
126: Moving on
Write by Gioia
(La scène d’Océane a
lieu le même jour qu’Eben rencontre Axel.)
***Océane Ajavon***
— Encore ? je demande à Emily qui me se moque de moi.
Depuis la sortie du
magazine, on assiste à un défilé incroyable ici. Les ados qui réservent les
soins les plus rapides et demandent si elles peuvent me saluer au début ou à la
fin. Les gens de mon âge ou parents qui veulent m’encourager. Quelques
concurrents qui croient venir en discrétion et paient certaines filles pour
connaître nos secrets. J’ai dû saquer une fille qui est tombée dans leur piège.
Une autre a été plus futée et c’est elle aussi qui a alerté Emily. Tu as aussi
ceux qui me proposent des partenariats et enfin certains hommes qui mettent en
avant le désir d’investir dans mon projet tout en me faisant la cour. On parle
d’hommes aussi vieux que mon père hein qui ont peut-être des enfants plus vieux
que moi. Pourtant je n’ai pas caché dans mon interview que mon cœur n’était
plus sur le marché. J’ai tellement révélé de choses durant cette interview,
choses que je n’avais même pas prévu mentionner à la base, tout ça parce que
Siaka, la fille qui a conduit l’entrevue m’a offert une expérience de qualité.
Bref, hormis les vieux riches qui comptent sur le viagra pour me draguer et les
concurrents qui me rendent un peu parano, je suis plutôt amusée par l’intérêt
que je reçois comparé à mon business. Comme mes plateformes sociales sont
ouvertes à tous, je reçois une avalanche de commentaires, et des messages
privés de tout genre. Encouragements, compliments, questions sur ma vie
personnelle ou les affaires, et Elikem qui de temps en temps trouve ça drôle de
m’écrire « ne prends pas la grosse
tête, tu n’es pas une célébrité ». Il
faut avoir un hater dans la vie, dit-on.
La journée étant calme
côté administratif, je commence à m’ennuyer assez vite donc je quitte le spa un
peu plus tôt pour aller emmerder mon vieux. Ce type est vieux, mais il refuse
de se donner du répit. C’est en collant de sport que je le trouve sur son
peloton (vélo d’appartement) sans aucune gêne.
— On ne fait plus
de culotte dans les boutiques de sport ? je lui
demande en le regardant de travers.
— J’attends que
mon gendre me l’achète. Tu sais, ce jeune homme que j’ai rencontré chez toi il
y a 69 jours de ça et qui avaient promis qu’on se reverrait bientôt ?
— Jusqu’à tu as
compté, je suis dépassée.
— Les bons
comptes font les bons amis, il répond avec un sourire ironique.
— En tout cas, je
vois que tu vas bien. Je vais aller te chercher ta culotte, je lui dis en lui
faisant une bise aérienne en guise d’au revoir.
— Je ne la
porterai pas si tu l’emmènes sans le gendre, je l’entends me dire au loin.
Ça se fait de mettre
autant la pression aux gens ? Il est
au courant sur ce qui s’est passé avec le gendre en question, mais sa position
c’est qu’une fois calme, j’aurais dû reprendre contact avec Eben pour qu’on
termine la conversation. On termine quoi quand la personne te montre
ouvertement qu’il doute de toi ? Ma
mère aussi est au courant et pour elle, les relations n’ont pas un mode
d’emploi logique. Parfois, les événements te présentent tellement sous un mauvais
jour que l’autre a du mal à te croire, donc c’est à toi d’insister si tu tiens
à lui. Sauf que je suis fatiguée de tenir aux gens qui ne me retournent pas ça.
Bon cette phrase sonne faux dans ma bouche parce que je n’ai pas l’expérience
des gens qui l’utilisent généralement. N’empêche que ça blesse. Ça blesse l’ego
de croire en quelqu’un et qu’une sortie de nulle part arrive à ternir ton image
pour cette personne. X hein. Elle ne l’emportera pas au paradis. Quelqu’un
quelque part voit son cas. Je ne vais même pas impliquer le nom de Dieu dedans,
parce qu’il a mieux à faire, mais un jour elle récoltera sa part.
Sur un coup de tête,
je prends la direction de l’EPP Kohé au lieu de mon domicile. Depuis le retour
de Nairobi, je trimballe dans le coffre de ma voiture les bombes de peinture
que Mally m’a ramenées. Il ne sonne que 14 h 47. Le propriétaire ne
sera définitivement pas chez lui à cette heure en pleine semaine. Le plan
c’était de laisser le nécessaire à son frère et continuer ma vie, mais je me
retrouve entraînée dans une conversation à mourir de rire entre Fabien et Bijou
concernant la disparition d’une certaine machine dans la maison.
— Tu vas
m’acheter un autre Fabien, Bijou que j’ai toujours vu timide lui dit avec
agacement.
— Ah bon hein ? Attends alors, celui qui est coupable répond
sur un ton désinvolte.
— Sœur est-ce que
grand frère Eben aussi te fait ça ?
m’implique sa femme. Ma sœur m’achète une machine pour le régime. La machine
disparaît un jour comme si elle avait les pieds pour marcher. Je la cherche
partout. Je me plains régulièrement. Fabien se plaint même avec un moi et un
jour, c’est la maman d’en face qui vient me demander les conseils sur comment
bien utiliser la machine que lui a vendu Fabien parce qu’elle veut vite maigrir
comme moi.
— Qui m’a vu
vendre quoi ? C’est ce qu’on voit
qu’on dit, il répond et sifflote tout en traficotant je ne sais quoi devant une
boîte électrique.
Énervée, Bijou le
toise et nous quitte d’un pas qui aurait abimé le corps de Fabien si c’était
sur lui qu’elle marchait.
— Toi aussi hein
Fabien, pourquoi tu as vendu sa machine ?
— Sœur, qu’est-ce
que tu as dit quand tu l’as vu ?
— J’ai crié parce
qu’elle avait changé, mais….
— Non non, pas de
mais. Je ne connais pas beaucoup sur la santé hein, mais une chose est sûre, ce
n’est pas normal de maigrir au point que toutes les personnes qui te voient
soient choquées. La Bijou qui est entrée dans cette maison avec moi avait du
ventre, des bras et des joues. Pourtant elle faisait son régime déjà, chose que
je n’ai jamais refusée. Mais dès l’arrivée de cette machine, Bijou est devenue
une autre. Imagine, je ne parle pas beaucoup dans la journée, parce que je
travaille seul en général. Le soir, j’espère manger et causer avec elle, mais
depuis la venue de cette machine, elle m’abandonne devant la nourriture, comme
quoi ce n’est pas bon de manger après 18 h. Elle connaît même quoi sur ça ? Nous on mange à 23 h, n’est-ce pas qu’on
est en bonne santé ?
Pardon, viens que je te montre quelque chose ici.
— Tu as un point
dans ce que tu me dis, mais est-ce que c’était la meilleure option de vendre la
machine ? je dis tout en
m’approchant à sa demande.
— Je n’ai pas
l’énergie pour parler avec les gens qui ont le long cou (traduction littérale
de sa langue pour signifier qu’elle ne comprend rien). Tu as du papier ?
— Hein…euh…non,
pourquoi ?
— Pour écrire,
comme ça tu n’oublieras pas le fonctionnement du système de la maison.
— Euh…, je fais
confuse mais le type continue son explication.
— Ici c’est le tableau
électrique du premier sous compteur. J’ai conseillé à Eben de faire une demande
pour baisser la puissance du compteur, mais ça serait bien que tu lui rappelles
pour qu’il n’oublie pas.
— Pourquoi ? je demande ne comprenant pas en quoi ses
informations me regardent.
— Comme nous
partons, il n’y aura vraiment plus personne en bas en dehors des fois où vous
recevrez de la visite, donc ça ne sert à rien de rester sur un abonnement qui
coûte plus cher que votre utilisation. Ou tu lui rappelles qu’il peut aussi
passer au prépayé. Je lui ai recommandé les deux options de toute façon.
— Oh vous partez ? Quand ça ?
— Finissons d’abord
ce qu’on a commencé, il me parle comme un prof à son élève.
J’ignore toujours ce
que je dois faire avec ça, mais je l’écoute me parler de sous-compteurs, disjoncteurs,
quoi vérifier pour savoir si une coupure est générale ou juste sur notre ligne.
J’ai l’impression qu’un nouveau monde vient de s’ouvrir à moi après son cours. Je
le suis à l’étage pour voir le second tableau électrique comme il me l’indique.
— Donc si je
comprends bien, un compteur à plusieurs fils….
— Compteur
triphasé, c’est le nom, il me corrige aussitôt. Lui, il aurait été un prof
tellement sévère.
— Oui, lui là, je
continue amusée. C’est lui qui est adapté aux grandes maisons hein ?
— Oui, parce qu’avec
un monophasé tu risques…
Je n’écoute pas ce qui
suit. Les termes me mélangent. J’attends juste qu’il finisse pour placer ma
question suivante.
— Qu’est-ce que
tu entends par grande maison ?
— Bon ça dépend
hein. C’est plus la quantité d’appareils utilisés dans la maison qui permet de
déterminer le type de compteur approprié. Tu vois la maison en face de l’école au
carrelage blanc cassé là.
— Oui.
— C’est une maison
de douze pièces pourtant ils utilisent moins d’équipement que Eben ici.
— C’est là-bas
que tu as vendu la machine de ta femme ?
— Qui m’a vu ? il relance son discours de sourd et me fait
sourire.
— Tu factures combien
pour tes services ? J’aurais
besoin que tu jettes un coup d’œil à notre circuit électrique au spa parce qu’on
paie des factures outrageuses à mon avis. J’ai plusieurs fois appelé le fameux
centre d’aide de la CEET là…, bref, je préfère garder mon opinion sur leurs
pratiques.
— Bon demain
matin, le plombier doit enlever le meuble de lavabo pour en mettre un double à
la place et comme tu as ramené la peinture, on en profitera pour refaire ce qu’Eben
veut. Donc disons en après-midi, je peux faire un tour là-bas.
— Ça me va. Le
tarif, comme ça je me prépare en conséquence.
— Sœur, tu veux
me créer les problèmes avec notre grand hein, il dit en riant.
Ce n’est certainement
pas moi qui répondrai « qu’en affaire
on ne fait pas les choses de famille » si la
personne ne veut pas me charger. Toutefois, je suis curieuse de savoir pourquoi
son frère lui ferait quelque chose. En plus, il change son meuble de lavabo
pour un double et on m’explique le fonctionnement de sa maison. C’est qu’il n’a
rien dit à son frère, je suppose. Pourtant, le type ne m’a pas appelé pendant
deux mois. C’est à se demander à quoi il joue et j’attends ici qu’il rentre m’expliquer.
On a brûlé une heure à
faire le tour de la maison avec Fabien. Quand il parle de son travail, il est plus
bavard et gai, mais en dehors de ça, il est plutôt réservé. Tout le contraire
de son frère qui est plus ouvert. La leçon de monsieur étant finie, j’ai ramené
le sujet du vol de machine surtout qu’on avait rejoint Bijou à l’arrière de la
maison où elle vaquait à ses occupations. Je suis nulle comme médiatrice, je vous
dis. Au lieu de garder mon sérieux et bien régler l’histoire, je rigolais comme
une malade aux interventions de chacun. À bavarder, on s’est facilement
retrouvé à 18 h 45. C’est là que Bijou me demande si elle devrait
préparer la pâte d’Eben maintenant ou attendre.
— C’est vrai qu’il
devrait être rentré à cette heure, commente Fabien en regardant son téléphone.
— Euh…, attends,
je dis en prenant mon téléphone pour faire signe à quelqu’un que je n’ai même
pas vu depuis des lustres.
On commence ce genre d’appel
comment même ? Je ne le saurais pas
aujourd’hui, parce qu’il ne répond pas à mes deux tentatives. Ou il ne veut
simplement pas te parler, me souffle une petite voix et l’idée me pince le cœur.
— Il n’a pas pris,
je dis simplement.
— Attends un peu
alors, Fabien dit à Bijou. Parfois, c’est qu’il s’est arrêté chez Bruce et les
deux sont perdus en pleine causerie là-bas.
Ou chez une autre, la
voix me souffle à nouveau. À vrai dire, qui me dit qu’il est même seul. 69 jours,
ce n’est rien pour certains, mais beaucoup pour d’autres. Déprimée par cette
pensée, je me lève et j’annonce mon départ.
— Oh maintenant ? Je commence à peine la préparation sœur, se
plaint Bijou.
— Elle ne traîne
pas hein ma Bijou, on mangera dans moins d’une heure, ajoute Fabien.
— Oui c’est vrai.
Et puis grand Ben a demandé qu’on remplisse le frigo de boissons ce soir, donc tu
ne peux pas partir, continue Bijou.
Les deux sont vraiment
mignons ensemble et ce n’est pas le moment, mais me voilà jalouse de leur simplicité.
Fâchés une seconde, collés l’autre. Pourquoi la simplicité est dure à trouver
de nos jours ? Bref….
— J’ai moi-même
des choses à faire à la maison, mais on se reverra bientôt.
Ils ne sont visiblement
pas contents, mais Fabien m’accompagne jusqu’au portail après qu’on ait échangé
nos numéros pour qu’il me fasse signe demain lorsqu’il sera en chemin pour le
Spa. J’arrive chez moi et tombe des nues.
— Tu dis quoi ? je redemande estomaquée à mon gardien.
— Grand patron vient
seulement de partir madame. Il t’a attendu jusqu’àààà fatigué. J’ai même bipé ton
numéro pour lui. Tu n’as pas vu ?
— C’est le numéro
de qui tu as bipé toi ?
On vérifie et le bêta
a appelé le numéro du Spa à la place. En plus il me fixe avec un grand sourire
navré.
— On parle bien
du…, je ne finis même pas ma question qui est bien bête.
Je n’ai reçu que deux
hommes depuis que je vis ici. Papa, qu’il appelle tonton Inno et Eben à qui il
a donné le titre de grand patron. Pourquoi ce grand patron n’appelle pas les gens
et ne répond pas alors ? Sans
perdre une seconde, je remonte et retourne chez lui pour tomber cette fois du ciel.
— Il vient de
quitter la maison ? je demande
à bout à Fabien.
— Dès qu’on lui a
dit que tu étais rentrée chez toi, il est reparti.
— Oui, il n’est
même pas descendu, ajoute Bijou.
Ne voulant plus jouer
au chat et à la souris, je retourne simplement à l’arrière de la maison avec
eux.
— Tu vois quand
on t’a dit de rester non sœur.
— Fabien toi
aussi, l’interpelle sa femme.
— J’ai fait quoi ? N’est-ce pas qu’il est arrivé en moins de dix
minutes après son départ ?
— Tu ne vois pas
qu’elle n’a pas assez de souffle pour parler ? Arrête de déranger les gens.
Ils se chamaillent et
m’égayent jusqu’à ce qu’on entende le klaxon du véhicule d’Eben. Mon cœur tambourine
si fort que je sens la moiteur au-dessus de ma lèvre supérieure. L’air avide qu’il
pose sur moi en sortant de sa voiture me dit que je ne me trompais pas en
restant. Il salue son frère et Bijou, mais moi il me prend par la main puis m’entraîne
à l’étage. Je pensais qu’on irait en chambre, mais c’est au salon qu’il nous
emmène et me fait asseoir sur ses jambes, bras croisés à ma taille, avec son
regard emboîtant le mien.
— Un jour, tu
réussiras à me rendre chèvre Océane.
Je ne peux expliquer
le bonheur que c’est d’entendre à nouveau mon nom couler de sa bouche. Je croise
mes bras autour de son cou et colle mon front au sien. J’ai mentalement vécu
cette rencontre sous différents angles, mais pas celui de la tendresse.
— Tu m’as manqué
et je te déteste pour m’avoir imposé ton absence, je chuchote les yeux fermés.
— Je te déteste
aussi bébé. Je te déteste tellement que j’ai envie de te rompre le cou tout en
te faisant crier sous moi. Tu m’as manqué à un point que je ne réalise que
maintenant, il confesse tout en me serrant contre lui.
Nous restons dans
cette étreinte affectueuse à nous câliner et nous chuchoter le contraire de nos
pensées, pendant je ne sais combien de temps. C’est mon téléphone qui rompt l’intimité.
L’appel vient de Romelio et il voit le nom afficher sur l’écran. Je décroche et
mets le hautparleur.
— Allô ? C’est la dame du Spa mme Océane ? C’est Hadassah, euh…, je suis la fille de Mr Bemba.
— Oui Hadassah,
ça va ? je l’interroge un peu
confuse que ce soit elle qui appelle.
— Bien. Je m’excuse
d’appeler avec le numéro du chef. J’ai vu l’annonce d’un concours pour la St
Valentin sur vos réseaux sociaux et je voulais savoir si on pouvait acheter les
coffrets, même si on ne remportait pas le concours. L’information n’était pas
claire dans la description, mais j’ai besoin de savoir à l’avance pour faire
mes économies.
— Je peux vérifier
ça et te confirmer demain ma belle ? Les
coffrets sont en quantité réduite, du coup je dois vérifier mon stock.
— Pas de souci.
Est-ce que vous pourrez me confirmer l’information par mail ou en DM sur IG s’il
vous plaît ? Je vous ai contacté par le
numéro de papa parce que je n’ai plus de temps d’appel, mais je compte lui
offrir aussi un coffret du coup j’aimerais garder la surprise.
— Compte sur moi
ma grande, je lui confirme, attendrie par son initiative. Il n’y a pas plus
touchant qu’un enfant qui veut faire plaisir à son parent. Tu peux m’écrire sur
n’importe laquelle des plateformes sociales du Spa et je te répondrai personnellement.
Elle me remercie avec
profusion et me rappelle qu’elle aimerait avoir neuf coffrets. Le chiffre m’étonne,
mais je promets de faire mon maximum, quoique j’ignore d’où elle sortira les 9 500 par coffret d’ici le 14 février, soit
dans moins d’un mois. Eben se racle la gorge et me ramène à l’instant présent.
— Romelio n’a été
que…
— Ton ex du lycée,
tu me l’avais dit.
— Et tu ne m’as
pas cru, je continue un peu blessée.
— C’est faux. Je
n’ai pas douté de ça. Je n’ai juste pas prêté attention, parce que déjà remonté
contre toi à cause de ton attitude.
— Tu restes fâché
pendant 69 jours toi ? je lui
retourne incrédule.
— J’avais besoin
de réfléchir. Et toi ?
— Moi quoi ? Je n’avais rien à me reprocher, donc c’était
à toi de me faire signe.
— Ah bon ? Tu n’avais rien à te reprocher après le
spectacle ridicule que tu nous as offert le jour là ?
— Je ne vais pas
m’excuser pour ça, je te l’ai déjà dit. C’est un principe. Je ne m’excuse pas
si je ne regrette pas. La seule chose qui m’a gêné c’est d’avoir gâché la sortie
et soumis Bruce à ça. Cette partie je l’ai déjà reconnu. Que veux-tu de plus ?
— Que tu te
comportes comme une adulte dorénavant. Toi et moi n’avons pas 25 ans Océane.
Peut-être que tu aurais été enceinte à cette heure si on n’avait pas pris cette
pause. Tu trouverais ça normal que notre enfant te voit agir ainsi avec sa
tante Jennifer ?
— Tan quoi ? Ta sœur est décédée pour que Jennifer devienne
la tante de mes enfants ? je réplique
le sang bouillonnant tellement que peut-être ma température doit frôler les 40 degrés
à l’heure là.
— Ton amie ne
sera pas la tante de mes enfants ?
— Ne mélange pas
les oranges et le durian merci.
— Le quoi ?
— Laisse tomber
si tu n’as pas capté la référence. Mon amie a fait ses preuves. Je lui donne
mon rein sans hésiter, je continue.
— Tout comme la
mienne l’a fait et je ne donne mon rein pour personne en dehors de ma famille.
— Eben, je dis en
grimaçant.
— Océane, il
répond comme s’il était prêt à lutter avec moi sur le sujet de la tante.
Je prends une profonde
inspiration et pèse bien les mots dans ma tête avant de les prononcer.
— Si j’étais ami
avec mon ex, tu accepterais que nos enfants l’appellent tonton ?
C’est lui qui grimace
maintenant.
— Où est le
rapport ? Un ex a vu ta nudité. Dans
quel monde, mes enfants donneraient du « tonton » à un homme qui a baisé ma femme ? Tu me prends pour quoi ?
— Le rapport c’est
que ça te révolte autant que ton idée. Ne tournons pas en rond s’il te plaît. Ces
deux mois m’ont permis de me faire à l’idée que l’autre c’est ton amie. Pour
être honnête, je ne veux même pas être mêlée à votre amitié. Ce que vous faites
vous regarde, tant et aussi longtemps qu’elle ne me provoque pas. Si elle veut
se dire tante des enfants, ça la regarde aussi. Je sais bien qu’à un moment
donné, les enfants l’appelleront ainsi s’ils la côtoient régulièrement, seulement
pour moi, la maman, elle est et ne sera qu’une tata lambda. Si elle veut
discuter des enfants, qu’elle t’appelle toi. Concernant les esclandres, je ne
peux m’engager qu’à ne pas les initier, seulement j’ai le droit de me défendre
si je me sens attaquée.
— Tu m’en parles
Océane si tu te sens attaquée, chose que je doute qu’il se passe parce que si
on fouille bien, vos prises de bec n’ont probablement pas de fondement solide.
Si vous acceptiez d’être matures, on pourrait passer à autre chose et être dans
un climat stable au lieu de cet équilibre voilé que tu me proposes.
— Chéri, je dis
avec un sourire ironique, tu sais quand ta future femme te fixe sa limite, la
meilleure chose c’est de la respecter parce que j’en ai l’air à mes paroles,
mais je ne suis pas dérangée mentalement. Je ne me lève pas pour créer les
problèmes, parce que je m’ennuie dans ma vie. Si je te dis que quelque chose m’est
impossible, c’est que j’ai fait le tour.
— OK future
femme, on peut s’embrasser maintenant ou tu as d’autres mises en garde pour moi ?
— Tu ne vas pas
lui parler de moi. Je peux t’énerver n’importe comment, je préfère encore que
tu m’insultes, ou tu me rapportes à mes parents à défaut d’Elikem. Ces trois savent
très bien me ramener sur les rails quand je déconne. Tu ne dis rien de moi à ton
amie tout comme je ne veux rien savoir d’elle.
— Tu es terrible
tu sais, il dit dépassé.
— Mais tu sais aussi
qu’en dehors de ça, je suis un ange.
— C’est ça. Tu es
tellement un ange que ton père a demandé d’où il a tiré cette rongeuse d’économies ? il dit amusé et je le regarde les yeux arrondis.
— Tu as lu le magazine
Source ?
Non seulement il l’a
lu, mais il me conduit dans l’autre chambre à l’étage où se trouve la photo
encadrée qui orne le mur. Il m’enlace par-derrière et m’explique comment il en est
arrivé là.
— Avant d’aller
chez toi, j’ai fait un saut chez une connaissance photographe et lui ai demandé
de me faire ceci. Cette chambre sera celle des enfants et ils pourront admirer
dès le berceau les accomplissements de maman. On ajoutera d’autres photos au
fur et à mesure, qu’est-ce que tu en penses ? Hum ? il dit
en me faisant un bisou dans l’oreille.
— Que tu dois me
faire cet enfant maintenant parce que je ne peux plus attendre, je dis d’une
voix fiévreuse tout en cherchant ses lèvres.
Il rigole dans notre baiser
et nous fait reculer jusqu’à la petite table, seul meuble dans la chambre pour
l’instant.
— Tu oublies que
tu es encore l’enfant d’un autre que je dois rencontrer depuis quelques mois
hein.
— Justement, tu déposes
ta graine ce soir, je m’occupe de la faire pousser et demain tu vas le
rencontrer, c’est tout simple.
— Tu es
définitivement malade, il se marre. On ne va pas faire les choses de façon
bancale comme tes pieds.
— Mais toi-même
hein. Mes pieds sont beaux.
— Les plus beaux
d’ailleurs, il se moque et continue avec son plan. Qu’est-ce qui est meilleur
selon toi ? Je vais en premier ou j’attends
que maman arrive et nous nous y rendons ensemble ?
— Comme tu lui
dois une visite, je pense que c’est mieux d’y aller d’abord. Puis tu pourras y
aller avec maman à une autre occasion.
— Je peux
apporter quoi comme présent pour m’excuser du silence ?
— Oh…, tu me
laisses vérifier avec Emily s’il te plaît. Je connais ses vieux goûts, mais il
s’est mis récemment sur une diète là donc j’ignore s’il boit encore. J’ai un
plan aussi chéri. On peut aménager la chambre avec mes anciens meubles, disons
d’ici cette fin de semaine, comme ça le temps que tu finisses les formalités
avec papa et qu’on s’entende sur une date pour la cérémonie, la place du bébé
sera déjà prête.
— Tes anciens meubles ?
— Oui. Je dis
ancien, mais ils sont encore nickels hein, t’en fais pas. J’ai meublé à 70 %
avec du neuf.
— Je ne m’attendais
juste pas cette idée de toi, c’est tout.
— Comment ça ? je lui demande confuse.
— Quand je
construisais cette maison, mon idée c’était d’avoir un endroit prêt à accueillir
ma future famille. Je n’avais pas considéré le fait que ma future femme veuille
apporter sa pierre à l’édifice.
— Beh là, je vais
vivre ici non ? Quoi
de plus normal que je l’arrange avec toi ? En
plus ça te laisse plus d’argent pour offrir à ta future femme une magnifique
bague, je chuchote sur la fin, armée d’un grand sourire qui l’amuse.
— Magnifique pour
qui ? Mon portefeuille ou…
— Mon doigt
chéri. Ne t’en fais pas, je t’ai facilité le travail. Tu peux demander à Eli…,
non elle a trop fait son intéressante sur moi avec son voyage à Pretoria. Je
vais t’envoyer mes options et tu en choisis une dedans.
— Ou je te la
fais à la Fabien. J’appelle ta famille, on porte tous du blanc pour des photos
et chacun rentre chez lui.
— Nonnnn ! je m’écrie effarée. Tu es sérieux ? C’est ça qu’il a fait ?
— Aussi sérieux
que tu peux l’imaginer, il dit en secouant la tête bien qu’il rigole.
— Non mais, je
dis la bouche toujours ouverte. Ton frère là. C’est comment avec lui ? Il a même vendu la machine de sa femme sous
prétexte qu’elle fait le régime aux heures qu’il n’aime pas.
— Dieu nous en
préserve, mais je lui ai dit qu’un jour, Bijou s’en ira fatiguée de son
comportement Neandertal.
— Attends, donc
il n’a même pas épousé l’enfant des gens avant de lui voler sa machine ?
— Il l’a doté,
mais ne voit pas l’intérêt d’en faire plus. C’est une mode ses histoires de
mariage selon lui et il n’aime pas suivre la mode.
— Ton frère
aurait dû être comédien, je dis en me marrant.
— Sa tête là, il
réplique sur le même ton.
— Il m’a dit qu’il
quittait la maison.
— Ah…, il te l’a
dit, il réplique d’un air différent d’un coup.
— Ce n’est pas d’un
commun accord, je suppose ?
Il soupire et s’assoit
sur la petite chaise collée à la table.
— Tu sais mon
frère est un débrouillard, mais tu connais la cherté du pays. Il ne dort pas
sur ses lauriers, mais les conditions de son métier font qu’il n’est pas
employé sur toute l’année. Bijou se débrouille aussi. Elle vend de l’eau en
plus des bijoux qu’elle confectionne, mais tu sais comment c’est ce genre de vie.
Les deux n’ont rien de stable, d’où ma proposition initiale qu’ils vivent ici,
comme ça ils pouvaient se passer de certaines charges comme le loyer, ainsi de
suite, et en sortant d’ici, j’espérais qu’ils entrent directement dans leur
maison. Le truc c’est que Fabien est très fier. Je ne sais pas d’où ce petit
tire son égo, mais il y est tellement accroché qu’il a posé comme condition de
payer sa part d’électricité pour accepter de vivre ici. Tu as également vu tout
ce qu’il a réalisé dans cette maison, en plus de Bijou qui s’occupe de nous
deux depuis mon retour. Je le paie pour son travail, mais il s’est tellement
dévoué à mon chantier, qu’il n’a presque rien fait en dehors de ça et je le
tiens de mes observations. Le terrain sur lequel il construit, je l’ai aidé à l’acheter
et il me rembourse aux trois mois comme convenu, mais avec tout ça, il lui
reste encore du temps pour rendre sa maison habitable. Je trouve ça bête de
sortir d’ici pour verser du loyer à quelqu’un d’autre alors qu’il pourrait
utiliser cet argent pour juste finir son coin quoi. Tu me trouves incohérent
toi ?
— Du tout.
— Je ne sais même
pas dans quelle langue il me faut lui expliquer que leur présence ne me gêne
pas. Puisque je suis avec toi et qu’il m’a entendu mentionner quelques fois que
j’ai hâte de t’avoir ici avec moi, il s’est convaincu qu’il est temps pour eux
de partir et ça me frustre qu’il soit si dur d’oreille.
Un petit flottement un
peu gênant s’en suit. Je sens qu’il attend une réponse de ma part.
— Je peux être honnête ?
— Toujours O.
— Je n’ai rien
entendu de positif sur les cohabitations une fois mariés donc je ne sais pas à
quoi m’attendre si tu veux qu’on vive avec ton frère. Je ne suis pas en train
de le chasser, je dis un peu gênée à l’idée de comment sonnera ce que je m’apprête
à dire.
— Continue, il
dit en m’observant.
— Tu as une idée
de combien de temps ça leur prendra pour finir leur logement ?
— Je n’en ai pas
discuté avec lui, mais à vu d’œil, ils devraient être bons pour la prochaine
rentrée si les moyens sont là.
— Prochaine
rentrée et nous finissons bientôt le mois de janvier, donc environ huit mois,
je dis songeuse.
— Tu as vu Fabien
non ?
— Oui.
— Réservé en
général, la seule personne qui subit son embêtement c’est Bijou. Son caractère
n’a pas changé depuis que je le connais. On ne remarque Bijou que lorsqu’il y a
du travail à faire dans cette maison. Sinon, elle est avec ses outils et trafique
ses choses de collier. Son téléphone peut sonner à côté d’elle qu’elle ne l’entendrait
pas lorsqu’elle a la tête sur ses confections. Là où je veux en venir, c’est
que je ne connais pas l’avenir, mais j’ai confiance que ses deux là ne me feront
jamais du tort. Jusqu’à présent ils ne m’ont jamais déçu. La cohabitation peut être
bizarre au début pour toi puisque tu n’es pas habitué, mais je suis là aussi
pour te rendre ça agréable. Si tu as des idées pour te sentir à l’aise dis-le-moi,
mais sur ce coup, j’ai besoin de toi bébé.
— D’accord, je
dis sans hésiter. Qu’est-ce que je ne ferais pas pour cet homme franchement. Je
croise les doigts pour ne pas regretter.
***Hilda Tountian***
Je me sens tellement
humiliée que j’ai du mal à reprendre le contrôle sur mes émotions. J’ai mis cœur
et âme dans cette relation. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Comment peut-on utiliser quelqu’un comme il l’a
fait ? Telles sont les
questions qui me tiennent éveillée la nuit, donc au lieu de gaspiller mon
samedi dans la douleur, je vais visiter Dara. Elle et son blondinet nous ont
quittés sans prévenir. Je lui ai écrit quand j’étais à fond sur l’organisation
de mon mariage pour qu’on discute de son rôle et c’est là qu’elle m’apprend qu’ils
ne sont pas à Nairobi.
Je sonne à l’interphone
une fois à leur immeuble et c’est sa voix qui me revient. Je monte et dès qu’elle
m’ouvre, je la trouve radieuse.
— Eh, on ne t’attendjait
pas, bienvenue, elle dit.
Je ne m’étais pas
annoncée, par crainte de m’effondrer au téléphone en lui racontant l’histoire.
Je pensais qu’une fois en face d’elle, la honte m’aiderait à me retenir, mais j’ai
fondu en larmes dès que je l’ai vu. Marley nous rejoint tandis que je pleure
sur l’épaule de Dara. Il nous interroge, mais j’ai la gorge trop serrée pour
parler. Je vois Dara lui lancer un regard compatissant, il s’excuse et sort de
l’appartement.
— Je vous dérangeais ? je la questionne tout en reniflant.
— Non…euh…on
allait djuste sortchir pour petit déjeuner, mais c’est pas grave. Qu’est-ce que
tchu as ?
Encore une fois, je n’arrive
pas à parler. Je suis tellement mortifiée quand je me rappelle du bruit que j’ai
fait devant les filles avec cette bague. Comment Dara me regardera si je lui
révèle ce que Godson m’a fait ?
— On peut parler
d’autre chose ? J’ai
pas le cœur à pleurer davantage, je propose.
— Euh…OK. Alors,
tchu veux manger quelque chose ? J’ai
encore rien pris.
— Tu me proposes
quoi ?
Je la suis dans sa
cuisine et me laisse dorloter. Bien sûr, je la questionne sur leur lune de miel
et n’en reviens pas quand elle me raconte leurs aventures. Australie, Nouvelle-Zélande
et Nouvelle-Calédonie, c’était leur itinéraire sur trois semaines avant le
retour. À voir les photos et vidéos, ils ont vécu leur meilleure vie.
— Pourquoi tu n’as
rien posté sur tes réseaux ? C’est
trop bien ce que vous avez fait.
— Peut-êtchre
après. Je ne veux pas partager avec la terre entchière pour le moment.
Les choses de Dara, tu
ne comprends jamais. Tu prends les photos pour qu’elles dorment dans ton
téléphone, à quoi ça sert ? Bref ce
n’est pas moi en tout cas.
— Alors c’est
comment l’Australie ? Tu as
vu des kangourous ? je
demande et elle se moque.
— Ça se tchrouve
pas à tchous les coins de rue han. Il faut te déplacer dans des endjroits spécifiques
pour ça, mais on n’a pas eu le temps avec notchre planning. On devait faire
plein de choses avec Ida, tchu te rappelles, elle était au mariage ?
— Ouais, je dis
en gardant mon visage ferme pour ne pas rouler des yeux. Qu’est-ce qu’elle m’a
soûlé cette Ida alors ? Le
genre qui pleurait à chaque vœu comme si c’était son mariage. Les gens qui
surjouent me fatiguent. Tu as préféré quel pays du coup ? je demande pour relancer la discussion sur un
autre sujet.
— J’ai pas pensé
à ça hein. J’me djis que dans tchrois ans, quand on y retchournera et j’aurais
une secondje expérience, je pourrais le djire, sinon c’est Nouméa que je
connais un peu donc mon préféré pour le moment.
— Dans trois ans
avec les choses que cette économie nous montre là ? Il ne faut pas finir l’argent de retraite de
papa Eli hein, je la taquine en rigolant mais elle m’observe d’un air drôle
tout en mangeant son jambon.
— Pourquoi je
finirais l’ardjent de mon père quand je tchravailles ?
— C’est si
abordable que ça d’aller dans ce coin ? je
contourne la question pour ne pas adresser directement son salaire qu’on
connaît. Enfin je ne le connais pas exactement, mais une assistante juridique
ne gagne pas une blinde quoi.
— Bah non, mais
quand tchu te prépares bien, tchu peux le faire, comme on l’a déjà fait. Il faut
djuste être strichte avec ton budget, pas comme moi parfois quoi, elle rigole.
Je m’étouffe avec le
jus de pommes que je buvais et tapote mon torse. Heureusement, elle ne semble
pas avoir remarqué parce qu’elle se lève avec son assiette pour la laver. Je la
suis avec la mienne aussi.
— Toi tu n’es pas
stricte depuis quand ? je l’interroge
curieuse et elle rigole davantage.
— Ah j’ai
découvert djurant le planning dju mariage que j’étais pas aussi bonne que je
pensais hein. Tchu vois un tchruc ici, tchu te dis ah ça serait bien pour la
maison, pour la déco, il me faut du choix blablabla et je cachais à Marley
parce qu’on avait un tableau commun de dépenses sur lequel on s’étchait fixé un
montant fixe par mois pour nos besoins. Imadjine, ça a tellement énervé Marley
qu’il en a reparlé djurant notre counseling.
— Même pas un mois
de mariage, vous allez déjà en counseling chérie ?
— Non, le counseling
avant de se marier.
— C’est quel
délire encore ça ? On
fait un counseling pour régler quoi au début du mariage ?
— Haha, j’y
connaissais rien aussi, mais c’est vraiment utchile. Si tchu peux, je recommandje
honnêtchement. Moi j’avais oublié l’histchoire des dépenses, mais lorsqu’on nous
a questchionné sur les deal breaker, Marley a donné cet exemple. Il a trouvé ça
fourbe qu’on ait un accord et dans son dos, je faisais n’importche quoi au
point qu’il ait dû couvrir mes trous pour qu’on puisse maintchenir notre projet.
— Fourbe
carrément ? C’est quoi ? Tu avais dilapidé toute ta thune ?
— Environ 20 k,
mais c’est pas le montchant qui le dérangeait. C’est le faitche qu’on avait
établi un accord et j’ai pas respectché, mais en plus il l’a découvert en me
questchionnant. Au début je pensais aussi que c’était l’argent, mais quand il l’a
expliqué ainsi, j’ai compris, like c’est logique. Tchu dois pouvoir comptcher
sur ton partchenaire quand il te donne sa parole quoi.
L’amour quand il te
tient, tu vois les conneries comme des trucs logiques. 20k dans notre monnaie c’est
l’équivalent de 110 000 environ
en CFA, soit rien du tout. Un mari gronde sa femme pour un manque de 110 000 francs ? Monsieur l’ingénieur ? Quelle femme n’aime pas se gâter ? Donc on va se faire gronder en counseling maintenant
pour des dépenses imprévues ? Ce
type hein, je ne pourrais jamais me le farcir pardon.
— Je t’écoutche
hein, elle dit en se dirigeant vers le coin bureau placé à côté du grand garde-manger.
Comme je sors plus, je vais en profitcher pour finir something pour le tchravail.
— Tu reprends quand
d’ailleurs ?
— Tchu as devant
tchoi une nouvelle employée.
— Non ! je m’étonne. Tu as changé de cabinet toi ? Je pensais que tu l’adorais l’autre.
— Ouais jusqu’à
ce qu’on me confie des formatchions et d’autres détails qui ont commencé à me
déplaire, dju coup je regardais de temps en temps, histchoire de voir ce que m’offrait
le marché dju travail. Mais honnêtchement, je prenais pas au sérieux hein,
jusqu’à ce que Sir, tchu connais ma patronne nan ?
— Ouais, celle
qui coince toujours son visage là.
— Hey, elle me dit
sur un ton d’avertissement tout en rigolant. Il faut voir la femme là pour
comprendre. Sa face est toujours concentrée comme du lait caillé. Imaginez mon
choc quand Godson m’a appris qu’elle n’avait que la trentaine.
— Elle me prend
un djour dans son bureau et m’explique qu’elle a entendju que je cherche à partchir
du cabinet.
— Qui a cafté sur
toi ?
— Aucune idjée
jusqu’à présent, parce qu’après l’incident avec Kai, je n’échange même plus
rien avec les gens en dehors de salutatchions. En tchout cas, elle m’a pris au
dépourvu donc j’ai avoué et…
— Beh fallait pas ! Aux yeux de la loi, elle n’avait même pas le
droit de te questionner sur ça. Voilà comment ils intimident les gens pour qu’on
reste sur place et jouent les esclaves pour eux pff !
— Je peux finir
mon histchoire.
— Pardon, ça m’a
trop énervé. Je t’ai dit que les gens voient ta jolie face et profitent de ton
bon cœur, tu dois être plus dure.
— Alors je la
finis mon histchoire ?
— Pardon, vas-y,
je dis toujours dégoûtée.
— Dju coup, elle
m’écrit une lettre de recommandatchion pour une compagnie d’assurance.
— Hein ?
— J’avais la même
face là, elle dit en se marrant. Elle me djit que leur recrutement est rude,
mais si j’arrive à démontchrer ma déterminatchion, qu’elle ne djoute pas de moi.
— Ah….facilement
là ?
— Facilement mon œil,
j’ai galéré avec G. Pendant qu’on organisait le mariage, je rentchrais du boulot
et bossait sur les foutchus QCM dju second round là. Pauvre Marley et Elikem en
connaissent autant sur les assurances que moi à force de m’entendjre leur
répéter mes réponses. Djieu merci, j’ai bouclé la quatrième et dernière partchie
après le mariage. On part en lune de miel et je reçois l’offre pour le postche.
— Mais…une assistante
juridique fait quoi en assurance ?
— Bah la même
chose, elle dit amusée. Maintchenant je vais assistcher un juristche. Je le
rencontchre demain même d’ailleurs. Il nous a proposé une visitche des locaux.
— Eh ben…., j’en
reviens pas. Après tout ce temps avec ton Sir Meledje que tu affectionnes tant,
tu t’en vas vers de nouvelles contrées.
— Je suis un peu
nostalgique quand même, c’était un beau moment là-bas, elle dit les yeux
rêveurs. Mais elle m’a djit qu’un jour peut-êtchre, elle me rejoindra. En plus le
notaire Ehivet, mon boss c’est une connaissance à elle, donc je sais que nos
chemins se recroiseront. Bon, je djois finir ça avec midi, sinon Marley va
râler sur moi que je suis à la tchraîne.
À force de bavarder
avec moi, elle ne finit pas. Son blondinet rentre avec des courses plein les
bras et à ma surprise, c’est lui qui assure le repas de midi qu’on a pris à 13 h.
J’ignorais qu’il savait autant se défendre.
Je tape l’incruste
jusqu’au soir au grand dam de Marley qui ne le dit pas, mais j’ai bien remarqué
dans son silence qu’il essayait de me faire partir indirectement. C’est mal me
connaître en tout cas. Il a eu Dara pour lui pendant trois semaines, ça lui
fait quoi de nous laisser un peu ? Bref, je
ne voulais pas rentrer pour finir la journée seule donc je suis restée. En
guise de remerciement, je propose à Dara d’arranger sa tête puisque demain,
elle est supposée rencontrer son nouveau patron. Je ne lui fais qu’un chignon rapide
donc même pas une heure, mais pendant qu’on cause et je m’affaire, je la vois
répondre à un message de Marley qui s’était éclipsé dans la chambre après nous
avoir mis une série.
— J’arrange la
seconde chambre pour Hilda ? C’est
ce qu’il a envoyé.
— S’il te plaît
bébé, j’avais oublié de le faire. Merci.
— Toujours à bavarder
toi, c’est pas possible. J’espère pour toi que tu finiras d’envoyer les
formulaires pour le security check avant demain.
— Eh papa, oui je
vais finir. Tu es même plus excité pour ce travail que moi.
— J’ai hâte de te
voir tout casser, il envoie suivi d’un cœur.
— Bon, ne me dérange
pas dans mon travail, la bavarde, il ajoute et elle rigole.
— Idiot. On se
retrouve au lit tout à l’heure, on verra qui est bavard.
— Dépêche-toi
alors parce que tu m’as abandonné de toute la journée.
Ce qu’elle lui répond et
son sourire que j’entrevois me rendent jalouse. Je suis également jalouse quand
elle me dirige dans la chambre que je vais occuper et m’invite à me mettre à l’aise.
Je suis jalouse de la voir partir vers sa chambre et quand elle l’ouvre c’est
Marley qui sort torse nu, serviette à son cou avant qu’elle ne referme la
porte. Je suis jalouse parce qu’ils vont sûrement passer une nuit de dingue et
demain, elle jouera encore aux de maison avec moi. C’était mon rêve ça. Je
nourrissais probablement ce rêve avant elle. Quand on a débarqué à trois dans
ce pays, j’étais celle qui avait les plus grandes ambitions dans ce pays. Snam
disait qu’elle n’aimait pas se stresser, donc elle préférait se concentrer sur
ses études et elle avisera pour la suite. Dara ne se voyait même pas rester dans
ce pays après ses études. Elle comptait rejoindre sa sœur et son frère aux États-Unis.
Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’elle vit mon rêve à ma place. J’ai vu le nom
de sa nouvelle compagnie lorsqu’elle remplissait ses formulaires kilométriques
donc je m’en vais fouiner un peu. Je lis et cherche des images sur Google. Le peu
que je vois me donne envie. Puisqu’elle est la première à s’être lancé sur le
marché de l’emploi, elle a plus d’années d’expérience sous sa ceinture et me
conseillait même sur comment négocier mon prochain salaire aujourd’hui. Elle ne
m’a pas dit combien elle gagne maintenant, mais vu la boîte et le peu que je
connais, elle ne doit pas être en bas de 90 000 khs, un peu moins de 500 k CFA. Un
montant qui me donne tellement envie que je me demande là sur ce lit, qu’est-ce
que j’ai fait de mes années passées ici ?
Je n’ai certes pas
négligé mes études, mais j’aurais pu chercher plus sérieusement du travail au
lieu de m’investir dans une relation qui ne me laisse qu’avec une grosse bague
au doigt. Le diable comme toujours pointe son nez quand on l’adresse. C’est Godson
qui appelle. Je laisse sonner. Il insiste et m’écrit même sans relâche. Je
finis par céder, exaspérée.
— Tu as fini de lécher
les chaussures de Mommy ? je l’imite
sur un ton sarcastique, le cœur brûlant.
— Tu es où ? il rétorque sur un ton bourru.
—Mais suck
my dick hein Godson. Suck my giant dick! Pfff ! Je pousse un juron et
raccroche.
C’est maintenant qu’il
me menace par message que si je ne lui dis pas où je suis, il va me faire
regretter. Rien que du blabla. Curieuse de voir ce qu’il a dans le pantalon en
dehors de sa longue queue là, je lui dis qu’il peut me trouver à l’appart de
Marley. Il me prévient à son arrivée, je descends sur la pointe des pieds tout
en m’assurant de ne pas fermer la porte puis le retrouve mains dans les poches,
collé à une Range Rover.
—Get inside!
— Je ne monte pas ! Tu dis ce que tu as à me dire maintenant.
Le gars me tient
carrément par le cou et me fait monter pourtant je me bats contre lui. Il déchaîne
une rage verbale sur moi que je ne lui connais pas et qui m’effraie donc je me
calme aussitôt.
— Tu as fini de foutre
shit partout, il continue remonté. Parce que tu parles toujours les choses des
gens, Mom heard it. Et il a fallu que tu viennes à l’appart. Now, elle demande
que j’aille vivre avec Yafeu !
— Hein ? Tu me perds là. En quoi c’est ma faute
maintenant ? Qui a humilié l’autre ?
Il m’explique en
anglais que sa sœur Thema m’aurait entendu durant le mariage. Elle m’a entendu me
moquer du mariage et l’a rapporté à sa mère. Quand ? Je ne cessais de me demander jusqu’à ce que je
me rappelle de cette porte que j’avais entendu s’ouvrir. Je pensais que quelqu’un
venait d’arriver à l’appart, mais c’était elle qui partait ?
—But how? Je demande
perdue.
—How? C’est moi qui ai
la sale bouche ?
— Enfin Godson tu
ne peux pas m’accuser. Ce n’est pas comme si je savais qu’elle était dans les
parages.
—But I told
you many freaking times de faire attention à ta bouche, Hilda. Comme tu penses, tu dis. Comme ça te plait, tu
dois dire. Voilà qu’elle a entendu et a dit à Mom qui aime trop Marley.
— Elle aime quoi
sur lui ?
—Are you
stupid or dumb?
— Hey ! Ne me cherche pas ! je dis en rage.
— C’est le seul
ami de Yafeu. Il n’a même pas un autre. C’est le seul depuis Cape town jusqu’à
ici. Marley is like
family now. Thema a même fait les
vacances chez lui une fois. C’est comme si tu as mal parlé de Yafeu pour Mom. Et
comme tu es venue à l’appartement avec your shit, elle croit pas que c’est rien
entre nous. Elle veut que j’aille vivre avec Yafeu and it’s fucking hell avec
lui !
— Mais je savais
que…., pourquoi elle devrait croire qu’il n’y a rien entre nous ? Godson, à quoi tu joues ?
— Je joue à rien ! J’essayais de faire des bonnes choses pour
nous, mais toujours tu n’é….
— Tu arrêtes de m’accuser
sur le champ sinon je ne réponds de rien !
Là il me confirme que j’ai été bien conne. Il me raconte comment sa mère voulait effectivement le mettre à la tête d’un projet, mais la condition c’était qu’il épouse la fille d’un autre. Une fille qui est passionnée de lettres, donc pour ne pas paraître con durant leurs conversations, il se documentait. Par documentait, il veut dire qu’il me refilait le sale boulot. Mais il a le culot de me rassurer que son plan à lui ne prenait pas en compte le mariage. Non non. Il va jusqu’à me dire que même la fille ne veut pas l’épouser, donc ils se sont entendus pour divorcer au bout de deux ans. Le mariage qu’il m’a promis ? Il m’a regardé avec un air confus et demandé quand il m’a promis le mariage. J’étais tellement épuisée que je n’ai pas eu la force de m’indigner. C’est d’un pas léger que je suis descendue de sa voiture et j’ai retrouvé mon lit. Après une nuit à fixer le plafond et m’insulter, je me suis réveillée avec une nouvelle résolution. J’ai eu ma phase « rêves » dans cette relation et voici comment on m’a roulé. Il est temps d’avancer comme les autres filles. Même Snam, la gâtée vit avec Mally. Qu’est-ce que j’ai commis comme crime pour me retrouver perdante sur toute la ligne ? Jamais. Avant que je sorte de sa voiture, il a tenu à me réitérer ses sentiments et qu’il ne m’a mis à la porte que pour berner sa mère. Qu’il berne qui il veut, ça ne sera plus Hilda la fille de Constance. Il a mis la bague sur mon doigt, il va l’honorer en m’épousant, mais en attendant, c’est une voiture que je veux. C’est le message que je lui envoie. Si en deux ans, il ne divorce pas, au moins je n’aurais pas perdu mon temps. Je vais bénéficier comme il a bénéficié de mes connaissances. Next step après la voiture, un petit appartement à mon nom où je jouerai aussi à la maîtresse de maison.