Chapitre 3

Ecrit par leilaji

La Mater 

Épisode 3 


- Qu'est-ce que tu fais là ? 


Les mains agrippées à son cou, Véronique tenta de se calmer après la frayeur que venait de lui faire la voix de son mari. Avait-on idée de s'approcher aussi furtivement d'une personne en pleine nuit! Son cœur battait aussi fort que les grillons chantaient à tue-tête. Elle éclaira le visage de son mari ce qui lui donna un air menaçant. Des ombres et des lumières dansaient sur sa face à chaque inspiration.


- Tu m'as fais peur, lui fit-elle remarquer en fronçant les sourcils. 

- Tu crois qu’on n’a pas encore assez de problèmes comme ça ? Il n’y a aucun employé pour te protéger. Qu'est-ce que tu fais là toute seule? 


Il balaya devant son visage avec sa main ouverte pour que sa femme baisse sa torche. Véronique se remit à éclairer l'herbe sous ses pieds. 


- Ils sont forcément passés par là. Je voulais regarder, voir si je peux trouver quelque chose qui me mettra sur la voie. Je ne peux pas rester sans rien faire.

- Il fait nuit noire ma chérie. On leur a déjà montré cette brèche. Laisse les inspecteurs faire leur boulot. De toute manière, demain je ferai reboucher ce trou et mettre des caméras de surveillance.  

- C’est trop tard maintenant. 

- Comme si je ne le savais pas, lui dit-il d’un ton dur. Mais tu ne trouveras rien ici. 

- Tu oublies que j'ai été jugé d'instruction. A une époque tout cela faisait aussi partie de mon boulot. 

- Je le sais Véronique. Mais il faut qu'on ait toute notre tête demain quand ils reviendront avec de nouveaux éléments. C’est toute leur brigade qui cherchera notre fils, je m’en suis assuré. Viens, on y va, dit-il en lui tendant la main. 


Véronique s'avança vers son mari en faisant attention à bien regarder l’endroit où elle posait les pieds. Il pouvait y avoir des serpents ou des varans dans ces hautes herbes. Quand elle posa sa main aux paumes froides dans celle de Patrick, elle sentit un frisson étrange lui traverser l'échine. Les mots de son amie continuaient à se répéter dans sa tête comme un écho perdu dans une vallée profonde. Son mari lui avait dit qu'il ne parlait plus avec son frère depuis des années ce matin même. Mais Stella l'avait vu avec ce même frère honni. 


- Est-ce que ça va ma chérie ? Tu es toute pâle…


Son impression était mitigée, son instinct affaiblie par la peine. Elle connaissait bien son mari. Si elle lui posait la question et que Stella s'était trompée, il en serait profondément meurtri. Il lui faisait confiance pour tout et elle faisait de même. Jusqu'à présent en tout cas. Cependant, si elle voulait en avoir le cœur net, il fallait qu'elle lui pose la question. Sans qu'elle ne sache pourquoi, la confiance qu'elle avait en lui l'empêchait de s'attaquer directement à lui. Sa main quitta celle de son mari et elle ouvrit la bouche pour lui demander pourquoi il lui avait menti à propos de son frère. Mais ce furent d'autres mots qui lui échappèrent.


- Dans les cas de disparition, les premières 48 heures sont primordiales tu sais. Si on ne trouve rien demain ... j'ai peur, tellement peur. Et surtout je me demande pourquoi Noah? C'est un garçon tellement gentil qui n'a jamais fait de mal à personne. J'ai peur. Les ados ne disparaissent pas ici. 

- Ne t'inquiète pas. 

- Rien de nouveau ne te vient en tête ? Tu en es sûr? 

- J'ai beau chercher Véronique... Je ne trouve pas. 


Le cœur de Véronique se glaça... Il la regardait droit dans les yeux et lui mentait ? Ce n'était pas possible. Stella se trompait sûrement. Mais elle n'en aurait pas le cœur net en restant ici. Un sourire singulier traversa son visage. 


- Pourquoi souris-tu? 

- J'ai pitié de l'homme qui pense pouvoir m'arracher mon bébé sans que je ne réagisse. 


Ils quittèrent les lieux sans plus rien se dire.  


*

**


Patrick Ndong s'effondra comme une masse sur leur lit conjugal. A peine sa tête avait-elle touché l’oreiller que ses yeux s’étaient fermés d’eux même. Il ne s'était ni changé ni lavé. Son ensemble en lin blanc tout froissé jurait avec les draps gris aux fines rayures noires, mais dans les bras de Morphée qui s’en souciait ? 

Il était exactement 4heures 20 du matin et Véronique n'avait pas réussi à fermer une seule seconde les yeux. Jamais encore sa chambre ne lui avait paru aussi dépourvue de chaleur. Elle aurait échangé tout le luxe de cette pièce contre la vie de son fils. Elle aurait échangé tout ce qu'elle possédait contre la vie de son fils. Il lui fallait agir et non plus implorer désespérément le ciel. 

Véronique se leva aussi doucement qu'elle le put. Elle contourna le lit et se rendit au chevet de son mari. Sa poitrine se soulevait et se baissait avec la rigueur d’un métronome. Le téléphone posé sous la lampe de chevet attira l’attention de l’ancienne juge d’instruction. Elle s'en saisit doucement et débloqua l'écran. Le mot de passe était le nom de leur fils. Ils ne s'étaient encore jamais rien caché jusqu'à présent pensa-t-elle amèrement. Elle fouilla les appels entrants et sortants du téléphone et repéra le seul numéro qui n'était pas pré enregistré. Ce numéro l'avait appelé et il n'avait pas décroché. Elle le mémorisa et reposa le téléphone avec précaution. 


Quelques instants plus tard, elle quitta son domicile au volant de sa voiture qu’elle n’avait pas conduit elle-même depuis des lustres. Il lui fallut une heure pour retrouver la maison de son beau-frère. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas traversé le quartier qu'il habitait, Mindoumbe. Et puis à l'époque, cette partie de la ville était quasiment déserte. Les habitants peinaient à y trouver fourniture en eau et électricité. Aujourd'hui, la rue principale était jalonnée de belles habitations à l'architecture moderne et aux couleurs vives. Ce ne fut qu'au septième tour qu'elle se gara devant une villa de style coloniale rénovée. La peinture venait d'être refaite mais elle était sûre qu'il s'agissait de la même maison située au fond d'un large cul de sac. Elle se gara non loin de l'entrée et attendit. 


Deux heures de planque plus tard, son mari avait appelé pour lui demander où elle se trouvait. Elle mentit sans quitter des yeux le portail. Au moment où elle raccrocha, le portail gris s'ouvrit pour laisser passer une Range Rover noire neuve, dont la plaque d'immatriculation était encore toute neuve. Information qu'elle déduisit du numéro. Le chauffeur descendit pour refermer le portail. Elle démarra sa propre voiture et leva le frein à main. Les vitres de celle qui lui faisait face étaient fumées comme celle de la voiture de la veille. Mais le détail qui l'a décida résidait dans l'état abîmé du pare-chocs avant. Comme s’il avait cogné quelque chose de dur. Elle attacha sa ceinture de sécurité et appuya sur l'accélérateur. Le chauffeur n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu'elle reculait sa voiture pour mieux foncer encore une fois dans le tas. Le bruit du pare-choc qui se froisse la réjouissait. Le chauffeur lorsqu'il constata qu'elle ne comptait pas s'arrêter là et reculait une troisième fois pour mieux écraser la voiture, s'affola et fit descendre de la voiture son patron. Véronique sourit et descendit à son tour bouillante de colère à présent. 


- Où est Noah? 

- Mais Véronique qu'est ce qui te prend! Répliqua Hervé Philippe. T'es devenue folle ou quoi? Tu sais combien m'a coûté cette voiture? Fous le camp de chez moi avant que je n'appelle les flics. 


Avec sa stature aussi imposante que celle de son frère ainé, Hervé Philippe Ondo était un homme qu’on ne menaçait pas impunément. Son chauffeur eut peur pour la femme en colère qui lui faisait face. 


- Où est Noah? Tu as intérêt à me le dire !

- Pourquoi tu cherches Noah chez moi? Vous lui avez interdit tout contact avec moi depuis des années! Que se passe-t-il avec Nono? 


L’entendre prononcer le surnom d’enfance de son fils acheva de décupler la colère de Véronique. 


- Tu oses nier devant moi alors que je t'ai vu. Je reconnais ta voiture. Rends-moi mon fils.


L'inquiétude voila le visage d’Hervé Philippe, comme s'il était réellement affecté par les questions de Véronique. Elle se demanda s'il se pouvait que réellement il ne sache pas de quoi elle parlait. Pourtant il s’agissait bien de la même voiture. Elle en aurait mis sa main au feu. Elle refreina son envie de meurtre pour se faire comprendre.


- Tu as fait diversion hier en cognant mon portail comme un fou. Dis-moi juste où est Noah. 


Comprenant enfin que sa belle sœur ne délirait pas mais s'inquiétait pour son fils, Hervé Philippe s'avança vers elle et la saisit par les deux bras. 


- Véronique, regarde-moi. Regarde-moi bien et reprends-toi s'il te plaît. 

- Où est Noah? C'est tout ce que je veux savoir. Il a disparu. Tu étais chez moi hier. Je reconnais ta voiture. 

- Oui j'ai pété un câble hier, j’ai essayé de défoncer votre portail. Mais je n'ai rien fait à Noah. Je te le jure Véronique.  

- Alors pourquoi as-tu voulu défoncer le portail hier ? hurla-t-elle en le poussant loin d’elle.

- J'étais en colère hier parce que j'avais un deal avec Patrick, expliqua Hervé Philippe en s’avança de nouveau comme s’il voulait vraiment la convaincre de son innocence. 

- Tu mens. Vous  ne vous parlez plus. Depuis des années. 

- Enfin, je croyais avoir un deal. Tu préfères que je le dise comme ça? 

- Explique-toi parce que je ne comprends plus rien. Stella vous a vu ensemble tu sais. 

- Il est premier ministre et j'espérais qu'il utiliserait son statut pour m'octroyer un contrat avec l'Etat. J'ai une entreprise de BTP et je voulais construire des logements sociaux. Je lui ai même envoyé des cadeaux à son cabinet. Le genre de cadeaux qui ne se refuse pas. On s'est croisé par hasard au phare du large la semaine dernière. Je lui ai demandé si mes cadeaux de réconciliation lui avaient plu et il ne comprenait pas de quoi je lui parlais. Sans même me répondre À ou B, il s'est barré. Mais moi comme on ne m'avait pas retourné les cadeaux j'ai cru qu'il avait accepté le deal et qu’il avait juste honte d’en parler avec moi à cause de notre vieille brouille. Hier j'ai appris que je n'avais pas le marché avec l'Etat. Il a préféré appuyer un autre prestataire que moi, des Brésiliens qui pouvaient faire la même chose pour 2 fois moins cher et 2 fois plus vite. Ca m'a énervé et j'ai foncé chez vous pour l'insulter. 

- Parce qu'il ne t'a pas fait octroyer frauduleusement un marché ? Tu sais très bien que c'est le genre de chose dans lequel il ne trempe jamais. Et tu lui en as voulu ?

- J'ai pris un gros crédit pour préfinancer les travaux. J’avais interprété son silence comme un « oui ». Et la je suis dans la merde pour tout rembourser alors que je n'ai pas eu le marché ! Tu peux comprendre Véronique. 

- Non. 

- J'avoue que c'était idiot de ma part d'avoir pu croire une seule seconde qu'il allait pardonner ce que j'avais fait et m'aider pour une première fois depuis quasiment 20 ans. 


Véronique n’en croyait pas ses oreilles. Hervé Philippe Ondo avait organisé le braquage à l’américaine de l’une des banques les plus florissantes de l’époque. Elle avait du faire des choses dont elle n’était pas fière pour qu’il en prenne le moins possible. Cette histoire avait failli la séparer de son mari qui déjà à l’époque avait refusé de défendre son frère. Pour lui, la justice était bien plus importante que les liens de famille. Il n’y avait pas d’homme plus intègre que Patrick Ndong.  


- Je te jure sur la tête de mes enfants que je n'ai rien fait à Noah. C’est l’enfant de mon frère bon sang pour qui tu me prends ? 

- Un criminel, répondit-elle en le regardant droit dans les yeux. 

- Si c'était moi, réfléchis bien, je ne me serai pas pointé avec ma propre voiture au risque d'être reconnu. Je ne suis pas bête à ce point. 


Toute accusation disparue dans les yeux de Véronique. Hervé Philippe avait raison sur ce point. Il était un ancien truand oui, mais pas un ancien truand imbécile. A bien y réfléchir, il n’aurait jamais commis une faute aussi stupide. Même à l’époque du braquage de la Financial Bank of Gabon, il avait fait venir par le biais de sociétés appartenant à des corses, les armes et les voitures du Cameroun. Sans les aveux de l’un des braqueurs, on n’aurait jamais fait le lien avec lui.  


*

**


Assise au beau milieu du salon de son beau frère, Véronique prenait mentalement des notes tandis qu’Hervé Philippe donnait divers coups de fil. C’était sa manière à elle de travailler quand elle était plus jeune. Avec sa mémoire visuelle, beaucoup trouvaient sa méthode difficile à exécuter. Mais elle s’en sortait toujours. Sa prise de décision dans les affaires qui lui étaient présentées se basait sur la visualisation d’un tableau blanc dans sa tête où elle inscrivait toutes ses notes ainsi que les éléments du dossier. Puis elle prenait position après avoir réussi à faire le lien entre des éléments qui, à première vue, semblaient ne pas aller ensemble. Si pour le moment, elle écartait Hervé Philippe de sa liste de suspects, qui pouvait-il bien rester à inscrire ? C’était ce qui lui faisait le plus peur. N’avoir personne à accuser, personne vers qui se tourner pour retrouver son fils.  


Pour le moment, ils n’avaient rien reçu comme menace ou demande de rançon depuis des heures. Elle ne concluait qu’il ne s’agissait pas d’un kidnapping. Pourquoi aurait-on enlevé Noah si ce n’était pour demander de l’argent à ses parents ? Elle refusa de penser à la possibilité que son fils ait pu être victime d’un crime rituel, ces crimes barbares qu’on ne résolvait jamais. Véronique serra le verre de whisky que lui avait servi son beau-frère dans ses mains et l’avala d’un trait. Le liquide ambré lui brula la gorge mais elle ne l’en apprécia que plus.  


- Ton fils disparait et tout de suite tu penses à moi… murmura Hervé Philippe pensif.

- Je ne vais pas te présenter des excuses pour y avoir pensé. Ton passé te sera toujours traite. 


L’homme n’ajouta rien et continua de marcher de long en large dans son vaste salon luxueux. Pour un homme au casier non vierge, le frère de Patrick Ndong s’en était bien sorti. A voir toute la richesse étalée, on devinait aisément où était passé les milliards braqués. L’argent n’avait jamais été rendu à la banque qui avait fermé ses portes l’année suivant le braquage. Le Gabon était un pays complexe. 


Hervé Philippe appela son chauffeur et lui demanda de contacter le plus rapidement possible un mécanicien afin qu’il examine l’état des deux voitures. 


- Comment est-ce que je vais expliquer ça aux assurances et à Patrick? se demanda tout haut Véronique qui réfléchissait déjà sur quelle explication donner à son mari. 

- Je vais tout arranger ne t’inquiète pas. je peux expliquer à Patrick si tu le veux.   


La réponse de son beau frère ne la rassura pas. Maintenant qu’elle savait que son mari ne voulait toujours aucun contact avec son frère, il était hors de question qu’elle lui révèle qu’elle s’était rendue chez lui. Mais avec le signalement qu’elle avait donné, son mari n’avait même pas reconnu la voiture de son propre frère. Cela n’étonnait même pas Véronique. Patrick pouvait parfois faire preuve d’une rigueur intellectuelle qui le coupait du monde autour de lui. Mais ce qui était clair c’est que les inspecteurs eux trouveraient peut-être le lien. Elle aviserait à ce moment là. Véronique était sur les nerfs mais tentait de maitriser la situation. 


- Je vais me charger de mon mari, ne t’en mêle pas. Si on te demande, on ne s’est pas vu. 

- Je comprends. Ne t’inquiète pas. 

- Excuse-moi encore pour les dégâts causés. 

- On va dire que c’était de bonne guerre. Tu répares ton portail, je répare ma voiture.


Pour la première fois depuis qu’elle était assise dans ce salon aux multiples tableaux de maitres gabonais suspendus au mur, elle sourit. 


- Où sont ta femme et tes filles ? demanda-t-elle pour faire la conversation. 


Après tout, il l’avait bien reçu alors qu’elle l’avait menacé et quasiment bousillé sa voiture neuve. 


- En France. Annabelle fait des études de droit et les autres sont encore trop petites pour que je parle de ce qu’elles veulent faire plus tard. 

- C’est bien, dit-elle d’un ton distrait. Le droit ça mène toujours quelque part. 


Hervé Philippe se rapprocha de sa belle sœur et lui prit le verre des mains. 

 

- Je n’oublierai jamais ce que tu as fait pour moi quand ton mari, mon propre frère a refusé de me défendre. 

- Tu le connais. Ce n’est pas contre toi personnellement. Si son propre fils avait été dans ta situation, il l’aurait laissé moisir en prison aussi.

- Oui je le sais. Maintenant je sais qu’il ne changera jamais. 

- Mais c’est aussi pour ça que je l’aime. Et Noah est le portrait craché de son père. 

- Quand a-t-il disparu ? 


Elle hésita à répondre. Et Hervé Philippe le comprit sans se vexer. Il en fallait plus pour venir à bout de l’ego d’un homme dont les mains avaient fait pour survivre ce qu’il avait fait en prison.


- Je ne suis pas son ennemi. Il en a déjà une liste longue comme le bras. Tu devrais chercher par là. 

- Jamais ses ennemis politiques ne chercheraient à s’attaquer directement à nous. 

- Ah bon ? Et les partisans de Janus Pemba ?

- Quoi les partisans de Janus Pemba ? Les rumeurs qui le désignaient comme le prochain premier ministre étaient fausses. On sait tous que le premier ministre de ce pays est toujours désigné dans l’ethnie fang. Pemba n’est pas fang. D’ailleurs Pemba ne s’est jamais intéressé à ce poste. Pourquoi le ferait-il ? Ce qu’il veut c’est être président pas premier ministre. 

- Pemba a quasiment traité ton mari de trou du cul dans son journal satyrique « Écho du sud ». Excuse moi pour l’expression terre à terre mais j’ai comme l’impression que tu es déconnectée des réalités de ce pays en ce moment. Les partisans de ton mari ont riposté aux insultes de Pemba en incendiant son QG. Son neveu y était et il a été brulé au 3e degré. Il est dans un état critique en ce moment. Crois-moi lorsque je te dis que je ne fais pas parti des ennemis de Patrick. 


Comment savait-il tout cela ? Son beau-frère semblait mieux informé qu’elle-même sur ce qui se passait dans le parti politique de son mari. Véronique avait lu des articles dans différents journaux sur l’incendie qui avait fait partir en fumée la moitié du QG de Janus Pemba, l’opposant charismatique au régime en place. Mais selon les experts qui s’étaient prononcés, le feu n’était pas d’origine criminelle. Par ailleurs, elle savait que Patrick son mari, n’aurait jamais donné l’ordre à ses militants de poser ce type d’acte délictuel en réponse à une insulte dans un journal. 


Hervé Philippe éclata de  rire face à la naïveté de Véronique quant à l’influence de son mari sur ses partisans. En ces temps où l’économie tournait au ralenti et les poches étaient vident, un rien enflammait les cœurs. 


- Ne me regarde pas comme ça. Je n’ai pas donné d’ordre dans ce sens.

- Mais tu ne l’as pas empêché non plus, alors que tu savais ce qu’ils allaient faire, lui fit-elle remarquer. 

- Je ne suis pas un saint. Je n’agis que lorsque j’y ai un intérêt. Et puis à qui la faute ? Mon frère n’était qu’un brillant avocat utopiste avant de croiser ton chemin. C’est toi qui l’a plongé dans la politique et a mené en sourdine sa carrière d’une main de maitre. Peut-être que d’autres que moi ont fini par s’en rendre compte et ne l’acceptent pas. faire du mal à votre fils est aussi un moyen de t’atteindre toi. 


Véronique se leva pour prendre congé. Elle estimait avoir assez perdu son temps à Mindoumbe. Il lui fallait désormais penser à explorer d’autres pistes, surtout celles que son beau-frère venait d’évoquer. 

On cogna à la porte du salon privé que le propriétaire des lieux avait fermé pour qu’ils puissent discuter sans gène. Ils se tournèrent tous deux vers la personne qui entra. La lumière de la terrasse se déversa dans les lieux. Véronique plissa les yeux pour ne pas être éblouie. Un homme de stature moyenne s’avança vers eux. Il portait un blue jean élimé et un tee-shirt en dessous d’un blouson en cuir noir. Le crane rasé et le sourire goguenard lui semblèrent aussi familiers que la démarche légèrement claudiquant.   


- Véronique, j’ai appelé l’inspecteur Ostiemi, de la brigade de recherche de Libreville pour qu’il te raccompagne chez toi le temps de faire réparer ta voiture. Peut-être l’as-tu connu au temps où tu étais juge d’instruction. Avant il travaillait à la crim. C’est le meilleur. Permets-moi de lui demander de t’aider. Si quelqu’un peu nous retrouver Noah, c’est bien lui.  

  

Véronique sentit son souffle se bloquer au fond de sa gorge, comme si le passé l’étranglait de  toutes ses forces pour lui faire regretter d’anciennes décisions. S’il y avait bien quelqu’un qu’elle n’aurait en aucun cas appelé à la rescousse pour retrouver son fils, c’était bien Otsiemi, l’homme qu’elle avait quitté pour Patrick.


A suivre.

La Mater