Chapitre VI

Ecrit par Tiya_Mfoukama

Chapitre VI


Sur un air de rumba qui joue en fond sonore sur mon téléphone, je me dis que je devrais mettre un peu de coriandre, pour relever un peu le goût de mon plat. 

Mais où est-ce que j’ai mis ça ? 

Hummmm, mais il me semblait qu’il m’en restait ?
J’ouvre mon placard à épices et repère un bouquet de coriandre, je prends quelques feuilles et les hache avant de les mettre dans mon bouillon de poisson. Ce soir, on est jeudi et j’ai pas vraiment envie de me prendre la tête. Je me fais un petit plat simple que j’aime et qui ne prend pas de temps. C’est bientôt le week-end, et la fatigue commence à se faire sentir....

“toc, toc, toc”

Je pivote ma tête sur ma droite pour voir Kala dans l’embrasure de la porte, petite culotte blanche, et chemisier bleu-blanc, impeccablement coiffée et maquillé comme toujours. Elle a son téléphone à l’oreille et balaie la pièce du regard en fronçant des sourcils. C’est sûrement les petites babioles en plus que j’ai rajoutées qui doivent l’intriguer. 
Je les ai rajoutées au fur et a mesure mais ça fait un petit moment qu’elle n’est pas venue à la maison. Les ajouts doivent être plus marquants.
Je lui fais un petit signe de main, auquel elle répond par un hochement de tête, puis je lui demande si elle veut manger avec moi, ce qu’elle accepte. 
C’est sympa, je mangerai pas seule aujourd’hui.

-Qu’est-ce que tu prépares? Me demande-t-elle la main sur le micro de son téléphone
-une bouillon de poisson… Tu parles avec qui ?
-Personne. Répond-elle en sortant de la pièce

Je vais prendre quelques safous que j’ai achetés en début de semaine et que je prépare à la poêle pour moi et à l’eau pour Kala, avant de sortir deux bâtons de kwanga qui feront office d’accompagnement. 
J’éteins le feu du bouillon et vais dresser la table dans le salon puis retourne en cuisine pour mettre le bouillon bien chaud dans un plat que je dispose sur la table avant de m’installer.

-Ils viennent d’où ces coussins ? Me demande Kala qui vient de raccrocher
-D’une boutique de déco. Ils sont sympas hein ?
-Hummm, les bougies aussi ?
-Oui. Au début je trouvais ça trop mais Elodie m’a convaincu de les prendre et finalement je trouve que le rendu n’est pas si mal.
-Elodie ta collègue de travail ? Lance-t-elle en prenant place sur une chaise
-Oui. Tu dis le bénédicité ?

Elle me regarde en biais, puis rapproche ses mains avant de commencer la prière.
Quand elle finit, je me lève pour aller chercher les safous. 

-J’ai fait les tiens à l’eau comme tu les aimes. M’exclamé-je en déposant les safous sur la table.
-Merci…. Rohhh qu’est-ce qu’il me veut lui encore. Souffle-t-elle en voyant son téléphone vibrer… Allô chéri…. Mais on vient de se parler….. ah okay, mais là je suis avec ma soeur…. Je sais pas, j’ai pas l’argent du taxi …. mais non, je t’avais dit que j’allais donner ça à maman, je l’ai fait depuis….d’accord. Tiens moi au courant…. bisous chéri.
-C’est toujours personne ?
-Tchiiiip, c’est un gars comme ça… Fait-elle en balayant l’air de la main. 
-Huuum

“ding”
Je détourne ma tête pour voir la diode blanche de mon téléphone clignoter, ce qui m’indique un message. Je souris avant même de prendre mon téléphone, et élargie mon sourire quand je vois le prénom de l’expéditeur du message

Ari: 
Omelette à la sardine sur son lit de pâtes alimentaires, accompagnée d’une sauce mayonnaise, aux oignons cramés d’un côté, caramélisés de l’autre et d’un coulis de “corrige madame”. Équilibre. Et toi, tu peux rivaliser avec ma préparation ?

Son message est accompagné de la photo d’une omelette à la sardine posé sur des pâtes, avec sur les bords de l’assiette un gros tas de mayonnaise mélangé à un liquide marron, sûrement l’arôme maggie qu’il appelle corrige madame.
J’éclate de rire comme s’est pas permis au point d’essuyer des larmes. 
C’est un truc entre nous depuis quelques semaines; on s’envoie les photos de nos plats et on regarde qui a la meilleure appellation et la meilleure présentation. Et le matin, on se taquine sur les appellations farfelus qu’on donne à nos plats. C’est bon enfant et ça met de l’ambiance dans la voiture.

-On peut savoir ce qui te fait rire comme ça ?
-Hein...euh...rien, rien...C’est ...c’est Elodie et ses blagues ! Ai-je menti en essuyant mes larmes.

Le regard froid qu’elle me lance me fait redescendre un peu sur terre.
Je préfère pas lui dire que c’est Shomari, elle pourrait mal le prendre. D’après ce qu’elle m’a dit, ils ne sont plus ensemble, elle ne le trouve pas près à s’engager dans une vraie relation et a préféré prendre ses distances. Je ne lui ai pas posé plus de questions parce que ça ne me regarde pas, c’est entre elle et Shomari. 
Bien que ce soit elle qui ait mis fin à leur relation, je pense qu’il ne serait pas judicieux de lui dire que je parle avec lui et pire qu’il me dépose au boulot chaque matin depuis maintenant deux mois.

-Ça fait deux ans que vous bossez ensemble, et j’ai jamais entendu parler d’elle, mais depuis un mois vous êtes close. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

J’ai fait la même remarque à Elodie, et elle m’a dit qu’avant, je paraissais trop fermée, je me comportais comme une recluse, et elle ne voulait pas me déranger, mais il semble que j’ai récemment commencé à m’ouvrir. Moi je ne vois pas trop où s’est située cette ouverture, mais je m’en plains pas, elle m’est bénéfique.

-Rien de spécial, on s’est simplement rendues compte qu’on s’entendait bien.
-Hummm okay

Je replonge mon nez dans mon téléphone sans trop analyser son “humm okay” et envoie la photo de mon plat à Shomari avec un message :

Moi, 21h16
Cataractes en assiette avec ses rochers de kwanga,

Ari, 21h17
Tu te fous de moi ! Des rochers de kwanga ? 
Où est-ce que tu vas trouver tes appellations là ? 
Puis elle est brouillonne ta présentation ! 

Moi, 21h18
Elle n’est pas brouillonne mais sauvage, et nature, à l’image des cataractes !

Ari, 21h18
Mwana Mayéla ! En action !

Je souris, parce que je sais que je l’ai fait rire avec mon dernier message. 
Quand on est ensemble et qu’il m’appelle “mwana Mayéla”, il sourit toujours

-Sinon, je peux toujours rentrer chez moi et vous laisser discuter par message. Lance Kala
-Hein ?! Mais non, désolée. M’excusé-je en posant mon téléphone. On réglait une petite affaire, mais on parlera de ça demain. Quoi de beau ?

Nous nous mettons à discuter, rattrapant ce mois ou nous ne nous sommes pas vraiment vu et avons passé plus de temps dans des discussions téléphoniques. 

-On sort prendre un verre demain soir ? Me propose Kala sur le pas de la porte
-Non, je passe mon tour, Elodie m’a invitée à manger demain soir.
-Ah
-Mais tu peux te joindre à nous. Ajouté-je en voyant la tête qu’elle fait 
-Non.Bon, à un de ces jours, quand tu auras mon temps 
-Oh arrête, je viens te de proposer de venir ! 
-Mais ça ne me dit rien. Lance-t-elle sèchement

Okay, je n’insiste pas.
Je sais qu’elle a mal pris mon refus. Elle ne le dit pas mais, elle aurait voulu que j’annule le diner avec Elodie pour aller boire ce verre avec elle. Sauf que moi je n’en ai pas envie. 
J’aime bien être avec Elodie, je la trouve joviale, très souriante et tellement simple. Avec elle je suis sûre de passer un agréable moment. 
Ça me rappelle que je dois lui envoyer un message. 

Après avoir salué Kala et refermé la porte, j’envoie un message à Elodie pour lui confirmer que c’est moi qui prendrais les viennoiseries demain matin, puis un autre à Shomari pour répondre à son message précédent.
Le dernier ne me répond pas, il doit sûrement dormir, tandis que la première m’envoie un message qui me rappelle une promesse que j’ai stupidement faite:

Elodie, 22h50
Arrête de me distraire, demain tu viens habillée comme on a dit sinon tu n’entreras pas dans le bureau, je te dis en même temps

Roh, c’est vrai qu’elle n’oublie rien elle. Mais qu’est-ce qui m’a pris de lui dire oui ?
Je pousse un long soupir avant d’aller ranger le salon puis entre dans ma chambre et m’assieds sur mon lit face à mon armoire. Il est l’heure pour moi de préparer ma tenue pour demain, mais officiellement, elle est déjà prête. 
En fait, il s’agit de la tenue achetée il y a un mois chez Natacha, tenue que j’ai fini par prendre sous l’insistance d’Elodie. Je ne l’ai jusqu’à présent pas portée et avant-hier, au détour d’une discussion Elodie s’est souvenue d’elle et m’a mise au défi de la porter ce vendredi. J’ai accepté de relever le défi sur l’instant mais à la veille du jour J, je ne me vois pas la porter. 

Bon, il ne faut pas que j’y pense, sinon je vais m’imaginer mille et un scénarii où je me ridiculise parce que je l’ai portée et je serai bêtement stressée.
Je vais aller dormir et demain matin, je trouverais un moyen d’amadouer Elodie. Je pourrais lui faire un gâteau aux yaourts rapide, elle aime bien ça. 
Ouais, je vais faire ça.

Le lendemain matin, 6h30, je soupire pour la énième fois devant mon reflet. Piouf. Cette tenue est… Super jolie. Je mentirais si je disais que je n’aime pas le rendu, parce qu’à l’heure où je me regarde, je me sens juste…. Belle ! Oui belle. Pas passable ou mignonne, mais belle. 
Ouais,c’est le mot. 
La jupe pourrait être un tantinet trop courte mais, c’est ce qui donne ce côté girly à la tenue , et permet le rendu que ça a. Puis je ne trouve pas mes jambes si dégueulasses que ça. Elles ne sont pas flasques et rendent assez bien.
Il y a bien longtemps que je me suis arrêtée devant un miroir pour regarder ma taille marquée et reconnaître qu’elle mettait en avant ma poitrine pas si mal que ça. Ou c’est le haut qui donne cette impression? 

-Naaan. Fais-je avant d’éclater de rire. Mayéla, tu es folle. Bon ma fille, c’est cool que tu te trouves belle mais va falloir aller te changer, il est…. Quelle heure il est ?

Je récupère mon téléphone et prends connaissance de l’heure.
Mon dieu, c’est pas vrai ! Il est 50 ! Je viens de passer 20minutes à m’admirer dans le miroir, c’est pas …

“Toc, toc, toc”
C’est qui ça ?

-Qui est-ce ?
-Euh, c’est moi. Ari 

Mais quelle conne je fais, c’est évident qu’il s’agit de Shomari. Le matin, j’ouvre toujours mon portail pour qu’il n’ait qu’à toquer à ma porte lorsqu’il arrive.
Merde, merde, merde. Je peux pas… je peux pas ouvrir comme ça !

-Mayéla ? 
-Une minute ! Crié-je à travers la porte. Je …. je ….

Mais je rien du tout, me dis-je en soupirant. 
Je vais aller lui ouvrir, me ridiculiser sous son regard puis aller me changer. Voilà tout.
Je me dirige d’un pas mort vers la porte d’entrée et ouvre la porte à Shomari, qui reste silencieux pendant une bonne vingtaine de secondes.

-Tu dois me trouver ridicule comme ça hein mais. Tu vas rire. Dis-je dans un sourire sans joie
-....Non, non, je te trouve très sexy. Enfin jolie, tu es très très jolie.
-Oh…
-C’est… Ça te va bien. Murmure-t-il en s’attardant sur mes pieds. Tu as de très beaux pieds
-.... Merci….

Je suis encore plus gênée qu’il y a cinq minutes mais c’est à cause du regard qu’il pose sur moi. Je le sens un peu trop insistant et pas sur la bonne partie de mon corps, c’est à dire mon visage.

-On devrait y aller maintenant sinon… on pourra plus contrôler la suite des événements ? Dit-il d’un voix grave que je ne lui connais pas
-Quels événements ?
-...Les embouteillages, on pourra pas contrôler notre sortie des embouteillages.
-Ah oui, mais je voulais…. Laisse tomber.

Quand le vin est tiré, il faut le boire jusqu’à la lie. 
Je retourne dans ma chambre prendre ma veste puis le rejoins dans sa voiture. J’essaie de cacher un maximum des cuisses mais, la jupe n’a pas assez de tissu pour alors je pose ma veste sur mes cuisses. L’inconvénient, c’est que maintenant, c’est ma poitrine qui est mise en avant.

Le trajet se fait dans le silence pour la première fois depuis qu’on parle assez bien tous les deux. 
Je bidouille quelques salutations lorsqu’il me dépose devant l’immeuble de mon boulot et marche la tête baissée jusqu’à mon bureau en priant pour que Kamoua qui se trouve à l’accueil, ne m’interpelle pas. Mais c’était trop beau pour être vrai.
Je ne discute avec lui que quelques minutes, rectifiant son erreur; il m’avait prise pour une nouvelle.
Je reprends ma route vers mon bureau et quand j’y arrive enfin, je balance tout de go à Elodie, en prenant place derrière mon bureau

-Pas de commentaire s’il te plaît. Je me sens assez ridicule comme ça.
-Ridicule ? Tu te sens ridicule ? Tcha pas vu la tête de Makoua quand tu es entrée ? 
-Arrête, Elodie….
-Hummm la qualité d’oeillères que tu as là me traumachoque. Lance-t-elle en se positionnant devant son ordinateur. Mais une dernière chose. C’est pas ton prénom qui veut dire, intelligence, génie ou Einstein là ?
-... Où est-ce que tu veux en venir. Demandé-je blazée.
-Mais pour quelq'un qui s’appelle intelligent, tu peux pas faire et ta tête va ressembler à une personne intelligente ? Regarde, ton tissage n’est même pas peigné, tu n’as même pas fait semblant de mettre même la salive sur tes lèvres pour dire que ça brille, on dirait on t’a déterré ! Ou bien c’est un coup que vous avez fait avant de venir et tu t’es pas bien arrangée ?
-ELODIE ! Fais-je outrée
-Non, c’est pas ça sinon t’allais être relaxe. Bon viens, je vais t’arranger un peu.

Elle sort sa trousse de maquillage de son sac puis vient se placer en face de moi et se met à me maquiller. 
D’habitude je me maquille, je mets un peu de poudre, un peu de crayon sous les yeux et du gloss sur les lèvres, mais j’ai pas eu le temps ce matin, principalement parce que je devais pas porter cette tenue, mais aller lui dire.
Quand elle estime avoir fini de me maquiller, elle prend quelques pin’s et fait rentrer mes cheveux, de sorte qu’ils paraissent plus courts.

-Là tu ressemble à quelqu'un d'un peu intelligent

C’est sa façon à elle de dire qu’elle est satisfaite de son travail

-Je peux bosser maintenant ?
-Où sont les viennoiseries ?
-C’était soit je venais habillée comme tu me vois soit je prenais les viennoiseries.
-Hummm

Même si ce n’est pas la raison, je souris parce qu’elle ne le sait pas et ne peut rien me dire. 
La journée s’est plutôt bien passée, et j’ai été surprise de cette nouvelle et soudaine attention que m’ont porté les hommes de ma boite. J’ai eu droits à des compliments, des regards appréciateurs et quelques sous entendus déplacés, mais ce n’était que deux ou trois qu’Elodie s’est chargée de remettre dans leur contexte avec en prime un recadrage en bonne et due forme pour les éméteurs.

Nous venons d’arriver dans un bar, ce n’est finalement plus un diner, avec Daria, et Pascal, deux collègues, avec qui ont déjeune souvent.

-Fallait qu’on invite Brice, avec Mayéla à notre table, ils allaient payer nos boissons ! Lance Daria
-Et moi je ne suis pas en mesure de payer ? Questionne Pascal
-Chou, faut pas te vexer, c’est que tu allais économiser ton argent. Aujourd’hui la foudre est tombée sur Brice, le pauvre il doit encore avec des restes de décharges électriques à l’heure là. Dit elle avant d’éclater de rire
-Malheureusement pour lui la place est déjà prise. Intervient Elodie. Je mens ?

Je veux infirmer ses propos quand mon téléphone posé sur la table se met à sonner et affiche le numéro de Shomari

-Voilà son garant qui l’appelle.
-Elodie…
-Mon prénom est sucré dans ta bouche. Fait-elle en prenant son verre qu’elle sirote en dansant sur sa chaise.

Je décroche mon téléphone et mets ma main devant ma bouche afin qu’il m’entende mieux

-Allô ?
-Hey, ça va, j’appelais pour prendre de tes nouvelles. Tu m’as un peu oublié aujourd’hui. Ca a été ta journée ?
-Je suis désolée, c’était pas un de ces vendredis où tout est calme malheureusement. Et la tienne ?
-Calme, j’ai même fini plus tôt pour te dire…. T’es pas chez toi ? J’entends du bruit derrière toi
-Oh non, je suis avec quelques collègues, on est venus boire un verre et…

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’Elodie m’arrache mon téléphone et j’ai le temps de l’entendre crier “Beau frère”, avant de se diriger vers les toilettes.
Mais qu’est-ce qu’elle est en train de faire ?
Elle revient moins de deux minutes plus tard, le sourire aux lèvres et m’ignore royalement lorsque je lui demande ce qu’elle lui a dit. Je le devine une trentaine de minutes plus tard, quand je vois Guislain et Shomari s’approcher de notre table.
J’avais réussi à me détendre et oublier les regards posés sur moi depuis le début de la journée, mais le voir m’a remis dans un état de stress sans nom. Je ne comprends pas pourquoi je deviens toujours aussi stupide lorsqu’il est dans les parages. Pourtant je le vois quasiment tous les jours, je devrais être habituée à son parfum, à sa présence à tout ce qu’il dégage mais non. 
Je suis toujours aussi troublée

-Beau frère ! Tu as fait vite comme ça, je t’ai dit que je gère pour toi non ? Dit Elodie, en se levant pour saluer Shomari
-Je sais, c’est pour ça que j’ai traîné. Je te présente Guislain un ami.
-Enchantée. Moi c’est Elodie

Je me lève pour saluer Guislain puis le présente au reste de la table avant de me rasseoir.

L’ambiance est toujours aussi joyeuse qu’à notre arrivée, mais la proximité qu’il y a entre Shomari et moi, m’empêche de formuler une phrase cohérente sans, un bégaiement ou quelque chose qui y ressemble. Je ne suis pas bègue, mais lorsque je suis stressée, ou sous le coup d’une vive émotion, mes mots se mélangent et ne se formulent pas comme il le faudrait.
Je reste donc silencieuse et me contente de boire mes trois verres de cocktails qui finissent par me destresser. 
Les musiques diffusées sont assez sympas, d’ailleurs tout notre groupe s’est levé pour aller danser excepté shomari et moi

-Ça va. Me demande Shomari à mon oreille
-Humm, j’ai juste un peu chaud. Dis-je en m’adossant à mon siège. Je vais me commander un autre verre
-Et si on sortait prendre l’air, je pense que ce serait mieux

Bof, c’est pareil pensé-je en haussant mes épaules.
Il me tend sa main que j’accepte, puis me lève et le laisse me diriger vers la sortie du bar. On marche pendant quelques minutes dans le silence profitant de l’air frais . 

-Alors, c’est pas mieux ? Me demande Shomari pour rompre le silence
-Je reconnais que l’air frais est préférable à un verre de cocktail
-........Je ne savais pas que tu aimais autant les cocktails
-Moi non plus. Dis-je en riant

Il s’arrête de marcher et me fait face, les mains dans les poches.
C’est aujourd’hui que je remarque qu’il est plus grand que moi même avec des talons et qu’il a les traits du visage tirés.

-T’es dans un état avancé ? 
-Non.
-....
-Tu devrais plus te reposer, les traits de ton visage sont tirés.
-Pas possible, je dois réfléchir à mes futurs préparations culinaires. Affirme-t-il sur un ton solennel
-hihihi, d’ailleurs, c’est moi qui ai gagné toute cette semaine, et les semaines précédentes, tu me dois un cadeau
-Si ça peut te faire plaisir de croire que tu as gagné vas-y. Qu’est-ce que tu veux comme cadeau? Me demande-t-il les yeux plongés dans les miens

Je détourne le regard, puis fais un pas en arrière quand je me rends compte de l’espace, ou du peu d’espace qui nous sépare.
Il y a comme une tension entre nous que je préfère éviter de mesurer.

-On devrait y retourner. Lui proposé-je en marchant vers le bar
-...okay

*****

-Rentre bien mec. Mayé, à une prochaine !
-D’accord, bonne nuit Guislain

Un dernier signe de main et je reprends la route pour déposer Mayéla. Cette journée a été trop longue et j’ai hâte qu’elle se finisse. Mon esprit a besoin d’arrêter cette torture que je me suis infligée tout seul. 
J’aurais jamais imaginé que Mayéla arriverait à me mettre dans un état pareil. Depuis que je l’ai vu ce matin, je me fais de ces films, plus dingues les uns que les autres au point où j’ai pas pu bosser. Mais quelle idée de se balader dans un haut et une jupe pareils ? 
Je me suis promis de ne pas la toucher, de ne rien tenter et je vais m’y tenir. J’ai vu ce que ça a donné avec Peny, et je ne veux pas que ça se reproduise avec Mayéla. On s’entend bien tous les deux et j’aime la complicité qu’il y a entre nous. D’accord, il y a des moments où son côté timide reprend le dessus mais, il suffit de la mettre à l’aise et il disparaît aussi vite qu’il est venu.
Ça fait un bail que je n’ai pas eu une relation amicale aussi saine avec une femme, je veux que ça perdure. Je ne veux pas tout foirer comme les fois précédentes.
J’ai essayé de repartir vers Peny mais elle ne veut plus entendre parler de moi.
Elle reste une personne que j’apprécie et ça me fait chier qu’on se soit quittés sur une si mauvaise note.
Je laisse le temps faire son travail, en espérant que ça ne prendra pas une décennie.

-On est arrivés. L’informé-je en coupant le moteur.

Comme à chaque fois que je la raccompagne, je la reconduis jusqu’à son portail et lui demande de tout de suite fermer après moi.

-Tu penses sincèrement que j’oublierai une chose aussi importante ?
-On ne sait jamais, vous les femmes…
-Ouuuh, je t’ai dit que je n’étais pas saoule. Alors je serais toi, je m’arrêterai là. Parce que je n’oublierai aucuns de tes propos.
-Okay, je vais me taire, bonne nuit mwana.

Par habitude, je me penche vers elle pour la prendre dans mes bras, puis on s’embrasse. D’accord, je l’ai embrassée et elle a répondu. J’en avais envie depuis le début de la journée. C’est agréable comme je pensais, elle a les lèvres douces au goût sucré et acide, dû à ses cocktails. 
Je la relâche quelques secondes plus tard et retourne à ma voiture en me félicitant de ne pas avoir craqué. J’ai rien poussé, je me suis arrêté au moment opportun. 
Il fallait juste que je goûte ses lèvres...

KULA