Il ne reviendra pas

Ecrit par Fleur de l'ogouée

«Il est vraiment parti, mon Thomas est parti». Ce n’est pas possible, je fais un cauchemar et quand je vais me réveiller Yvan et Maëlle seront au coté de leur père dans le salon entrain de regarder les dessins animés. Je me lèves en sursaut, pourquoi je ne suis pas chez moi ? Je suis une femme mariée qu’es ce que je fais chez mes parents, je vais au salon il n’y a personne, dans la cuisine je trouve Sandra et maman entrain de discuter, « je fais quoi ici » dis-je, elles se retournent surprise de me voir. Maman se lève, viens vers moi et me demande si j’ai bien dormi. Je ne réponds pas mais j’insiste en redemandant ce que je fais ici. Devant leur mutisme je dis

- Maman où sont Thomas et les enfants ???

Je vois Sandra commencée à pleurer, je m’approche pour la consoler je me demande ce qui peut la mettre dans cet état, en générale je suis la plus sensible. Maman se met devant moi et me dit

- Mélanie mon bébé, Thomas est mort, il ne reviendra plus, on l’a enterré la semaine dernière, tu ne t’en rappelles pas ?

J’ai éclaté de rire, mais elles sont devenus folles ou quoi ? Thomas que j’ai laissée le matin là, on l’a enterré où et à quel moment? J’arrête enfin de rire quand maman crie «ça suffit Mélanie reprends toi»



Mme Mbourou Catherine (mamounet)

Une semaine que ça dure, je ne sais plus quoi faire je ne sais pas si Mélanie fait semblant d’oublier que son mari est mort ou si elle ne se rappelle pas, bref je suis confuse. Je la secoue de toutes mes forces pour lui faire retrouver ses esprits mais rien n’y fait, elle crie et demande à voir sa famille. Les jumeaux sont chez Lydia, ils pourront être avec leurs cousins durant cette si triste épreuve. C’était difficile d’expliquer à des bébés de 4ans que leur papa est parti au ciel, et que par la même occasion leur maman est entrain de perdre la boule. Je crie sur Sandra en lui demandant d’arrêter de pleurer, elle est triste mais il faut qu’elle se reprenne, sa sœur ne va pas bien il ne faut pas qu’elle en rajoute. D’ailleurs avec tout ça ma tension commence à monter, ce matin j’étais à 15/10 , je sens que mon cardiologue ne va pas apprécier ces chiffres à mon prochain rendez-vous. En même tant j’ai perdu mon gendre que j’ai appris à aimer comme un fils avec le temps, il faisait entièrement parti de cette famille. Moi aussi je suis dévastée mais pour Mélanie et ses enfants je garde tout dans mon cœur, et je pleure le soir dans mon lit. Je suis veuve, je sais ce qu’elle endure mais rien que pour ses enfants, elle doit s’accrocher à la vie. Pendant que j’ai le dos tourné, Méli profite à s’échapper de mon emprise, elle s’approche du tiroir à couvert et sort un couteau à steak. J’ai l’impression que mon cœur va lâcher. Elle se met à hurler

- LAISSEZ MOI PARTIR, JE VEUX VOIR MES ENFANTS ET MON MARI TOUT DE SUITE. SI VOUS NE M’EMMENEZ PAS JE ME TUES ET J’IRAI DIRE A PAPA AU PARADIS QUE VOUS M’AVEZ PRIVÉE DE MA LIBERTÉ ET DE MON BONHEUR

La scène est surréaliste, je regarde ma fille dépitée mais il faut que j’agisse, je me faufiles furtivement hors de la cuisine et j’appelle mon gardien, ça tombe bien d’autres collègues sont venus boire du thé avec lui. Je leurs demandes de rentrer doucement, elle a un couteau elle pourrait faire n’importe quoi avec. Mais à peine sont ils rentrés qu’ils ont réussi à la canaliser, il l’attache ses mains entre elles, j’ai le cœur en morceaux. Qui pourrait voir sa fille attachée comme un gibier. Quelques larmes s’échappent de mes yeux mais je les essuient du revers de la main. Je fouilles mon téléphone, et je lance l’appel. Il est grand temps d’informer mes frères pour leur dire que ça ne va plus. Quand j’appelle Adrien mon petit frère qui est médecin il décide de venir voir lui même ce qui se passe, en trente minutes à peine il est là. Je lui explique ce qui se passe depuis une semaine, il s’approche de Mélanie qui semble beaucoup plus calme. Néanmoins elle réagit à peine, elle a l’air déconnecter. Adrien nous laisse un instant pour passer un appel dehors, ma sœur aussi est venue pour nous assister. «Il va falloir qu’on aille à Melen» dit Adrien en revenant dans la pièce, « chez les fous » crie Sandra qui était calme jusque là

- On dit hôpital psychiatrique Sandra, et ta sœur ne va pas bien, dit Adrien

- On peut y aller quand? dis-je

- Maintenant, mon ami le Docteur Assoumou nous attend là bas

Sans plus de mots, on transporte Mélanie jusqu’à l’hôpital Melen directement au service psychiatrique, l’ambiance est glauque et froide, nous avançons en silence. Le docteur Assoumou nous reçois d’abord Adrien et moi dans son bureau, tandis que le gardien ma sœur Mado, Sandra et Mélanie attendent dehors. Il me demande de raconter ce qui se passe en mentionnant même les détails les plus futiles, après avoir écouter attentivement. Il sort un dossier et commence à me poser tout un tas de questions, il me demande des précisions sur chacune des étapes de la vie de Méli de sa naissance à aujourd’hui, je réponds au question sans trop savoir pourquoi, mais Adrien qui semble acquiescer sa manière de fonctionner, donc je ne boude pas. Quand il a fini de faire le dossier, il demande à ce qu’on fasse rentrer Mélanie, elle tient à peine sur ses jambes mais arrive tant bien que mal à s’asseoir. Il lui pose des questions auxquels elle répond vaguement, mais quand il parle de Thomas, elle se met à dire pleins de choses incohérentes.

- Dr Assoumou : Mélanie, vous pensez que votre mère ment à propos du décès de votre mari ?

- Mélanie : Bien sur que oui, elle me raconte qu’on l’a enterré alors que ce matin encore on a pris le petit déjeuner avec les enfants

- Et il y avait quoi au menu de ce matin?

- Des œufs bouillis, il faut savoir que Thomas peut en manger 10 par jour, des croissants, une salade de fruit et des yaourts

- Pas de café?

Ça commence à me fatiguer, l’enfant divague complètement et lui il lui demande si il y avait du café à un petit déjeuner qui n’a pas eu lieu. Il continue à parler avec elle, mais il tend discrètement à Adrien une ordonnance, aussitôt il sort, moi j’hésite entre rester et sortir, avec le cœur lourd je me lève il faut que je demande à Adrien si il est sur que son collègue sait ce qu’il fait. À peine sorti Adrien me dit

- Oh ne t’inquiète pas je vais payer les médicaments et je reviens

- ( En murmurant) Tu es sur des méthodes de ton ami ?

- Cathy, c’est un médecin de grande renommé, même les grands psychiatres de ce pays l’on validé. Il sait ce qu’il fait, si tu veux attends moi ici le temps que je revienne avec les médicaments

Je reste donc dehors, ensuite quand il revient avec les médicaments, c’est une Mélanie toute souriante que nous retrouvons dans le bureau, elle semble toujours être à l’ouest mais au moins elle rigole c’est déjà ça.

- Adrien: je suis surpris que tu n’es pas mis un anxiolytique sur l’ordonnance

- Dr A: Elle fait une dépression réactionnelle, elle n’en a pas besoin. On va la garder en observation, et on va l’aider à dormir, mais a sa sorti je ne veut pas lui on donner, je ne veut pas créer une dépendance chez elle pour rien.

Ils continuent à parler, puis le docteur m’explique que chaque personne réagit différemment à un évènement malheureux, le cerveau de Mélanie a décidé d’oublier toute la semaine qui s’est déroulé et la scène du petit-déjeuner est celle qui lui revient en boucle, au final elle n’est pas folle c’est la meilleure nouvelle de cette journée. On l’emmène dans les chambres d’hospitalisations pour l’interner, Sandra est allé nous chercher des vêtements à la maison, je vais dormir à l’hôpital.

- Merci Adrien d’avoir pris le contrôle de la situation

- C’est aussi ma fille, c’est mon devoir Cathy. Bon on va vous laisser dormir, je vais passer vous voir demain

Ils s’en vont tous, j’ai dis à ma sœur d’emmener Sandra avec elle, je ne veut pas qu’elle reste seule à la maison, le fait de la voir aussi triste me brise profondément le cœur, c’est ma petite dernière et elle est de nature gaie et optimiste, je sais qu’elle n’est pas dans son état normal, donc il vaut mieux qu’elle passe la nuit entourée plutôt que seule dans cette grande maison.


Mélanie Mbourou, Veuve Moutsinga

Je me réveille et je semble être sur un lit d’hôpital, je vois maman endormie sur un grand fauteuil, qu’es-ce que je fais ici. En plus ça ne ressemble pas au chambre de la clinique où je me suivre, je regarde la perfusion couler doucement, je cherche mon téléphone du regard mais je ne le vois pas. Je regarde autour de moi dans le silence tout en essayant de me rappeler ce qui aurait pu me conduire à être hospitaliser. Après je ne sais combien de minutes ou d’heure à avoir contempler le plafond maman finit enfin par se réveiller

- Tu as bien dormi mon bébé?

- Je ne sais même pas maman, je n’arrive pas à me souvenir pourquoi nous sommes là?

Elle m’explique une histoire folle, genre moi Mélanie j’aurai menacer ma propre mère et ma sœur avec un couteau, elle pleure en me racontant ça. J’essaye de toutes mes forces de me rappeler des scènes mais c’est le néant complet. Un monsieur frappe à la porte et rentre, il se présente comme étant le docteur Assoumou, je ne sais pas mais son visage semble familier, il me pose toute sorte de questions. Il a un rire assez communicatif donc je me surprend à rigoler avec lui, ces derniers temps avec le deuil et l’enterrement je n’ai pas du tout ris, au contraire j’ai passée mon temps à pleurer, heureusement que Lydia m’a sauvée en prenant les jumeaux chez elle. Après avoir pris les nouvelles le docteur m’explique que je fais une dépression réactionnelle, il m’explique que c’est une maladie psychiatrique qui peut surgir chez un patient totalement sain d’esprit après un évènement traumatisant, ensuite il me montre les médicaments qu’il m’a prescrit en m’expliquant comment et quand les prendre.

- Bon je vous garde encore pour deux jours, ce service manque cruellement de belles femmes, dit-il en riant

Il s’en va, j’ai à peine le temps de souffler que tout Libreville débarque dans la chambre, Lydia, son mari, ses enfants et les miens, tonton Adrien et sa femme, Ma’Mado et Sandra. Ils ont apportés le petit-déjeuner que je mange violemment, j’ai l’impression de ne pas avoir manger depuis 10jours, mes bébés semble heureux d’être avec leurs cousins et je sais que Lydia doit bien les dorloter. Ma grande inquiétude c’est de savoir si ils ont réellement compris que leur père ne reviendra pas. Après leur départ je reste avec maman et Sandra, ma petite sœur chérie ne dis rien, elle est trop calme et ça ne me réjouis pas d’habitude c’est une vraie pipelette.

- Radio kongossa ici la terre

Elle sourit, en me traitant de tout les noms, elle ne supporte pas ce surnom que Lydia et moi lui avons donné. Au final les trois jours sont vites passés, le docteur m’a laissé sortir, en me donnant rendez-vous dans un mois. Maman a refusée que je rentre déjà chez moi, elle nous a confisquée les enfants et moi à la maison, en vrai ça me faisait un grand bien d’être autant entourée, mais le soir venu, seule dans le lit je repensais a ce fameux 5mai, je n’arrive toujours pas à croire qu’il ne reviendra pas.

Je reprends assez vite des forces, maman est au petit soin avec les enfants et moi, malgré que je lui dise de se ménager, elle s’occupe de tout. Il m’arrive de me sentir perdu, de ressentir un vide et de douter que je puisse supporter la vie sans lui, mais quand je regarde nos magnifique jumeaux je me rappelle que Thomas aurait pu tuer pour eux et qu’il n’aurait jamais pu les négliger peut importe la douleur. Une semaine après ma sortie d’hôpital, je rentre chez moi, mais tout me rappelle mon homme dans cette maison, nos draps sentent encore son odeur, son armoire est remplie de ses jolies chemise en lin, sa moitié de salle de bain est bien rangée comme d’habitude, l’odeur de son après rasage caresse encore mes narines, je n’arrive pas à croire qu’il ne reviendra jamais.

Cette première nuit de retour à la maison fut catastrophique, j’ai eu une grosse insomnie et quand j’ai pu fermer l’œil, ensuite c’était cauchemar sur cauchemar, j’ai finis pas quitter le lit conjugal, pour rejoindre Maëlle sur son petit lit de gamine, dormir avec elle m’a apaisé et j’ai pu dormir toute la nuit, mais je ne peux pas déserter ma chambre tout les soirs comme ça.

La veuve