Il est 6h 30 quand mon téléphone sonne ce 1^er décembre. Je m’étire en baillant.  Mes yeux tentent de s’adapter à la lumière du jour qui perce à travers les rideaux aux fenêtres. Je sais qu’il n’y a qu’une personne capable de me réveiller à une heure pareille.

- Bonjour Akisha. Laisse-moi deviner ! Ta grasse-matinée a duré une demi-heure aujourd’hui, n’est-ce pas ?

Mon amie me répond :

- ça fait une heure que je suis debout. Hey, tu devrais me féliciter. J’ai quand même tenu une heure avant de t’appeler.

Je souris en lui répondant :

- Mademoiselle a fait des efforts. Bien, je t’écoute ! Que puis-je pour toi, un samedi à 6h 30 ?

Elle hésite un instant puis me dit :

- Que fait-on à Noël ? Je veux dire, j’ai lu un article dans le magazine que tu m’as acheté hier. Ils disent qu’il faut un sapin, des guirlandes et de la dinde à table. Et il faut acheter des cadeaux.

J’ai un temps d’arrêt, juste quelques secondes. Je finis par lui dire :

- Akisha, je n’ai pas compris ta question. Comment ça que fait-on pour Noël ?

Elle souffle et c’est d’une voix à peine audible qu’elle me demande à nouveau :

- On fait quoi à Noël ? C’est vrai cette histoire de sapin ? Et les chocolats ? Et le lait de poule ? Et le gui ?

Second temps d’arrêt pour mon cerveau. Je sors du lit et me dirige vers la fenêtre qui donne sur le jardin. Je lui lance :

- Je ne comprends pas ta question, Akisha. Euh ! Que veux-tu savoir ?

- Alice ! Je veux savoir si tout ce que cette journaliste a écrit dans son article est vrai. L’article s’intitule : « Pour un Noël magique ! »

Cela fait trois mois qu’Akisha et moi sommes amies. Nous avons été présentées à la journée portes-ouvertes de l’école de commerce de Toulouse, dans laquelle j’étudie. Elève de 3^ème année, j’ai été choisi par mon professeur d’économie pour chaperonner Akisha durant sa première année dans notre école. Depuis, nous avons une relation particulière. Je me moque souvent car je la trouve coincée. Elle s’habille comme un pied et n’a aucun gout pour la musique. Elle m’a demandé d’entrée de jeu de la mettre à la page côté musique. Quand j’ai su qu’elle ne connaissait ni Tayc, ni Rhianna ni Burna Boy, j’ai compris qu’il fallait faire quelque chose. Mais lorsqu’elle m’a dit qu’elle n’est jamais allée au cinéma, j’ai compris que j’aurais fort à faire.

C’est avec beaucoup de bonheur que je lui fais écouter du zouk, de la rumba, du rap gabonais… Elle rigole à chaque fois. Elle ne se laisse pas aller à danser parce que, dit-elle, ce serait une catastrophe pire que la première guerre mondiale. Au moins, elle connait l’histoire !

- Akisha, Noël, c’est Noël, quoi ! C’est la magie, c’est la féérie, c’est le bonheur. A Noël, on oublie tout : les colères entre frères, les dettes et la maladie. On mange, on danse, on sourit. Enfin, on célèbre le bonheur d’être en famille ! Un peu comme à Thanksgiving, aux USA, quoi !

Elle passe alors en mode vidéo. Je la vois qui hausse les épaules, le visage perplexe. Elle me demande :

- On fait la fête. Quoi, on fait la fête comme jeudi dernier chez Paul et Rita, c’est ça ? On boit de l’alcool, c’est ça ?

J’éclate de rire et lui réponds :

- Mais non, Akisha. Là, ce que nous avons fait chez Paul et Rita, c’est se torcher la gueule ! C’est beuverie, quoi ! Tu n’as quand même pas l’intention de faire le dragon à Noël ! On y va mollo, à Noël. Une flute de champagne et c’est bon !

Je la regarde et la sens vraiment perdu. C’est là qu’elle me confie :

- Je n’ai jamais fêter Noël. Je…

- Comment ça tu n’as jamais fêté Noël ? On ne fête pas Noël en Normandie ?

Elle hausse les épaules et dit :

- Je suis Témoin de Jéhovah, Alice. Je l’étais. Je…

- Ok ! Première nouvelle. Pourquoi ne me l’as-tu pas dit dès le début ? Je veux dire, ça fait trois mois que l’on se connait. Ah, je comprends mieux ! C’est donc pour ça que…

- Pas de Noël. Pas d’anniversaire. Pas de cette fête dont tu m’as parlé. Tu sais, le 14 février. En fait, jamais de fête. Je… J’aurais dû te le dire dès le début. Mais j’avais peur que tu me rejettes. Que tu me prennes pour une extraterrestre.

- Au moins, tu connais les extraterrestres. Bon, une virée shopping s’impose. Pour un Noël réussi, il nous faut tout d’abord, un sapin. Je serai chez toi à 8h 30. Ensuite, on y va, avec le sourire et la bonne humeur. Ces deux éléments sont de mise pour réussir ton Noël !

Je raccroche et me dépêche d’aller prendre une douche. Je me prépare ensuite un petit-déjeuner en me demandant comment je me sentirai quand Akisha plus jamais ne me réveillera aux aurores pour me poser des questions naïves.

Avant de quitter la maison, je prends un bloc-notes et mon stylo licorne fétiche. C’est à l’encre rose que je fais une liste de course en mettant en vedette en lettres capitales, SAPIN

GUIRLANDES

ETOILE

BOULES

BRANCHE DE GUI…

Je continue tranquillement cette liste en chantant. Je sais que nous sommes étudiantes et que nous devons faire attention à notre budget. Je sais aussi que j’ai envie que le premier Noël d’Akisha soit magnifique. Et les fêtes, j’adore ! il n’y a pas plus inventive que moi pour faire d’un moment de rassemblement, un souvenir inoubliable.

Lorsque je retrouve Akisha au bas de son immeuble, je l’entraine dans le froid de décembre en lui disant :

- Première chose pour embrasser l’esprit de Noël, c’est d’avoir toujours le visage gai. Garde le sourire et tout sera gagné. Ensuite, il faut vêtir des couleurs plus vives, plus gaies.

Là, en passant dans un bureau de tabac, j’achète deux bonnets de Noël. Je lui en pose un sur la tête et de même pour moi. Je prends un selfie que je poste sur Instagram. Nous avançons et continuons les courses. Devant une vitrine de magasin, nous regardons les décorations de Noël. Akisha est fascinée par tout l’attirail proposé par cette boutique. Elle me dit alors :

- Il faut que je note tout car tu ne seras pas toujours là pour m’aider.

Elle prend un carnet de notes et écrit : mon amie Alice m’a dicté cette liste pour les indispensables de Noël :

àLe sapin naturel ou artificiel, des guirlandes, des boules.

àUne bombe de neige artificielle pour écrire « joyeux Noël » sur les vitres.

àDes cadeaux pour les proches.

àUne belle nappe toute blanche pour la table.

àDinde pour le repas de Noël, avec une bûche pâtissière ou glacée pour le dessert.

àUne bouteille de champagne (que l’on peut remplacer par du Champomy ou du cidre).

àUn pyjama aux motifs de Noël.

àDe la musique.

àDes photos.

Je souris en lisant sa liste et lui murmure dans l’oreille :

- Une dernière chose très importante, sans quoi Noël ne sera pas Noël. N’oublie pas que nous sommes étudiantes ! Alors, ajoute un bac de crème glacée avec du sirop de chocolat, un plaid et une soirée devant LOVE ACTUALLY !

Elle sourit et me dit :

- Je comprends mieux pourquoi madame Coudère m’a confiée à toi. Elle savait que ton grain de folie me serait d’un grand bien.

J’éclate de rire et lui réponds :

- Viens, on va se faire un shooting de Noël déguisées en Mère Noël !

 

©Lilly Rose Agnouret

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