132: tes intentions

Write by Gioia


 

***Cédric Yafeu Asamoah***

Qui est mon frère? Parce que celui que je vois depuis quelques minutes sur les vidéos de surveillance ne peut pas être Godson. Ça ne peut pas être le fils de mon père qui fouille dans mon dressing, porte mes vêtements et culbute sa copine sur mon lit. Ça ne peut pas être lui qui la prend dans ma cuisine, lui fait boire mon alcool, la saute dans ma piscine. Je sors de mon bureau et vais chercher sa copine dans la chambre où je l’ai enfermé. Il a fallu que j’en arrive à ça pour l’empêcher de détaler comme elle avait essayé durant mon petit tour rapide aux toilettes. Elle sursaute dès que j’entre et essaie de se cacher, ce qui a le don de m’énerver. C’est par l’oreille que je vais la tirer derrière le rideau tandis qu’elle crie au meurtre et j’en passe.

— Si tu ne la boucles pas dans les secondes qui suivent, je te ferai regretter amèrement de m’avoir connu, je la menace et elle la ferme aussitôt.

J’abandonne son oreille pour lui tenir le poignet et la traîne dans la salle de bains d’à côté.

— Tu vas te rincer l’entrejambe à l’eau et proprement!

Elle s’empresse d’aller le faire, tandis que je reste à côté de la porte pour m’assurer qu’elle ne casse pas une vitre avec l’intention de s’enfuir. Dès qu’elle sort, je nous ramène à mon bureau pour la phase des explications. Elle l’ouvre béante devant les vidéos et se met à pleurer de plus belle.

— Maintenant il m’abandonne dans la honte. Je te jure grand-frère que je l’ai prévenu! Je lui ai dit qu’on ne fait pas ce qu’il veut là sinon on risque de se ramasser des malédictions, mais tu connais ton frère. Je te demande pardon. S’il te plaît, je ne vais répéter à personne ce qui s’est passé. Je veux seulement rentrer chez moi. Hein, pardon, je ne peux pas manquer le travail, elle récite le nez dégoulinant de morve.

— Tant que ton acolyte ne se décide pas à rentrer, tu resteras ici donc libre à toi d’utiliser ce temps pour me trouver une explication plus convaincante ou vider les larmes de ton corps.

Elle préfère pleurer et se plaindre qu’elle peut expliquer quoi sur les idées tordues de Godson, comme si ce n’est pas elle que mes yeux ont eu le malheur de voir dans des scènes qu’il me faudra des années pour oublier. Je l’enferme à nouveau et sors dans la cour pour m’aérer l’esprit. C’est le seul endroit qu’ils n’ont pas souillé, du moins selon les vidéos. Mains sur les hanches, je ne cesse de faire des tours, à l’image de ce qui se passe actuellement dans mon esprit. Si mon frère est ce pervers tordu à l’esprit retourné que j’ai vu, comment a-t-il réussi à le cacher? Il est vrai qu’il n’est pas celui dont je suis le plus proche. Tandis qu’il s’est envolé directement pour les États-Unis à 19 ans, j’ai fait neuf ans en Afrique du Sud avant de l’y rejoindre et trois ans plus tard, je retournais avec lui en Afrique. Toutefois, le temps qu’on a passé ensemble m’a permis de rapidement déceler ses défauts. Grand ambitieux qui sait lancer des affaires prometteuses sans pouvoir les maintenir parce que mauvais gestionnaire. Il dépense dès que l’argent tombe dans son compte et ne se dérange pas pour s’endetter. Il s’est tellement endetté auprès de quelques ex à lui qu’aujourd’hui encore, les relations entre mes parents et ses familles sont froides. Je connais une bonne partie de ses ex, toutes des filles de familles qu’on connaît et ce genre de filles aurait ruiné notre réputation s’il avait fait ce que j’ai vu sur les vidéos. Est-ce qu’on peut cacher ses penchants ou on les découvre plus tard en grandissant? Ou c’est cette Hilda qui l’a introduit à ça?

J’entends des pas se rapprocher et m’élance sans perdre une seconde pour trouver Godson, mais c’est sur Elikem que je tombe.

— Je préfère que tu t’en ailles si tu es là pour me rabâcher les oreilles avec des excuses inutiles, je commence avant qu’elle s’essaie.

Elle paraît surprise, blessée, mais sourit et s’abaisse pour déposer le panier qu’elle avait en main.

— Pour toi, bonne journée et désolée pour le dérangement, elle répond timidement avant de s’en aller.

La manière était brusque, mais la dernière chose que je veux, c’est qu’elle soit ici lorsque Godson débarquera. L’imbécile en question ne pointera le bout de son nez qu’une bonne heure plus tard en chantonnant à tue-tête jusqu’à ce qu’il me voie.

— Yafeu? You’re here? il s’étonne comme s’il avait vu un revenant.

— Suis-moi, je dis et me dirige vers mon bureau où se trouve toujours sa copine.

Elle sursaute à nouveau quand la porte s’ouvre et cette fois son visage prend un air horrifié.

—What the hell? Hilda? s’écrie encore Godson qui se trouve derrière moi.

—Toi-même what the hell! Enfant de Satan! Dis à ton frère ce que tu m’as poussé à faire pour me laisser la Range Rover, elle hurle.

— Tu parles de quoi? Tu fais quoi même dans la maison de mon frère? Qui t’a invité? réplique mon frère.

— Godson, je commence sur un ton calme.

—Whatever she said is a lie Yafeu. She’s just angry with me because I…

C’est par le cou que je l’empoigne et l’aurais soulevé si nous n’avions pas la même corpulence.

— C’est sa colère qui t’a dit de la coucher dans mon lit tout en imitant ma voix? Réponds! C’est sa colère qui t’a permis de souiller mon intimité?

— Cédric pardon, il n’arrive pas à respirer, tu vas le tuer, j’entends faiblement de sa copine et reprends mes esprits.

Je lâche sa pomme d’Adam sur laquelle je faisais pression et il tombe en toussant violemment. Sa copine se rue à ses côtés pour l’aider à se redresser tandis que j’observe les deux avec dégoût.

—Why are you treating me like this? What did I do? il me demande d’une voix faible et entrecoupée par sa respiration difficile.

— Réjouis-toi, je commence sur un ton sarcastique. Tu m’as si bien imité que…

— Yafeu pardon, sa copine m’interrompt en pleurs.

— Qu’elle est entrée dans ma chambre pour tester l’origina…

— Je pensais que c’était toi Godson! J’avais cru que…

— Tu blagues right? s’étonne mon frère tout en regardant à tour de rôle.

—You’re JOKING, RIGHT? il répète d’une voix plus agitée bien qu’il n’ait pas retrouvé un souffle normal. How dare you stupid hoe! il s’emporte et aussitôt se prend un coup de poing monumental qui est suivi par plusieurs autres.

Hilda, visiblement à bout, dépense son trop-plein sur lui et je ne bouge pas un petit doigt pour ramener l’ordre. Ils se roulent par terre, s’insultent, s’accusent, se tirent les membres et se mordent. Qu’elle soit innocente ou pas, Godson mérite amplement ce qu’il reçoit. Il a été jusqu’à imiter un de nos oncles, ancien pilote quand monsieur jouait au commandant et à l’hôtesse avec sa copine. Si seulement je pouvais réinitialiser mon esprit pour oublier tout ce que j’ai vu.

— Tu ne me mérites pas microbe, pleurniche Hilda après un énième coup de faible portée signifiant qu’elle est épuisée.

— Redressez-vous, je leur ordonne, las de leur cinéma.

— Sors de chez nous! Tu n’as pas intérêt à ramener tes pieds ici.

— Parce que tu as un «chez toi» Godson? Un petit pisseux de maman aussi veut commander les gens! Qu’est-ce qu’on ne va pas entendre.

— Je ne vais pas me répéter, j’interviens à nouveau et enfin les deux s’exécutent. Toi, tu es sur contraception?

Elle hoche rapidement la tête.

— Le numéro de ton gynéco?

— Hein…je…je..une seconde, je vais le chercher, elle dit et se dépêche de me le donner.

Je laisse l’appel en HP et lui fait signe de s’identifier après m’être introduit à l’interlocuteur.

— Tu prends le rendez-vous le plus proche, et toi tu ne bouges pas, je dis à Godson qui se dirigeait vers la porte.

L’appel prend fin une minute plus tard. Demain, à 10 h 45, elle est attendue et je lui rappelle qu’elle n’a pas intérêt à avoir une seconde de retard. Elle est enfin libre de rentrer. Je gère le reste avec Godson. Il a la journée pour libérer définitivement ma maison. Je lui laisse la latitude d’expliquer aux parents ce qui a conduit à ça. Ma nuit ne fut qu’une succession d’idées glauques jusqu’au réveil. Impossible de travailler dans cet état d’esprit donc j’ai laissé à mon assistant la charge de réarranger mon emploi du temps. Je ne peux rien faire tant que je n’aurais pas entendu de son gynéco qu’il n’existe aucune chance qu’elle tombe enceinte. Il n’y a certes pas eu de coït, mais j’ai joui dans sa bouche et elle s’est frottée sur ma queue par la suite. C’était assez en tout cas pour me tenir éveillé. Ayant quartier libre pour la journée, j’en profite pour visiter le médecin de famille que m’a recommandé Marley pour mon dépistage. Dès que j’en sors, je l’appelle pour connaître sa position et passe la prendre à leur immeuble comme indiqué. Je ne relâche ma respiration qu’après avoir reçu la confirmation de son OB. Elle est bel et bien sur contraception. Je leur laisse de l’intimité pour le reste de l’entretien, puisque je ne suis plus concerné. Une dizaine de minutes plus tard, je sortais à peine ma voiture du parking du cabinet quand son appel est entré.

— Yes, je réponds.

— J’ai fini.

— OK? Tu peux rentrer non?

— Euh….c’est que…oui.

— Alors?

— Je…rien. Donc…euh…c’est quoi la suite?

— Tu cherches quelle suite?

— S’il te plaît, tu peux garder ce qui s’est passé entre nous?

— Pourquoi?

— Je…j’ai pas envie de passer pour la salope de service aux yeux de votre famille surtout que je n’ai rien prémédité. J’avais écrit à Godson et comme ton gardien m’a confirmé qu’il était à la maison, donc j’ai pensé naturellement….enfin naturellement est le mauvais mot, mais tu vois…

— Tu tournes en rond et je n’ai pas toute la journée.

— Oui pardon. Je veux dire que tu sais déjà ce qu’on faisait. Je pensais qu’il était toi jusqu’à ce que tu réagisses. Je ne veux pas non plus perdre l’amitié de Dara et j’ai cru comprendre qu’il y avait un truc entre sa sœur et toi.

— J’ai compris. Autre chose?

— Non non. Merci beaucoup, elle se dépêche d’ajouter et raccroche.

De toute façon, je ne comptais révéler cette histoire farfelue à personne. Tu commences par où pour conclure avec quoi? Mon frère est un parfait imitateur qui se plaît à utiliser les voix des membres de sa famille pour mettre du piquant dans sa vie sexuelle? Il me faut clarifier l’histoire du gardien qu’elle vient de me révéler et potentiellement déménager, mais avant, j’ai plus important à régler.

***Elikem Akueson***

Je sais que parfois je passe pour une parano, mais j’ai la nette sensation que Yafeu a ses yeux sur moi dans la ville. Depuis que je le connais, il sait facilement où me trouver et surtout quand apparaître. Je suis sortie de la clinique il y a dix minutes avant la fin de mon service et sa Jeep n’était pas là. Mais dès que je sors officiellement, le voilà qui se gare et descend.

— Monte, il ordonne sans me saluer.

Après on dira que c’est toujours moi qui manque de douceur? Je monte et perds mon latin devant la panoplie de boîtes remplie de différentes pâtisseries. Les odeurs se mélangent et me donnent automatiquement faim.

— C’est ton anniversaire?

— Non. C’est pour toi. J’ai été sec hier.

— HAN? Je m’écrie aussi rapidement que j’écarquille les yeux pour mieux regarder la quantité de boîtes qui tombe même de la banquette tellement qu’elles n’ont pas de place.

— Tu n’aimais pas les fleurs non? C’était ça ou des fleurs.

— Je n’ai qu’un ventre voyons. Comment je finis tout ça?

— Tu en fais ce que tu veux, il répond sur un ton détaché qui me fait sortir de mon état de choc.

— Merci, j’apprécie.

— Tu apprécies vraiment ou tu me le dis pour être polie? il me questionne sur le même ton. Toute son attention est sur la conduite.

— Je ne t’aurais pas dit que j’appréciais si c’était faux.

— Tu m’en voudrais si je disais que je ne sais plus à quoi me fier avec toi?

— Non, je réponds même si son honnêteté me pique un peu. Je ne t’en voulais pas pour hier aussi. Je me doutais que tu serais remonté contre moi.

— OK, il répond simplement.

— Ce matin, j’ai pris rendez-vous avec un des psys à la clinique, je continue avec un sourire gêné. L’année dernière, j’allais plutôt bien. J’étais tout le temps avec mon neveu, Snam ou ma sœur donc on peut dire que j’étais sous couverture familiale dans un cocon douillet. Disons que la réalité m’a un peu rattrapée durant mon voyage au Gabon et il y a encore du travail à faire sur le plan émotionnel pour moi. Je ne voulais juste pas te traîner dans ce long travail qui n’a rien à avoir avec toi et sachant que tu veux aussi un enfant, je ne voulais pas égoïstement te dire…

— Arrête-toi là, il dit après s’être garé. C’est moi qui décide de ce que je trouve égoïste Elikem. Je n’ai pas 20 ans et suis encore moins aveugle. Je sais très bien que tu es comme un canard pour le moment. En apparence tu flottes naturellement sur l’eau, mais tes pâtes s’affolent en bas pour te faire avancer. Je n’ai pas la prétention de comprendre totalement ce que tu vis puisque je n’ai jamais reçu ce genre de coups. Je ne te demande pas aussi de me confier chacune de tes pensées, parce qu’honnêtement, je ne tiens pas à m’immiscer dans ton passé. C’est le présent qui m’intéresse. Dans ton présent je t’ai trouvé seule. Tu me plais. De ce que j’ai vu, tu feras une bonne mère et je n’ai pas trop de doutes sur notre capacité à être un couple heureux. C’est mon désir égoïste que je t’ai partagé. Si mon égoïsme ne t’a pas dérangé, pourquoi tu anticipes que le tien me dérangera?

— Parce qu’il retarde l’accomplissement de ton désir.

— Mettons de côté ta disposition à penser à mon sort, en toute honnêteté, qu’est-ce qui te satisferait comme vie future? Quand je parle de futur, ça peut être l’an prochain comme dans deux ans.

— Ma famille et mes amis en santé. Plus d’autonomie et de compétences dans mon métier. J’aimerais passer mentalement à autre chose, arriver un jour à apprécier le passé que j’ai eu la chance de vivre au lieu de le regretter. J’aimerais jouir autant que possible des gens que j’aime. Je veux une vie riche en émotions et moments. Amis, famille, enfants, je désire être entourée et je te vois dans ce lot. Si je ne devais penser qu’à mon petit bien-être, j’aimerais te garder dans un an, voire deux et si possible jusqu’à la fin de mes jours, j’avoue sans réfléchir.

Il me prend la main et la dépose sur sa poitrine tout en me fixant.

— Je pensais être plus aimable que toi, mais tu sais parler quand on te pose les bonnes questions, il demande sur un ton moqueur.

— Pff, pourquoi ça ne m’étonne pas que tu sortes une réponse qui casse l’ambiance? je lui retourne tout en le regardant de travers.

Ainsi, aussi facile que le retour du soleil après un orage, on commence à se taquiner tout en descendant du véhicule. Les bras remplis de pâtisserie, nous montons à mon appartement.

— Regarde comment je n’ai même plus de place sur ma table à manger, je commente après qu’il ait déposé la dernière boîte. Tu es l’exemple même de «doing the most», je dis en rigolant.

— C’est beau quand tu ris, il constate avec un sourire satisfait qui me rend gênée tout d’un coup.

— Bouge pas, j’arrive, je vais me changer, je lui sors pas pour me défiler parce qu’il me faut effectivement changer de tenue.

Je laisse la porte entrouverte à la dernière minute, au cas où il déciderait de me rejoindre, mais il ne le fait pas jusqu’à mon retour. Il est sur mon divan, le nez dans son téléphone, visiblement préoccupé.

— Tout va bien? je demande inquiète.

Il hoche la tête, le nez toujours dans son téléphone.

— Un souci avec le travail?

— Hum? il réplique sans toujours regarder dans ma direction.

Je laisse faire, attendant qu’il finisse ce qui occupe son attention et lorsqu’il lève la tête, je le rejoins sur le sofa avec deux paquets de sablés danois.

— Tu es certain que ça va?

— Mais oui, ce n’est rien d’important. Qu’est-ce que tu manges ce soir?

— On mange ce que tu as ramené. Je n’ai pas la force d’aller en cuisine.

— On mange du sucre pour le dîner? il me demande sur un ton confus comme si je venais de lui sortir l’idée la plus sordide au monde.

— Pardon monsieur, est-ce que tu m’as prévenu de ta visite pour critiquer mon menu?

— Je suis à toi à l’infini. Je n’ai plus besoin de te prévenir.

— Ouais, la vie est facile hein, je rigole. Je nous commande à manger alors et tu ne fais pas de caprices. Ou tu manges les pâtisseries, ce sont tes deux options.

— Ou je rentre, ma dernière option.

— Jamais. Je ne l’ai pas autorisé. Choisis ce que tu veux, je dis après avoir ouvert Glovo (un genre d’Uber eats) sur mon cell pour lui puis me dirige vers la table.

— C’est toi qui paies? Je vais commander tout ce que je vois.

— Pourquoi tu aimes être nuisible? Je rigole tout en prenant quelques paquets.

— Tu vas où?

— Si ça reste devant mes yeux gourmands, ma bouche trouvera un moyen de tout manger. Je vais garder les parts de Snam et ma sœur dans la cuisine. Je pourrais aussi en donner à Hilda, je ne l’ai pas vu de…

Je suis soulevée en un temps record et ma bouche ravagée sur le champ. Si ça m’a surpris qu’il n’ait rien tenté depuis qu’on est dans l’appart, le baiser actuel me brouille davantage l’esprit. Je ne comprends pas l’ardeur soudaine, même si mon corps apprécie énormément. On est à bout de souffle quand sa langue sort de ma bouche.

— Les cadeaux sont uniquement pour toi. Tu peux à la rigueur, partager avec ta famille, mais personne d’autre, il me susurre, mains à la naissance de mes fesses.

— Heu…OK? je fais dubitative.

— J’y tiens.

— D’accord. Tu as choisi ce qui te fait envie?

— J’ai pris par dépit de l’éthiopien comme tu refuses de me nourrir.

— Excellent choix, ça tombe bien pour ce qui s’annonce comme soirée, je dis amusée et éclate de rire quand il roule les yeux.

Une heure plus tard, le repas est là. La soirée tant attendue devrait commencer bientôt de l’autre côté. J’ai eu le temps de lui montrer les messages, photos et tout ce qui est entré dans la préparation de l’événement.

— Donc tu sais être romantique sous tes airs de commando?

— Qui est commando ici?

Il se permet de ricaner. Sa chance c’est que je suis trop excitée et impatiente que la future madame m’envoie sa première réaction. Nairobi ayant trois heures d’avance sur Lomé actuellement, elle ne devrait pas tarder vu l’heure qu’il sonne chez nous.

***Océane Ajavon***

Un mardi, on m’annonce que deux jours plus tard, soit le jeudi, on rencontre des clients potentiels et ma présence est nécessaire parce que certains seront accompagnés de leurs femmes. Ce n’est pas tout de vouloir un homme ambitieux comme papa me le dit quand il veut se moquer. Il faut accepter les réalités qui viennent avec cet homme comme le fait qu’il faudra participer à l’élargissement de ses activités qu’on soit épuisé ou pas. Sinon, moi on m’accepte avec mes réalités de femme ambitieuse ou pas? Je retire. On m’accepte et me soutient aussi, donc je n’ai malheureusement aucune excuse sous la main pour dormir à la place. Je m’efforce malgré la fatigue d’être présentable, même si j’ai dix minutes de retard sur l’heure que m’a fixé le concerné. De toute façon, lui-même n’est pas dans le coin, donc je descends, téléphone en main. Dans les escaliers, je croise Bijou.

— Je venais te chercher comme ça sœur, elle commence. Grand frère a appelé et dit de te prévenir qu’il t’attend à l’hôtel Sancta Maria.

— Hayyyiii, je dis confuse. Il m’attend à l’hôtel comment? je m’interroge et check mon téléphone pour l’appeler. Il n’a rien dit d’autre?

— Non c’est tout.

— Hey madame, qui t’a montré l’hôtel là? l’interpelle Fabien qui a pointé sa tête dans les escaliers pendant que je lis le message d’Eben.

— Qui m’a montré comment? C’est pas devant toi que ton grand frère a appelé?

— Et tu as bien retenu en un appel comme ça? Tu veux que je t’emmène là-bas hein bandite, il rigole et lui donne un coup de coude comme s’il était amusant.

— Ce n’est pas plus simple de dire que tu veux l’y emmener, je dis amusée pendant que j’attends qu’Eben décroche.

— Moi Fabien?

Il faut voir comment il s’indigne faussement, comme si on lui inventait des vies. Son frère a pris de l’autre côté et m’en sort aussi une autre.

— Comment ça tu es en chemin pour l’hôtel? Tu ne te changes pas?

— Tu as vu l’heure chérie? Je ne veux pas perdre du temps. Apporte-moi une tenue, je me préparerai sur place. Je vais me prendre une chambre.

— Mais Eben, c’est quoi l’urgence? Tes clients ne vont pas péter un câble si tu les préviens maintenant que tu auras un petit retard.

— Non O, il y a un type parmi ses clients qui est tatillon de nature. Je ne veux pas entendre qu’il s’est plaint auprès du chef de cabinet. Prends-moi juste une tenue sobre sans veste et ne traîne pas à la maison s’il te plaît.

— OK, bah j’y vais alors, je dis un peu contrariée quand même et on se laisse sur ça.

Une chambre à Sancta Maria ne coûtera pas moins de 50000 CFA et on ne roule pas sur l’or dernièrement. Nous ne sommes pas à un penny près, mais nous avons beaucoup d’investissements à compter par le pick-up qu’on a prévu acheter dans deux mois pour pouvoir se rendre plus fréquemment au village durant les périodes de grande récolte. Je ne pense même plus au mariage pour cette année puisqu’on est concentré à faire venir un bébé dans nos vies. On a choisi de mettre en priorité la préparation financière pour l’enfant, donc le 50000 qui sort de façon imprévue m’agace un peu. C’est quand on a des plans que subitement chaque sou compte, mais bon, ça ne sert à rien de se prendre la tête maintenant. Je lui prends une chemise qu’il n’a pas encore portée. Je l’ai glissé dans son dressing la semaine dernière. Dans un autre monde, je lui aurai dit la vérité, c’est-à-dire qu’elle lui a été offerte par Emily et mon père, mais depuis que X lui a raconté l’histoire la plus rocambolesque et ennuyante au monde, il se méfie d’Em. Pour un avocat, le côté superstitieux de mon chéri me surprend parfois. Je trouve évidemment adorable qu’il veut que je me méfie d’elle parce qu’il s’inquiète, mais comme je lui ai dit, si effectivement Yasmine avait la capacité de me nuire ou était de mèche avec Em, je ne serais plus de ce monde vu qu’Emily est mon bras droit de confiance depuis plusieurs années.

Je gare ma voiture sur le parking de l’hôtel et sors avec la housse contenant les tenues d’Eben. Il m’avait texté le numéro de chambre quand je conduisais, donc je m’y rends sans perdre une seconde.

— J’espère que ta gueule que tu es déjà douché.  

— Aïe, l’agressivité vient d’où? Je n’ai même plus droit à un bisou?

Je lui donne son bisou et le presse pour qu’il s’habille. Les hommes franchement. C’est maintenant qu’il retire la serviette à son cou pour que j’aille la redéposer dans la salle de bain.

— J’espère que tu as contacté tes clients pour connaître leur positi…

Le spectacle qui se dresse devant mes yeux emporte le reste de ma phrase. Des petites bougies ornent les bords de la baignoire remplie d’eau et de pétales de roses flottantes. D’autres pétales entourent la baignoire au sol et à côté se trouve un seau contenant une bouteille de champagne. Un air mélodieux venant de la chambre me fait tourner la tête. Dans l’embrasure de la porte se tient le seul qui comprend mieux que moi ce qui se passe.

— Ne pète pas un câble si tu n’aimes pas. On peut toujours sortir, se prendre une table et la faire classique. Je voulais juste maintenir la surprise, même si j’ai eu du mal à trouver une idée originale, il dit après s’être approché de moi et avoir pris ma main.

Je regarde à nouveau la salle de bain intimement préparée puis l’homme derrière l’idée.

— Tu veux décidément me tuer de nervosité avec ce silence, il rigole nerveusement.

Pour une raison inconnue, mon esprit ne trouve pas les mots. Ma bouche est entrouverte, mais les mots me semblent difficiles à trouver.

— Autant se lancer à l’eau alors. Tu me sauveras de la noyade, il blague, me prends les deux mains et les secoue légèrement en rigolant de façon gênée. Alors, tu connais déjà mes intentions et elles n’ont pas changé. Je te veux comme épouse et mère de mes enfants pour le restant de nos vies, Dieu voulant. Tu as mon cœur O.

Il ne lâche ma main que pour sortir un écrin bleu de sa poche, l’ouvre et en sort la bague qu’il glisse à mon doigt.

— Je me suis cassé la tête pour trouver un bijou digne de tes goûts et tu préfères me contempler comme si j’étais la huitième merveille du monde? il plaisante.

En moins d’une seconde, j’ai réduit le mince espace entre nous. Mes bras sont autour de son cou, ma tête sur son épaule et doucement, on se met à bouger sur la voix suave de Lionel Richie qui chante I call it love. Mon cœur tambourine à chaque parole. Elles pénètrent les fibres émotionnelles de mon corps tandis que mon cerveau se rejoue chaque scène de l’an dernier jusqu’à aujourd’hui.

— Et les projets pour le bébé alors? On ne devait pas se concentrer sur lui pour cette année et faire le reste après? je demande d’une voix hachée à cause du torrent d’émotions qui affecte ma respiration.

— J’ai dit ça pour détourner un peu ton esprit ultra planificateur. Sinon je t’ai toujours voulu comme femme avant mère. Ça n’a pas changé.

— Serre-moi.

Il le fait.

— Plus fort.

Il le fait encore.

— Encore plus.

— Tu veux que je te brise quelque chose? il rigole doucement.

— Comme ça je pourrais entrer en toi, trouver ton cœur et le manger pour que personne ne le trouve après moi.

— Cannibale, il dit après un rire joyeux.

Je lève ma tête de son épaule et j’admire le visage le plus inspirant que j’ai rencontré chez la gent masculine après mon père.

— Tu es prêt à épouser une femme qui ne t’a pas dit qu’elle t’aime? je lui pose la question qui me trotte dans l’esprit depuis qu’il m’a parlé de son amour.

Il a été le premier à parler d’amour et j’ai trouvé curieux qu’il ne demandait pas si je ressentais pareil. Je me suis dit qu’il attendait que j’en parle quand je serais prête, mais je ne m’attendais pas à cette demande maintenant.

— Je t’épouse pour tes actions et non tes mots. Tu m’as montré de la bienveillance, de l’attirance, du respect, de la compréhension, de l’agacement, de la colère, de la patience, de l’espièglerie, et tant d’autres choses auxquelles je ne peux pas résister. Je ne doute pas qu’un jour tu verbaliseras tes actions en mots et j’attendrai.

— Je ne suis qu’une humaine, tu connais déjà mes défauts, mais je…mais je…Dieu voulant, je ne te ferais jamais regretter de m’avoir aimé si ouvertement, honnêtement et avec tant de générosité.

— Dieu voulant, je ne te ferais jamais regretter de m’avoir également choisi.

Mes bras n’ont pas autant de force que lui, mais je le serre si fort qu’il se met à tousser pour me signifier qu’il manque d’air.

— Avant de mourir, je peux connaître mon score concernant la bague? il me demande et le fait qu’il semble un peu nerveux sous son masque de confiance me fait fondre davantage.

Au lieu de lui répondre verbalement, je fais tomber ma robe blazer et cherche de quoi allumer les bougies puis l’entraîne dans ce bain préparé pour notre première célébration. On se verse deux coupes de champagne et nous faisons paresseusement l’amour dans cette ambiance tamisée. C’est si bon et l’émotion étant à son comble, je gémis son nom à chaque chevauchée et l’embrasse tellement que mes lèvres portent les marques de nos ébats.

Nous ne sommes sortis de l’eau qu’en voyant nos doigts fripés et comptions remettre un second tour sous les draps, quand un appel de la réception nous a coupés dans notre élan.

— Les clients?

— Il n’y a pas de clients bébé, il me dit avec un sourire après avoir répondu et continue son appel.

Il finit l’appel sur un air de confusion et m’explique que notre table est prête.

On se rhabille et sortons de la chambre main dans la main. Non seulement on se fait escorter par un serveur qui semblait nous attendre, mais la table vers laquelle il me conduit me coupe également le souffle comme la salle de bain tout à l’heure. Nous sommes seuls dans un coin, mais en venant ici, j’ai vu d’autres tables et elles n’avaient pas les couverts dorés et centre de table métallique doré contenant de belles fleurs blanches. On m’apporte aussi une boîte couleur crème.

— J’aurais aimé m’attribuer tout ça, mais je n’en suis pas l’auteur, m’avoue Eben tandis que j’ouvre la boîte contenant une enveloppe de la même couleur attachée avec un ruban. Je rigole dès la première phrase.

— Océane Hoyé, Océane Hoya. Félicitations aux Tourtereaux Tountian. Que votre union soit bénie et dure à toujours dans l’amour. Faudra que je me réhabitue à te partager hein? C’est pas grave comme c’est pour la bonne cause. Ne dépose pas tout ton quota de danse et fête dans les fiançailles. La route devant nous est encore longue.

— C’est ma rivale?

— Qui d’autre si ce n’est elle? je dis émue. Elle s’en va écrire en immenses caractères comme si je souffrais de presbytie.

Je lui passe la carte qu’il lit et rigole aussi. Fidèle à elle, son message n’aurait pas pu être meilleur. Je garde jalousement la carte de côté et nous nous contentons d’un repas léger parce que le ventre n’a pas envie de grand-chose. Ce dont on a envie, c’est de roucouler et on le fait pendant une promenade improvisée dans les jardins de l’hôtel. J’absorbe petit à petit chaque instant, parce que demain, mon cerveau va probablement exploser de joie et mon naturel exubérant sera de retour. Mais ce soir, je veux me rappeler de tout ce que je ressens et surtout de la gratitude pour ses merveilleuses personnes que j’ai dans ma vie.

— Merci de m’avoir aimé avec patience pendant toutes ses années et de t’être impliqué pour mon bonheur. One day bitch, tu verras mon comeback.

— Bitch toi-même, elle me dit de vive voix après que j’ai pris son appel.

— C’est notre mot d’amour. Pourquoi tu chuchotes?

— Toi-même tu ne chuchotes pas?

— Lol, je suis avec mon fiancé qui a mérité une bonne nuit de repos après une semaine et soirée ultra mouvementée.

— Ouais, on ne va plus entendre, la seule fiancée du monde, elle rigole.

— Mondial. Fiancée avec un F, je rigole à mon tour. Pourquoi tu chuchotes toi?

— On ne se disperse pas. Ton fiancé là, il t’aime hein. Laisse-moi te raconter comment ta recherche de bague nous a pris la tête.

— Hahaha, à l’heure-ci? Il sonne quoi? Bientôt 4 h chez toi. Tu ne travailles pas dans quelques heures.

— On te dit fiancée. Tu devais même m’appeler plus tôt. Bref, je disais donc….

Ainsi, elle me narre avec les détails qu’il faut, l’aventure qu’elle et Eben ont commencée en janvier. C’est fou quand on y pense. Ça ne fait même pas un an qu’on est ensemble. Nous ne sommes qu’en Mars, pourtant je n’ai aucune crainte quant au succès de notre avenir. Lorsqu’elle arrive à sa conclusion, j’entends des coups de son côté. C’est ainsi que je découvre la raison des chuchotements. Elle était en compagnie de Cédric à qui elle cédait les toilettes croyant qu’il cognait à la porte pour ça. Mais c’est elle qu’on a tirée pour retourner au lit, du moins si je me fie à son indignation. C’est en rigolant que j’ai raccroché et lui ai envoyé le dernier message.

—The Tountian Tale begins pendant que The AsamoahAffair is loading on dirait hein.

D’amour, D’amitié