Une enfance malheureuse

Ecrit par deebaji

ÉPISODE 01 : Une enfance malheureuse.   Je me nomme Caleb BROWN. Mon histoire débute le vingt-deux mars mille neuf-cent-quatre-vingt-dix-huit, dans un quartier chaud de Brooklyn. Je suis né dans une famille noire, pour le moins pauvre, composée de deux parents : mon père Myke BROWN et ma mère Tasha BROWN, et de cinq frères dont Bobby, Gérard, Allen, Paul et Tony. Malheureusement, qui dit famille nombreuse dit dépenses incessantes. Donc, l’impossibilité de sortir de la pauvreté. C’est triste mais que voulez-vous ? Nous vivions donc dans une extrême pauvreté, logés dans un hlm, un appartement miteux. C’est tout ce que mes parents pouvaient se permettre avec le maigre revenu que ma mère percevait. Elle était femme de ménage et gagnait durement sa vie. Elle devait fournir deux fois plus d’efforts pour une bien maigre compensation en retour et le pire, c’est que cette compensation ne suffisait même pas pour que l’on puisse vivre convenablement. Nous étions livrés à nous-mêmes, mes frères et moi parce que notre mère n’était jamais là. Quant à mon père, Myke, il avait étudié toute sa vie, avait fréquenté les plus grandes et les plus prestigieuses universités, avait eu les meilleurs diplômes de carrière en tant que médecin, mais il n’était malheureusement jamais embauché pour des raisons assez ambiguës, qu’il est préférable de ne pas raconter. Cet échec qu’il a perçu l’a anéanti pour tout le reste de sa vie. Lui qui avait étudié si longtemps, qui s’était donné corps et âme à la tâche, n’avait pas pu exercer dans son domaine de professionnalisation. À partir de ce moment, il s’était mis à boire et passait ses journées à ne rien faire du tout. Il était malheureux et triste et il arrivait même de le voir pleurer lorsqu’il n’était pas saoul. C’était les seuls moments où l’on ressentait qu’il vivait encore.   Ma mère également avait elle aussi été victime des affres de la réalité dans laquelle on se trouvait. Elle avait un véritable talent : sa voix était belle fine et accessible. Elle pouvait chanter et danser n’importe quelle chanson, sous n’importe quel air et n’importe quel accord. Elle était pleine de rêves de succès et de réussite. Elle avait passé toute son adolescence à suivre des formations et s’était même essayée dans le mannequinat. Malheureusement, la réalité l’avait rattrapée elle aussi. Elle sombra longtemps dans la dépression et fumait abondamment. Lorsqu’elle rentrait de son travail harassant, elle se sentait toujours honteuse. Cela la rendait soit très en colère, à notre plus grand malheur, soit vraiment triste. Elle pouvait pleurer dans sa chambre du soir au lendemain pour retourner ensuite à son travail qui ne lui donnait même pas de quoi vivre. Nous survivions ! Mes frères et moi étions témoins de ce que la vie leur avait coûté. Nous étions là, délaissés. Nos vêtements étaient toujours soit trop sales, soit trop vieux. Nous allions en haillons à l’école et nos camarades ne manquaient jamais la moindre occasion pour nous faire des remarques sur nos chaussures trouées ou nos vieux vêtements. Ils disaient qu’on n’avait rien à faire dans une école et que de toute façon, notre place était dans un foyer d’orphelinat. Ce qui provoquait régulièrement de petites bagarres où bien évidemment, nous étions toujours vainqueurs, parce qu’on était six. On se connaissait parfaitement du plus petit au plus grand. Donc, il était très facile de coordonner nos attaques pour ne pas se faire humilier même au corps à corps. Certes, on n’avait pas autant d’argent qu’eux, on n’avait pas les mêmes logements super cool et la vie super facile comme eux, mais au moins lorsqu’il fallait en venir aux mains, nous avions le dessus. C’était ce qui nous permettait de garder la tête haute, lorsque nous allions en cours. Mais il n’y avait aucun plaisir à être des brutes et nous le savions. Il n’y avait d’autant plus aucun avantage à réagir à leurs insultes parce que d’une, leurs insultes ne cessaient pas et que deuxièmement, le statut de riches dont ils jouissaient leur permettait de s’en tirer toujours à bon compte lorsqu’ils nous offensaient. Il ne servait vraiment plus à rien qu’on leur réponde. Cela nous faisait plus de mal qu’autre chose. Alors, nous étions obligés de le vivre comme ça. Le ciel n’était jamais bleu pour nous. Il était tout gris, d’un gris sombre et désespérant. Je me retenais de ne pas pleurer à chaque fois. À chaque fois que ma mère rentrait en larmes, une cigarette à la main, à chaque fois que mon père pleurait parce qu’il avait raté sa vie, à chaque fois qu’il se saoulait, étalé dans le canapé, à chaque fois que je voyais notre appartement en ruine, à chaque fois que je me faisais insulter avec mes frères et à chaque fois où je me rendais compte de la réalité des choses, à chaque fois que je me rendais compte que j’étais impuissant face à cette situation qui n’avait d’ailleurs que trop durer, je vivais la haine et j’en avais marre. J’en avais marre de croiser le regard des gens plein de mépris et de rejets. J’en avais marre de sortir les poches vides. J’en avais marre de décliner les invitations aux fêtes du lycée. J’en avais marre d’être pauvre et de ne rien pouvoir y faire. Cette situation de vie m’agaçait énormément. J’avais l’impression que nous étions maudits et je pensais régulièrement au suicide. Mais, je m’imaginais toute la peine que je pouvais causer à ma famille et les circonstances douloureuses dans lesquelles je rendrais l’âme. Même le fait de m’ôter la vie me coûtait trop cher dans cette vie. Les seules fois où je ressentais de la joie étaient celles où je dansais et chantais. Il faut croire que je l’avais hérité de ma mère. Je rêvais aussi de popularité, d’une vie de star. Je rêvais d’être dans les plus grosses voitures avec ma famille et cela me permettait de me sentir mieux avant de revenir à la triste vérité qu’on m’avait forcé d’accepter. Dans mes rêves conscients, je me voyais compter des tonnes et des tonnes de liasses de billets. Je n’avais que treize ans à l’époque, mais je rêvais déjà d’en avoir pleins les poches. J’étais prêt à tout pour y arriver. Mes rêves me faisaient me sentir important et utile. Je voulais les réaliser, mais la désillusion était là. À côté, il y avait l’école et les galères, la pauvreté et les nombreuses humiliations qui meublaient mon quotidien. J’étais le cadet, le deuxième fils de la famille et bien assez tôt, cette vie de galère et de pauvreté s’est mise à me saouler. J’en avais ma claque de n’avoir que deux repas par jour, de voir mon père faire ses crises d’alcoolémie ou encore de voir ma mère rentrée exténuée, en train de se pourrir la vie et les poumons avec des clopes et de l’alcool. J’en avais marre de voir mes frères se faire insulter parce que nous étions pauvres et qu’ils étaient toujours sales, en haillons, avec des baskets trouées. Je ne supportais pas ce mépris dans le regard des gens. Ils nous regardaient comme des moins que rien, des gènes, des cas à éradiquer. C’était vraiment épouvantable. Les humiliations s’intensifiaient au fur et à mesure que nous prenions de l’âge et il fallait trouver une solution au plus vite. Mais laquelle ?   Je n’avais pas vraiment de solution sous la main à vrai dire. J’étais jeune et je ne savais pas vraiment par quel bout prendre la vie et ses diverses facettes, ses problèmes et ses galères. Je restais perdu et tourmenté à penser à comment me faire de l’argent et sortir ma famille de cette galère. Sauf qu’à treize ans seulement, je le savais. Ce n’était juste pas possible. Je n’avais qu’un seul but, et c’était de devenir riche. Je me fichais un peu du reste et je voulais réaliser ce désir plus que toute chose au monde. C’était ma raison de vivre, la raison qui m’empêchait d’abandonner même si je n’avais encore rien commencé en attendant.   Tout va débuter le jour où, ce ne fut plus mes camarades qui s’amusaient à se moquer de moi et de mes frères. Non ! Cette fois, le grade avait monté d’un cran. Nous étions en cours d’Espagnol avec Monsieur Blaise, un jeune homme d’environ trente ans, assez court de taille et par-dessus tout très frustré. Je ne sais pour quelle raison d’ailleurs, c’était toujours moi qu’il ciblait ou mettait de côté. Lorsque je voulais participer, il ne me laissait jamais parler ou m’interrompait lorsque j’avais la parole. Quel personnage frustrant ! Mais si au moins cela n’avait été que ça, je pense que j’aurais été heureux. En plein cours, cet énergumène de seconde zone avec son accent aussi faux que ses vêtements, s’avança vers moi puis il prit place sur une des tables à proximité de la mienne et se mit à m’insulter indirectement. Il parlait des enfants pauvres et des difficultés qu’ils vivaient puis il dit : «comme toi d’ailleurs Caleb». J’étais devenu une référence pour enfant pauvre à son gout. Il continuait et m’injuriait de front maintenant. Il me faisait comprendre que je n’avais pas ma place sur cette chaise, dans cette classe, dans cette école.   Pour lui, je n’étais qu’un rat, un élément perturbateur qui s’amusait à le gêner pendant qu’il donnait ses cours. «Indésirable !» C’était ce terme là qu’il utilisait pour me désigner. Pour lui, ma famille et moi, nous ne représentions que des vils rats qui perturbent le développement du système social. Je n’avais que treize ans et pourtant, il ne manqua pas de s’acharner sur moi et de me traiter de tous les noms. Malgré moi, je restais calme tout de même. Ce n’était rien de très grave et puis de toute façon, j’avais l’habitude de faire face aux mépris des gens. Alors, je restais silencieux et je l’observais. Il paraissait agacé que je ne lui réponde pas. Ses provocations n’étaient pas assez fortes à son goût. Alors, il se tut un moment. Je pensais qu’on en avait enfin fini et je m’étais remis à lire mon cours lorsque soudain, sa voix retentit à nouveau. Cette fois, ce n’était pas moi qu’il prenait en dérision, mais les membres de ma communauté, les membres de ma famille : ma mère, mon père et mes frères. Il disait que nous étions trop pauvres et cette fois, c’était de pures attaques verbales qu’il me lançait. Il m’injuriait, allait et venait et se permettait le luxe de me faire passer pour un clown devant toute ma classe. Comme si je n’étais déjà pas assez humilié, il posait des questions étranges dans le genre pour savoir si je me lavais à l’eau de pluie. C’était un véritable cauchemar et ça paraissait bien interminable. Mes camarades riaient. Ils se moquèrent tous. Sur ce coup, on pourrait dire que j’étais officiellement seul contre le monde entier. Si seulement il m’était permis d’avoir sous la main une kalachnikov, ils auraient moins fait les malins. C’était agaçant et perturbant d’être le centre de l’attention et pas pour les bonnes raisons. Les gens me dévisageaient comme si j’étais couvert de fientes. Une situation bien gênante. J’étais à moins de ça de fondre en larmes et de geindre comme un bambin. Après tout, je n’avais que treize ans, mais non. Il était hors de question de m’infliger cela et de leur faire ce plaisir. Je me suis dit pour tenir le coup, que j’attendrais la fin de l’heure pour m’en aller et leur échapper. Il était environ onze heure quarante-sept. Donc, il ne manquait que treize minutes avant qu’il ne soit midi pile et que je puisse m’enfuir de leurs regards repoussants. Seulement, les minutes semblaient être des éternités. Mais enfin, au bout de quelques instants, il fut midi ! Alléluia ! Je me suis empressé de ranger mes affaires et je me dirigeais vers la sortie lorsque…
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