Chapitre 9

Ecrit par Auby88

Steve ANIAMBOSSOU

Je passe la journée chez moi avec l'autre femme. Contrairement à Aurore, elle est une vraie femme. J'adore me faire chouchouter par elle. Elle égaie chaque minute de ma vie.

Actuellement, elle dort. Je la contemple sans m'en lasser. Elle est si belle, si parfaite. Récemment, j'ai tenté de rompre avec elle. J'ai voulu sacrifier l'amour que j'ai pour elle pour rester avec Aurore. Mais je n'ai pas pu. Plutôt que de mettre un terme à notre relation, j'ai succombé à son charme. Nous avons fini par faire l'amour sur la plage de Fidjrossè, pendant qu'Aurore m'attendait pas loin de là. Heureusement qu'elle a cru mes explications concernant mes lunettes de soleil et le bouton, qui en réalité se sont perdus durant nos ébats.

Je dépose de petits bisous sur la peau claire de celle qui dort sur mon lit. Elle bouge mais ne se réveille pas. Elle doit bien être fatiguée. C'est bien normal. Notre nuit n'a pas été reposante. (Sourire )

Mon téléphone sonne. C'est … Aurore. Je m'éloigne sur la terrasse pour ne pas déranger ma bien-aimée. J'hésite à décrocher l'appel d'Aurore.  Je n'ai vraiment pas envie de lui parler. J'avoue même qu'elle commence à m'ennuyer, surtout avec tous ses problèmes. La vie est trop courte pour ne penser qu'aux soucis quotidiennement. Moi, je veux la vivre pleinement…. Au final, je laisse sonner.

Lorsque je reviens à l'intérieur, je suis accueilli par deux beaux yeux qui me regardent et un sourire qui réveille le mâle en moi.

- Arrête de me regarder ainsi, sinon je ne réponds plus de moi.

Elle éclate de rire.

- Là, tu viens d'envenimer les choses !

- Arrête, Steve ! dit-elle en riant encore plus, tandis que mes doigts se promènent sur son corps nu.

- Tu me rends fou, tu sais. Tu es tellement belle ! Chaque jour, je tombe encore plus amoureux de toi.

Elle se dégage de mon étreinte et quitte le lit.

- C'est ce que tu dis chaque fois. Pourtant, tu ne t'es pas encore débarrassé de l'infirme.

Je m'approche d'elle et la retiens contre moi. Elle résiste d'abord mais finit par m'offrir ses lèvres.

- Tu ne peux savoir à quel point j'ai hâte d'en finir avec elle. Mais c'est difficile. Je crains pour sa santé.

- Elle est forte. Elle s'en remettra. Rends-toi compte que plus vite tu la quitteras, mieux ce sera. Vous vous faites du mal tous les deux !

- D'accord. Demain, je lui dirai toute la vérité.

- Promis ?

- Oui, promis mon amour. Alors, je ne veux plus te voir te pavaner devant moi avec d'autres hommes !

- C'était juste pour te rendre jaloux. Tu sais que je n'aime que toi.

- Je sais, mais je ne supporte pas de te voir avec un autre homme que moi.

- D'accord.

- Alors, où en étions nous ?

Avant qu'elle ne réponde à ma question, je m'empare de ses lèvres. Tout à l'heure, nous ferons des aller-retour vers l'île des mille-et-un plaisirs ! (Sourire )

 ************

Madame Suzanne ZANNOU

A nouveau, je me retrouve à la maison. Ce n'était pas une bonne idée de reprendre le boulot. Je suis encore très sensible, très fragile, très affectée.

J'ai l'impression qu'on m'a amputé d'une partie importante de mon corps, qu'on m'a volé ma seule raison de vivre, ma seule raison de me réveiller chaque matin pour aller m'échiner au boulot.

Quelqu'un cogne à la porte de ma chambre.

- Suzanne, ouvre-moi. C'est Hélène.

Sans entrain, je me lève de mon lit et vais lui ouvrir.

- Ça va, petite sœur ?

Je ne sais quoi lui répondre.

- Tu devrais descendre pour rester avec nous. Tu t'isoles un peu trop ces temps-ci.

- Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi. Je ne tenterai pas de me suicider à nouveau.

- Peut-être, mais tu ne peux pas continuer ainsi. Bella n'aurait pas voulu cela pour toi.

- Laisse-moi seule, grande sœur. Laisse-moi seule avec ma douleur. Laisse-moi faire mon deuil.

- Mais ton deuil n'évolue pas Suzanne ! Tu passes tout ton temps à pleurer, à te morfondre, à oublier tous les vivants autour de toi. Et au final, tu te fais du mal. En principe, tu devrais t'ouvrir à ton entourage ou mieux à un psychologue, dire ce que tu ressens, plutôt de tout garder en toi comme tu le fais.

- ….

- Tu as perdu ta fille certes, mais tu as encore plein de gens qui t'aiment et qui tiennent à toi : tes soeurs, tes neveux, tes amis …

- …

- Mais c'est à croire que nous n'existons même plus pour toi !

- Hélène, tu veux me faire plaisir ?

- Oui, petite sœur. Dis-moi tout ce que tu veux.

- Emmène-moi voir sa tombe.

Ma requête la surprend.

- Mais…

- C'est ce que je veux. Je n'ai pas pu voir son corps, je n'ai pas pu l'enterrer. Alors, à présent je veux savoir où elle est. Tu m'en as longtemps dissuadée, mais aujourd'hui j'en ai besoin. S'il te plaît !

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, je ne pense pas que cela puisse t'aider, mais je vais t'y conduire. Tu en as le droit après tout.

- Merci.

Elle hoche juste la tête et quitte ma chambre. De mon dressing, je sors l'un de mes plus beaux tailleurs et je choisis des chaussures et un chapeau assortis.

* *

 *

Au Cimetière de Somè.

Douze mois sont déjà passés, mais la tombe de Bella demeure comme neuve. Sur la photo gravée sur la tombe, je la revois souriante. Je promène mes doigts sur son visage en lui parlant :

"Bonjour, ma toute belle. C'est maman. Je tenais à … te voir … Je m'excuse de n'être pas venue plus tôt. A présent, je suis là et je viendrai autant que possible. Je t'ai promis de ne jamais te laisser seule et je n'ai pas oublié ma promesse."

En parlant, je ne peux m'empêcher de pleurer. Hélène pose une main sur mon épaule. Je sais qu'elle compatit à ma douleur.

"Je pense à toi tout le temps, Bella. Je prie chaque nuit pour le repos de ton âme. Tu me manques tellement ! J'ai… déniché ce petit poème de Victor Hugo que je tiens à te lire. Je sais que tu aimeras. D'ailleurs, tu as toujours aimé les poèmes comme moi.

"Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo, Demain, dès l’aube extrait du recueil «Les Contemplations»"

Sache Bella que les mots du poète sont aussi les miens. Je ne suis plus rien sans toi. J'ai perdu goût à tout. Mon cœur continue de saigner. Voici le bouquet que je t'ai apporté. Des roses comme tu les aimais…

J'éclate en sanglots.

- Suzanne, il vaut mieux qu'on y aille.

- Non Hélène, je ne bouge pas d'ici ! réplique-je.

- Voyons ! Tu ne peux pas vivre ici, petite sœur !

- Je sais, mais je compte passer toute la journée ici.

- Suzanne, sois raisonnable !

- Une mère qui a perdu son seul enfant n'a plus la raison. Va-t'en si tu veux, mais moi je reste ici.

Elle secoue la tête et finit par s'asseoir sur une tombe voisine. Quant à moi, je continue ma discussion avec Bella.


****************

Aurore AMOUSSOU

Cela fait trois fois que je viens d'appeler Steve. Il ne décroche pas. Ce gros fainéant fait sûrement encore la grasse matinée. (Rire)

Aujourd'hui, je me suis réveillée de bonne humeur. Je déborde d'une énergie positive. Je me suis faite toute belle. Avec l'aide des infirmières, bien sûr.

J'ai prévu rendre une visite surprise à mon homme, passer la journée, la nuit avec lui et rentrer le lendemain. Je l'ai appelé pour m'assurer qu'il est bien là. Mais tant pis, j'y vais quand même. C'est samedi et il m'avait déjà dit qu'il n'irait pas au boulot. Et puis, j'ai le double de ses clés. Parfait.

Tandis que je quitte ma chambre avec les infirmières, je tombe sur ma mère. Je soupire.

- Bonjour ma chérie !

- Bonjour ! dis-je sèchement.

Puis en direction des infirmières, j'ajoute :
- Allons-y. Vous me conduirez jusqu'à ma voiture, puis vous rentrerez chez vous. On se verra demain.

- Je peux savoir où tu vas, Aurore ? demande ma mère.

Et c'est reparti avec les interrogatoires. J'hésite à lui répondre, mais je finis par le faire. Elle ne parviendra pas à gâcher ma bonne humeur.

- Je passe la journée avec Steve, la nuit y compris et je reviens demain. Alors puis-je y aller ou bien tu y vois un inconvénient ?

- Tu peux y aller, Aurore.

- Merci.

Je réponds sur un ton empreint d'ironie. Son visage est triste. Je m'en fiche, moi. Je continue mon chemin.

* *

 *

Je viens d'arriver devant l'immeuble où vit Steve. Le chauffeur m'aide à atteindre le deuxième étage et à insérer la clé à l'intérieur. La porte s'ouvre sans problème. Heureusement qu'il n'y avait aucun verrou inséré dans la porte. Je demande au chauffeur d'attendre en bas, le temps que je m'assure que Steve est bien là. 

Je rabats tout doucement la porte derrière moi. Le salon est désert. J'entends sa voix à la cuisine. Il parle avec quelqu'un, tout en riant. Je n'entends pas distinctement ses mots. Il doit sûrement être au téléphone. Je m'avance dans sa direction avec mon fauteuil.

La scène devant mes yeux me laisse sans voix.
Steve est tellement occupé à jouer à l'amoureux avec une autre femme qu'il ne me remarque même pas. Elle, je ne la vois que de dos. Elle porte une nuisette qui prouve qu'elle a passé la nuit avec lui, tandis que lui ne porte qu'un boxer.

- Steve ! hurle-je.

Il se retourne aussitôt. Elle aussi.

Je n'arrive pas à y croire. Je ne m'attendais pas à la voir là. Elle. Rita MARTINS. Je suis tellement consternée par ce que je vois que je perds mes mots.

- Bonjour Aurore ! me lance Rita en souriant.

- Aurore ! Qu'est ce que tu fais ici ? Je ne… t'attendais pas.

Il est visiblement gêné.

- Steve, peux-tu m'expliquer ce qui se passe ? Je veux t'entendre.

- Je… balbutie-t-il.

Rita intervient.

- Voyons Steve. T'as perdu ta langue ou quoi ? Tu lui expliques ou je le fais ?

Steve n'ose rien dire. Je la regarde avec mépris. J'ai envie de me lever de mon fauteuil pour lui arracher les yeux. Hélas, je ne peux pas.

- Ecoute, ma chère amie. Steve s'est lassée de toi. Il ne pouvait pas en être autrement. Regarde-toi. Tu ne sers pas à grand chose.

- Tais-toi, poufiasse !

Puis m'adressant à Steve, j'ajoute :

- Dis-moi que tout ceci n'est pas vrai. Dis-moi qu'elle n'a pas raison.

- Je suis désolée Aurore, mais elle a bien raison. Je ne t'aime plus ! achève-t-il d'un trait.

Intérieurement, je bous de colère.

- C'est difficile pour toi de me comprendre, mais je suis amoureux de Rita.

- Cela ne peut pas être vrai, Steve. Tu mens ! rétorque-je.

- Je te le répète : Je suis fou amoureux de Rita.

- Et cela depuis quand ?

- Depuis que t'as laissé ton mec pour aller t'isoler huit mois durant à l'Etranger. Qu'est-ce que tu croyais ? Qu'il est un prêtre pour rester sagement là à t'attendre pendant tout ce temps ?

- Je ne m'adresse pas à toi Rita. Tu me dégoûtes !

- Celle qui dégoûte le plus, c'est toi pauvre infirme !

- Tu es tellement mauvaise, Rita !

- Eh oui, tu m'as bien enseignée. A dire vrai, je n'ai pas encore atteint ton niveau de méchanceté Aurore ! Te rappelles-tu tous les coups bas que tu m'as fait ?

- C'est donc cela. Tu m'as pris mon mec juste pour te venger ?

- Crois ce que tu veux, Aurore. Steve sait que je l'aime.

- Steve, elle ment. Elle ne t'aime pas.

- Si. Rita m'aime énormément, Aurore. Tu ne peux savoir combien elle m'a soutenu durant ton absence.

- Oui, je vois déjà de quel genre de soutien il peut s'agir. Quand je pense que je me suis donnée à toi sans protection, alors que tu couchais aussi avec elle !

Il s'approche de moi.

- Aurore, je suis désolée.

- Comment as-tu pu me faire cela Steve ? Comment ?

En parlant, je lui assène des coups. Il parvient à se dégager.

- J'ai essayé de te le dire. J'ai essayé de rompre avec toi, mais je n'ai pas pu parce que je voulais t'éviter de souffrir ainsi.

- Dis-moi que tu m'aimes encore Steve ! Dis-le moi. Je suis prête à te pardonner et continuer avec toi.

- Tu n'as vraiment pas honte, Aurore ! intervient Rita. Supplier ainsi un homme. Te rabaisser autant !

Je ne lui réponds pas. Je fixe Steve, attendant sa réponse.

- Je regrette, Aurore. Mais je ne ressens plus rien pour toi.

Ses mots font l'effet d'un poignard dans mon cœur. Je m'empare du premier objet à ma portée et le lance sur Rita. Elle esquive de justesse.

- Là, tu deviens folle, Aurore !

- Pourquoi m'as-tu fait cela, Rita ? Tu avais tous les hommes à tes pieds et il a fallu que tu me piques mon mec. Pourtant tu sais qu'il est tout ce qui me reste, tout ce à quoi je tiens le plus. Tu as déjà pris ma place à l'agence. Tu me savais déjà à terre. Pourtant, tu n'as pas hésité à me piétiner.

- Arrête tes enfantillages, Aurore ! Arrête de me faire passer pour la méchante. J'aime Steve. Et il m'aime. Reconnais que tu l'as perdu. Accepte ta défaite au lieu de pleurnicher comme tu le fais. C'est pathétique ! Et si tu l'aimais vraiment, tu comprendrais que tu es une charge pour un bel homme comme lui. Il a besoin d'une vraie femme, d'une femme entière comme moi et non d'une infirme, d'une sous-femme capricieuse comme toi.

Là, je pique une crise de colère. J'envoie balader tous les objets à ma portée en direction de Steve et elle. A un moment donné, j'oublie mon handicap et tente de me lever. Je m'écroule sur le sol. J'halète.

- Steve, je te laisse t'occuper d'elle. Je monte dans notre chambre. Quelle scène pathétique !

Steve tente de me relever du sol. Je m'y oppose.

- Ne me touche pas ! vocifère-je ! Ne pose pas tes sales mains sur moi !

- Aurore, tu ne peux rester indéfiniment sur le carreau !

"Sur le carreau ! ", c'est exactement là que je suis littéralement et réellement. Je suis complètement détruite.

- Laisse-moi t'aider, Aurore !

Je ne dis plus mot. Je ne m'oppose plus. Je sens ses mains se poser sur mon corps et me soulever. Je me retrouve dans ses bras, dans les bras de cet homme que j'aime tant, mais qui vient de me blesser profondément. Je ne sais pas si je me remettrai de sa trahison. Il finit par me déposer dans mon fauteuil.

- Laisse-moi te conduire en bas. Je suppose que le chauffeur t'y attend.

Je ne dis mot. Je secoue la tête et ôte ses mains de mon fauteuil​.

Il n'insiste pas. Je le fixe une dernière fois. J'ai besoin de voir son visage une dernière fois.

" Dieu, combien je l'aime !"

Je sors de son appartement et referme la porte. J'ai tellement mal. Mon cœur saigne terriblement. Mes yeux sont rouges à force d'avoir pleuré. Mes dents grincent sans arrêt. Mes mains tremblent tandis que j'essaie de prendre mon téléphone de mon sac. Je respire profondément avant d'appeler le chauffeur. Il est encore là en bas de l'immeuble. Il s'empresse de venir me chercher et de me mettre dans la voiture.

- Tout va bien, mademoiselle ?

- Oui, Gérard. Nous rentrons. Démarre. Je veux vite quitter ce lieu.

Il obtempère. Tout en conduisant, il m'épie par moments. Mes larmes continuent de couler. Je cache mon visage du mieux que je peux.

Je repense à ce qui vient de se passer dans le duplex de Steve. Tout est clair à présent pour moi. Ce n'était pas par hasard que Rita se retrouvait aux mêmes endroits que Steve et moi. Et cette fois à la plage, ils s'étaient sûrement envoyés en l'air pendant que moi je l'attendais sagement comme une idiote.

Que vais-je faire de ma vie à présent ? Je ne suis plus rien sans Steve. Je n'ai plus envie de vivre. Je l'aime tellement. Comment puis-je vivre à présent sans lui. Comment ?

- Mademoiselle, tout va bien ?

- Oui, Gérard. Arrête de t'en faire pour moi. Nous ferons un arrêt devant la prochaine pharmacie. Tu m'aideras à prendre deux tubes de somnifères.

- Vous souffrez d'insomnie ?

De quoi se mêle-t-il ce chauffeur ? Je ne réponds pas.

- Si c'est le cas, je connais de bonnes tisanes pour dormir comme un bébé.

- Je te le répète : Nous ferons escale dans une pharmacie. Fin de la discussion.

- Bien mademoiselle !

De mon porte-monnaie, je sors une photo de Steve. Je promène mes doigts sur son visage. Je n'arrive toujours pas à croire que tout est fini entre lui et moi. Triste, misérable, inutile vie que la mienne !



 





SECONDE CHANCE