CHAPITRE V : Doux-amer

Ecrit par dotou

Soucieuse, Cadia fit part de sa conversation avec sa future bru à son mari qui la rassura :

- Ne te fais pas du souci pour cela. C’est sûrement le béguin d’une adolescente pour son idole et cela lui passera. Tu sais bien qu’elle lui est très attachée.

- Mais ils sont frère et sœur.

- Chérie, soyons réalistes, ils ont beau avoir été élevés ensemble, ils n’ont aucun lien sanguin et une relation ne serait pas proscrite entre eux. Mais ce n’est rien. Crois en mon expérience.

- Penses-tu que Dean le sait ?

- Sûrement et il doit être du même avis que moi. Ne t’inquiète pas Cadia, conclut Ali en éteignant la veilleuse. Il embrassa ensuite sa femme et ils se souhaitèrent une bonne nuit.

Le lendemain après-midi, Ali emmena Cora faire les magasins afin qu’elle puisse s’acheter sa tenue pour le mariage. Celle-ci comptait surtout acheter une robe qu’elle porterait pour la soirée. Elle avait en effet prévu étrenner pour la cérémonie, un tailleur offert par sa mère quelques semaines plus tôt.

Gagnée par l’enthousiasme que son père lui communiquait, elle oublia pour quelques heures ses préoccupations. Après quelques essais infructueux, Cora tomba littéralement sous le charme d’une robe couleur corail. Ali commenta alors que celle-ci lui irait aussi bien que son nom. Lorsqu’elle se présenta devant celui-ci après avoir enfilé la robe, celui-ci poussa un long sifflement admiratif :

- Tu seras la plus belle après la mariée.

- Tu crois papa ?

- Mais bien sûr, soutient Ali en l’entraînant vers une glace.

Cora en se regardant sut qu’elle avait fait le bon choix. La robe qui la drapait harmonieusement mettait en valeur sa taille fine et ses hanches. Dépourvue de manches, elle laissait ses épaules nues et un léger décolleté mettait à découvert la plénitude de sa poitrine.

- Papa, c’est une robe magnifique.

- Non cora, c’est toi qui la mets en valeur. C’est l’effet que peut produire une jolie robe portée par une jeune fille sublime. Maintenant il nous faut dénicher des chaussures et des perles.

- Mais non papa ! Protesta sa fille.

- Plus une seule objection. J’ai du plaisir à te gâter.

Lorsqu’enfin ils prirent la décision de rentrer à la villa, le siège arrière de la voiture était dissimulé sous des emballages. Son père lui avait offert des chaussures et un sac assorti. Les fines perles sur lesquelles Ali avait arrêté son choix, rehaussaient délicatement la finesse de son cou. Une légère écharpe en soie parachevait le tout.

- Au cas où le vent se lèverait, lui avait-il suggéré.

Cadia avait l’impression que le temps s’était ligué contre elle tant il s’écoulait à une allure vertigineuse. Elle eut juste le temps de terminer les préparatifs en vue du mariage. La restauration incombait aux parents de la fiancée, et Nathaniel Kéty avait décidé qu’elle se déroulerait dans l’un de ses établissements.

Comme toujours, à l’approche d’un grand événement, la tension de chacun monta d’un cran. Cadia, le jour du dernier essayage de son tailleur, déchira la manche à la poignée d’une porte. Tout le travail fut donc refait et la tenue ne fut prête qu’à quelques jours du mariage. Andréa quant à elle, dans un geste involontaire renversa toute une série de plats en faïence. Déjà à bout de nerfs, cet incident provoqua chez elle une véritable crise de larmes. Même Ali perdit son sang froid habituel, lorsqu’on lui livra dix douzaines de champagne au lieu des douze initialement commandées.

Dean échappa à cette atmosphère enfiévrée. Il s’envola pour Johannesburg, où il devait conclure un accord de partenariat avec une importante firme spécialisée dans la conception de logiciels informatiques.

Cora quant à elle, devint presque introuvable, ne revenant au domicile familial que pour y passer la nuit. Cette attitude peina Cadia. Malgré sa joie, elle ne pouvait s’empêcher de souffrir secrètement pour sa fille.

Dean revint de Johannesburg trois jours avant le mariage. Il sonnait quatre heures du matin à son arrivée à la villa. Il introduisait sa clé dans la serrure lorsqu’il aperçut Cora nichée dans une des chaises longues installées sur la terrasse. Intrigué de la voir dehors à une heure si tardive, il s’approcha d’elle. C’est alors qu’il remarqua sur son visage endormi, de nombreux sillons de larmes séchées. Spontanément, il s’assit sur le bord de la chaise et lentement passa un doigt sur le visage ravagé. Aussitôt à son contact, la jeune fille frémit dans son sommeil. Il la secoua légèrement en lui intimant de se réveiller. Cora battit des cils, soupira et se rendormit à nouveau.

- Allons Cora, réveille-toi donc !

Enfin, elle souleva les paupières. Surprise, elle le regarda comme dans un rêve avant de murmurer.

- Tu es de retour ?

- Oui. Tu ne devrais pas être dehors à cette heure-ci. Il fait frais.

Toute encore ensommeillée, Cora avança une main vers le menton de Dean pour le caresser.

- Tu m’as manqué.

- Toi aussi Trésor.

Sans vraiment se rendre compte du geste qu’elle posait, elle entoura d’un bras le cou de Dean avant de l’attirer vers elle. L’homme tenta de résister. Instinctivement, la pression des doigts de Cora se relâcha. Les lèvres légèrement entrouvertes, elle l’observa comme pour lui donner le temps de se décider. Bouleversé par le regard tendu vers lui, il s’immobilisa quelques secondes puis s’abaissa vers elle.

D’abord léger, le baiser s’intensifia et Dean en gémissant resserra son étreinte. Une éternité passa. De longs moments de plaisir renouvelé, comme si leurs deux bouches une fois unies, étaient incapables de se détacher.

Enfin, leurs lèvres se séparèrent et celles de Dean allèrent se perdre dans ses cheveux. Etouffée par ses sentiments, Cora ne put s’empêcher de s’écrier :

- Oh Dean, comme je t’aime !

Mais l’instant qui suivi, elle sut qu’elle venait de prononcer une phrase de trop. Lentement, Dean dénoua les doigts de la jeune fille encore autour de son cou et dit rageusement :

- Cela n’aurait pas dû se passer.

- Mais pourquoi ? Tu en avais autant envie que moi. Ose prétendre le contraire.

- Je ne le ferai pas ; mais ce comportement n’est pas digne de nous. Tu es et resteras toujours ma sœur. Tâchons de ne jamais l’oublier.

A ces mots, Cora sentit le froid s’insinuer dans son cœur. Impuissante, elle suivit des yeux Dean qui s’éloignait sur ces mots :

- Rentre te coucher ou tu prendras froid.

Frappée par l’involontaire ironie, Cora éclata d’un rire amer qui bientôt se transforma en larmes.

La veille du mariage, Cora fut envahie d’angoisse et ne voulut pas se retrouver seule durant les festivités. Elle se décida alors à inviter un de ses amis. Depuis leur rencontre six mois auparavant, le jeune homme, Steve Lawson, ne lui avait pas caché qu’il désirait plus qu’une simple amitié entre eux. Cora, amoureuse de Dean ne se sentait pas capable de répondre à ses attentes. Mais elle appréciait Steve qui la faisait souvent rire grâce à un humour qui résistait à toutes épreuves.

Un rayon de soleil réveilla Cora et sa première pensée fut pour Dean qui se mariait aujourd’hui. Ils ne s’étaient plus revus depuis la nuit où ils s’étaient embrassés. Elle avait d’ailleurs l’impression qu’il l’évitait et en souffrait.

Lorsqu’elle descendit, l’effervescence au rez-de-chaussée était à son comble. La cérémonie à la mairie devait se dérouler à quatre heures de l’après-midi et chacun s’absorbait dans ses préparatifs.

Elle le vit juste avant qu’il ne prenne le départ pour la mairie, escorté par son témoin, Olivier Codjo un de ses partenaires et amis. Il était pratiquement le seul avec qui Dean avait des contacts autres que professionnels.

Alors qu’il descendait les escaliers, Cora l’admira. Il était magnifique dans son costume noir qui mettait en valeur sa taille élancée. D’ordinaire très séduisant, il dégageait en ce jour un charme inhabituel. Lorsque leurs yeux se rencontrèrent, Dean s’immobilisa un instant pour ensuite dévaler les marches et atteindre la terrasse où l’attendait Olivier.

Cora était plongée dans de pénibles réflexions lorsque sa mère l’interpella :

- Ton ami vient toujours te chercher ? On peut partir ?

- Oui maman. Dès qu’il sera là on vous rejoindra sans tarder.

Quelques minutes après leur départ, Steve apparut. Elle s’installa à ses côtés et celui-ci insista pour déposer un baiser sur ses lèvres après l’avoir complimentée. Ils arrivèrent au moment où Monsieur Kéty amenait sa fille vers son fiancé.

Pour Cora, la cérémonie se déroula presque comme dans un cauchemar et à plusieurs reprises elle eut envie de s’enfuir de la salle en courant. Mais Steve, à ses côtés, lui tenait fermement la main comme pour lui communiquer le courage dont elle avait besoin.

Lorsque les nouveaux mariés sortirent sous les hourras pour les photos souvenirs, Steve qui essayait de se frayer un passage vers la sortie en compagnie de Cora, soupira d’un air espiègle :

- Cora, sais-tu que tu seras magnifique en robe de mariée ?

- Je l’espère bien !

- Mais uniquement si c’est moi l’heureux élu !

- Oh Steve, tu ne changeras jamais ! Quand commenceras-tu à être sérieux ?

- Mais je suis sincère Cora ! Je n’aurai de cesse que lorsque j’aurai gagné ton amour et je ferai tout pour y parvenir.

- Alors ramène-moi à la maison pour que je puisse me changer.

- Mais pourquoi ? Tu es très belle ainsi !

 - As-tu déjà vu une jeune fille aller à une soirée dansante en tailleur ? Une belle robe ne serait-elle pas plus adéquate ?

- J’avoue que tu as raison, Trésor.

- Ah, toi aussi tu es contaminé par le virus ?

- Un mal merveilleux. Je ne vois pas le nom qui pourrait t’aller mieux que Trésor, à l’exception d’un seul bien sûr.

- Lequel s’il te plait ?

- Mais le mien naturellement. Cora Lawson. N’as-tu pas l’impression qu’il a l’intonation d’une merveilleuse mélodie ?

Lorsqu’ils atteignirent la voiture de Steve, celle des mariés s’éloignait déjà, suivie de nombreuses autres vers le luxueux restaurant de Monsieur Kéty pour le moment transformé en un lieu de contes de fées.


Le Droit d'aimer