
125: Meeting “the fiancées”
Write by Gioia
***Elikem
Akueson***
« Ma mère veut te voir », cette phrase m’a gardé debout toute la nuit.
Je sais bien que ce n’est réellement la faute de personne sinon moi ce qui
arrive, mais j’étais tellement irritée que j’ai demandé à Cédric qu’il rentre
chez lui. Après une nuit torturante pour ma conscience, j’ai décidé de prendre
le taureau par les cornes. Qu’on me tombe dessus par surprise me stresse
davantage, donc je préfère la rencontrer moi-même, mais avant ça, Cédric et moi
devons nous entendre sur la version à lui donner.
— Tu es debout ? Je peux appeler ? je lui envoie par message.
C’est lui qui appelle
la minute qui suit.
— Il t’arrive de
dormir ? je demande en guise de
salutations.
— Je t’attendais.
— Hier je...., ça
m’a pris de court…, j’avais besoin d’une seconde seule pour réfléchir. Ce n’est
pas vraiment contre toi.
— Je sais. De mon
côté, j’ai réussi à mettre la main sur elle. Elle est avec ses amies à Ukunda
pour le moment, mais elle n’a pas voulu me donner une date de retour.
— Pourquoi ?
— Pour que je ne
te fasse pas disparaître selon ses dires.
— On peut
discuter de vive voix ? Je ne
suis pas « on call » aujourd’hui. À 18 h j’aurais fini ma
journée.
— Je passe te
prendre dans ce cas.
On s’entend sur ça et
la journée comme d’habitude file à une vitesse fulgurante. À 18 h 10
je sors et le trouve sa Jeep sur le parking en arrière de la clinique.
— Chez toi ou
chez moi ? il me demande après qu’on
se soit fait la bise.
— Chez moi ? On pourra discuter pendant que je cuisine. Je
vais faire un plat de chez toi.
— Allons voir ça,
il dit avec un sourire.
J’espère qu’il ne s’attend
à rien de fameux parce qu’en dehors de Kontomire et Abomu, je ne connais aucun
autre truc de chez eux. C’est ainsi qu’environ trente minutes plus tard, nous nous
retrouvons dans ma cuisine.
— Tu me passes les
aubergines dans le frigo s’il te plaît ?
Il ouvre le frigo et fait
presque cinq minutes avant de revenir avec tout le bac contenant mes légumes. Je
le dévisage pendant qu’il dépose sans stress le contenant.
— Ôte-moi d’un
doute, tu m’as bien dit que ton père était un agriculteur non ?
— Il l’est
toujours.
—Ok…., je dis en
sortant les aubergines dont j’ai besoin. Ça, ce sont des radis Yukon, des bébés
radis pour être exacte, je lui explique en me disant que peut-être la confusion
venait de là ? Quoiqu’en dehors de la
couleur, je ne vois même pas la ressemblance entre ça et les aubergines.
— C’est noté, il
commente l’air toujours détendu.
— Bref, j’ai
réfléchi et je préfère qu’on propose une date à ta mère pour la rencontre. Je n’ai
pas envie qu’elle me tombe dessus sans que je sois préparée. Aussi, je n’ai pas
envie de me prendre la tête à inventer un long mensonge pour lui faire croire
qu’on est vraiment fiancés, seulement je lui réponds quoi si elle commence à s’adresser
à moi comme si j’étais sa belle-fille ?
— Que veux-tu lui
répondre ?
— Beh je sais
pas, d’où cette discussion. Tu es à l’aise avec quoi toi ?
— On est ensemble,
c’est tout.
— Juste ça ?
— Oui. Si tu veux
ajouter plus, sens-toi libre. En ce qui me concerne, c’est la seule réponse que
je donnerai à ta famille.
— Ma famille ? Elle vient faire quoi ici ?
— Il va de soi qu’une
fois ma mère informée, il faudra faire de même avec tes parents, par respect.
Merde, je n’avais même
pas pensé à ce côté. Il faudra effectivement passer le message à mes gens
aussi. Ce flirt, c’est l’idée la plus conne que j’ai eue de ma vie. Dire que je
voulais amuser la galerie et les mélanger un peu, ça m’apprendra.
— Je dois
retourner à Pretoria en fin de semaine pour le travail. Avant de revenir ici,
je pourrais faire un tour à Lomé pour rencontrer tes parents.
— La fin de cette
semaine-ci ? Genre je serais potentiellement
seule avec ta mère ? Parce
qu’elle finit dans trois jours cette semaine. Pourquoi tu ne me le dis que
maintenant ?
— Je l’ai décidé
hier.
— C’est quelle
décision ça ? Tu décides la veille et
dans trois jours tu prends l’avion toi ?
— Je fonctionne
ainsi.
— D’accord, j’abrège
pour qu’on finisse la première discussion. On adressera les décisions de monsieur
après. Que dois-je savoir de ta mère en dehors de son côté imprévisible et
excessif ? je reprends tout en égouttant
l’igname.
— Son français n’est
pas le meilleur, mais elle se débrouille.
— Lol, c’est ça
que je dois savoir ?
— C’est une
introduction.
— Son cas est
mieux que le tien quand même. Toutes ses années à Lomé et tu ne maitrises même
pas une phrase en mina. C’est grave.
— J’apprendrai
quand tu parleras fanti. En passant, celle que tu as vue à Lomé quand nous
étions au lycée n’était pas ma mère, mais ma nourrice.
— Nourrice carrément ? je dis étonnée tout en sortant mon tilapia
salé de l’eau bouillie.
— Ma mère nous a
eus pour la majorité sur les bancs de l’université donc nous avions plusieurs
nourrices à un moment.
— Ah ça se
comprend. Autre chose ?
— Il se peut qu’elle
se plaigne de moi et par la même occasion de Bérénice. Je ne te demande pas de
la défendre, mais je n’aimerais pas entendre que tu l’aies critiqué.
— Ce n’est pas
mon style.
— Merci. J’ignore
quoi te dire d’autre. C’est un être humain normal quoi, il dit avec un sourire qui
m’en arrache un aussi.
Je finis de découper l’avocat
en tranches sur la trempette et nous nous mettons à table. Il n’a peut-être
plus rien à dire, mais le peu qu’il m’a dit a suscité plus d’interrogations
dans ma tête donc je ne me gêne pas.
— Pourquoi elle se
plaindrait de toi et ton ex ?
— Je n’accorde ma
confiance qu’une fois Elikem. Une et c’est tout. Si tu la veux maintenant, je
te la donnerai, il me dit sur un ton si sérieux que j’ai presque peur.
— Euh non, si c’est
un secret d’État, c’est mieux de le garder. Ignorance is bliss.
Contre toute attente,
il éclate de rire.
— Pardon, s’il y
a bien une chose que j’ai apprise depuis mon entrée dans la trentaine, c’est qu’on
ne doit pas négliger la paix du cœur. Tu peux avoir la meilleure carrière,
excellente santé, mais si tu es tourmenté, tu es aussi malheureux que celui qui
galère financièrement. Les choses qui me tiendront éveillée toute la nuit au
point de transpirer à grosses gouttes dans mon lit là, je n’en veux plus.
— Je ne faisais peut-être
pas du Traffic d’arme, mais…., il continue sur un ton amusé.
— Hum, j’ai
demandé pitié pour ma tranquillité d’esprit. Pardonne ma curiosité.
— Plus
sérieusement, c’est une discorde familiale qui m’a éloigné de mes parents, mais
ma mère n’accepte pas leur responsabilité. Elle trouvait plus facile d’accuser
Bérénice de m’avoir accaparé comme si j’étais un orphelin.
— Oh, je fais
reprenant mon sérieux aussi. Elle a dû en baver la pauvre.
— Elle en a bavé
oui, mais pas à cause de ma mère. Mes parents ne sont pas envahissants, je ne
peux pas leur reprocher ça. Ils sont juste d’une génération qui n’accepte pas
de s’adapter à la nouvelle.
— La curiosité
est de retour, je murmure.
— Laisse les
faux-semblants, elle n’est jamais partie, il dit avec un sourire amusé.
— Est-ce que ce
climat a causé la fin de ta relation ?
— Non. Nous n’avons
tout simplement pas tenu quand la réalité nous a rattrapés. J’ai échoué, elle a
échoué.
— Quand tu me
parles de ton passé, j’ai toujours de la peine.
— C’est parce que
tu as un cœur d’artichaut. Tu ressembles même au smiley larmoyant dès que j’invoque
Bérénice. Dans ta tête, on croirait que je suis un aiglon blessé.
— Pfff ! Ce n’est pas ta faute, je dis en le regardant
de travers.
On passe à un autre
sujet et imaginez que sa tête d’artichaut qualifie mon repas de correct à la
fin. Correct !
— C’est toi qui as
demandé mon opinion et correct ce n’est pas passable. L’arachide n’était pas
assez moulue et ton huile de palme pas assez fraiche.
— Tu connais les
aubergines avant de critiquer quelqu’un ? Non,
mais. On t’offre un repas gratis et tu critiques les gens.
— Respire, ce n’est
pas la fin du monde. C’était quand même correct, il me dit l’air on ne peut
plus détendu.
— On est ici. On
verra si tu mangeras encore chez moi, je dis et le lorgne proprement. Un manque
de manières flagrant à mon domicile de surcroît, si ce n’est pas l’enfant que
je cherche, qui allait me forcer à supporter un type pareil. Ma pauvre vie.
Le lendemain, je me
lève prête à suivre ma routine habituelle, mais je me fais accoster en sortant
de mon immeuble par ni plus ni moins que le frère de Cédric.
— Ça fait longtemps,
il commence.
— Effectivement. On
ne t’a pas vu depuis un moment. Tu vas bien ?
—Yes, I was
busy with stuff here and there. Il
y a notre mère qui veut parler avec toi. Elle t’attend dans la voiture, il me
prend au dépourvu.
La Range vers laquelle
il me pointe est à juste quelques pas de nous, pourtant hier Yafeu et moi avons
conclu qu’il lui proposerait une rencontre en soirée. En plus, j’ai déjà
commandé mon Bolt (un équivalent d’Uber), mais je me résigne et le suis, avec l’intention
d’expliquer à la maman. Une dame bien au sourire fort sympathique et plus jeune
que ce à quoi je m’attendais m’attendait sur la banquette arrière.
—Hello my
darling, I am so sorry we had to come this early. How are you doing?
—I am doing
good thank you. What about you?
—Awesome
now that I see you. Mon français n’est
pas huh….good but je peux essayer, elle dit en riant.
— On peut
continuer en anglais si vous préférez, je réponds avec un sourire.
— Oh no, j’ai promettre
à mon bébé de faire les efforts.
— La conjugation Mom,
son fils se moque comme si pour lui est meilleur.
Ils échangent dans
leur langue et Godson nous laisse seuls.
— I am sorry, je
pense pas pouvoir rester madame, je dois me rendre à la…
—Clinique right? On
peut te laisser of course, comme ça on chat pendant the ride ?
— Euh…OK, si ça
ne vous dérange pas.
Pendant qu’elle
descend la vitre et rappelle son fils, j’annule mon Bolt.
— Excuse-moi
yeah, c’est l’appel de mon mari, elle me dit et répond dès que son fils démarre
après que je lui ai donné l’adresse.
Pendant dix minutes,
je n’entends que du twi ou fanti, je ne fais pas encore la différence. Je n’ai
compris que le bye à la fin.
—I am so
sorry my darling. C’est pas facile
d’avoir le papa. Il refuse d’avoir un cellphone, can you believe it?
— Euh….,
je fais confuse.
—Thirty
five years with the man, et j’ai tout parlé. Il veut pas de cellphone. C’est à cause de lui qu’on a téléphone de
terre.
— On dit
téléphone fixe maman.
— Yeah that, elle
confirme et me fait sourire. Anyway, on ne s’est pas introduit. I am Eliza
Ameley Coleman-Asamoah, mais tu peux m’appeler Mommy.
— Enchantée, je
suis Elikem Perla Xena Akueson, je préfère Elikem.
—Marvellous. J’ai
écouté de mon bébé que tu es notre nouvelle wife ?
— En fait…, je m’excuse,
c’est un malentendu. Lorsque votre fille nous a vus, je portais encore l’alliance
de mon fiancé que j’ai perdu il y a trois ans de ça. Yafeu et moi on commence à
peine à se fréquenter.
—Oh I am
sorry to hear that. Ma mère aussi est
partie depuis quatre ans et c’est toujours dur.
— Mes
condoléances aussi.
—Thank you
my darling. Either way, je suis quand
même contente de te rencontrer. On va pouvoir se connaître un peu avant mon
départ, n’est-ce pas ?
— Ça me ferait
plaisir, je dis à moitié honnête. Elle n’a pas l’air nocive, mais je reste sur
mes gardes.
Elle propose qu’on
cordonne nos emplois du temps et c’est ainsi que trois jours plus tard, je la retrouve
au Country club de Muthaiga, un endroit sur lequel ma sœur m’a raconté une anecdote
à tordre de rire.
— Alors ? Comment tu vois mon fils ? elle me demande d’un coup, pourtant on
discutait de tout et de rien pendant qu’elle me montrait comment tenir le club
de golf.
— Euh…il est ambitieux,
poli et gentil.
— Ah
oui ? Il ne…he’s not annoying with you?
— Ça dépend des
jours, mais j’ai mes côtés annoying aussi, donc je n’ai pas vraiment à me
plaindre.
—I like
your spirit Elikem. See, j’ai parlé
avec le papa de Nyameba deux fois et il m’a choisi pour être la femme de son
fils. Je ne savais même pas si Nyameba était beau, travailleur ou gentil. Yafeu
t’a dit qu’il porte le nom de son grand-père ?
— Pas
encore.
—He’s
secretive that one my Son eh, elle rigole. Son grand-père était un grand traditionnel docteur qui a sauvé notre père.
Il est venu dans mon village pour le sauver d’un mal dont il souffrait depuis
des années. Mon père lui a supplié de prendre un des enfants de la maison avec
lui comme aide en attendant qu’il ramasse l’argent pour tout payer du
traitement. C’est moi qu’il a choisi, en expliquant que je serais la femme de
son fils donc l’argent n’était plus nécessaire. Si je raconte ça aujourd’hui,
les gens vont crier slavery and what not, mais je suis sûre que j’aurais été
malheureuse si je n’avais pas trouvé mon Nyameba. Mais je pleurais en quittant
mon village. Même les premières nuits, je pleurais tellement my darling. J’étais
peur…j’avais ?
— J’avais peur,
je lui confirme avec un sourire.
—Exactly. J’avais peur.
J’étais ici, toute petite, et Nyameba là-bas, elle m’indique en se mettant sur
la pointe des pieds pour me signifier l’immense différence de taille entre eux
qui m’arrache un rire. J’étais comme…my God ! Il va me faire mal lui. But you know what, les
deux premières semaines, on a beaucoup parlé. Chaque nuit, on parlait
tellement. Il a demandé qu’est-ce que je voulais. J’ai dit aller à l’école,
aider ma mère, mes frères et sœurs n’aient plus jamais faim. Il a promis qu’on
va faire ça. Lui voulait des enfants. Sa mère a eu sept, mais lui seul est
resté vivant. Parce qu’on disait que sa maman est sorcière et tuait ses
enfants, les autres femmes de son papa interdisaient à leurs enfants de s’approcher
de lui, donc il est resté seul pendant sept ans avant que j’arrive. On s’est
promis qu’on va faire le rêve de chacun et c’est comme ça qu’on a commencé avec
Yafeu jusqu’à finir avec Thema. Il m’a donné le monde. Les huit enfants de ma
mère ont tous réussi. Il y a tout dans ma famille, OBGYN, architect, venture
capitalist, et je passe. Mes frères et moi on a fait les funérailles d’une
semaine pour mon papa dans tout le village. Ma maman est partie dans son vieil
âge. Même les enfants des autres, on les a nourris. Ceux qui souffrent dans
notre grande famille ce sont les paresseux ou ceux qui sont trop méchants pour
qu’on les aide. I am
saying all that to say, l’engagement et le respect c’est mieux que « I love you » everyday. I am not saying, “I love
you” c’est inutile. Je lutte avec
papa pour qu’il dise ça depuis thirty-five years my darling. That man will not budge, can you
believe it? Anyway, elle dit en riant,
j’ai beaucoup parlé. What do you think?
— C’est une très
belle histoire mommy. Pour être honnête, l’une des raisons qui nous a rassemblé
Yafeu et moi, c’est le désir d’avoir un enfant, j’avoue et me demande directement
si c’était une bonne idée, mais je me calme vu comment elle s’illumine.
— Je comprends
bien Elikem et ça me fait beaucoup plaisir d’entendre ça. On n’a pas encore de
grand child de nos enfants donc papa et moi serons tellement contents. Merci de
m’avoir donné cette si bonne nouvelle. Yafeu a fait un très bon choix contrairement
au passé. Tu veux accoucher ici ou bien aux États-Unis ?
— Euh…, je ne
suis pas encore enceinte mommy, je dis avec humour.
— Oh ça va vite
venir. Dieu merci que Nyameba n’aimait pas vraiment quitter Akossombo et je devais
me déplacer pour ma formation d’enseignante à Kumasi, parce que j’aurai porté
plus que dix enfants. Dès que j’ai commencé Law school à Accra, j’ai bien senti
ça. Le grand-père de Yafeu a eu twenty-five so….
— Je demande pardon,
tu as dit touuuentiiii et puis fiveuuuhhh déposé à côté ? je m’écrie et elle rit à gorge déployée.
—They love
children in the family neh?
Je n’ai pas retrouvé la
parole pour lui répondre oh. 25EUH ? L’équivalent
d’une classe dans certaines écoles. Mon utérus est en danger.
***Eben Ezer
Tountian***
Depuis mon retour, je
n’ai pas vu Axel bien qu’on se soit parlé et nous nous écrivons régulièrement. La
dernière fois qu’on s’est parlé, il me recommandait une salle de sport qu’il
visite de temps en temps, donc j’y ai fait un saut après lui avoir balancé un texto.
Je ne m’attendais pas à tomber sur Joshua dans la salle en revanche.
— Tu ne cesses de
gonfler toi, c’est pour frapper tout le pays ou quoi ? je dis et il rigole.
— Il faut s’entretenir
ou bien ? On dit quoi ? Bienvenue dans ma salle.
— Ah ouais, je
dis sur un ton appréciateur. Bon boulot, c’est vraiment propre.
— Merci mec. Tu as
pris un abonnement j’espère. Il faut soutenir la famille.
— Lol, permets
que je commence au moins non ? Ou on
n’a plus droit à tester ?
— Ah teste, tu
vas voir qu’il n’y a pas meilleur.
Il se fait héler par
une fille et me laisse. Je reconnais aussi la tête d’Axel à l’entrée et le hèle
également.
— Tu ne pouvais
pas me dire que c’était la salle de Joshua ? je lui
dis après qu’on se soit checké.
— Frère, figure-toi
que je l’ai découvert hier pourtant je fréquente le coin depuis que je t’en ai
parlé. Imagine ? Pourtant
on vit ensemble hein.
— Ah ça. Il est
rentré définitivement ?
— Qui sait ? Il m’a dit d’aller faire ma commère ailleurs
quand je lui ai demandé.
— Eh
ben. Il m’a salué sur un ton très
jovial pourtant.
— Normal, tu
viens lui apporter de l’argent. Moi Axel, je suis quoi devant l’entrepreneur
baraqué ? En tout cas, je peux ajouter
à sa défense qu’il m’a répondu ainsi après que j’ai décliné l’offre d’investir
dans sa salle de sport, donc peut-être c’était la colère.
— Heureusement,
toi-même tu reconnais que c’est ton karma pour avoir refusé de soutenir le
business familial.
— Sale con, il
réplique en rigolant comme moi.
On se met sur les
machines et le rattrapage commence. Il a quitté la compagnie de madame Ciara il
y a deux mois de ça, pour 6digits, une agence de management.
— Les interviews
ne finissent pas mec. Mannequins, anciennes miss, dauphines, étudiantes, chômeurs
et il ne faut pas voir le mensonge hein. On a bien exigé dans l’annonce que le
bilinguisme est nécessaire. Imagine une sœur a carrément listé jusqu’au russe
comme langue parlée. Je la reçois en entrevue, lui pose une seule question en
mandarin comme elle l’avait listé aussi, la meuf s’excuse que pardon où sont
les toilettes, qu’elle se retenait depuis.
— Oubliant que tu
es papa na mandarin, je dis essoufflé à cause du rire. Elle t’a dit quoi à son
retour ?
— Que pardon mon
frère, tu connais la réalité du pays non ? Glisse-moi
une place, je vais apprendre le chinois en attendant, promis.
— Je vais mourir,
je dis en riant de plus belle.
— Je vois et j’entends
tout depuis que je suis chez 6digits.
— C’est quoi concrètement
votre agence ? Vous allez former les
gens pour quels postes ?
— En fait c’est une
agence qui reçoit des demandes de diverses marques pour du marketing en ligne.
La directrice de la chaîne est une Ghanéenne, mais elle a commencé en Afrique
du Sud il y a dix ans de ça et sur les années, tissé des liens de confiance avec
une foule de compagnies. De Huawei, HP, des marques de bijoux, aux épices, bref,
sa compagnie s’est bien établie et a gagné la confiance de beaucoup. Il y a quatre
ans, elle a ouvert une branche à Accra qui marche hyper bien aussi et cette
année, elle a choisi Lomé pour sa nouvelle agence. Donc nous sommes en phase de
recrutement pour le moment. Hommes comme femmes pour être des représentants de
marque, maquilleuses, assistantes, photographes, bref tu peux passer le mot si
tu connais quelqu’un qui est agréable à regarder.
— Quand tu dis
huawei là, c’est le huawei avec lequel on appelle ?
— Lol, il y a aussi
PC et Tablet, mais pour l’instant ils n’offrent que des contrats sur leurs téléphones
en Afrique, mais elle se bat pour plus.
— Donc tu veux me
dire que dans cette Afrique, il y a des gens qui représentent Huawei ?
— Toi qui as
voyagé plus que moi, tu n’as pas vu les billboards de Samsung et tout à Lagos ?
— J’ai vu vite
fait, mais je croyais que c’était l’initiative des vendeurs sur place.
— Ah non. Samsung
est bien présent en Afrique. Ils ont des ambassadeurs dans différents pays.
— Ah ça !
— C’est le
business de l’influence. Tout le monde veut sa part du gâteau. C’est pour ça
que la directrice de notre chaîne est à fond sur l’agrandissement de sa ligne.
— Non, elle
mérite les accolades pour cette initiative. Dans cinq voire dix ans, quand les
autres verront ce qu’elle a réussi à faire ici, ils vont accourir sur le marché,
mais elle aura eu le temps de jouir de son monopole.
— Merci ! Et pardon, dis-le à Joshua en quittant la
salle. Le gars se moque qu’on copie les Occidentaux alors qu’on n’a pas fini d’arranger
nos routes. Qu’il ne me connaît pas quand je vais me retrouver au chômage en
six mois.
— Mais lui qui a ouvert
sa salle alors ?
— Merci encore
une fois pour ta pertinence. Bref, parlons d’autre chose. Une petite fille m’a
touché le cœur aujourd’hui.
— Enfin tu vas
nous présenter quelqu’un, depuis le temps qu’on t’attend, je le taquine.
— Si tu
considères que je dois sortir avec les mineures maintenant alors oui. Je parle
d’une petite qui m’a bluffé aujourd’hui. Imagine, dans quelques mois, elle aura
seize ans et elle s’est présentée pour le poste d’éditeur de contenu avec une
clé USB remplie de compositions tellement complexes comme portfolio qu’elle m’a
dit avoir réalisé avec Photoshop et GIMP.
— GIMP je connais
pas, mais seize ans et elle maîtrise Photoshop ?
— Dans deux mois
s’il te plaît et elle ne te fait pas des trucs basiques en plus. GIMP c’est
aussi un logiciel d’édition. Je ne l’ai bien évidemment pas pris au sérieux,
surtout après l’expérience avec la sœur qui parle trop le mandarin là. Du coup je
l’ai mise devant un ordi pour qu’elle me reproduise en trente minutes, une composition
que j’ai choisie de son portfolio. En moins de trente minutes Eben. J’aurais dû
prendre des photos pour que tu voies maintenant que je te le dis !
— Fallait y
penser toi aussi.
— C’est que j’étais
abasourdi gars. Moi-même son grand frère j’avais essayé à un moment de prendre
un cours d’édition pour me réorienter dans le design, mais j’ai abandonné parce
que j’arrivais pas à réussir un « gradient » digne de ce nom. Elle, en moins de trente
minutes m’a sorti un composite à couper le souffle. Une femme enfermée dans une
lampe qu’on lance dans une mer agitée avec en fond un ciel gris parsemé de
quelques oiseaux. Et un clipping mask avec un dégradé de couleur, bref des trucs
qu’on attend de bons graphistes, il conclut voyant ma confusion à ses termes. Imagine
qu’elle a cette maîtrise depuis un peu plus d’un an. Elle a découvert le logiciel
sur l’ordi d’un camarade de classe et tout ce qu’elle a appris, c’est par des
articles sur internet ou des essais.
— C’est ce qu’on
appelle un talent brut ça.
— Qui pourrait
aller si loin si seulement je pouvais l’engager, hélas son père ne la soutient
pas. Il fallait voir comment sa face s’est effondrée quand je lui ai dit qu’on
la prendrait tout de suite dès que ses parents donneront leur accord. Elle a même
séché les cours pour venir à l’agence. L’air défaitiste avec lequel elle a
quitté le bureau ne m’a pas quitté de la journée.
— Tu as encore
son nom ?
— Oui pourquoi ?
— Il y a ma meu…une
amie qui s’est fait interviewer par un magazine qui a pour mission de mettre en
avant les jeunes talents du pays. Source, c’est le nom. Je peux lui demander si
on peut connecter la petite au magazine. Peut-être le vieux la prendra au
sérieux s’il voit comment les gens soutiennent sa fille.
— Si tu peux je t’en
prie Eben ! Elle le mérite
amplement, j’ai même passé la journée à contacter des gens pour savoir s’il y avait
un moyen légal d’engager une mineure. Ariel Mikem, c’est son nom.
— Je vais
contacter mon amie dès qu’on sort, je dis en pensant à Océane à qui je n’ai pas
parlé depuis bientôt deux mois. Tu ferais quoi si tu découvrais qu’une meuf qui
t’intéresse déteste une de tes bonnes amies ? Le genre de bonnes amies que tu connais et
apprécies depuis des années ? je lui
demande sur un coup de tête.
— Rien.
— Rien ? je répète confus.
— Le problème existait
avant ou après mon arrivée ?
— Bon, tu connais
ton amie depuis le lycée genre, mais la meuf tu l’as rencontré depuis moins d’un
an.
— Quand tu dis
intéressé par la meuf, c’est jusqu’à quel stade ?
— Tu te sentais à
ta place avec la meuf jusqu’à ce que tu découvres le problème entre elle et ton
amie.
— Et là tu ne te
sens plus à ta place ?
— Bonne question,
je fais songeur. Je n’y ai pas pensé. Disons que je trouve leur tension dérangeante
et la façon dont je l’ai appris m’a révolté. Il y a d’autres détails, mais grosso
modo, je n’arrive pas à ressentir autre chose que de la gêne et l’agacement face
à cette situation.
— Mettons la
situation gênante de ton côté, tu ressens quoi pour la meuf ?
— Elle compte
énormément pour moi.
— Elle le sait ?
— Je suppose,
nous n’avons pas vraiment parlé de ça depuis la découverte dérangeante.
— C’est toi l’avocat
entre nous. Je ne t’apprends pas l’importance de la discussion donc pour
résumer, je pense qu’une situation que tu n’as pas créée ne te regarde pas. C’est
peut-être dérangeant, mais tant qu’on ne t’oblige pas à t’impliquer, je pense
que c’est à toi aussi d’accepter les conditions dans lesquelles tu es entré. Tant
que la cause de discorde n’est pas criminelle, tu devrais accepter qu’on ne s’entendra
pas tous ici-bas.
— Ça je le sais. Je
suppose que mon inquiétude réside dans ce que l’avenir me réserve dans un cas pareil.
— Tu attends quoi
toi ? Dis-le à ta partenaire
et ton amie. Si elles tiennent respectivement à toi, elles doivent aussi
accepter de se gêner un peu non ? Tout
comme tu seras gêné pour un temps par leur tension ? En tout cas, c’est le conseil d’un mec qui
est célibataire depuis deux ans, donc prends-le avec précaution.
— Pourquoi tu
bloques mes sœurs ? Tu te
préserves pour le mariage ? je le
taquine et il rigole tout en se levant de sa machine.
— Tes sœurs ont d’abord
mon temps ?
On continue à discuter
jusqu’aux vestiaires puis nos véhicules respectifs par la suite. Il décline mon
invitation à dîner à la maison. Réunion familiale oblige. Tante Mireille qui avait
trouvé refuge chez son frère des années plus tôt exige que ses fils viennent la
chercher. Bien qu’Axel et Ezra lui aient refusé le domicile de la maison, ils n’ont
pas pu l’abandonner. Qui peut leur en vouloir ? L’amour d’enfant à parent est dur à tuer même
si ce parent est dur à aimer. En tout cas, Axel me dit qu’elle serait née de
nouveau selon ses dires et ne finit plus aucune phrase sans ajouter Shalom à la
fin. Sceptique de mon état, j’ai du mal à y croire, mais qui suis-je pour juger
du changement d’autrui, surtout si ses…. enfin Axel y croit.
Le magazine source me
fait de l’œil sur le siège non chauffeur quand je m’installe au volant. Je n’ai
vu la mère d’Océane qu’en photo, mais un jour si je la rencontre, je compte lui
demander ce qu’elle a mangé durant sa grossesse pour que sa fille sorte avec un
regard si envoûtant. Le pire c’est que la concernée en est consciente et en joue
énormément, comme sur cette couverture. Elle m’a tellement rabâché les oreilles
avec ce magazine que je suis ravi de la voir dessus, mais qu’aussi, il se soit
vendu si bien. Selon mon assistant qui avait reçu l’ordre de m’acheter un exemplaire,
il a fait plusieurs boutiques et même payé en avance un vendeur pour qu’on lui
réserve le sien lorsqu’ils recevraient du stock. Le vendeur lui aurait dit que
depuis qu’ils n’ont vécu ce phénomène que deux mois plus tôt, durant une
édition spéciale, mais celle-ci est inattendue. Même lorsqu’il a appelé le
magazine pour demander un stock supplémentaire, on l’a mis sur liste d’attente
sous prétexte qu’ils recevaient des appels de partout et s’efforçaient de
répondre à tous. En résumé, les gens l’ont adoré, ce qui ne m’étonne guère. Elle
a une personnalité si attachante que même en lisant ses réponses sur du papier,
tu te fais une idée intéressante de la personne. J’ai lu quatre fois le
magazine et visionné trois fois la séquence de questions rapides qu’ils ont mise
sur le site pour faire la promotion du numéro. Je repense aux mots d’Axel et…..
un appel de Hilda m’interrompt.
— Allô ? je réponds un peu froidement.
— Grand frère
chéri, tu es occupé ?
— Ça dépend de ce
que tu veux.
— Je voulais en fait
te parler de Godson qui…
— Je suis occupé
si c’est pour lui Hilda et avant que tu n’ailles plus loin, sache que ça
restera non. Si ton copain ne connaît pas le respect, je ne vais pas lui en
accorder.
— Wah Eben, c’est
pas comme ça s’il te plaît. Il reconnaît qu’il a mal agi en manquant votre rencontre
en décembre, et je n’essaie pas de le justifier, je t’assure. Il y a tant d’imprévus
qui nous tombent dessus dernièrement que son emploi du temps est atroce, mais
on fait de notre mieux.
— Il regrette tu
dis ? Son appel est où dans ce
cas ?
— ….
— Ou tu vas me
dire qu’il a du mal avec l’anglais comme je suis nul dans cette langue, n’est-ce
pas, je dis sur un ton sarcastique.
— Bien sûr que
non. C’est pas ça, c’est juste que….
— Tu ne finis pas ? je dis après un silence de sa part.
— Je sais pas
quoi dire pour te calmer Eben, elle dit dépitée.
— Je ne suis pas
fâchée contre toi Hilda. Mon problème ce n’est même pas toi ni les imprévus de
ton copain. On connaît le mot imprévu, c’est arrivé à tout le monde. Mais ce qu’on
fait quand on a un imprévu, c’est de prévenir en avance. Et si pour une raison
inconnue on ne peut pas, on appelle après, à défaut de se déplacer. C’est la
base du respect. Le temps des gens a de la valeur. Maman est montée exprès sur
Lomé pour rencontrer ton gars quand je lui ai parlé de sa visite. On a même
fait des dépenses pour bien l’accueillir comme tu me l’as demandé. Comment il
nous remercie ? C’est
avec ce comportement qu’il compte entrer dans notre famille ? Ou comme nous ne sommes pas « fils de », on
peut nous négliger ?
***Hilda Tountian***
Quand Eben est dans
cet état c’est quasi impossible de lui faire entendre raison, donc je ne me
suis pas dérangée pour l’interrompre. Godson franchement m’épuise. Je suis plus
perdue que mon frère par l’emploi du temps de mon fiancé. Parfois j’ai l’impression
qu’il est ici et partout à la fois. Monsieur est à Nairobi, mais on le trouve
où ? Il répond avec des heures
de retard à mes messages. On ne décroche même pas mes appels. Même sa salle de
sport, il l’a fermé et je ne l’ai su qu’après. La raison, c’est qu’il était
trop pris pour s’en charger, pourtant je suis là moi. Je pouvais très bien m’en
occuper.
Nous sommes en janvier,
je me retrouve seule dans l’appartement tandis que les autres ont bougé. Encore
heureux que le nouveau locataire n’emménage pas avant la fin de février, donc j’ai
réussi à m’entendre avec le bailleur pour qu’il me laisse ici, mais je préfère
ne pas dire combien je paie. Un appartement de trois chambres s’il vous plaît. Les
Laré Aw sont vraiment riches parce que jamais je n’ai su combien coûtait cette
place jusqu’au départ de Aïdara.
Aujourd’hui, j’ai
décidé d’aller camper à son appart. De toute façon, il pointera sa face tôt ou
tard. J’ai dû me faire un sac d’une semaine qu’il a fallu trimballer au travail,
n’ayant même pas de voiture. Cette vie de galère me fatigue franchement. J’ai intégré
un chama group (l’équivalent d’une tontine) l’an dernier pour ne manquer de
rien à mon mariage. Imaginez que le mois dernier, j’ai proposé au groupe qu’on me
bump de deux places en haut pour que je reçoive mon argent au plus vite, parce
que j’ai besoin d’une voiture, étant une nouvelle mère. On m’a demandé les preuves
là. Genre les preuves de mon statut de mère. Et je tiens à préciser que ce sont
des femmes qui m’ont demandé les preuves. On refuse de se soutenir entre nous
et c’est pour se plaindre après.
Bref, mon travail, même
s’il ne me rend pas riche comme Crésus me passionne toujours, donc je me donne
à fond et à 17 h 30, je sors de l’agence et prends un taxi direction Riverside
où réside mon gars. Une autre chose que je ne comprends pas. Pourquoi son frère
vit dans une maison bien confortable à Peponi et lui est dans un appart à Riverside.
C’est comme si Eben vivait dans sa maison à Lomé et je restais en location. Jamais
de la vie ! Son appart aussi est
bien, mais face à une maison dans une communauté sécurisée avec des gardiens à l’entrée,
le choix est vite fait quoi.
Je n’ai plus la clé de
son appart. J’ai égaré celle qu’il m’avait donnée donc je suis littéralement
obligée de l’attendre dans le couloir. Je ne sentais presque plus mes pieds
quand il a finalement pointé le bout de son nez et c’est lui qui s’étonne de me
voir.
— Comment ça qu’est-ce
que je fais ici ? je lui
demande en colère.
— C’est bon, crie
pas ! On ne s’est pas dit que
tu venais non.
— Je crie si je
veux Godson ! Je crie si j’en ai envie ! Je dois te dire que je viens avant que tu ne
me cherches ? J’ignore quel fétiche on
t’a fait manger dernièrement, mais tu vas mal me sentir si tu continues ce que
tu fais là.
Il râle, mais mon
problème c’est quoi dedans. Je râle aussi et ensemble on entre dans son appart.
On n’a même pas fait cinq minutes que le type veut ressortir. La vitesse avec laquelle
j’ai bondi sur lui là.
— Tu crois aller
où ?
— Hilda, on m’attend.
— Ohoho ! Je ris de rage. On va t’attendre jusqu’à l’infini
my friend ! Ou on sort ensemble, ou
tu restes.
— Hilda, quitte. Je
ne veux pas faire la force avec toi.
— Mais fais ! Fais donc et tu verras ce que mes frères vont
te faire ! Tu te prends pour qui au
juste ? Tu crois être le seul
homme au monde hein ? Je me
fais bien draguer mon frère. Par des gens très intéressants, même donc ne pense
pas que je suis ici par manque d’options. Je suis là…
Mes mots se transforment
en cris quand je me sens soulevée. C’est mal me connaître s’il croit que je me
laisserai faire facilement. Je m’agrippe si fort à lui qu’on finit par
trébucher et nous nous ramassons brutalement au sol. La porte d’entrée s’ouvre
et se trouve devant nous, une dame que je reconnaitrai entre mille. Sa mère.
—Can someone explain
what is going on here? elle demande sur un ton si froid que je me redresse
rapidement et j’arrange mes habits.
—Nothing, she was
leaving, il réplique sur un ton bourru.
—Leaving? je répète le
cœur battant à en suffoquer. Devant ta mère tu me dis que I was leaving Godson ? Qu’est-ce que tu me fais là ? Je t’ai fait quoi ? Pourquoi tu essaies de salir mon nom et
briser mon cœur ? je
demande au bord des larmes.
— Tu n’as pas
entendu mon fils young lady ?
— Mon nom c’est
Hilda et je suis la fiancée de votre fils ! Nous
sommes ensemble depuis des années. Il m’a fait des promesses, madame.
— Fiancée c’est
quoi ? Who knows you? I certainly don’t nor do I care.
Do we have to call the security for you to get your cue and leave young lady?
(Qui te connaît ? Certainement pas moi et ça ne m’intéresse
pas. Doit-on faire monter la sécurité pour que tu comprennes qu’il te faut
partir ?)
Godson? C’est moi Hilda que tu dénigres de
cette façon ? je demande au concerné
qui n’a pas pipé un mot.
—Hilda don’t
make this difficult please?
Je lui crache au visage,
ramasse mes effets et sors avec rage, le visage noyé de larmes. J’ai passé des
nuits blanches à étudier des auteurs barbants pour ce mec merde ! On ne m’a jamais humilié à ce niveau. J’ai
plusieurs fois rêvé de ma rencontre avec sa mère, de comment elle me prendrait sous
son aile et me montrerait les étapes à suivre pour devenir une femme aussi accomplie
qu’elle. Cette femme, je l’admirais. Je ne l’ai jamais avoué à son fils pour qu’il
ne me voie pas comme une complexée, mais j’ai fait tant de recherches sur Eliza
Coleman. Tout ce qui était disponible sur elle sur le Net, je l’ai lu. J’ai
regardé toutes les interviews, apparitions dans des écoles pour des séminaires.
Dans mes rêves les plus fous, je me voyais devenir elle et changer aussi l’histoire
de ma famille. Le jour où je la rencontre enfin, elle me dit qu’elle s’en fout
que je sois la fiancée de son fils. « Don’t
meet your heroes », c’est
ce que les Anglais disent pour éviter qu’ils te déçoivent. C’est une partie de
ma vie d’adulte qui vient de s’écrouler ce soir.