Chapitre 7

Ecrit par leilaji

La mater

Episode 7


Elle courait comme une dératée. Pour la première fois depuis des années, Véronique regretta la lente disparition de son corps svelte d’étudiante. Celui aux membres fins qui lui permettait de rattraper un bus sur le départ en un sprint. Celui dont elle ne sentait jamais la lourdeur et qu’à l’époque les jeunes hommes trouvaient enfantin. Les années s’étaient posées sur ses muscles en couches successives de rondeurs et l’empêchaient à présent d’avancer à bonne allure. 

Tandis qu’elle courait, ses cuisses se frottaient à chaque pas et ses poumons la brulaient comme ceux d’une fumeuse à bout de souffle. Le regard hagard, elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle allait ni même d’où elle se trouvait exactement. Mais ce qu’elle savait, c’était qu’elle devait s’éloigner le plus possible de cet homme.


Véronique était-elle devenue paranoïaque ? Non ! Je ne suis pas folle, se répétait-elle pour se persuader de continuer à courir. 


Il avait une photo de son fils, cachée dans la boite à gants de l’homme qu’elle avait jadis abandonné. En le quittant aussi brusquement qu’elle l’avait fait, elle s’était toujours dit qu’elle s’en était fait un ennemi à vie. Quel homme censé vient à la rescousse de la femme qui l’a brisé ? 

Elle bouscula un homme sur son passage mais ne s’arrêta pas lorsqu’il lui demanda de faire un peu plus attention. Otsiemi n’était pas censé connaitre Noah et encore moins posséder une photo de lui. Véronique avait pris soin toute sa vie d’épouse d’homme politique, de séparer la vie publique de son mari de sa vie de famille. Très peu de gens connaissait l’existence de Noah. Le public savait que le premier ministre avait un fils mais c’était tout ce qu’il savait. Ni l’âge, ni le visage de son fils n’avait été révélé aux médias. Et sur les réseaux sociaux, Noah ne partageaient ses photos qu’avec ses amis proches et personne d’autre. Dès que les gens essayaient de le trainer sur le terrain politique, il supprimait de lui-même les commentaires. Cet enfant était une vraie bénédiction du ciel. Il respectait toujours les recommandations de sa mère et n’avait jamais attiré de manière négative l’attention sur lui. Pourquoi donc aurait-on voulu du faire du mal au final si ce n’était pour lui faire du mal à elle ?  Ou à son mari.


Véronique ne cessait de se demander si elle tirait des conclusions hâtives ? En réfléchissant bien, peut-être qu’il y avait une explication logique. Elle s’arrêta le temps de reprendre son souffle. Son beau-frère voulait donner une photo à Otsiemi. Elle s’en rappelait parfaitement. Il en a cherché une dans son album mais elle lui a dit de ne pas la lui donner. C’était des photos de Noah âgé d’environ 7/8 ans. En grandissant, son fils avait beaucoup changé. Il avait troqué sa bouille ronde et ses bras dodus contre le même corps élancé que son père. La photo ne lui avait donc pas été donnée parce qu’elle comptait lui donner une photo plus récente. Une de celles que les mamans gardent toujours avec joie dans leur téléphone. Une photo prise avec l’appareil photo du smartphone, sans le consentement de leur fils se trouvant désormais trop vieux pour figurer dans les trophées de mère assoiffée d’amour. Mais elle avait oublié de le faire et il ne me l’avait pas réclamée. 


Il ne l’a pas fait parce qu’il la possédait déjà. Qui la lui a donnée ? 

 

Elle s’arrêta une seconde fois, le souffle aussi court qu’un crachin en plein soleil équatorial. Véronique transpirait à grosses gouttes qui trempaient ses aisselles. Elle était littéralement épuisée. Ce n’était pas seulement le corps qui lâchait, mais l’esprit aussi. La fatigue mélangée à la peine obscurcissait toute tentative de réflexion de sa part.


« J’ai perdu mon fils et plutôt que d’alerter toute la famille pour demander de l’aide, j’ai voulu résoudre le problème moi-même. Parce que cela fait tellement longtemps que je suis le socle de cette famille que je ne sais pas fonctionner autrement. »


Elle avait les yeux pleins de larmes mais aucune ne roulait sur sa joue. Elle ne pouvait se le permettre. Pas encore. 

Autour d’elle, rien ne lui semblait familier. Elle n’avait aucune idée de là où elle se trouvait. Elle tenta de reprendre son souffle en s’adossant contre un mur en semi dur. Les briques non crépies s’arrêtaient à hauteur de hanche. Les propriétaires avaient fini leur maison en assemblant du bois au-dessus des briques. Cela leur était surement revenu moins cher ainsi. Un chien galeux s’approcha d’elle, renifla ses pieds puis s’en alla, dépité. Elle se demanda s’il ne l’avait pas confondu à une vieille viande avariée. 


« Je me suis assez reposé, se dit-elle, il faut que je rejoigne la route principale et que je trouve le moyen de rentrer chez moi. Sans téléphone ni portemonnaie, ça va être compliqué mais je sais qu’à tout problème existe une solution. »


Repenser à son téléphone, lui fit remarquer qu’elle ne l’avait pas avec elle. Il était resté dans la voiture d’Otsiemi. Et si son fils tentait à nouveau de la contacter ? Et si depuis qu’il était éteint, il n’avait cessé d’appeler ? Peut-être même penserait-il avoir été abandonné par ses parents !  Comment avait-elle pu être stupide au point de laisser son téléphone déchargé aussi longtemps ? Il fallait qu’elle retourne sur ses pas. 


— C’est quoi ton problème bon sang ! cria une voix en même temps qu’une large main se posa sur son épaule.


La voix de Véronique se bloqua dans sa gorge tandis qu’elle se rendit compte qu’elle était faite comme une rate. Il l’avait retrouvée. 


— Pourquoi t’as détalée comme ça ? T’es devenue folle ou quoi ? 

— Tu faisais quoi avec une photo de mon fils alors que tu étais censé ne pas le connaitre ? 


L’explosion de colère dans sa voix fit reculer d’un pas le policier. Il se demanda si la pression ne lui avait pas fait perdre la tête.


— De quoi tu parles putain Véronique ! 

— Je t’ai posé une question, tu vas y répondre oui ou merde ? 


— Ils se retrouvaient tous deux dans une ruelle mal éclairée. La lumière du lampadaire public clignotait selon un rythme qui lui était propre. Les hautes herbes mal taillées empêchaient les passants de voir l’endroit où ils posaient les pieds. Il nous a appelé les jeunes tu te rends compte ! lui fit-il remarquer pour l’apaiser.

— Ne me retouche plus jamais comme ça !

Un homme sortit de chez lui et les regarda d’un drôle d’air. Véronique évita de poser ses yeux sur son gros ventre rempli de bière qu’il grattait négligemment. Un vieux pagne autour des reins et rien sur le torse, c’est ainsi vêtu qu’il avait jugé utile de sortir voir ce qui se passait dans son quartier. Ce devait être un retraité à qui rien de divertissant n’était plus arrivé depuis des lustres. Otsiemi avança un peu vers la lumière de manière à être mieux distingué par l’homme.


— Rentrez chez vous avant qu’il ne vous arrive des bricoles, intima-t-il sans vraiment élever la voix.


L’homme s’exécuta en pestant contre les jeunes d’aujourd’hui qui ne respectaient plus personne.


— On est en train de se donner en spectacle là, se plaignit le flic. 

— Et alors ? Tu n’as toujours pas répondu à ma question !

— J’arrive pas à croire que tu me soupçonnes, répliqua entre ses dents Otsiémi  tout en regardant autour d’eux pour vérifier que personne ne les surveillait.

— Quoi tu vas moi aussi me faire disparaitre c’est ça ? Qui t’a payé pour faire le sale boulot ?  


D’une poigne de fer, il agrippa son bras et la tira à sa suite. Au début elle se laissa faire puis résista de mieux en mieux. Elle voulait savoir. Où était son fils ? S’il allait bien. SI on pouvait encore le sauver.


— Pourquoi tu ne réponds pas espèce d’imbécile psychopathe ! Où est mon fils ? Tu l’as fait pour l’argent c’est ça ? Pour te venger parce que je t’ai laissé tomber ? Où est mon fils ? 

— Boucle là parce que je crois que si tu dis encore un mot je vais finir par te cogner. 

— Parce que tu cognes les femmes maintenant ! Comme quoi, on ne sait jamais vraiment avec qui on a grandi.


A la grande surprise de véronique, le policier tira une petite arme de poing de sous sa veste en cuir et en posa le bout du canon dans le bas du dos de Véronique. 


— Tu fermes ta gueule et maintenant tu avances sans faire d’histoire.

— Tu crois que je vais te faciliter la tâche…

— Ferme-la !

— Va te faire…


Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un coup de cross la fit s’évanouir.


*

**


Ouvrir les yeux lui demanda un effort surhumain. Pendant quelques brèves secondes, elle ne reconnut pas la pièce dans laquelle elle se trouvait, ni les draps qui la couvraient. Puis en ouvrant complétement les yeux, elle eut l’impression d’avoir fait un saut dans le temps. Rien n’avait changé. Ni les murs salis par les traces de doigts, ni le vieux mobilier. Elle se trouvait chez Otsiemi. Dans la chambre dans laquelle, plus jeunes, ils avaient partagé tant de moments complices. 


— Comment te sens-tu ? demanda Otsiemi en s’asseyant sur le rebord du lit. 


Véronique sentit ses pensées s’éclaircir au fur et à mesure que les souvenirs lui revenaient. Elle s’ancra dans le présent.

Il l’avait frappé d’un coup de cross et maintenant elle se retrouvait étendue dans un lit dont les draps froissés et le parfum ne lui étaient pas si étrangers que ça. Si elle tournait la tête, elle était sure de pouvoir encore retrouver le mot Véro gravé au canif sur la tête de lit. Lorsque le regard dur de véronique se posa sur le policier, il baissa les yeux. 


— Je ne t’ai pas frappée parce que je voulais te tuer ou je ne sais qu’elle autre connerie tu t’imagines. J’avais besoin que tu te calmes pour que je puisse t’emmener chez moi te reposer.   


Combien de temps était-elle restée étendue ici ? Un coup d’œil à la fenêtre la renseigna. Il faisait désormais jour. La lumière du soleil commençait doucement à filtrer à travers les larges rideaux de velours. Elle avait dormi chez Otsiemi toute la nuit. Son mari allait en devenir fou ! Elle voulut se lever mais la tête lui tourna alors elle resta à sa place. Elle grimaça de douleur en sentant sa nuque la tirailler.


— Je suis désolé. J’ai peut-être frappé un peu fort. Mais bon, il le fallait puisque ça t’a enfin permis de te reposer.  


Otsiemi se leva, sortit de la pièce puis revint avec un verre d’eau et un cachet qu’il tendit à véronique. Elle regarda le verre d’eau comme s’il était potentiellement empoisonné. Pour la rassurer, Otsiemi en but une gorgée avant de lui donner le cachet de doliprane. Elle avala le tout sans rien dire et attendit patiemment que le médicament fasse son effet. Otsiemi prit une photo posée sur le chevet et la regarda longuement. 


— Tu n’es pas la seule à vouloir des réponses Véro. Moi aussi je suis en droit désormais d’en demander.

— De quoi tu parles ? 


Il lui montra une nouvelle fois la photo qui l’avait fait détaler. Elle frissonna. A la lumière du jour, elle lui sembla légèrement différente de la veille. Peut-être parce qu’elle percevait mieux le jaunissement opéré par le temps sur la pellicule. Le visage était légèrement différent de ce qu’elle avait cru percevoir. Son cœur se mit à battre la chamade. Ce n’était pas son fils sur la photo. 


— Cette photo c’est la mienne. C’est ma sœur ainée qui l’a retrouvée quelques temps après l’enterrement de ma mère. Et que tu puisses la confondre avec celle de ton fils me fait penser que tu me dois des explications. Alors tu vas répondre à mes questions parce que je peux te jurer à l’instant même que je n’ai rien à me reprocher concernant ton enfant. Je ne l’ai jamais rencontré et encore moins fait du mal. 


Véronique lui arracha la photo des mains, la regarda puis la lui rendit. 


— Oh mon Dieu, s’exclama-t-elle en comprenant enfin les conséquences de sa méprise.

— Quel âge à Noah exactement, parce que si je me rappelle de la dernière fois qu’on a couché ensemble… et de l’âge que semble avoir ton fils… je … je n’arrive pas à croire que tu aies pu faire ça Véronique ! Attribuer mon enfant à un autre !

— C’est impossible, murmura-t-elle en fermant les yeux. Pour que tu puisses être son père il aurait fallu qu’on couche ensemble la dernière fois qu’on s’est vu O.

— Mais c’est ce qu’on a fait putain ! cria-t-il faisant sursauter Véronique. 


Elle tenta de faire remonter tous les souvenirs enfouis au plus profond de sa mémoire. Cette nuit là, elle était complètement bourrée. Elle s’était prise une sacrée cuite pour se donner la force de quitter Otsiemi, de tourner la page de la passion qu’elle avait vécue avec lui. Elle n’en aurait jamais eu le courage autrement car il venait de perdre sa mère et avait besoin d’elle. Mais elle ne voulait plus de lui, pas depuis qu’elle avait rencontré Patrick. 

La soirée qu’il avait passé ensemble était demeurée assez floue dans sa tête. Mais à la lumière de ce que venait de dire Otsiemi, elle se rendit compte que s’il avait couché ensemble et qu’elle était trop saoule pour s’en rendre compte… Il se pouvait que …

Elle eut un haut le cœur. 

Elle se leva rapidement et se précipita dans la douche attenante pour vomir le peu qu’elle avait dans l’estomac. Il s’adossa au chambranle de la porte dès qu’elle eut fini. 


— Tu étais bourrée. On a couché ensemble. Je l’étais un peu moins que toi. On n’aurait surement pas du. Tu voulais me consoler et me quitter en même temps. Tu pleurais mais en même temps tu étais tellement déterminée. Donc… Tu as oublié c’est ça ?  

— Si j’avais eu le moindre doute crois bien que les choses se seraient passées autrement… se défendit-elle consciente d’être pour la première fois non pas la victime mais la fautive.

— Putain Véro !

— Je me rappelle être allée chez toi juste pour parler. J’ai un peu trop bu et je ne me rappelle pas le reste de la soirée. J’ai mis ce trou de mémoire sous le coup du stress et de l’alcool. Je … 

— C’est trop facile. 

— Je te jure que c’est la stricte vérité. 

— Et ton mari ? 

— Quoi mon mari ? demanda-t-elle en se passant un peu d’eau sur le visage.


En quelques enjambées, Otsiemi se retrouva nez à nez avec Véronique. Il suintait la colère contenue. Ses traits étaient tirés et son regard sombre. 


— Il n’a eu qu’un seul enfant à élever. Il n’en a pas hors mariage comme la plupart des gabonais. Alors après avoir consacré toute sa vie à élever l’enfant d’un autre. Comment penses-tu qu’il réagirait en découvrant qu’il n’est pas de lui ? Pour un homme de sa trempe ce serait une humiliation sans pareil si on le découvrait n’est-ce pas ?

— Il est incapable de faire une chose aussi misérable.

— Tu pensais parfaitement le connaitre et tu as découvert au final des secrets alors ne me dis pas de quoi il est incapable pendant qu’il baise ta meilleure amie.  


La claque partit toute seule et s’abattit sur la joue du policier. Véronique ne s’excusa pas. Il ne lui en tint pas rigueur. Otsiemi voulait la blesser comme il se sentait blessé. Il avait raté les 18 premières années de son fils. Ce temps il ne pourrait plus jamais le récupérer et cela lui faisait mal. Mal qu’elle ait voulu le rayer de sa vie au point d’oublier leur dernière nuit ensemble alors que lui aurait vendu son âme pour pouvoir en revivre chaque seconde.   Le téléphone de Véronique laissé en charge par le flic sonna et les tira de leur face à face. Elle le bouscula pour passer le récupérer. Il avait reçu depuis qu’il s’était éteint une quarantaine de message ainsi qu’une vingtaine de coup de fil. Elle appela Patrick. Ce fut Stella qui décrocha. Cela lui fit un drôle d’effet. Jamais son mari ne confiait son téléphone. 


— On est tous morts d’inquiétude ! Où es-tu ?

— Pourquoi c’est toi qui décroche ? Où est mon … Où est Patrick ?


Stella mis du temps à répondre. 


— Stella !

— Il a fait un malaise, calme toi. C’est toi qui disparais et c’est toi qui cries sur les gens. Cette nuit les policiers qui sont à la recherche de Noah ont trouvé le corps d’un jeune homme dont les organes génitaux ont été prélevés… par son assassin.

— Oh mon Dieu…Non. 

— Calme-toi ! Ce n’était pas Noah. Mais il a fallu que ton mari se rendre à Gabosep pour l’identification pour qu’on en soit sur. C’est là qu’il a fait un malaise. Ne t’inquiète pas pour lui ok. Je veille au grain. Mais il faut que tu rentres. Les policiers ont peut-être une nouvelle piste à explorer et ils ont besoin de toi. 

— Ok. 


Véronique n’avait pas du tout aimé la manière dont Stella avait dit : « je veille au grain ». Comme si c’était son rôle de veiller au grain, comme si ça avait toujours été son rôle de le faire. S’ils étaient ensemble, l’ancienne juge d’instruction était bien décidée à en finir une bonne fois pour toute avec le poison de la suspicion. Elle convint avec Otsiemi qu’il ferait un test de paternité dès qu’on retrouverait Noah pour tirer les choses au clair. 


— Ils ont de nouvelles pistes. Je vais rentrer chez moi écouter ce qu’ils ont à dire. 

— C’est peut-être un piège de Stella. Peut-être qu’on leur a signalé la fouille de la boite aux lettres. Peut-être que ton mari sait pour Noah ou même que je suis son père et que tu es avec moi. Peut-être qu’ils veulent aussi se débarrasser de toi.

— Ça fait beaucoup de peut-être tu ne trouves pas ? 

— Peut-être…


Elle sourit à sa boutade et il sentit un peu de sa colère s’envoler. Comme si ses sourires à elle, volait sa peine à lui.


— De toute manière je n’ai pas le choix, je dois les confronter tous les deux, alors autant y aller.

— Je t’accompagne, proposa-t-il en enfilant sa veste.

— Non. 

— Pourquoi ? Tu me soupçonnes toujours ? 

— Non ce n’est pas ça, dit-elle en tentant de mettre de l’ordre dans sa tenue toute froissée qui sentant la transpiration de la veille. Mais … si jamais mes doutes sont fondés… S’il m’arrive quelque chose en rentrant chez moi, il faudra bien que quelqu’un puisse révéler la vérité.

— Je le tuerai s’il te fait du mal.

— C’est le premier ministre. Tu ne pourras rien lui faire, dit-elle d’un ton las comme pour se convaincre qu’au final si elle non plus ne pouvait rien faire ça ne sera pas faute d’avoir essayé.   


Il s’avança vers elle et la serra très fort dans ses bras. 


— Je pue, dit-elle pour tenter de se dégager de son étreinte.

— Je m’en fous, répondit-il à voix basse sans la lâcher pour autant. 


Une trentaine de minute plus tard, un taxi déposa véronique chez elle. 


Elle rentra dans le salon d’un pas décidé et trouva Patrick assis, buvant un verre d’alcool alors qu’il n’était que 9 heures du matin. Lorsqu’elle la vit, Stella se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras. Mais Véronique s’esquiva au dernier moment installant un malaise palpable dans la pièce. 


Elle se dirigea vers le petit bar et se servit à son tour un verre de whisky qu’elle vida d’un trait. Le liquide ambré lui brula la gorge puis une chaleur diffuse réchauffa son corps. Elle se tourna vers les deux personnes en qui elle avait le plus confiance au monde, se demandant à quel point la confirmation d’une trahison lui ferait mal. 


— Que fais-tu ici Stella ? 

— Je suis venue donner les résultats d’analyse à Patrick. 

— Depuis quand tu es son médecin ? 

— Non, ce n’était pas pour lui. Mathilde votre ménagère s’est encore une fois blessée et comme tu n’étais pas là pour t’en occuper, je me suis occupée d’elle à la demande de ton mari. On lui a fait des radios en urgence et je venais les déposer pour que tu te charges de la suite à ton retour.

— Tu es toujours tellement parfaite dans le rôle de meilleure amie, dit ironiquement Véronique.

— Véronique ça va ? Tu agis très étrangement. Je te signale que ton mari a fait un malaise et tu ne t’inquiètes même pas pour lui ? 

— Tu t’inquiètes déjà bien assez pour deux, répondit fielleusement l’ancienne juge. 

— Je sais que tu es stressée par la disparition de ton fils mais ce n’est pas une raison pour me parler aussi mal alors que j’essaie de rendre service. 

— Où sont les policiers qui étaient censés m’attendre ? 

— Ils sont partis, ils ne pouvaient plus t’attendre, répondit Stella en jetant des coups d’œil inquiets à Patrick Ndong. 

— Ok. Ce n’est pas grave. Où sont les employés ?  

— Je ne sais pas. Je crois que nous sommes seuls dans la maison, lui répondit son mari sans lever son nez de son verre. 

— Parfait. 


Elle leur sourit, d’un sourire triste auquel personne ne fit attention. La pièce était calme et chacun semblait perdu dans ses pensées. Véronique se dit que la culpabilité semblait avoir scellé leurs lèvres. Elle ferma la porte du salon et enfouit la clef dans son soutien-gorge devant les regards étonnés des deux autres personnes présentes dans la pièce. 


— Je peux savoir à quoi tu joues là ? demanda Stella à sa meilleure amie dont le comportement lui semblait de plus en plus étrange. 

— Je veux des réponses à mes questions. 


Elle leva le bras tout doucement et pointa l’arme qu’elle avait dérobée à Otsiemi sur son mari. Ndong et Stella se demandèrent comment ils avaient fait pour ne pas se rendre compte qu’elle avait une arme dans sa main. Ce n’était pourtant qu’un bout de fer doré. Un bout de fer qui pouvait faire disparaitre la vie en un claquement de doigts.


— Est-ce que tu l’aimes comme je l’aime moi ? demanda Véronique à Stella, des larmes plein la voix.

— Véronique mais qu’est-ce qui te prend ? Lâche cette arme tout de suite ! ordonna Patrick en se levant brusquement de son siège. 

— J’ai découvert la boite aux lettres et les virements. Tout cet argent que tu lui donnes depuis toutes ses années sans m’en avoir jamais parlé. Mais je comprends aujourd’hui. Depuis quand ça dure vous deux ?

— Ce n’est pas ce que tu crois Véronique.


Véronique éclata d’un rire hystérique qui déformait ses traits et lui donnait l’air possédé. Ses traits étaient fatigués, ses vêtements froissés. Patrick avait bien du mal à reconnaitre sa femme habituellement tirée à quatre épingles sans jamais être trop habillée. 


— Je déteste cette phrase Patrick. Ne la prononce plus jamais devant moi. C’est exactement ce que je crois. Dis-moi s’il y a une seule chose dans ma vie que je n’ai pas délibérément sacrifiée pour toi ? Dis-moi. 

— Véronique ! tenta d’intervenir Stella


La détonation les surprit tous les trois car Véronique venait de tirer. Le silence aussi lourd qu’un ciel gris s’écrasa sur eux un bref instant.


— Stella je te jure que si tu ouvres encore ta bouche, c’est à la morgue qu’on te maquillera la prochaine fois. Cette discussion c’est entre mon mari et moi. C’est compris ? 


Stella hocha la tête se demandant comment elle allait pouvoir se sortir de ce pétrin.

 

— Où est mon fils ? Que lui as-tu fait ? Tu voulais te débarrasser de ta famille c’est ça ? Nous ne sommes plus assez bien pour toi ? Tu veux maintenant la magnifique Stella, indépendante et fière ? Tu sens ton ego se gonfler de joie à l’idée d’être parvenu à la dompter c’est ça ? 

— Ce n’est pas ça… Laisse-moi t’expliquer. 

— Je ne veux aucune explication la concernant. Je te laisse tout Patrick, tout. L’argent, la maison … Tout. On peut divorcer maintenant sans dégât ni haine. Je n’irai jamais pleurer dans les journaux pour raconter comment j’ai été trahie. Je me ferai discrète. Je t’en donne ma parole. Tu n’entendras plus parler de moi. Mais rends-moi mon fils. 


Le verre entre les mains du premier ministre vola à travers la salle et se fracassa contre un mur. Prise entre deux feux, Stella se mit à pleurer. Patrick Ndong n’arrivait plus à se contenir face à toutes les accusations proférées par sa femme. 


— Tu ne fais que dire mon fils, mon fils comme si ce n’était pas le mien aussi ! Alors toi aussi tu es devenue comme les autres ? Tu crois que pour un peu plus de pouvoir je serai prêt à tuer l’unique enfant que Dieu m’a permis d’avoir avec toi ? Es-tu devenue folle ? 

— Tu mens. Comme tous les autres. Qu’as-tu fait de mon fils ? hurla –t-elle en s’avançant vers lui jusqu’à ce que le canon de l’arme touche son cœur.


Elle essuya d’un geste brusque la morve qui lui coulait du nez. Les larmes floutait sa vue. Mais tout ce qui importait pour l’instant à Véronique c’était que sa main soit ferme sur la gâchette. 


— Noah ne t’a rien fait Patrick. Il est innocent. Il n’a rien demandé de tout ça. Tout est de ma faute. Mais je t’en prie, il est tout ce qui me reste. Je t’en prie dis-moi qu’il va bien. Qu’il est saint et sauf. 

— Je ne peux pas te dire qu’il est saint et sauf Véronique.

— Oh mon Dieu…

— Véronique regarde le dans les yeux, intervint Stella. Il n’a pas fait de mal à Noah. Je peux te le jurer. 

— Jamais je ne le ferai Véronique. Je t’aime. Plus que tout au monde. Plus que tout, chuchota Patrick à sa femme tout en essayant de cacher la culpabilité qu’elle pourrait lire dans ses yeux. 

— Tu mens. 

— Non. Véronique ne laisse pas la situation nous faire du mal. Essaie de reprendre tes esprits et de te contrôler. 

— N’essaie pas de m’embobiner, se défendit Véronique. Ne change pas le sujet. Il ne s’agit pas de nous. Mais de Noah. Tu pourras régler tes comptes avec moi plus tard.

— Dis-lui la vérité Patrick, intervint une nouvelle fois Stella malgré la mise en garde de véronique. Bon sang, tu ne vois pas qu’elle est à bout ? Ca ne peut plus rester un secret entre toi et moi. Elle va finir par nous tuer.


Véronique tourna son regard vers Stella qui détourna le sien. 

 

— De quoi parle-t-elle ? demanda-t-elle à son mari.

— Il t’a caché pendant des années que … essaya d’expliquer Stella.

— Tais-toi, hurla Patrick avec une rage que Véronique ne lui avait encore jamais vu. Tais-toi !


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La Mater