
131: your dreams
Write by Gioia
***Elikem Akueson***
Dans la blague, Cédric
a fait deux mois à Pretoria. Nous sommes en plein milieu de Mars. Il rentre la
veille de mon voyage au Gabon et maman s’attend à ce que je l’invite à m’y
accompagner sous prétexte qu’il sera un bon soutien pour moi. Pourtant elle
sait que je n’allais pas être seule. Je suis actuellement à Libreville chez
Lucie Ndouo, la mère de Thierry, sur proposition de Thierry qui m’a assuré que
j’aurais de la place malgré leur présence. Les frères Ndouo auraient surpris
leur mère en fin d’année dernière en rachetant leur maison familiale. Une
surprise dont elle ne se remet tellement pas qu’elle me l’a raconté dès les
premières heures de mon arrivée chez eux. Sur place, j’ai aussi retrouvé Asad mon
prétendant secret, Lucile et son adorable photocopie de quelques mois, Orlaith
dont le prénom anime des débats plus qu’amusants ici. Quand ce n’est pas Lucile
qui corrige sa mamie qu’on n’appelle pas sa sœur Orlète mais Orla, c’est la
mamie qui ne se fait pas à l’idée que le « aith » est muet. J’ignorais moi-même l’existence de
ce prénom que je croyais inventé par les parents pour honorer le passé de
Thierry, mais il semble que non. Vita l’aurait trouvé bien avant de tomber
enceinte et Lucile parlait déjà de sa petite sœur bien qu’elle n’existait pas. L’ambiance
qui régnait chez eux m’a aidé à noyer mes émotions jusqu’à notre arrivée à
Port-Gentil. L’inauguration se déroulait le soir même de notre arrivée donc
j’ai passé la journée devant mon calepin, à gommer toutes les phrases du
discours que j’ai décidé de faire. Presque dix heures dans une même position et
en me redressant, je n’ai que dix lignes sur ce papier. Mon téléphone affiche
une tonne de messages venant de mon groupe de soutien. De mon papounet jusqu’à
Mally, j’ai de tout, mais pas le temps de répondre puisqu’il nous reste un peu
moins de 90 minutes avant l’ouverture officielle. Je porte ce que Ray
aimait le plus sur moi, des robes qui moulent délicatement mon bassin et vais
rejoindre les autres qui étaient prêts pour la majorité. Deno qui séjourne
ailleurs et Toni viennent nous chercher chacun dans une voiture et en quelques
minutes, mon pied foule enfin le sol de l’endroit dont j’ai minutieusement
suivi les rénovations depuis qu’elles ont débuté.
Deno prend les devants
et nous fait faire le tour tout en nous présentant le personnel. Toni en
arrière s’occupe des derniers détails concernant le cocktail d’ouverture avant
d’aller accueillir les quelques invités qui sont déjà présents. Nous voulions
une véritable inauguration arrosée et joyeuse pour débuter cette aventure. Faux
plafond bois suspendu. Enseigne massive en néon « Let’s Meat at Perah » un jeu de mots incluant le nom du resto
ornant le mur au revêtement sombre qu’on voit à l’entrée. Concept de cuisine
ouverte qui attire déjà les invités sur place. Les rêves de Ray sont désormais
réalité.
Après que Deno m’ait soufflé
à l’oreille qu’on commencera bientôt, je soulève mon verre et j’avance jusqu’au
milieu de la pièce. Les regards sont braqués sur moi et le silence s’installe
petit à petit. Je fixe la jolie composition de cadres habillant l’un des murs
du resto. La distance fait que je ne peux les voir, mais je connais ses photos
de Ray par cœur, ayant choisi la majorité d’entre elles. Inspirée par ses
images qui dansent dans ma tête, je commence mon discours.
— Chers amis et
parents, c’est un bonheur de vous accueillir en ce lieu. Puisque je ne
reconnais pas tous les visages présents, permettez que je me présente. Je suis
Elikem Akueson et sur votre gauche dans la salle, certains d’entre vous ont probablement
remarqué des clichés d’un homme sur le mur. Dix ans plus tôt, au cours d’une
soirée tranquille, cet homme, Raymond et moi rêvassions de ce à quoi
ressemblerait notre vie future. Ses rêves étaient si aboutis dans sa tête qu’il
nous a fallu une nuit entière pour en discuter. L’endroit où nous nous tenons
aujourd’hui a vu le jour cette nuit là. Il voulait en faire un lieu de
rencontre de familles, amis, professionnels, vacanciers, touristes qui
viendraient des quatre coins du pays et potentiellement du globe. Depuis ce
soir, je l’ai vu de mes yeux, s’atteler à la tâche, testant recette sur recette
pour le bonheur et quelques rares fois le malheur de mon estomac, je dis avec
un sourire suivi par quelques rires dans la salle. Ses recettes ont également
inspiré le menu de dégustation à cinq services que l’on vous offrira dans
quelques minutes. Appréciez, riez, buvez, dansez, partagez vos impressions avec
nous, et amusez-vous tout au long de la soirée, c’est ce qu’espérait le visionnaire
derrière ce lieu, c’était le résultat qu’il attendait et qui a inspiré le nom « Perah » donné
à cet endroit où son cœur vibrera à jamais, je conclus en levant mon verre et
le reste de la salle me suit avant de lancer un tonnerre d’acclamations qui m’aident
à garder le sourire pendant que je retourne à ma place.
Deno m’entoure
l’épaule et me serre contre lui. D’autres personnes aussi me témoignent du
soutien, mais je ne vois que les photos de Ray croquant la vie à pleines dents.
— Ton cœur
vibrera à jamais ici Ray, on célébrera ta vie et tes efforts, hors de question
qu’on pleure encore ce soir, je me fais la promesse mentalement et m’y tiens.
Certains invités, dont
Ida, ne se sont pas contentés du menu de dégustation gratis qu’on offrait. Ils
ont passé de ses commandes là qui m’étonnaient et me réjouissaient quand je
voyais la quantité d’assiettes qui sortaient de cuisine. L’alcool a un peu trop
coulé aussi chez certains comme les Ndouo. C’est Vita qui nous a choqués par sa
maitrise de l’alcool tandis que le « commandeur » Thierry virait à gauche au quatrième verre. C’est
Asad qui jouait au commentateur de match pour nous, nous expliquant qu’on n’a
encore rien vu des prouesses de Vita et comment son frère lui fait trop honte.
Pourtant c’est ce frère qui a accepté qu’il reste au lieu de rentrer avec maman
Lucie quand cette dernière ramenait les filles à la maison il y a une heure de
ça.
En somme, la soirée a
excédé nos attentes. J’ai passé une nuit paisible mais courte entre les
souvenirs et le fait qu’il fallait se lever tôt pour attaquer le planning
chargé de la journée. Il ne me reste que cette journée à faire ici et c’est le
moment de boucler le bilan financier avec les frères Ekim. La majorité des
grandes questions sont déjà couvertes. Toni s’est révélé un excellent
administrateur de projet depuis qu’on s’est lancé dans cette aventure donc on
lui a laissé une bonne partie de la direction du restaurant. Le chef cuisinier
a été choisi par Ray lui-même et je l’avais même rencontré après nos
fiançailles parce qu’on prévoyait inaugurer le resto en y faisant notre
réception de mariage. Bref, je fais confiance au chef. Le reste de l’équipe a
été embauché par Deno qui veut continuer à superviser ce côté même s’il est à
distance. En ce qui me concerne, le volet sur lequel j’ai le plus donné, c’est
la déco et l’aspect du lieu, donc je préfère rester en charge de ça.
Comme je me suis levée
avant 7 h, je ne m’attendais pas à trouver du monde debout en dehors de
maman Lucie peut-être, mais Vita était au salon munie de deux tire-laits qui
s’activaient sur ses seins. Je me serais enfuie si elle ne m’avait pas
remarqué.
— Tu peux
m’apporter la boîte sur laquelle c’est écrit « milkscreen » sur le
comptoir s’il te plaît ? elle
me demande après m’avoir salué.
Je trouve la boîte sur
le comptoir de la cuisine et la lui apporte.
—Thanks. Ça me prendra
le temps que tu te fasses un petit-déj pour finir ou tu peux rester si la vue d’immenses
melons gonflés ne te gêne pas.
— Euh non, ça ne
me gêne pas si tu es à l’aise avec ?
— Vas-y, je n’ai
plus de pudeur depuis que Lucile me suit partout. C’était l’éclate hier et là c’est
mon système qui est en mode éclatax, elle se plaint du moins je crois, mais
elle rigole donc je ne sais même pas.
— Ça va aller ? je demande quand même soucieuse. Tu as besoin
d’un truc ?
— T’inquiète j’ai
connu pire.
— C’est pour
tester l’alcool dans le lait ? je demande
curieuse.
—Yep. Ça m’évite de
faire confiance à mon esprit. Voilà, c’est clean, elle dit après avoir regardé
la bandelette qu’elle avait trempé dans le lait deux minutes plus tôt.
— C’est fiable ce
truc ? Parce que tu as
énormément bu hier hein, je réponds, toutefois nerveuse qu’elle le prenne mal.
— Ouais t’en fais
pas, je buvais aussi du jus pour contrôler la quantité d’alcool que je pouvais
prendre, elle avoue et me fait rigoler.
— Thierry n’a pas
percuté que tu remplaces ton alcool par du jus ?
— Jamais et il ne
risque pas de s’en rendre compte tant que Lucile ne m’attrape pas, elle se
marre aussi.
Comme si la petite
avait senti que le lait de maman était prêt, on l’a entendu geindre à travers
le babyphone que traînait Vita. Elle range ses machines, s’abaisse pour enlacer
Lucile qui venait de se réveiller puis va s’occuper d’Orlaith pendant que je
prends le relai avec l’aînée qui me suit en me prenant la main. On se tape la
conversation le temps que je sorte de quoi lui faire un petit-déj, mais la
demoiselle secoue vivement la tête dès que je prends la boîte de cheerios.
— Moi je veux le
pain banane s’il te plaît tata, elle m’explique.
— Ah…, est-ce
qu’il y en a ici ? Je ne
crois pas hein, je dis tout en allant fouiller dans le frigidaire. Il n’y a pas
de pain banane, mais je peux te faire des toasts avec des tranches de banane
dessus ? je propose à la place.
— Non maman elle
a fait le pain banane avec moi à Libellule, elle insiste de sa petite voix.
— Libreville ma
puce, je la corrige amusée.
— Oui, et on a
fait deux gros pains. Je veux aussi du lait d’avoine, elle continue.
Ce que j’ai vite
appris en gardant Solim, c’est que pour certaines choses, les enfants
n’écoutent que leurs parents donc nous allons ensemble prendre les
renseignements sur le pain banane chez maman Vita.
— Beh le pain
banane est à Libreville Lulu, c’est là-bas qu’on l’a fait. Tu manges ce qu’on a
ici, tranche sa mère.
— Papa il va
m’emmener à Libellule pour chercher le pain banane ? elle propose à la place.
— Hrrrr Luluuuu,
tu manges ce qu’on a ici, râle sa mère et la petite se met à pleurnicher.
— Mais t’avais
dit que c’était pour moi toute seule le pain banane et…
— Ouais bah tu
mangeras à Libreville et tout à l’heure tu pourras choisir la tenue d’Orlaith.
Elle s’illumine
aussitôt et bien que sa mère lui répète d’être douce, elle me tire carrément
par la main pour qu’on aille expédier cette histoire de petit-déj. Si mes
propres yeux n’avaient pas vu la rapidité avec laquelle elle a descendu ses
toasts, je n’aurais pas cru qu’elle avait mangé. Pendant que sa mère lave
Orlaith, elle en profite pour me faire un petit cours sur les goûts vestimentaires
d’un bébé qui n’a même pas encore de dents. Elle choisit sans surprise une
tenue similaire à la sienne et sautille littéralement de joie au retour de sa
mère. Comme Vita, je trouve le tableau des sœurs trop émouvant donc je sors
aussi mon téléphone pour prendre une photo et vois qu’on a essayé de me joindre.
Le numéro est gabonais et m’est inconnu. Un SMS aussi m’a été envoyé et dès que
je le finis, on sonne au portail.
Je vais ouvrir et trouve
la destinataire du SMS devant la maison de location.
— Dieu merci, je
n’étais pas certaine de te trouver debout, me dit la mère de Deno.
— Tu dois te
demander ce que je fais ici, elle reprend quelques minutes plus tard quand on
est enfin installé.
— Effectivement.
— Comme je te l’ai
dit par message, je souhaitais m’entretenir avec toi en privé donc j’ai pris la
liberté de trouver ton numéro chez Ida.
— D’accord.
Comment puis-je vous aider ?
— Tout d’abord, permets
que je te félicite pour le resto. On n’a pas pu se parler hier comme je suis
partie assez tôt et tu étais prise un peu partout. Je sais que de là où il est,
Ray repose en paix en te voyant à l’œuvre.
— Je n’y serais
pas arrivée sans vos fils donc je ne peux m’attribuer tout le mérite.
— Je sais. Je les
ai également félicités, mais je tenais à te le dire de vive voix.
— D’accord, j’apprécie,
je dis ne voyant toujours pas l’intérêt qu’elle se déplace juste pour ça.
— Je voulais
aussi te parler de ma fille Garcie, ou plus tôt de sa relation avec ses frères.
Je comprends que ses trois dernières années, tu t’es beaucoup rapprochée de mes
fils à cause de l’événement tragique qui nous a secoués. S’il te plaît, ne prends
pas mes mots suivants comme une critique, c’est le cœur d’une mère qui vient te
parler de la solitude que vit son unique fille. Parce qu’en se rapprochant de
toi, mes fils se sont indirectement éloignés de leur sœur. C’est par moi que
Garcie a appris les fiançailles de Deno. Tu trouves ça normal ? Aucun de mes fils n’a pensé à joindre leur sœur
sur le projet du restaurant, pourtant ils partagent le même sang. Tu as aussi
des frères et sœurs. Tu trouves ça normal que des membres d’une famille se comportent
comme de parfaits étrangers à cause d’erreurs passées ?
— Je vous ai
écouté, mais qu’attendez-vous concrètement de moi madame ?
— Parle un peu à
Deno pardon. Plus de trois ans se sont déjà écoulés. Garcelle a muri. L’heure n’est
plus à la séparation. Je ne veux pas quitter cette terre en voyant mes enfants
éparpillés, elle m’implore.
— Où est votre
fille dans ce cas ? Si
elle est devenue mature comme vous le prétendez, pourquoi êtes-vous ici pour
plaider sa cause à sa place ?
— Tu connais les
jeunes, elle a…
— Sauf votre respect
votre fille n’a que quatre ans de moins que moi madame. Je ne suis pas jeune
moi ? je rétorque le cœur brûlant
au souvenir des manigances de sa fille lorsqu’on a pris son père. Maman vivait avec
moi à cette époque et j’entendais ses bribes de conversation avec papa
concernant les multiples tentatives de Garcelle pour libérer son père. Votre
fille ne m’a jamais écrit, ne parlons même pas d’un coup de fil pour me
souhaiter ses condoléances, je continue sur un ton amer.
— Je comprends
tout cela ma fille, je comprends ta colère, mais les circonstances étaient
tellement chaotiques. Son père venait d’être pris et elle n’a pensé qu’à le sauver.
— Alors ? Qu’attendez-vous de moi ? je répète d’une voix tremblante. Elle a
choisi de sauver son père. Je n’ai pas cherché à lui nuire pour ça. Pensez-vous
sincèrement que j’aurai envie de plaider pour elle aujourd’hui ?
— Garcelle n’est
pas ton ennemie Elikem. Ton ennemi est déjà enfermé et la dernière fois que je
l’ai vu, il ne ressemblait même plus à un être humain. Si la mort n’a pas pitié
de lui cette année, c’est probablement la démence qui prendra le dessus. Tu as
déjà gagné. Qu’est-ce que ça te donne de t’accrocher à la haine ? Il faut que tu te libères pour avancer et
recevoir les bénédictions que Dieu te réserve. Le pardon libère.
Je ris doucement et
secoue la tête.
— Je n’ai rien
gagné. J’ai accepté ma réalité à ma manière et j’avance avec les conséquences
qu’elle m’impose tout comme il y a quelques années vous avez décidé d’accepter la
vôtre à votre manière en ouvrant uniquement les portes de votre maison à ce
petit orphelin de mère. Pendant des années, vous avez joué à l’aveugle et la
sourde pendant qu’il était livré à votre mari ainsi que l’entourage. Vous
ignoriez les bénédictions divines à ce moment ? Ou la bible que vous lisiez ne vous exhortait
pas à protéger l’opprimé ? C’est
moi qui dois séparer votre fille de votre mari quand vous ne pouviez pas ouvrir
votre cœur à l’enfant adultérin ?
— Bon je vois que
c’était une erreur de venir ici, elle dit en se levant. Je te laisse quand même
sur ses mots. On ne parle pas de ce qu’on n’a pas vécu jeune fille. J’ai vu et
expérimenté plus que toi. J’espère qu’avec l’énergie que tu as dépensée pour
justifier ta haine aujourd’hui, on ne te verra plus dans les bras d’un autre
homme. On espère que tu préserveras ton corps et cœur jusqu’à la mort pour Ray,
elle ironise.
Je tremble tellement
de rage que je me lève aussi.
— Si cet amour
qui te motive à tout détruire devait disparaître, on prie que ta part de mari
sera le plus fidèle et que jamais tu ne te retrouveras dans une position dont tu
ne rêvais pas. Sinon, viens avec tes 34 ans nous instruire sur comment on…..
— Bonjour Tata
Marcie, j’entends de Thierry qui nous rejoint sur la terrasse.
— Bonjour fiston.
Je m’en allais.
— C’est effectivement
mieux, il dit sur un ton crispé qui lui vaut un regard étonné puis un sourire
ironique.
— Bonne journée à
vous, elle annonce et s’en va.
— Je mets ma main
au feu que ce sont les plaintes de Garcie concernant le rôle de Vita dans le
mariage d’Ida qui l’a poussé à ça parce que ce n’est pas la tata Marcie de mon
enfance qui vient de s’en aller ça, il commente contrarié.
« On espère que tu préserveras ton corps et cœur pour
Ray jusqu’à la mort », cette
phrase s’est élevée au-dessus de tout ce qu’elle a dit et m’a touché là où il
ne fallait pas. J’aurais aimé lui cracher à la face qu’elle peut ravaler son
ironie, que je n’ai pas besoin de ses conseils parce que Ray sera l’unique
homme de ma vie, mais ses mots n’ont même pas pu quitter ma gorge.
— Elikem, tu es
avec moi ? Thierry me demande tout
en me touchant l’épaule.
— Oui, excuse-moi.
— Ça va ? Je n’ai entendu que la fin de votre échange. Qu’est-ce
qu’elle t’a dit ?
— Rien d’important,
je vais m’allonger un peu, je dis sur un ton expéditif et vais me réfugier dans
ma chambre jusqu’à l’arrivée des frères Ekim.
En fin de soirée, je
suis dans le vol quittant Libreville mais je songe encore à cette phrase ou du
moins les implications derrière elle. Arrivant à 2 h 5 du mat, je n’avais
prévenu personne, donc c’est un choc pour moi lorsque Cédric m’écrit à 2 h 10
pour savoir si je sors bientôt. Non seulement il est là, mais il sent fortement
le tabac quand on se fait la bise.
— Tu n’as pas de valises ?
— Non, je n’avais
pas besoin de grand-chose pour un séjour d’à peine quatre jours, je dis en
remontant mon fourre-tout qui glissait de mon épaule. Pourquoi tu sens le tabac ? je demande pendant qu’on regagne sa voiture.
— J’étais en club
avec un partenaire d’affaires qui est de passage ici.
— OK. Et tu fumes ?
— Je vapote de
temps en temps. Pourquoi ?
— C’est quelque
chose qu’on devrait savoir du futur père de son enfant non ?
— OK ? il réplique comme si je délirais.
Qu’est-ce que je fiche
de ma vie en réalité ? Il y a
moins d’un mois, je me voyais faire un enfant avec cet homme que je ne connais
même pas en réalité. D’accord, j’en sais un peu, mais la majorité c’est ce qu’il
me montre. En dehors de ça, le seul truc qu’on a en commun c’est que son ami
est le mari de ma sœur. Je ne connais rien de lui et Dieu sait ce à quoi je
pensais quand je suis allée l’ouvrir devant sa mère qu’on veut avoir un enfant.
Qu’est-ce que je fous nom de Dieu ? Je me
suis laissée emporter par sa belle gueule et la facilité qu’il m’offrait d’assouvir
mes désirs égoïstes.
— Tu as fini de peindre
le monde avec un pinceau noir ?
— Quoi ? je fais, revenant de loin.
— Nous sommes
devant ton immeuble depuis quelques minutes et tu ne bouges pas. Je suppose que
tu es perdue dans tes idées noires.
Je vois qu’on est
effectivement devant mon immeuble. Je le remercie avec l’intention de
descendre, mais il bloque la portière.
— Tu ne m’as pas
encore dit comment était ton voyage.
— Je n’ai pas
envie de parler de choses qui sapent le moral.
— Cette réponse n’est
plus acceptable. Ton refus de parler de choses qui affectent ton moral te rend
plus anxieuse que d’habitude.
— D’habitude ? On se connaît depuis quand pour que tu utilises
le mot « d’habitude » ? L’an
dernier à cette même période, je n’existais même pas sur ton radar.
— Et alors ? L’an dernier c’est l’an dernier.
— Et alors ? On utilise « d’habitude » pour
les gens qu’on connaît et ce n’est pas le cas pour nous. Pendant les deux mois
que tu as faits à Pretoria on peut compter sur les doigts le nombre de fois qu’on
s’est parlé. Tu ne réponds aux messages qu’après quatre heures voire une
journée. L’habitude qu’on s’est créée est où ?
— Te répondre quatre
heures voire une journée plus tard fait partie de notre habitude. Il y a des
gens à qui je ne réponds même pas.
— Waouuhh, je fais
de façon exagérée, je suis trop chanceuse.
— Je suis chanceux
aussi que tu m’en veuilles de ne pas être réceptif quand tu essaies de me contacter,
il répond sur un ton compréhensif comme si on n’était pas en train de se
prendre la tête. Ne pense pas que je sois négligent avec toi par pure envie. J’essaie
d’avancer autant que possible dans mes projets pour qu’on passe le maximum de
temps ensemble une fois que tu seras enceinte.
— Justement, je
réplique nerveusement et marque une pause.
— Oui ?
— Je…je sais que
je vais sonner comme l’irresponsable numéro un de l’univers et je…ça me gêne de
te le dire maintenant, mais je me dois d’être honnête envers toi parce que…
— Elikem va au
but, il m’interrompt.
— Je ne pense pas
être la bonne candidate comme mère pour ton enfant actuellement. Tu vois, j’ai…je…j’étais
hyper emballée par l’idée. Je m’attendais à ce que tout soit beau, mais en dehors
de nous il y aura une réalité qui attendra ce petit être. Tu ne connais pas mon
entourage en dehors de ma sœur. C’est pire pour moi. Je ne connais que Marley
et ton frère je l’ai vu vite fait quelques fois. Ta mère m’a l’air sympa, mais
en réalité je ne la connais pas. Bref, tout ça pour dire que ce sont des
détails importants qu’on devait prendre en compte avant de nous lancer, parce
que si un malheur devait nous arracher de sa vie, notre enfant serait confié à
qui ? À qui tu fais confiance
pour aimer notre enfant comme on l’aimera ? On n’a
pas pensé à tout ça, pourtant ça peut tout changer dans la vie d’un humain.
— Donc tu ne veux
plus d’enfants ?
— Si, mais
peut-être pas aussi rapidement que je te l’avais dit. Je comprendrai si tu as
des attentes différentes et veux voir ailleurs.
***Cédric Yafeu Asamoah***
Je lui ai gentiment souhaité
de bien se reposer avant de devenir désagréable. Elle m’a sorti une version
deux fois plus irritante du « ce n’est
pas toi, c’est moi ». Qu’est-ce
qu’il ne faut pas entendre et supporter dans cette vie parfois ? Je n’aurais pas cru si à 20 ans, on m’avait
dit que j’aurais autant de mal à trouver une femme qui est prête à s’engager
entièrement avec moi. Quand ce n’est pas Bérénice qui me mène par le bout du
nez pendant des années, me faisant croire qu’elle souffre d’infertilité alors
qu’elle ne voulait simplement pas d’enfants, voici Elikem qui fait demi-tour alors
qu’on est déjà lancé. Si l’égoïsme de l’une m’a déçu au plus haut point dans le
passé, c’est la compassion exagérée de l’autre qui m’agace énormément aujourd’hui.
Ça lui coûtait quoi de s’arrêter aux questions ? Elle devait rajouter le « je comprendrai que tu veux voir ailleurs » ? En
fait je ne peux m’en prendre qu’à moi-même si je suis honnête. Je me suis
convaincu seul qu’ayant le cœur brisé, il me fallait juste lui donner de la
patience pour qu’elle s’ouvre et s’attache à moi. Peut-être que cette option fonctionne
chez les autres, mais je commence à penser que non avec elle. Je commence à
penser qu’elle aime quand elle est prête et si ça doit prendre une éternité,
elle préfère te dire exactement ça. De quoi te ramener brutalement sur terre.
Exaspéré, je préfère
retrouver mon partenaire que j’avais laissé en club. J’espérais qu’en allant la
chercher on passerait la nuit ensemble, mais comme ce n’est plus le cas, j’ai
besoin de distraction. Ce fêtard m’a fait boire plus que d’habitude au point
que j’ai pris le volant dans un état peu recommandable. Dieu merci, je suis arrivé
chez moi en un morceau mais aucune force pour me doucher. Je me mets au lit après
m’être débarrassé de mes chaussures et mes deux dernières pensées sont pour
Godson ainsi qu’Elikem. Je n’ai pas vu le premier depuis mon retour et malgré tout,
j’aurais aimé que pour une raison inconnue la deuxième me surprenne en m’attendant
au lit. C’est sur cette idée que je m’endors tout doucement, donc je suis confus
au début lorsque je sens des mains douces se promener sur mon ventre. Je pense
rêver, jusqu’à ce que ma queue entre dans un habitacle chaud et mouillé. Les
bruits de succion et les fourmillements dans mes jambes me ramènent petit à petit
à la réalité.
— Tu es dingue,
je dis avec un sourire flottant sur les lèvres malgré mes yeux somnolents.
Elle s’active dans sa
pipe, me réveillant davantage au point que je passe la main sur sa nuque pour
la guider à me prendre plus profond. Je ne tarde pas. J’ai consommé tellement d’alcool
que je n’ai aucun contrôle donc je jouis rapidement dans sa bouche. Elle aussi
ne tarde pas à s’empaler sur mon membre flasque après la jouissance et frotte son
sexe contre. Je lui tiens les hanches pour intensifier le mouvement et l’entends
gémir bizarrement. Son toucher aussi est…., elle coupe le flot de mes pensées
en introduisant mon membre à sa chatte. Enfin je peux goûter à ce dont j’ai
tant rêvé et c’est aujourd’hui que je dois être soûl ? Sa main attire ma nuque vers sa poitrine que
je soupèse et lâche brusquement.
— Défonce-moi bae,
j’ai trop envie, me susurre cette personne que je repousse vivement avant de
sauter sur l’interrupteur que j’allume.
— Cécécécécécédric????????
s’écrie Hilda les yeux arrondis de stupeur tout en sautant hors du lit
également avec une couverture.
—What the actual fuck
is going on here? je tonne si fort que je ressens les vibrations de ma voix
résonner dans toute la pièce.
— Maismaismais qu’est-ce
que tu fais là ? Où est
Godson ? Eh Seigneur, c’était toi
dans le lit ? Mais tu fous quoi ici ?
— Non mais tu as
garé ton cerveau où ? Tu entres
dans MA chambre mais en plus dans MON lit et tu me demandes ce que je fais là ? je rétorque les nerfs à chaud.
-Eiiiiii ohhh maman,
je…je…je pensais que c’était Godson, elle se met à sangloter et s’empresse de sortir
avec la couverture nouée négligemment autour d’elle.
— Tu n’as pas
intérêt à quitter cette maison ! je
crie derrière elle après avoir mis de l’ordre dans ma tenue. Comment tu entres
dans ma chambre et tu t’attends à trouver Godson ? Tu l’as laissé là peut-être ? Hééé, j’ai dit tu restes ici, je dis en l’attrapant
par le bras.
— Pardon Yafeu, je
demande pardon, je suis la seule fille de ma mère, aie pitié, Eh ce sont les
choses de Godson je te jure ! Je n’étais
pas pour quand il a commencé, mais il a tellement insisté et je craignais qu’il
me trompe si je ne lui donnais pas ça alors….
— Tu la boucles
et tu m’expliques de façon intelligible !
— Oui papa,
pardon ne crie pas, elle répond d’une voix tremblante tout en me regardant
comme si j’étais un fauve prêt à la déchiqueter.
— Je t’écoute.
— C’est Godson qui….
qui m’a emmené ici et voulait qu’on baptise la maison, mais je te jure que j’étais
contre ! Je lui ai expliqué que c’était
malsain, mais tu connais ton frère. J’avais simplement peur qu’il aille trouver
une autre pour assouvir ses fantasmes donc…donc j’ai fait.
— Qu’est-ce que
tu as fait ? Ne me perd pas le temps !
— On…on le
faisait dans ta chambre quand tu étais en voyage alors…. alors, c’est Godson oh…eh
Seigneur, elle recommence à pleurer.
Je n’ai ni les mots ni
le cerveau pour analyser ce qu’elle vient de me dire. Mon frère ramenait une fille
dans ma chambre pour la coucher ? Mon frère
de même père et mère ?
— Et l’imbécile
que tu es n’a pas senti la différence ? Tu n’as
pas entendu ma voix ? je
gueule avec force et donne un coup de poing dans le mur pour me calmer.
Elle ne fuit pas si
loin, mais va quand même se cacher plus loin tout en me suppliant en larmes de
ne pas la tuer.
— Réponds si tu
ne veux pas que je te tue ! Tu
sais ce que tu viens de causer ? Tu te
prends pour qui pour monter sur moi quand tu m’as entendu parler et tu m’as
touché ?
— C’est que Godson…dans
nos fantasmes il imitait souvent ta voix pour faire le CEO et moi je faisais l’assistante
personnelle alors….
Je me dirige
directement dans les toilettes les plus proches pour gerber.