonton. Je te dérange ? 

- …

- Tonton ? 

- Non, tu ne me déranges pas. Parle je t’écoute. 

- Ma petite amie est enceinte et je ne sais pas comment je vais faire. Tonton ça fait trois mois que je soulève les briques pour pouvoir payer le loyer mais là, j’ai vraiment besoin d’un travail qui paie mieux. Je ne veux pas te demander de l’argent. Je veux juste un meilleur boulot. Si tu peux faire quelque chose pour moi…

- Ok. J’ai compris. Lundi, passe à la primature. Je vais arranger ça. 

- Merci tonton.

- N’en parle pas autour de toi. Je t’aide parce que tu as toujours démontré ta volonté de t’en sortir. Je ne veux pas que tes bons à rien de frères viennent me demander le même service s’ils apprennent que je t’ai trouvé un poste. Tape un bon CV avec une demande d’emploi. Je vais t’envoyer chez un ami qui a une société de transport.  

- Merci tonton. 


Patrick Ndong raccrocha le cœur lourd. Il passait sa vie à résoudre les problèmes des autres. Qui allait résoudre les siens. 

Il ne savait plus quoi faire. Sa femme ne répondait pas au téléphone et il se demandait ce qu’il devait faire dans l’intérêt de Noah : révéler qu’il avait disparu ou continuer à garder l’information secrète. Il tenta une nouvelle fois d’appeler sa femme. Cette fois-ci elle décrocha. 


- Véro où es-tu bon sang !

- Je cherche Noah, où veux-tu que je sois ?! 

- Ne bouge pas je viens te chercher. 

- D’accord. Je suis … Attends je te rappelle, j’ai un appel d’un numéro inconnu.

- Non ne raccroche pas, dis-moi juste où tu es !

- Je te rappelle. 


Véronique raccrocha l’appel de son mari et décrocha celui du numéro inconnu.


- Allo ? 

- …


Tout d’abord il lui sembla qu’il n’y avait personne au bout du fil. Elle entendait juste une respiration lancinante mais aucune voix.


- Allo ? 

- …

- Qui est à l’appareil ? demanda-t-elle malgré le manque de réponse.

- …


Soudainement, il lui sembla entendre un gémissement. Ce son fait de douleur et de peur entremêlées lui glaça le sang.


- La mater… murmura une voix de jeune homme au bout du fil.


Puis la communication se coupa. 


Les larmes inondèrent les yeux de Véronique mais aucune ne roula sur ses joues. Elle tenta vainement de rappeler sur le numéro alors qu’elle savait que cela ne servait à rien. 

Ce n’était peut-être pas le numéro de téléphone de son fils mais elle était convaincue qu’il s’agissait de sa voix. Son fils n’était pas mort comme elle l’avait espéré depuis le début de son cauchemar. Il était séquestré quelque part et il venait de l’appeler à l’aide.

La Mater