Chapitre 2

Ecrit par leilaji

La Mater 

Épisode 2


Respire! Respire profondément, c'est peut-être ton imagination qui s'emballe, tenta de se convaincre Véronique Ndong. Elle sentit comme une main invisible broyer son cœur. Une main faite de peur et de terreur. Sa gorge s'assécha et le stress fit monter sa tension. Mais cet instant de panique ne dura que quelques secondes. De brèves secondes englouties par la suite par son instinct de mère. 

Si elle avait brillé dans sa carrière, ce n'était pas parce qu'elle était la plus douée. Non, certaines étaient à cette époque là, bien plus intelligentes qu’elle, plus pugnaces aussi. Mais du haut de son mètre soixante cinq, elle avait réussi par sa capacité à garder en apparence son sang froid dans les situations les plus désastreuses. Et c’était exactement ce qu’elle comptait faire.


- Mathilde, appelle le vétérinaire pour le chien et va me chercher immédiatement le gardien. 

- Mais madame que se passe-t-il? Où est Noah? 

- Fais ce que je te dis!


Le ton utilisé convainquit Mathilde d'exécuter les ordres sans discuter. L'employée tremblait tellement que son corps faisait vibrer sa robe de travail et lui donnait l’air d’un jouet aux piles abimées. Véronique ramassa son téléphone et grimpa deux à deux les marches de l'escalier pour se rendre à l'étage supérieur. Elle fouilla chaque pièce, chaque recoin sans cesser de crier le nom de Noah. En quelques minutes, elle fut à bout de souffle. Lorsqu’elle fut convaincue qu’il n’était pas dans la maison, elle en sortit et se mit à hurler le nom de son fils dans l'espoir qu'il apparaîtrait soudainement en se moquant de la peur panique qu'elle avait laissé l'envahir. Mais elle eut beau crier de toutes ses forces, personne ne lui répondit. 


Elle réussit à composer le numéro de son fils malgré l’écran brisé de l’appareil. Le téléphone sonna mais personne ne décrocha. Elle essaya de se rassurer. Si l'appareil sonnait encore, peut-être qu'il n'était rien arrivé de grave à Noah. Des ravisseurs auraient éteint le téléphone pour ne pas être retrouvés. Du moins c’est ainsi qu’elle aurait agi à leur place. Elle repartit vers les villas et visita chaque pièce. Il n'y avait malheureusement personne. Comment avaient-ils quitté les lieux sans passer par le grand portail ? Pour la première fois depuis longtemps, elle se rendit compte que les herbes autour des deux bâtisses étaient trop hautes. N'importe qui pouvait s'y cacher, attendre le moment opportun pour leur nuire. Car derrière la villa, la barrière avait été cassée. Ils étaient surement partis par la avec son fils. Il n’y avait pas d’autres explications possibles. Ils avaient été négligeant de ne pas s'en être occupés. Mais jusqu'à présent rien n'avait indiqué qu'un membre de sa famille pourrait se retrouver en danger. 


Le ciel s'assombrit. De lourds nuages grisâtres s'amoncelèrent au dessus de sa tête. Une brise fraîche lui caressa le bras et la fit  frissonner. Les nattes noires qui lui tombaient sur les épaules s'envolèrent. 


- Noah je t'en prie mon bébé réponds-moi, murmura-t-elle après avoir une nouvelle fois lancé l'appel vers son téléphone.


Lorsque Mathilde cria pour la faire venir vers la petite cabane du gardien qui se trouvait à quelques mètres à gauche du portail, Véronique pria de tout son cœur pour qu'elle ait retrouvé Noah. Jamais de sa vie sa supplication envers Dieu n'avait été aussi sincère et précieuse. Mais lorsqu'elle rejoignit la ménagère, ce fut pour trouver le gardien bâillonné et ligoté près de son lit. Son crâne chauve saignait preuve qu'on lui avait porté un coup à la tête pour l'assommer. 


Véronique se décida enfin et composa le numéro de son mari le cœur battant. Pour la première fois depuis très longtemps, elle se sentait complètement perdue. 


*

**


Le téléphone de Patrick Ndong vibra dans sa poche mais il ne décrocha pas car toutes les personnes présentes attendaient qu'il prenne la parole. Le numéro qui s'afficha lui était inconnu. Il inspira et son visage se ferma. Certaines rumeurs lui étaient parvenues aux oreilles concernant une certaine Fiona amie d'une de ses nièces qui se faisait sa petite place dans la famille. Il avait décidé que pour une fois il allait affronter sa famille sans sa femme. Bien lui en avait pris compte tenu des décisions qui allaient se prendre.


- Il est hors de question que je cautionne ce que vous voulez faire. 

- Attends que je t'explique mieux Patrick. Tu t'emportes trop vite. Jean Pierre, notre neveu, nous a fait part de sa décision il y a quelques temps déjà, expliqua l'oncle de la famille. Il souhaite changer de régime matrimonial pour épouser Fiona. Donc passer de la monogamie à la polygamie. Je le soutiens. On connaît tous maintenant Fiona. Il l'a déjà présentée à certains d'entre vous. Elle a même déjà accueilli les garçons chez elle et leur a fait à manger. Cette réunion est nécessaire pour déterminer les cotisations de tout le monde afin d'organiser le mariage coutumier dans deux mois et le mariage civil dans un an, le temps pour lui de changer les papiers matrimoniaux chez le Notaire. 


Assis en cercle sur la terrasse où tout le monde se regardait en chien de faïence, chacun entendait distinctement le bruit du voisinage constitué principalement d’un couple qui se disputait pour une histoire de bière fraîche. Un silence flottant les enveloppa à la fin du discours. Patrick se demanda depuis quand les têtes grises étaient devenues si simplistes ! Le mécontentement de Patrick Ndong était tellement palpable à cet instant précis que plus personne n'osa prendre la parole. Même les aînés. À vrai dire, ces derniers allaient rarement à l'encontre des décisions prises par le jeune premier ministre. Il fallait avouer que ses poches souvent pleines parlaient pour lui. 


- Donc  ceux qui travaillent vont cotiser 100 000 francs et ceux qui ne travaillent pas 50 000 francs, expliqua Solange celle qui avait pour habitude d'organiser les fêtes dans la famille Ndong.


Elle avait parlé tellement vite que tout le monde s'était tourné vers elle pour qu'elle répète sa proposition. 


- Je disais 100 000 francs pour les travailleurs et 50 000 francs pour les chômeurs concernant les cotisations du mariage avec Fiona.

- Vous parlez tous de Fiona ! hurla Patrick faisant sursauter l’assistance par sa saillie soudaine. Fiona c'est qui ? 

- Fiona Essono. C'est la fille d'Assoko Pierre, le frère de l'oncle Bibang. Nous sommes du même village. 

- Première nouvelle ! Moi je ne connais que Sophie. Celle que la famille a épousée il y a 5 ans à peine. Celle qui doit s'attendre de notre part à plus de considération. Comment pensez-vous qu'elle va réagir en apprenant que sa belle-famille complote dans son dos pour trouver une fille Fang à son mari. Comment va-t-on l'expliquer à sa famille à elle. Ce type de comportement est un déshonneur pour nous. 

- Ohhhh Patrick toi tu viens encore avec tes histoires de blancs là. Les femmes, les enfants sont signe de richesse chez nous les fangs. Qu'un homme ait plusieurs femmes c'est dans la nature des choses. C'est là que réside sa richesse. 

- La richesse vient du respect que l'on a pour un nom et pas d'autres choses. Toi Solange! Il me semble que ta fille de 13 ans est tombée enceinte l'année dernière. 

- Hee Ya Patrick ! s’exclama la maman choquée qu’il remette cette honteuse histoire sur le tapis. Où est le rapport avec ce qui nous réunit aujourd'hui ? tenta de se justifier Solange en jetant de petits coups d'œil désespérés à son frère le futur marié.

- Ah l'homme oublie vite quand il s'agit de son propre déshonneur. Ce n'est pas toi qui l'as foutue à la porte après avoir découvert la grossesse. Qui l'a recueillie? Payé les frais d'accouchement quand le père a refusé d’assumer la grossesse, fait garder l'enfant pendant que ta fille retournait à l'école? Qui ? Réponds? 

- Sophie. 

- Et quand tu as vu que ta fille passait en classe de 5e avec la meilleure moyenne de l'établissement car pour une fois elle vivait dans un environnement propice à l'étude, tu t'es empressée d'aller accuser Sophie de t'avoir volé ton enfant et tu as récupéré ta fille et ta petite fille. N'est-ce pas ce qui s'est passé ? 

- Ya Patrick ...

- Quand il y a des cérémonies ici ou pire au village, qui abandonne son foyer, sa propre famille pour venir vous aider quand ma femme est trop occupée pour le faire? Sophie. Et c'est comme ça que vous la remerciez pour tout ce dévouement? Est-ce parce qu'elle est « bilop » que vous agissez ainsi avec elle? Toi Solange ce qui te fait agir aujourd'hui c'est la honte. La honte d'avoir vu cette femme se comporter en mère avec ton propre enfant alors que vous l'accusez tous les jours d'être stérile! Tu ne supportes pas qu'elle ait été meilleure que toi et tu veux la blesser! 

- Ya Patrick, intervint pour la première fois le concerné. Il ne s'agit pas ici de faire le procès de ma sœur. On sait que tes talents d'ancien avocat sont incontestables. Il s'agit ici, puisque tu parles de respect, de respecter mon droit à procréer. 5 ans que Sophie et moi sommes mariés et toujours pas d'enfant tout en sachant que ça fait 10 ans que nous sommes ensemble. Elle n'a jamais eu un seul retard. Pas un seul. J'ai le droit de prendre une deuxième femme. Fiona a déjà un fils. Donc je suis au moins sûr qu'elle n'est pas stérile. 

- Tu as vécu 5 ans avec elle avant de l’épouser sans qu’elle n’ait le même retard que tu évoques à présent et ça n’a pas traversé ta tète qu’elle avait des problèmes pour procréer ! Et d’ailleurs qu’est-ce qui prouve que c’est elle qui a ces problèmes. C’est peut-être toi ? 

- Crois-moi Ya Patrick ce n’est pas moi. Pourquoi tu prends sa part* (prendre sa défense) comme ça ? 

- Je ne prends pas sa défense. C’est juste que je n’aime pas l’injustice. 

- Oui mais ici ce n’est pas une cour de justice. Ici c’est la vraie vie, et dans la vraie vie il y a toujours quelqu’un qui en sort lésé. 


Patrick Ndong posa son regard perçant sur son neveu. Avachi dans son fauteuil roulant, il ne sortait jamais de chez lui sans être sapé comme un congolais. Le marché du travail était compliqué pour un jeune diplômé, mais il l’était encore plus pour un jeune diplômé handicapé. Ses années de chômage contrairement aux autres, lui avait permis de se constituer une garde-robe digne d'un mannequin Givenchy. Il portait un costume de ville gris agrémenté d'une cravate en soie noire. Patrick, grâce à ses nombreuses relations lui avait trouvé une place dans l'une des banques financières du Gabon ce qui avait permis à Jean-Pierre pour la première fois de sa vie de toucher un salaire. Et c’était pour cela que le jeune premier ministre se sentait responsable de cette situation. Au lieu de gâter sa femme qui avait été pendant les cinq dernières années la mamelle nourricière de leur couple, il préférait maintenant prendre une seconde épouse. 


- On respecte tous ton avis Patrick, assura un oncle dont la tête s’était dégarnie au fil des années. Mais n'oublie pas que nous les aînés, avons déjà donné notre accord. Si tu venais plus souvent aux réunions tu le saurais. Aujourd'hui c'était tout simplement pour déterminer le montant des cotisations. Si toi même tu peux te contenter du seul enfant de ta béninoise, ce n'est pas notre cas à nous autres. Je soutiens mon neveu et cette Fiona est une bonne femme pour lui. Je ne crois pas qu’il y aura des problèmes avec la famille guissir (ethnie du Gabon) de sa femme. Ils savent que leur fille ne nous donne pas d’enfants. 


C'était étrange comme les origines béninoises de sa femme revenaient sur le tapis quand il s'agissait de le contredire. Mais lorsqu’il fallait qu'il sorte son chéquier plus personne ne s'en plaignait. Le premier ministre allait reprendre la parole lorsque son téléphone vibra de nouveau sur l'accoudoir de son fauteuil au cuir limé par les années. Le numéro de sa femme s'affichait sans discontinuer. Que pouvait-il bien y avoir de si urgent se demanda-t-il. Il finit par décrocher : 


- Noah... Je ne le retrouve plus Patrick ! No...ah, bredouilla sa femme.

- Et c'est pour ça que tu paniques? Il doit être chez ses amis. Ils ne vont bientôt plus se voir puisqu'ils ont tous eu le bac. C'est normal qu'ils traînent ensemble. Je suis en pleine réunion, je te rappelle. 

- Patrick ! hurla Véronique. 


Le ton sans appel le fit frissonner. Il se leva et dévala les quelques marches qui le séparait de la cour où était garée sa voiture. Son aide de camps ainsi que son chauffeur, tous deux habillés en civil, cessèrent immédiatement de bavarder ensemble pour se tourner vers lui.


- Patrick je te parle il me semble, s'insurgea l'oncle en langue fang. 


Mais déjà il ne l'écoutait plus. Toute son attention était captivée par la voix paniquée tout en étant pleine de colère de sa femme. Déjà il n'entendait même plus les voisins qui en étaient venus aux mains toujours au sujet de la fameuse bière fraîche. 


- Un homme est entré dans la maison et ... Patrick! Il faut que tu rentres tout de suite et appelle la police judiciaire ! Je ne retrouve plus Noah, le chien est mort et le gardien  a été assommé et quelqu'un a tenté de défoncer le portail. 

- Quelqu'un? Qui ça quelqu'un? 

- Je n'en sais rien ... Viens tout de suite ! 


Puis elle raccrocha. Patrick salua les aînés sans protocole en expliquant qu'il avait une urgence. Habituellement Véronique profitait de ce moment pour laisser de petites sommes à ceux qui avaient besoin d'argent de taxi pour rentrer chez eux. Sa famille jugea qu'il se foutait complètement de ce qu'ils penseraient de ses manières. Et ils n'avaient pas vraiment tort sur ce point. 


*

**


Véronique tenta de se rappeler de la dernière chose qu’elle avait dite à son fils sans parvenir à s’en souvenir clairement. Elle soupira. 


- On aurait dû accepter d'être protégés ! Pourquoi tu ne l'as pas accepté ! 

- Si on commence à se dire pourquoi on n'a pas fait ci ou ça, on ne s'en sortira pas. Alors tu te calmes! 


Véronique ferma ses yeux et se redressa. Son mari élevait très peu souvent la voix mais quand il le faisait, sa femme l'écoutait. Tout le monde l'écoutait. 

À présent, il pleuvait des trombes d'eau à l'extérieur. Alors qu'il faisait encore jour, les lumières du salon avaient été allumées. Elles donnaient un teint étrangement lumineux à tous les occupants de la pièce. 


- Que s'est-il passé Mamadou? 

- Madame. Goudoum sur la tête. Je tombe. C'est tout, réussit-il à expliquer. 


On lui avait mis un gros bandage sur la tète pour faire cesser les saignements. Il souhaitait voir un médecin mais le couple l’avait retenu pour qu’il puisse être interrogé avant de s’en aller. 

Les inspecteurs de la police judiciaire étaient attendus depuis une bonne dizaine de minutes déjà. Véronique ne cessait de poser encore et encore les mêmes questions. De vérifier si les réponses données demeuraient les mêmes ou variaient selon la pression exercée. Elle s'adressa de nouveau à l'aide de camps de son mari qui à présent ressemblait à un petit garçon terrorisé. 


- Tu as envoyé quelqu'un chez moi pour la peinture ? 

- Non Madame. Jamais. 

- Mais l'homme connaissait ton nom, argumenta Véronique en scrutant chaque émotion qui défilait sur le visage de l'employé.

- Je ne sais pas comment ça se fait. Je vous jure sur la tête de mes enfants que je n'ai rien à voir avec cette histoire Madame, vous devez me croire. 


Elle lança encore une fois l'appel vers le téléphone de son fils. Il ne sonnait plus. Elle sentit ses jambes se dérober sous elle et s'assit dans le fauteuil juste derrière elle avant de se rendre compte qu'il s'agissait de la place préférée de son fils. Celle qui se situait juste en face de la télé plasma. 


Les inspecteurs arrivèrent enfin. Jeunes tous les deux, fin de la vingtaine, début trentaine. De jeunes loups que Véronique voyait plutôt comme des louveteaux. Le premier, courtaud, au cou épais comme celui d'un taureau passa les premières secondes à reluquer chaque meuble chaque bibelot décoratif du salon. Le second, au teint noir comme le goudron, les yeux enfoncés dans les orbites zozotait légèrement. Même si leur paire semblait désassemblée, on sentait qu'ils avaient l'habitude d'évoluer ensemble, l'un commençait les questions et l'autre les terminait. Ils la questionnèrent et elle leur raconta à nouveau la journée en essayant de se rappeler chaque petit détail. À la fin de sa "déposition", son mari la regardait avec insistance. 


- Y a t il des caméras de surveillance dans votre maison ? 

- Non. 

- Il sera judicieux d'en installer. 

- Est ce qu'il se peut Madame que votre enfant ait tout simplement fugué ? demanda celui qui avait le cou épais. Y'a t'il eu des disputes tout récemment ? 

- Non. Je ne pense pas qu’il faut chercher dans la famille. C’est forcément quelqu’un d’ailleurs. 

- Pourquoi s'en serait-on pris à votre fils et pas à vous? 

- Je n’en sais rien. 

- Vous en êtes sûre? Nous devons écarter toutes les hypothèses? 

- Donc vous pensez qu’en fuguant mon fils aurait tué son chien et assommé le gardien qui comme quasiment tous les employés de cette maison l’a vu grandir ? Sérieusement ?! 


Elle soupira. Mais les enquêteurs ne se sentirent pas vexé par son regard outré. Ils se tournèrent vers les employés, sur Mathilde qui ne cessait de se triturer les mains en regardant son patron. L’homme au cou de taureau qui se nommait Ondingua suivit son regard et lui sourit. 


- Vous avez quelque chose à ajouter ?

- Non monsieur le policier.


Patrick Ndong prit la parole. 


- Je me suis disputé avec mon fils ce matin au sujet de ses fréquentations. Je pense que ma femme a estimé que ce n’était pas important mais autant qu’on en finisse. Je suis plutôt libérale et j'accepte beaucoup de choses. Je laisse sa chance à tout le monde. Mais depuis que je suis devenu premier ministre, certains des amis de mon fils ou même les parents des amis de mon fils essaient de profiter de ma position. Et lui refusait de le croire. Nous nous sommes disputés à ce sujet. 

- Y'a t il des problèmes avec la famille ? 

- Non. Mon fils fréquente très peu la famille. C'est un élève brillant qui est plus intéressé par son ordinateur et ses amis que par ses cousins ou ses tantes. 

- Avez-vous les numéros de téléphone de ses amis ? 

- Non. 

- Je peux vous donner les noms et certains numéros. Certains parents m’ont contacté par le truchement de mon secrétariat. J’ai le CV de Guen et Adler, deux des meilleurs amis de mon fils. Leur numéro doit être dessus.  


Les enquêteurs se jetèrent des coups d'œil discrets en avalant le verre d'eau que Mathilde leur servit à l'instant. 


- D'accord Monsieur le Premier Ministre. Mais nous allons procéder par étape et éliminer les pistes les plus évidentes d’abord. 

- Laquelle ? demanda Véronique bien qu’elle savait déjà de quoi ils parlaient. 


Dans beaucoup de cas de disparition auxquels elle avait eu affaire auparavant, les employés de la maison, surtout le gardien étaient impliqués d’une manière ou d’une autre. Mais dans ce cas là, cela signifiait aussi la moitié du temps que l’un des parents était impliqué. 


- Nous allons embarquer tout le monde. Peut-être seront-ils plus à l'aise pour parler dans nos locaux. 

- Je ne pense pas qu’ils soient impliqués. 

- Laissez-nous faire notre travail madame Ndong. Nous allons exclure toutes les pistes les unes après les autres. Nous pouvons repasser demain pour les numéros des amis de votre fils. Mais si vous êtes trop occupé, il suffira de nous faire parvenir ces numéros ainsi que la liste des personnes qui selon vous vous voudraient du mal. Par ailleurs, nous allons aussi tenter de retrouver la voiture décrite par votre femme. Mais sans plaque d’immatriculation, ca va être difficile. 

- Ce sont les seuls employés ? 

- Non. Il y a aussi un cuisinier et une autre ménagère en semaine. C’est tout. 

- D’accord. 


Ils firent une pause le temps de laisser tout le monde souffler un peu. 


- Si vous étiez devant votre portail au moment des faits et que la maison est clôturée, par où votre fils aurait-il disparu ? 

- Je me suis rendue compte que derrière l’une des villas, le mur était cassé. Je suppose que c’est par là. 

- D’accord. Nous irons voir avant de nous en aller. 

- Une dernière question. Vous êtes vraiment sure et certaine de ne pas connaitre l’homme qui s’est fait passer pour un peintre ? 

- Il était trop loin. Il portait une casquette et je n’ai pas vraiment preté attention à son visage. 

- Est-ce qu’il avait un accent ? Ca pourrait nous aider à déterminer son ethnie. 


Véronique fouilla dans sa mémoire. A présent cette dernière lui jouait des tours quand elle insistait trop à se souvenir. 


- Je ne sais plus. Je ne sais pas. 

- D’accord Madame. Pas de problème. On va faire avec ce qu’on a. 


*

**


Les inspecteurs ainsi que les employés partis, le couple resta seul dans la maison devant une télévision allumée qu’aucun des deux ne regardait. Patrick embrassa sa femme sur le front et monta dans leur chambre. Il avait des coups de fil à passer mais hésitait sur les personnes à contacter. Elle savait que comme elle, il se demandait exactement la même chose. A qui faire confiance ? A qui parler de la disparition de leur fils ? 


Véronique ne pouvait rester là à ne rien faire. Elle éteignit la télévision avant que le générique du journal ne chantonne. Elle prit son téléphone et une lampe torche, laissa un mot à son mari sur la table du salon et sortit de la maison pour aller inspecter elle-même l’endroit qu’elle avait découvert comme une brèche dans la sécurité de leur demeure.


Véronique contacta sa meilleure amie qui était aussi la marraine de son fils pour lui expliquer la situation pendant qu’elle marchait. Il faisait à présent nuit noir et elle avait peur de compter les heures qui défilaient depuis le matin. Stella lui proposa de venir la rejoindre immédiatement pour la soutenir, mais Véronique déclina l’offre. Il se faisait tard. 


- Bon explique moi encore une dernière fois. 

- Stella j’en ai marre d’expliquer à tout le monde ce qui s’est passé. Tout ce que je veux c’est retrouver mon fils, coupa Véronique d’un ton tranchant avant de regretter sa répartie. 

- Je suis désolée Véronique. 

- Non ne t’excuse pas c’est moi qui suis à fleur de peau. 

- Dieu est au contrôle. On le retrouvera saint et sauf ne t’inquiète pas.  


Les grillons émerveillés par la noirceur de la nuit, chantaient leur joie à tue-tête. 


- Si seulement j’avais pu voir la plaque de cette maudite voiture. 

- La Range Rover ? 

- Oui. C’était un modèle récent. La voiture était neuve, noire avec les vitres fumées. 


Véronique se trouvait enfin devant les briques cassées. Elle emprunta le même chemin que les supposés « ravisseurs ». 


- Oh mon Dieu, je viens de penser à quelque chose, s’exclama Stella à l’autre bout du fil. Mais c’est peut-être une coïncidence !

- Parle. 

- Le frère de ton mari à une voiture de ce genre. 

- Qui ? Quel frère ? 

- Rhooo ? Comment ça quel frère ? Ton mari n’a qu’un seul frère non ? 

- Hervé Philippe ?

- Oui. Hervé Philippe ! Je les ai vu il y a une ou deux semaines ensemble au Phare du large, le restaurant chic qui se trouve au bord de mer. J’ai vu HP remonter dans une Range Rover noire avec des vitres fumées et partir. Je crois même qu’il ne m’a pas vu à cause de ces vitres. Une range Rover, neuve, qui avait encore une plaque étrangère. 

- Ce n’est pas possible. 

- Pourquoi ? 

- Patrick et Hervé Philippe ne se parlent plus depuis des années. Tu sais dans quel genre d’activité était mouillé Hervé Philippe . Et c’est ce qui les a séparés. Patrick ne veut même pas qu’on prononce son nom dans la maison. Tu as dû confondre. 

- Véronique. Écoute-moi bien. Tu sais que je ne suis pas du genre à raconter des bêtises pour jouer les intéressantes. Crois-moi quand je te dis que je les ai vus ensemble. 


L’ancienne juge d’instruction s’arrêta net. La lumière de sa torche éclairait le sol où elle pouvait distinguer deux traces de roue assez récentes. Ils étaient surement passés par là. « Noah, pria t-elle au fond de son cœur, quoi qu’il soit arrivé accroche ton mon fils, accroche toi car jamais je ne t’abandonnerai ». Elle avança un peu. Mais il faisait trop sombre pour qu’elle puisse continuer sa prospection.


- Véronique tu m’écoutes ? 

 

Sa tête essayait d’analyser séparément les deux informations qu’elle avait en sa possession. Trop concentrée dans sa réflexion, elle sursauta lorsqu’elle entendit un bruit de branche cassée derrière elle. 


A suivre.

La Mater