Nouvelle 5 : Passion fatale

Ecrit par dotou

Mon réconfort est aussi en toi. 

Tu m'as poussée à (re)apprendre à aimer la vie. 

Tu m'as (re)inventée au souffle de ton amour. 

Malgré les caprices qui souvent rencontrent ton indulgence,

Cette oreille qui écoute, c'est toi,

Cette passion insufflée, c'est encore toi. 

Toi, tout simplement. 

Et je t'aime.

   


Je flottais…

 

Je me sentais aussi légère qu’une plume. La douleur inhumaine qui me tenaillait il y a quelques minutes encore s’était dissipée. A la place, un bien-être inimaginable m’habitait. Par quel miracle cela était-il possible ? 


Tout à coup, je me sentis happée par une force venant de nulle part. Une douce lumière m’environnait ; un peu comme si une nouvelle aube se levait. La tranquillité qui m’habitait était bien loin de toute cette agitation, de toute cette violence, de cette insupportable douleur qui m’avait un peu plus tôt déchiré les entrailles. Etait-il possible que tout se soit calmé aussi subitement ? 


Un vif soulagement s’échappait de ma poitrine lorsque je perçu un brouhaha. Ce dernier s’amplifia en quelques secondes. Mais c’était une clameur à laquelle je me sentais étrangère. Comme si je n’étais en rien concernée. Puis soudain, je perçus un cri, strident, des pleurs à en fendre l’âme. J’entendis mon fils aîné m’appeler. Tout cela venait d’en bas. Comme si je surplombais un monde différent. Je ne suis quand même pas un extra-terrestre ? Je n’avais pourtant pas des ailes ? Je fronçai les sourcils et regardai en bas. 


L’horreur m’envahit et la vérité me frappa. Je venais de mourir. Mon corps gisait encore dans le salon. A l’endroit même où je venais de me faire poignarder par mon mari. J’étais encore étendue dans une mare de sang. J’avais les yeux révulsés par l’étonnement et la douleur. Je compris enfin que c’était mon âme, détachée de mon corps, qui planait.

 

Alors je me souviens de tout. 


Une terrible discute avait une fois de plus éclaté entre mon mari et moi. La dispute de trop. L’aboutissement d’un drame qui couvait depuis bientôt trois mois. 
Tout avait commencé par ce fameux message intercepté par mon mari. « Tu me manques. J’ai besoin de toi à mes côtés » disait-il. Il venait de l’homme avec qui j’entretenais une passionnante relation depuis un an déjà. Commencée sur un coup de tête, un désir de vengeance, ma relation avec mon amant s’était au fil des mois approfondie. Des sentiments, des sensations que je pensais ne plus jamais pouvoir éprouver m’ont rattachée à lui. Je croyais que ma relation avec lui ne durerait que quelques mois. Mais à mon grand étonnement, je me suis surprise à l’aimer. 


Je l’avais rencontré un soir de solitude. Installée devant une tasse de café depuis longtemps refroidie, je pleurais toute la douleur de mon âme. C’était un bistrot peu fréquenté et j’aspirais à la solitude. Des pleurs irrépressibles secouaient mes épaules lorsque j’entendis un raclement de siège. C’était celui en face de moi qui venait d’être tiré par un homme. Un inconnu mais dont le charme discret et sophistiqué me frappa tout de suite. Grand, svelte, il me dominait de toute sa taille. Un discret sourire illumina son visage ébène. Un peu comme s’il s’excusait de me déranger. Il s’assit et me présenta un mouchoir. Je le pris sans un mot et me moucha bruyamment. Je reniflai, le nez enfoui dans le fin tissu et le subtil parfum me flatta l’odorat. J’ai toujours été sensible au parfum. Pour moi, il reflétait la personnalité de celui qui le portait. Celui-ci était apaisant, discret, mais dégageait pourtant une infinie sensualité. Je relevai la tête et rencontra un regard qui me scrutait comme s’il voulait percer les secrets de mon âme. Mais dans le même temps, il reflétait une ineffable douceur. Lorsque je m’apaisai enfin, il me dit que parler soulageait la douleur, même la plus incommensurable. 


Il est si facile de se confier à un inconnu que presque malgré moi, je me mis à parler. Durant combien de temps, je me confiai à lui ? Une heure ? Deux heures ? Je ne saurai le dire. Il m’écouta en silence. Hochant de temps à autre la tête, m’encourageait parfois par un sourire. Il m’écouta sans donner aucun signe d’ennui encore moins de curiosité malsaine. Alors, mon âme se libéra de ce trop-plein de douleurs. Des infidélités de mon mari. Des appels, des menaces de ses maîtresses. De ces longues nuits durant lesquelles je me retrouvais seule, dans le vaste lit conjugal alors qu’il se la coulait douce entre d’autres bras féminins. De mes appels de détresse. De ce deuil qui m’a ébranlé quelques mois plus tôt. Le décès cruel de ma fille alors âgée de sept ans. Ma petite princesse. Les circonstances du drame n’ont jamais été totalement élucidées. Mais elle a été retrouvée un matin, sans vie. Tel un bouton de rose, elle s’était blottie contre son ourson en peluche qui jamais ne la quittait. Un bouton de rose qui jamais n’éclora. 


Déjà psychologiquement affaiblie, cette perte a sapé mon équilibre mental. J’ai subi de longues séances de thérapie chez mon psychologue afin de retrouver un semblant de quiétude. Mon mari m’a proposé de partir en vacances au Canada en compagnie de nos deux fils. Comme si voyager pouvait me faire oublier qu’il ne m’a pas, une fois de plus, assistée dans cette douloureuse épreuve. Seul mon fils aîné âgé de douze ans a essuyé mes larmes. Le second est seulement âgé de trois ans. 
Je parlai à mon nouveau confident de ces nuits de solitude où j’ai pleuré ma fille. De cette indifférence froide, glaciale qu’a affichée mon époux durant cette période. Comme s’il n’était en rien concerné par le drame. Dès le lendemain de l’enterrement de ma petite fille, il s’était envolé vers la Suisse pour la signature d’un important contrat m’a-t-il dit. Et je me souviens de ma révolte lorsque j’ai appris deux jours plus tard qu’il s’y était rendu en compagnie d’une de ses innombrables maîtresses. Je crois bien que c’est à partir de ce jour que tout ce que je ressentais pour lui mourût. Aussi sûr que j’avais enterré ma fille, j’ai perdu pour lui tout sentiment. Je me sentais même incapable de le haïr. 


Il ne m’a pas fallu longtemps avant de découvrir que le mariage ne rimait nullement avec fidélité. Tel un tireur d’élite, mon mari a pour exécrable vice de tirer sur tout ce qui porte jupon. Il est dans l’incapacité de résister au sexe faible. J’ai beau essayer de vivre comme si de rien n’était, il n’est pas toujours évident de fermer les yeux sur les incartades qui au fil du temps devenaient moins discrètes, plus fréquentes. 


J’ai été élevée dans la pure tradition selon laquelle la fidélité au sein du couple est l’un de socle de sa survie. Même s’il devait arriver qu’un homme trompe sa femme, cela devait être fait dans la plus totale discrétion. Mais j’ai depuis longtemps perdu le compte des adolescentes qui se constituaient en rivales parce que mon mari n’a pas su leur imposer des limites, ou encore des boutades des épouses de certains de ses amis, qui te font subtilement comprendre que ton mari a obtenu leurs grâces. Pire encore, des avances de certains hommes, qui se disent ses amis. Bien de fois, j’ai eu à essuyer leurs propositions indécentes formulées dans le style « il te trompe bien, pourquoi ne le ferais-tu pas aussi ? ». Ou encore « Je suis là si tu as besoin de réconfort ». 


L’aisance financière ne remplaçait pas la bienfaisante présence d’un mari. A quoi cela servait d’avoir à sa disposition un compte en banque bien fourni et de ne pas connaître la joie de déguster ne serait-ce qu’un sandwich en compagnie de ton homme ? Est-ce le bonheur que de vivre dans un décor luxueux, avec pour toute compagnie des tableaux de grands maîtres, des appareils électroménagers à la pointe de la technologie ? Les enfants auraient pu être des réconforts. Mais l’éducation stricte que voulaient leur offrir leur père ne leur permettait pas de faire étalage de sentiments. A sept ans, mon aîné m’avait été arraché et placé dans une pension de grande renommée. Pour recevoir de l’éducation, disait son père. La rentrée prochaine, ma petite fille aurait dû subir le même sort. Mais le destin en a décidé autrement. 


Jamais de ma vie, je n’ai travaillé. Je n’ai appris aucun métier. Seulement à tenir une maison. Descendante d’une illustre lignée, j’ai été éduquée dans la logique que la femme devait avoir pour seules occupations, tenir sa maison, faire des enfants qui lui seront arrachés dès l’âge de raison. Tout son but devrait être d’avoir un joli minois, une toilette seyante et passer son temps à discuter dans des salons, devant une tasse de thé, entourée d’autres femmes, toutes aussi soucieuses de leur apparence. Les commérages étaient le principal sujet de discussion. La dernière maîtresse de tel, la toilette la plus coûteuse présente, ou encore le récit des dernières vacances passées dans telle ou telle station balnéaire. Une vie aussi végétative que futile.

 

Toute ma vie, j’ai été servie par une armée de domestiques payés pour être à mes bons soins. Je ne devais avoir pour seule préoccupation que d’entretenir ma beauté. 
Une beauté, sans fausse modestie, époustouflante. Je suis née d’un père grec et d’une mère franco-béninoise. Ma mère est en effet issue des amours d’un colon français et d’une femme noire descendante d’une lignée royale. Aux lendemains des indépendances, mon grand-père retourna dans son pays en compagnie de sa famille et l’a, contre vents et marrées, imposée à une société encore fondamentalement raciste. Au décès de mon grand-père, ma grand-mère s’est exilée sur une île grecque en compagnie de sa fille. Il n’était plus évident qu’elles puissent vivre en France sans protecteur, malgré leur aisance financière. 


Quelques semaines après leur arrivée, le riche propriétaire d’une plantation de vigne était profondément tombé amoureux de ma mère alors âgée de vingt-ans et l’épousa. Il était beaucoup plus âgé qu’elle. Je vins donc au monde. Ma mère est décédée lorsque je n’avais que huit ans. Dès lors, je suis devenue l’adorée de mon père. Il n’a jamais voulu se remarier de telle sorte que je suis restée sa seule héritière. Il sillonnait le monde avec moi. Tous mes désirs étaient des ordres. 


A dix-huit ans je décidai de connaître mes origines africaines. Mon père, alors âgée de soixante-dix ans ne put effectuer le voyage avec moi. Je revins donc aux sources et fut séduite par la culture, le mode de vie africain. Je fis la connaissance de mon mari, chevronné homme d’affaires béninois. Il disposait lui aussi d’une fortune déjà importante. Je tombai éperdument amoureuse de lui malgré nos vingt ans de différence. 


Quelques mois après avoir convolé en justes noces, je perdis mon père, victime d’une crise cardiaque. Légataire universelle de ses biens, je disposais maintenant d’une colossale fortune. Jeune, naïve, amoureuse, j’en confiai, malgré les mises en garde de mon notaire, toute la gestion à mon époux. Mariés sous la communauté des biens, je trouvais normal de lui en confier l’administration. Et peu à peu, j’en perdis totalement le contrôle. Aujourd’hui, il n’était même plus possible que je fasse l’achat d’une simple toilette sans l’aval de mon époux.


J’aurais peut-être pu me contenter de mon sort. En effet, je n’étais pas victime, comme d’autres, de violence physique. Jamais mon mari n’a osé me jeter à la figure des paroles blessantes, encore moins lever le petit doigt sur moi. On croit souvent à tort que la violence est réservée seulement aux classes défavorisées. On ignore souvent que sous le bonheur apparent qu’affichent la gloire et l’argent, se dissimule parfois une violence profondément ancrée. Souvent, des épouses couvertes d’or et d’argent, publiquement adulées sont des femmes battues. Evidemment, tout le monde fait comme si de rien n’était. Et la victime aussi se comporte comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. 


Je me souviens qu’il y a deux ans, Marylise, l’épouse du Président Directeur Général de la plus grande banque de la place a mis fin à ses jours. Un véritable scandale a éclaté lorsque sa fille de vingt ans, désespérée, a osé révéler la vérité. Son père battait depuis toujours sa mère. Marylise a tenté au cours de ses vingt-cinq années de mariage, sept tentatives de divorce. Son mari faisant partie de la crème de la société a, au moyen de quelques pots de vins, toujours réussi et ne faire aboutir aucune de ces procédures. Elle était une riche héritière et détenait la majeure partie des actions de la banque dirigée par son époux. Mariés sous le régime de la communauté des biens, il est évident qu’un divorce ne serait pas à la faveur du mari. 


On avait retrouvé Marylise dans sa baignoire. Elle s’était ouvert les veines. Elle a été découverte par sa fille qui a aussitôt donné l’alerte. Mais les secours arrivèrent trop tard. Evidemment, l’affaire a été étouffée et le mari s’est remarié six mois plus tard avec une midinette à peine plus âgée que sa fille. 


Lorsque je me rappelle cette femme dont la folle allure et le chic faisaient bien d’envieuses dans les hautes sphères de la société, je me surprends souvent à penser que j’avais peut-être de la chance. Mais il est tout aussi cruel que les coups de subir l’ignorance de son époux. De se retrouver au rang de bibelots. Juste valable pour figurer à ses côtés lors des soirées officielles. 


Avant de quitter mon confident d’un soir, nous nous échangeâmes nos numéros de portables. Il n’était évidemment pas dans mes intentions de le rappeler et j’étais sûre que lui aussi ne le ferait pas. Cinq semaines s’écoulèrent avant qu’un soir son numéro ne s’affichât sur l’écran de mon téléphone portable. J’étais lovée dans un fauteuil et était totalement désœuvrée. Je fixai, interdite, l’appareil tandis que la sonnerie résonnait. Celle-ci s’arrêta une fois pour aussitôt reprendre. Je décrochai finalement. De sa belle voix, il me confia qu’il ne m’avait pas appelée plus tôt parce qu’il avait perdu sa mère le lendemain de notre rencontre. Les obsèques avaient eu lieu le week-end précédent et il a pensé qu’il serait bien de prendre de mes nouvelles. Je lui présentai mes condoléances et il me remerciât. Il me dit qu’il pensait souvent à moi et se faisait quelques fois du souci à mon égard. Un petit rire désabusé m’échappa et il m’assura qu’il disait vrai. Notre conversation durant un quart d’heure. 


Dès ce soir-là, on prit l’habitude de s’appeler une à deux fois hebdomadairement. Puis de plus en plus souvent. Nos conversations me permettaient de me ressourcer. Fin psychologue, il m’écoutait sans jamais montrer le moindre signe d’impatience. J’éprouvais un réel plaisir lors de ces échanges téléphoniques. Durant près de trois mois, il devint ainsi mon confident invisible. Son image me revenait souvent, mais jamais aucun de nous ne formula le désir de se revoir. Pédiatre de son état, il m’avoua sortir d’un divorce assez houleux. Il était père de deux enfants âgés de trois et cinq ans qui avaient été confiés à la garde de leur mère. Il essayait de passer le plus de temps avec eux et se faisait maintenant du souci car son ex-femme lui a fait savoir qu’elle comptait déménager dans une autre ville. J’essayais de mon mieux de le réconforter.


On aurait peut-être pu continuer longtemps ainsi si on ne s’était pas revus à une soirée de gala au cours de laquelle seraient récoltés des fonds visant à lutter contre l’enfance malheureuse. Il m’avoua plus tard détester ce genre de mondanités mais s’est vu contraindre d’y assister parce que sa clinique était désignée comme l’un des bénéficiaires. Il essayait en effet d’apporter une aide aux enfants de familles défavorisées en soignant gratuitement leurs enfants et en leur fournissant des médicaments de première nécessité. Son action avait été remarquée par les autorités et sa clinique avait été sélectionnée parmi les bénéficiaires. Quant à moi, je m’y suis rendue car la société dirigée par mon époux était l’un des donateurs. Lui-même était en déplacement et j’étais accompagnée de son secrétaire chargé de la communication. Celui-ci m’a d’ailleurs, aussitôt les festivités commencées, faussé compagnie. 


Je sirotais seule un verre de champagne lorsqu’un homme s’approcha de moi. Son allure ne m’était pas inconnue. Mais je ne le reconnu pas tout de suite. Ce fut le timbre de sa voix qui me rafraîchit la mémoire. Il me serra contre son cœur, comme s’il retrouvait une grande amie après des années de séparation. Soudain, la soirée prit pour moi des allures de fêtes. On s’installa et bientôt ce fut comme si le monde extérieur n’existait plus.


On se sépara deux heures plus tard. Lorsque je me glissai dans mon lit, je me sentais d’une humeur légère, presque euphorique. J’avais conscience qu’un léger sourire détendait mon visage. Je glissais lentement dans le sommeil lorsque mon téléphone sonna. Instinctivement, je sus que c’était lui. Il me dit que je lui manquais déjà. J’émis un soupir exalté et m’enfonça un peu plus sous les couvertures. Je crois bien que c’est à cet instant précis que je tombai amoureuse de lui. 


Mon amour pour lui naquit des cendres de ma solitude. Une solitude que bientôt, il combla. Jamais je ne me suis sentie aussi euphorique que durant les moments avec lui. Des moments de passion. Une passion que jamais je n’ai pensé pouvoir ressentir. Sa tendresse, sa délicatesse, sa prévenance constituaient les liens qui me rattachaient à lui. Surtout, il me respectait. Il respectait mon corps, il prenait en considération mes désirs. Je ne l’en aimais que plus. 


De toutes les fibres de mon être, je savais que j’avais trouvé en lui ma moitié. Celui qui m’était destiné. Je ne saurais dire que notre union aurait été une réussite si l’on s’était connus des années plus tôt. Mais aujourd’hui, nous avions tous deux acquis une maturité qui nous faisait mesurer la chance qui était la nôtre.


Souvent, ma double vie me pesait. Pouvais-je envoyer aux oubliettes toutes ces années de mariage ? Même s’il y a longtemps qu’aucun sentiment ne me reliait à mon mari, pouvais-je prendre le risque de faire subir aux enfants les conséquences d’une séparation ? Toutes ces questions me taraudaient sans cesse. Mais déjà je n’avais plus la force de me passer de lui. Mon cœur le chérissait. 


Je prenais un risque immense. Je le savais. Même s’il n’a jamais eu à l’exprimer sur moi, je sentais en mon époux une violence tangible. Sa froideur quasi glaciale, ses colères aussi brusques que terribles, me faisaient parfois penser que c’était un homme à craindre si les conditions se présentaient. 

Au fil des mois, il dut sentir que je me détachais de lui. Malgré moi, mes efforts, c’était déjà inéluctable. Nous n’étions plus que deux étrangers se côtoyant et qui n’avaient plus souvent rien à se dire. Le silence minait nos moments à deux. Nous n’échangions plus que des mots creux, des banalités. Et inexorablement nos corps se détournaient l’un de l’autre. Le lit conjugal n’était plus qu’un vaste océan sur lequel notre union allait vers la dérive. 


Parfois, je m’en voulais de ne plus ressentir un quelconque sentiment pour lui. Le remord m’envahissait à des moments les plus inattendus. A la douche, au saut du lit, entre les bras de mon amant. Aussi foudroyante qu’une lame de fond, il m’ensevelissait dans ses entrailles. Mais lorsque j’arrivais enfin à en émerger, c’est pour me dire que j’avais aussi droit à ma part de bonheur. Les absences de plus en plus fréquentes de mon époux n’étaient plus que les reflets d’une séparation presque consumée. Le divorce, à mon avis, devenait inéluctable.


Ce fut alors avec stupeur que son coup de poing s’abattra sur ma personne un certain samedi lorsqu’il fouilla les sms reçus sur mon portable. Ce fut le commencement d’une longue descente aux enfers. Entre les coups de poings, gifles, empoignades et menaces, je me suis résolue à rompre avec mon amant. Je crus à tort que notre rupture serait pour lui une source d’apaisement. 


Mais nos disputes étaient presque quotidiennes. J’étais terrorisée lorsqu’il me disait qu’un beau jour, il en finirait avec moi. J’ai dû prendre ses menaces à la légère. Puisque je venais de me faire poignarder par lui. Mes deux fils pleuraient à en fendre l’âme. Leur vie venait d’être détruite.


Je perçu la sirène de l’ambulance qui venait d’arriver. On me hissa dedans tandis. Le corps médical essayait de me ranimer. Mais il était déjà trop tard. Mon âme s’élevait déjà, entraînée par un magnétisme irrésistible.

LES BLESSURES DE L'A...