Chapitre 6

Ecrit par Djelay

Ciara ouvre la porte de son appartement sans faire de bruit. Elle ne veut surtout pas que Lala lui tombe dessus dès le matin. Il lui faut d’abord se reposer. Pourquoi a-t-il fallu que son amie décide de rester dormir chez elle ? Ciara n’est pas d’humeur à subir un interrogatoire au sujet de sa soirée. Elle a dû se faire violence pour quitter le confort des bras forts qui l’enlaçaient. Ça été un véritable supplice. Mais il valait mieux éviter l’indifférence de Steph lorsqu’il se serait réveillé. Car une chose est sûre, il lui aurait demandé de se préparer vite fait pour s’en aller et elle ne voulait en aucun cas subir cette humiliation. Cette nuit a été la meilleure de sa vie et elle n’est pas prête de l’oublier. Depuis son départ de la maison de Steph, elle ne fait que penser à la possibilité d’une relation sérieuse avec lui. Inutile de se mettre du beurre dans les yeux, Stéphane semble être un loup solitaire, un homme qui aime les relations d’une nuit et il ne voudra jamais s’engager dans une relation sérieuse, de surcroit avec elle. L’impression qu’il a eu d’elle est on ne peut plus clair : il l’a prise pour une allumeuse pire une prostituée. Et elle ne peut pas le blâmer. N’importe qui aurait pensé pareil vu la façon insolente dont elle était habillée. C’est dans une démarche nonchalante qu’elle monte dans sa chambre dans l’espoir de retrouver son lit et de s’y réfugier. Mais ses projets seront très vite contrecarrés car elle découvre une Lala agitée qui se jette aussitôt dans ses bras.

-         Oh mon Dieu ! Soupire Ciara excédée.

-         S’il-te-plait pas maintenant Lala, réussit-elle à ajouter se détachant tristement de l’étreinte de son amie.

-         Oh ma puce, mais qu’est ce qui ne va pas ? s’inquiète-t-elle.

Elle regarde Ciara s’avancer vers le lit et s’y laisser tomber sur le dos. Le silence de son amie l’inquiète d’avantage. Elle ne veut pas l’importuner mais il faut qu’elle sache si ce mec s’est mal comporté avec elle. Il a intérêt à s’être bien conduit sinon il aura de ses nouvelles. Elle rejoint son amie.

-         Allez ma belle. Dis-moi ce qui ne va pas. insiste-t-elle.

-         J’aurais jamais dû faire ça Lala, Sanglote Ciara.

-         Oh Ciara, pourquoi pleures tu ?  Mais que t’a-t-il fait ? Raconte-moi et je te jure que…

-         Rien, arrête ! arrête maintenant tu veux !

Elle élève durement la voix. Lala est abasourdie par la réaction de son amie. Jamais auparavant Ciara ne lui a crié dessus. Mais que lui arrive-t-il à la fin et pourquoi s’en prend-elle à elle ? 

-         Tout ça, c’est entièrement ta faute.

Le ton accusateur de Ciara laisse son amie déroutée. Le ‘’o’’ que forme sa bouche sans compter ses yeux gaillardement arrondis  en disent  long sur sa surprise.

-         C’est toi qui a créé ce fichu compte, c’est toi qui est entré en contact avec ce fichu mec, c’est encore toi qui m’a conseillé de coucher avec lui.

Ciara reprend son souffle avant d’ajouter en larmes.

-         C’est toujours toi qui m’a habillée comme une pute et moi telle une idiote je me suis laissée entraîner dans toutes tes conneries sans broncher.

Lala ahurie la regarde, les yeux sur le point de craquer face à la colère de son amie. Ce qui la blesse ce n’est pas le ton sur lequel lui parle Ciara mais plutôt de réaliser que tout ce qu’elle balance est la pure et stricte vérité. Son amie se sent mal mais cette fois-ci c’est sa faute à elle. N’est-elle pas censée être son refuge, l’épaule sur laquelle elle peut pleurer ? Au lieu de ça c’est elle qui la fait pleurer. Jusqu’à maintenant elle ne s’imaginait pas que son comportement les conduirait dans cette situation et elle s’en veut énormément. N’étant plus capable de se retenir elle craque et les larmes se mettent à perler sur  ses joues.

-         J’aurais dû te dire non, j’aurais dû t’arrêter, j’aurais dû m’affirmer. Continue-t-elle.

Lala n’ose pas répliquer ni même pour s’excuser. Elle laisse le soin à son amie d’exprimer sa colère, d’évacuer la rage qui lui serre le ventre. Elle mérite amplement tous ses reproches.

-         Tu sais quoi ? (ricane Ciara) enfin de compte Lala, ce n’est pas toi la responsable, c’est moi qui n’ai pas su dire ‘’NON’’, je n’ai pas pu dire ‘’ JE FERAI CE QUE JE VEUX ALORS CESSE DE ME FAIRE CHIER’’.

-         Tu te trompes Ciara (Parle enfin Lala). Tout est ma faute, tu n’y es pour rien, c’est moi la seule responsable de tout ce que tu endures présentement. Pardonne moi je t’en supplie.

Lala fond à présent en larmes ce qui brise le cœur de son amie qui la prend aussitôt dans ses bras.

-         Non, toi excuse-moi Lala, j’aurais jamais dû te rejeter toute la faute et pardonne moi de t’avoir crié dessus. Dit-elle larmoyante. 

Elles restent enlacées durant plusieurs minutes. Aucune d’elle ne tient à se défaire de cette douce étreinte. Ciara s’en veut énormément d’avoir balancé de telles atrocités à sa meilleure amie. Même sa rupture avec Franck ne l’avait pas affectée au point d’élever le ton sur cette dernière. Que lui a donc fait Stéphane ? Il s’est insinué dans son cœur sans lui demander la permission et voilà qu’elle en souffre. Punaise ! pense –t-elle. Si elle n’avait pas couché avec lui, tout aurait été différent. Lala et elle n’auraient pas eu cette stupide dispute.

-         Bon sang ! marmonne-t-elle entre ses dents.

Lala, se décide enfin à se défaire de leur étreinte. Elle ne sait toujours pas pourquoi Ciara s’est emportée tout à l’heure. Cela doit être extrêmement  grave. Elle s’assoit sur le lit  dans la  position de moine, prend entre ses mains celles de son amie l’obligeant à s’assoir de la même façon.

-         A présent, raconte-moi ce qui s’est passé.

 Elle remarque la mine triste de son amie mais ne dit rien. Le silence de Ciara semble durer une éternité. Lala est sur le point de reprendre la parole mais Ciara la devance.

-         Nous avons passé toute la nuit à nous aimer et c’était incroyablement bon.

Lala ne dit rien, le regard rempli de tendresse à l’égard de son amie qui a l’air aux anges.

-         Il a été attentionné et délicat. Nous nous sommes endormis dans les bras l’un de l’autre. T’imagine combien c’était bon, intime. Continue-t-elle.

-         Tout s’est donc bien passé, alors c’est quoi le problème ma belle ? Questionne Lala confuse.

-         Tu n’as toujours pas compris ? Il me plait ce mec mais il ne pourra plus rien se passer entre nous.

-         Et pourquoi ?

-         Parce qu’on avait décidé de ne passer qu’une seule nuit ensemble.

-         C’est stupide Ciara, si le courant est passé entre vous pourquoi ne pas continuer ?

-         Parce qu’il n’est pas du genre à avoir de relations sérieuses.

-         C’est lui qui te l’a dit ?

-         Non mais…

-         Bon sang Ciara, ce mec te plait et toi tu le laisses filer juste parce que tu crois qu’il n’est pas sérieux. Lâche Lala sur un ton de reproche.

-         Mais je suis persuadée de ce que j’avance. Mes intuitions ne me trompent jamais.

-         Supposons que tu aies raison. Il a peut-être lui aussi apprécié cette soirée. Que t’a-t-il dit exactement ? A-t-il fait de quelconques commentaires ? 

Ciara reste silencieuse, ce qui ne présage rien de bon. Pense son amie.

-         Alors ? s’impatiente Lala.

-         Eh bien… c’est que…

-         C’est que quoi ? Crache le morceau.

-         Il n’a rien dit en fait.

Le temps semble s’être soudainement arrêté.

-         Tu te moques de moi ? Reprend Lala, rompant ainsi le silence.

-         Bah non.  C’est qu’il n’a pas eu le temps de dire quoi que ce soit ; Je suis partie avant son réveil.

-         Tu as fait quoi ? s’écrie Lala. T’es folle ou quoi ?

-         Non je ne suis pas folle. C’est mieux ainsi Lala, de toute façon tu ne peux pas comprendre. Nous avons décidé que je coucherais avec un inconnu, voilà c’est fait. Et incroyable que cela puisse l’être, je n’aime plus Franck. D’ailleurs c’est comme si je ne l’ai jamais aimé. Tu vois, ta thérapie a fonctionné. On en parle plus.

-         Mais…

-         S’il te plait Lala ! supplie Ciara lasse, c’est une Chapitre clos, la vie reprend son cours.

-         Et s’il te contacte ?

-         Ça ne risque pas d’arriver. Dit-elle avec assurance.

-         Comment peux-tu en être aussi sûre ?

-         Pour la simple et unique raison que j’ai détruit la carte Sim dont il a le numéro.

-         Eh bah ma foi ! T’es complètement tarée ma belle.

Ciara respire un bon coup. Cette nuit torride l’a complètement sonnée. Une bonne douche serait la bienvenue. En plus il faut qu’elle se débarrasse de tout ce qui lui reste de Stéphane : son odeur. L’oublier ne sera pas chose facile mais elle y arrivera comme ça été le cas avec Franck. Pour être franche, cette conversation avec Lala lui a fait un grand bien.

Un mois s’est écoulé sans que Steph n’ait eu des nouvelles de Ciara. Il a maintes fois tenté de la joindre en vain. Il a même été jusqu’à engager un détective dans le but de la retrouver mais elle n’a laissé aucune trace. Son compte a été supprimé le jour même de sa disparation. Le numéro qu’elle lui avait communiqué a été attribué à un autre abonné. Il n’a aucun indice lui permettant de la retrouver, rien. Il ne s’est toujours pas résigné à la sortir de sa tête mais peut-être est-il temps de le faire. Il doit accepter qu’il ne la reverra plus même si cette idée le rend fou de rage. Pas possible qu’il la désire tant. Cette fille a dû l’ensorceler, c’est la seule explication.

-         Fini les histoires de cœur, place au travail. Murmure-t-il.

Demain, il aura une réunion très importante avec le personnel administratif de Food’s Industry. Il s’agira de sa toute première apparition depuis que l’entreprise lui appartient. Tout ce temps, il ne faisait que donner des directives à distance. Certaines fois, il s’entretenait avec le directeur quand c’était nécessaire. Il a de nombreux projets pour sa société et il espère que son personnel est compétent et parviendra à suivre le rythme. Il aime le travail bien fait et ne tolère en aucun cas les stupides erreurs, ni le manque de sérieux. Ses proches se plaignent toujours de son soit disant comportement rigoureux. Ils ignorent sans doute que c’est cette rigueur qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui et que c’est encore elle qui lui permet de ne jamais échouer. En parlant de proches, il n’a pas intérêt à être en retard sinon sa mère le sermonnera comme toujours. Cette pensée le fait sourire. Les parents de Stéphane vivent en Espagne. Ils sont récemment rentrés au pays pour fêter son anniversaire, un rituel qui dure plusieurs années maintenant. Ils le traitent comme s’il avait cinq ans. Le pire c’est qu’il ne peut pas manquer ne serait-ce qu’une seule fête. Sa mère exploserait de rage et toute personne prudente éviterait que cela se produise. Rose N’Goran est une femme très aimante mais aussi exigeante. Il a d’ailleurs hérité de ce dernier caractère. Elle adore son fils plus que tout, normal il est enfant unique. Son mari et elle auraient souhaité que leur fils vive auprès d’eux. Mais Steph ne se sent pas à son aise dans ce pays étranger. Il préfère vivre en Côte d’Ivoire, son pays d’origine et ses parents respectent sa décision. Cependant ils exigent de lui une visite par an. Steph l’aurait fait de toute façon car il les adorait. La fête se déroulera dans la maison de ses parents à la riviera palmeraie. Ils l’ont achetée pour éviter de séjourner à l’hôtel encore moins chez leur fils, chaque fois qu’ils viennent au pays. Steph était contre cette idée. Accueillir ses parents chez lui aurait été un immense plaisir d’autant plus qu’il s’ennuie tout seul dans cette grande maison. Un peu de compagnie de temps à autres aurait été la bienvenue. Mais impossible de les raisonner, Ce sont tous les deux des têtes de mules. Il sort de son bureau, cette même pièce dans laquelle il a reçu Ciara. Il se souvient de ce moment comme si c’était hier.

-         Fais chier ! Jure-t-il en claquant la porte.

Lundi arrive comme une flèche. Pour une fois en trois ans, Ciara ne souhaite pas se rendre au travail. Sa soirée d’hier a été un désastre. Lala l’avait convaincue d’aller en boîte. Comment aurait-elle pu deviner que son collègue de travail Fabrice Bamba serait lui aussi là ? Comme si sa présence ne suffisait pas, il a fallu en plus qu’il  soit saoul. Il s’est littéralement jeté sur elle dès qu’il l’a aperçue. Il puait l’alcool et était dans un sale état. Sa chemise à moitié ouverte était tachetée. Certainement qu’il s’était gerbé là-dessus. Beurk ! Il n’arrêtait pas de hurler tout en se collant à elle ‘’ Ciara tu me rends fou’’. Quel délire ! Elle n’avait jamais été aussi embarrassée de sa vie à part la fois où elle s’est rendue chez Steph habillée comme une pétasse. Apparemment la gifle qu’elle avait flanqué à Bamba ne l’avait pas calmé car il était revenu à la charge peu de temps après. Lala et elle ont finalement dû s’en aller ne pouvant plus supporter ce gros lard. Elle espère qu’il sera assez sobre ce matin parce qu’elle compte bien lui exprimer son mécontentement. Et qu’il n’ose même pas lui sortir la parfaite excuse de l’homme dominé par l’alcool. Quand Ciara arrive à son étage, elle remarque une ambiance inhabituelle. Lorsqu’elle elle a pénétré dans le hall de l’entreprise, il lui a semblé qu’Emma la réceptionniste était chamboulée mais elle ne s’y est pas attardée pensant qu’il s’agissait d’un problème personnel. A présent elle est persuadée qu’il se passe quelque chose. Tout le monde a l’air étrange, un peu trop sérieux. Elle arrive enfin à son bureau. Même sa secrétaire, sereine d’habitude semble tendue.

-         Euh bonjour Mlle Kipré. Dit-elle en se levant à la hâte.

-         Bonjour Sylvie, quelque chose ne va pas ?

-         J’ai tenté de vous joindre tout le week-end mais à chaque fois je tombais sur votre messagerie.

Qu’est ce qui se passe à la fin. Pourquoi Sylvie est-elle aussi nerveuse ?

-         Qu’aviez-vous de si important à me dire ? Et allez-vous vous décider à m’expliquer ce qui se passe ici !

Sa patience a atteint ses limites.

-         Le nouveau boss est arrivé ce matin mademoiselle. Informe-t-elle en regardant au fond du couloir, où se trouve le bureau de celui-ci.

-         Et alors ?

Ciara ne comprend pas pourquoi tout le monde en fait tout un plat.

-         Il a surpris M. Bamba qui fricotait avec Emma, la réceptionniste…

-         Et ?

-         Il les a foutus à la porte.

-         Quoi ? s’écrie Ciara. Il les a renvoyés ? Mais j’ai trouvé Emma à son poste tout à l’heure.

-         Ça s’est passé il y a à peine 20 min, sûrement qu’elle est en train de ranger ses affaires. Mais rassurez-vous ce n’est pas un renvoi définitif. Juste pour une semaine et ces jours d’absence seront déduits de leurs salaires.

Ciara n’en revient pas. Ce mec est dingue ou quoi ? En même temps ça leur servira de leçon à ces deux-là. Ils sauront dorénavant séparer plaisir et travail. Revenons au patron, c’est un fou furieux. Elle comprend à présent pourquoi tout le monde a l’air  nerveux.

-         Mais dites-moi pourquoi avez-vous essayé de me joindre ?

-         Pour vous informer de la réunion de ce matin avec le nouveau boss.

 

Fin du sixième chapitre. Bizbi

 
Juste pour un soir