131: your dreams

Write by Gioia

***Elikem Akueson***

Dans la blague, Cédric a fait deux mois à Pretoria. Nous sommes en plein milieu de Mars. Il rentre la veille de mon voyage au Gabon et maman s’attend à ce que je l’invite à m’y accompagner sous prétexte qu’il sera un bon soutien pour moi. Pourtant elle sait que je n’allais pas être seule. Je suis actuellement à Libreville chez Lucie Ndouo, la mère de Thierry, sur proposition de Thierry qui m’a assuré que j’aurais de la place malgré leur présence. Les frères Ndouo auraient surpris leur mère en fin d’année dernière en rachetant leur maison familiale. Une surprise dont elle ne se remet tellement pas qu’elle me l’a raconté dès les premières heures de mon arrivée chez eux. Sur place, j’ai aussi retrouvé Asad mon prétendant secret, Lucile et son adorable photocopie de quelques mois, Orlaith dont le prénom anime des débats plus qu’amusants ici. Quand ce n’est pas Lucile qui corrige sa mamie qu’on n’appelle pas sa sœur Orlète mais Orla, c’est la mamie qui ne se fait pas à l’idée que le «aith» est muet. J’ignorais moi-même l’existence de ce prénom que je croyais inventé par les parents pour honorer le passé de Thierry, mais il semble que non. Vita l’aurait trouvé bien avant de tomber enceinte et Lucile parlait déjà de sa petite sœur bien qu’elle n’existait pas. L’ambiance qui régnait chez eux m’a aidé à noyer mes émotions jusqu’à notre arrivée à Port-Gentil. L’inauguration se déroulait le soir même de notre arrivée donc j’ai passé la journée devant mon calepin, à gommer toutes les phrases du discours que j’ai décidé de faire. Presque dix heures dans une même position et en me redressant, je n’ai que dix lignes sur ce papier. Mon téléphone affiche une tonne de messages venant de mon groupe de soutien. De mon papounet jusqu’à Mally, j’ai de tout, mais pas le temps de répondre puisqu’il nous reste un peu moins de 90 minutes avant l’ouverture officielle. Je porte ce que Ray aimait le plus sur moi, des robes qui moulent délicatement mon bassin et vais rejoindre les autres qui étaient prêts pour la majorité. Deno qui séjourne ailleurs et Toni viennent nous chercher chacun dans une voiture et en quelques minutes, mon pied foule enfin le sol de l’endroit dont j’ai minutieusement suivi les rénovations depuis qu’elles ont débuté.

Deno prend les devants et nous fait faire le tour tout en nous présentant le personnel. Toni en arrière s’occupe des derniers détails concernant le cocktail d’ouverture avant d’aller accueillir les quelques invités qui sont déjà présents. Nous voulions une véritable inauguration arrosée et joyeuse pour débuter cette aventure. Faux plafond bois suspendu. Enseigne massive en néon «Let’s Meat at Perah» un jeu de mots incluant le nom du resto ornant le mur au revêtement sombre qu’on voit à l’entrée. Concept de cuisine ouverte qui attire déjà les invités sur place. Les rêves de Ray sont désormais réalité.

Après que Deno m’ait soufflé à l’oreille qu’on commencera bientôt, je soulève mon verre et j’avance jusqu’au milieu de la pièce. Les regards sont braqués sur moi et le silence s’installe petit à petit. Je fixe la jolie composition de cadres habillant l’un des murs du resto. La distance fait que je ne peux les voir, mais je connais ses photos de Ray par cœur, ayant choisi la majorité d’entre elles. Inspirée par ses images qui dansent dans ma tête, je commence mon discours.

— Chers amis et parents, c’est un bonheur de vous accueillir en ce lieu. Puisque je ne reconnais pas tous les visages présents, permettez que je me présente. Je suis Elikem Akueson et sur votre gauche dans la salle, certains d’entre vous ont probablement remarqué des clichés d’un homme sur le mur. Dix ans plus tôt, au cours d’une soirée tranquille, cet homme, Raymond et moi rêvassions de ce à quoi ressemblerait notre vie future. Ses rêves étaient si aboutis dans sa tête qu’il nous a fallu une nuit entière pour en discuter. L’endroit où nous nous tenons aujourd’hui a vu le jour cette nuit là. Il voulait en faire un lieu de rencontre de familles, amis, professionnels, vacanciers, touristes qui viendraient des quatre coins du pays et potentiellement du globe. Depuis ce soir, je l’ai vu de mes yeux, s’atteler à la tâche, testant recette sur recette pour le bonheur et quelques rares fois le malheur de mon estomac, je dis avec un sourire suivi par quelques rires dans la salle. Ses recettes ont également inspiré le menu de dégustation à cinq services que l’on vous offrira dans quelques minutes. Appréciez, riez, buvez, dansez, partagez vos impressions avec nous, et amusez-vous tout au long de la soirée, c’est ce qu’espérait le visionnaire derrière ce lieu, c’était le résultat qu’il attendait et qui a inspiré le nom «Perah» donné à cet endroit où son cœur vibrera à jamais, je conclus en levant mon verre et le reste de la salle me suit avant de lancer un tonnerre d’acclamations qui m’aident à garder le sourire pendant que je retourne à ma place.

Deno m’entoure l’épaule et me serre contre lui. D’autres personnes aussi me témoignent du soutien, mais je ne vois que les photos de Ray croquant la vie à pleines dents.

— Ton cœur vibrera à jamais ici Ray, on célébrera ta vie et tes efforts, hors de question qu’on pleure encore ce soir, je me fais la promesse mentalement et m’y tiens.

Certains invités, dont Ida, ne se sont pas contentés du menu de dégustation gratis qu’on offrait. Ils ont passé de ses commandes là qui m’étonnaient et me réjouissaient quand je voyais la quantité d’assiettes qui sortaient de cuisine. L’alcool a un peu trop coulé aussi chez certains comme les Ndouo. C’est Vita qui nous a choqués par sa maitrise de l’alcool tandis que le «commandeur» Thierry virait à gauche au quatrième verre. C’est Asad qui jouait au commentateur de match pour nous, nous expliquant qu’on n’a encore rien vu des prouesses de Vita et comment son frère lui fait trop honte. Pourtant c’est ce frère qui a accepté qu’il reste au lieu de rentrer avec maman Lucie quand cette dernière ramenait les filles à la maison il y a une heure de ça.

En somme, la soirée a excédé nos attentes. J’ai passé une nuit paisible mais courte entre les souvenirs et le fait qu’il fallait se lever tôt pour attaquer le planning chargé de la journée. Il ne me reste que cette journée à faire ici et c’est le moment de boucler le bilan financier avec les frères Ekim. La majorité des grandes questions sont déjà couvertes. Toni s’est révélé un excellent administrateur de projet depuis qu’on s’est lancé dans cette aventure donc on lui a laissé une bonne partie de la direction du restaurant. Le chef cuisinier a été choisi par Ray lui-même et je l’avais même rencontré après nos fiançailles parce qu’on prévoyait inaugurer le resto en y faisant notre réception de mariage. Bref, je fais confiance au chef. Le reste de l’équipe a été embauché par Deno qui veut continuer à superviser ce côté même s’il est à distance. En ce qui me concerne, le volet sur lequel j’ai le plus donné, c’est la déco et l’aspect du lieu, donc je préfère rester en charge de ça.

Comme je me suis levée avant 7 h, je ne m’attendais pas à trouver du monde debout en dehors de maman Lucie peut-être, mais Vita était au salon munie de deux tire-laits qui s’activaient sur ses seins. Je me serais enfuie si elle ne m’avait pas remarqué.

— Tu peux m’apporter la boîte sur laquelle c’est écrit «milkscreen» sur le comptoir s’il te plaît? elle me demande après m’avoir salué.

Je trouve la boîte sur le comptoir de la cuisine et la lui apporte.

—Thanks. Ça me prendra le temps que tu te fasses un petit-déj pour finir ou tu peux rester si la vue d’immenses melons gonflés ne te gêne pas.

— Euh non, ça ne me gêne pas si tu es à l’aise avec?

— Vas-y, je n’ai plus de pudeur depuis que Lucile me suit partout. C’était l’éclate hier et là c’est mon système qui est en mode éclatax, elle se plaint du moins je crois, mais elle rigole donc je ne sais même pas.

— Ça va aller? je demande quand même soucieuse. Tu as besoin d’un truc?

— T’inquiète j’ai connu pire.

— C’est pour tester l’alcool dans le lait? je demande curieuse.

—Yep. Ça m’évite de faire confiance à mon esprit. Voilà, c’est clean, elle dit après avoir regardé la bandelette qu’elle avait trempé dans le lait deux minutes plus tôt.

— C’est fiable ce truc? Parce que tu as énormément bu hier hein, je réponds, toutefois nerveuse qu’elle le prenne mal.

— Ouais t’en fais pas, je buvais aussi du jus pour contrôler la quantité d’alcool que je pouvais prendre, elle avoue et me fait rigoler.

— Thierry n’a pas percuté que tu remplaces ton alcool par du jus?

— Jamais et il ne risque pas de s’en rendre compte tant que Lucile ne m’attrape pas, elle se marre aussi.

Comme si la petite avait senti que le lait de maman était prêt, on l’a entendu geindre à travers le babyphone que traînait Vita. Elle range ses machines, s’abaisse pour enlacer Lucile qui venait de se réveiller puis va s’occuper d’Orlaith pendant que je prends le relai avec l’aînée qui me suit en me prenant la main. On se tape la conversation le temps que je sorte de quoi lui faire un petit-déj, mais la demoiselle secoue vivement la tête dès que je prends la boîte de cheerios.

— Moi je veux le pain banane s’il te plaît tata, elle m’explique.

— Ah…, est-ce qu’il y en a ici? Je ne crois pas hein, je dis tout en allant fouiller dans le frigidaire. Il n’y a pas de pain banane, mais je peux te faire des toasts avec des tranches de banane dessus? je propose à la place.

— Non maman elle a fait le pain banane avec moi à Libellule, elle insiste de sa petite voix.

— Libreville ma puce, je la corrige amusée.

— Oui, et on a fait deux gros pains. Je veux aussi du lait d’avoine, elle continue.

Ce que j’ai vite appris en gardant Solim, c’est que pour certaines choses, les enfants n’écoutent que leurs parents donc nous allons ensemble prendre les renseignements sur le pain banane chez maman Vita.

— Beh le pain banane est à Libreville Lulu, c’est là-bas qu’on l’a fait. Tu manges ce qu’on a ici, tranche sa mère.

— Papa il va m’emmener à Libellule pour chercher le pain banane? elle propose à la place.

— Hrrrr Luluuuu, tu manges ce qu’on a ici, râle sa mère et la petite se met à pleurnicher.

— Mais t’avais dit que c’était pour moi toute seule le pain banane et…

— Ouais bah tu mangeras à Libreville et tout à l’heure tu pourras choisir la tenue d’Orlaith.

Elle s’illumine aussitôt et bien que sa mère lui répète d’être douce, elle me tire carrément par la main pour qu’on aille expédier cette histoire de petit-déj. Si mes propres yeux n’avaient pas vu la rapidité avec laquelle elle a descendu ses toasts, je n’aurais pas cru qu’elle avait mangé. Pendant que sa mère lave Orlaith, elle en profite pour me faire un petit cours sur les goûts vestimentaires d’un bébé qui n’a même pas encore de dents. Elle choisit sans surprise une tenue similaire à la sienne et sautille littéralement de joie au retour de sa mère. Comme Vita, je trouve le tableau des sœurs trop émouvant donc je sors aussi mon téléphone pour prendre une photo et vois qu’on a essayé de me joindre. Le numéro est gabonais et m’est inconnu. Un SMS aussi m’a été envoyé et dès que je le finis, on sonne au portail.

Je vais ouvrir et trouve la destinataire du SMS devant la maison de location.

— Dieu merci, je n’étais pas certaine de te trouver debout, me dit la mère de Deno.

— Tu dois te demander ce que je fais ici, elle reprend quelques minutes plus tard quand on est enfin installé.

— Effectivement.

— Comme je te l’ai dit par message, je souhaitais m’entretenir avec toi en privé donc j’ai pris la liberté de trouver ton numéro chez Ida.

— D’accord. Comment puis-je vous aider?

— Tout d’abord, permets que je te félicite pour le resto. On n’a pas pu se parler hier comme je suis partie assez tôt et tu étais prise un peu partout. Je sais que de là où il est, Ray repose en paix en te voyant à l’œuvre.

— Je n’y serais pas arrivée sans vos fils donc je ne peux m’attribuer tout le mérite.

— Je sais. Je les ai également félicités, mais je tenais à te le dire de vive voix.

— D’accord, j’apprécie, je dis ne voyant toujours pas l’intérêt qu’elle se déplace juste pour ça.

— Je voulais aussi te parler de ma fille Garcie, ou plus tôt de sa relation avec ses frères. Je comprends que ses trois dernières années, tu t’es beaucoup rapprochée de mes fils à cause de l’événement tragique qui nous a secoués. S’il te plaît, ne prends pas mes mots suivants comme une critique, c’est le cœur d’une mère qui vient te parler de la solitude que vit son unique fille. Parce qu’en se rapprochant de toi, mes fils se sont indirectement éloignés de leur sœur. C’est par moi que Garcie a appris les fiançailles de Deno. Tu trouves ça normal? Aucun de mes fils n’a pensé à joindre leur sœur sur le projet du restaurant, pourtant ils partagent le même sang. Tu as aussi des frères et sœurs. Tu trouves ça normal que des membres d’une famille se comportent comme de parfaits étrangers à cause d’erreurs passées?

— Je vous ai écouté, mais qu’attendez-vous concrètement de moi madame?   

— Parle un peu à Deno pardon. Plus de trois ans se sont déjà écoulés. Garcelle a muri. L’heure n’est plus à la séparation. Je ne veux pas quitter cette terre en voyant mes enfants éparpillés, elle m’implore.

— Où est votre fille dans ce cas? Si elle est devenue mature comme vous le prétendez, pourquoi êtes-vous ici pour plaider sa cause à sa place?

— Tu connais les jeunes, elle a…

— Sauf votre respect votre fille n’a que quatre ans de moins que moi madame. Je ne suis pas jeune moi? je rétorque le cœur brûlant au souvenir des manigances de sa fille lorsqu’on a pris son père. Maman vivait avec moi à cette époque et j’entendais ses bribes de conversation avec papa concernant les multiples tentatives de Garcelle pour libérer son père. Votre fille ne m’a jamais écrit, ne parlons même pas d’un coup de fil pour me souhaiter ses condoléances, je continue sur un ton amer.

— Je comprends tout cela ma fille, je comprends ta colère, mais les circonstances étaient tellement chaotiques. Son père venait d’être pris et elle n’a pensé qu’à le sauver.

— Alors? Qu’attendez-vous de moi? je répète d’une voix tremblante. Elle a choisi de sauver son père. Je n’ai pas cherché à lui nuire pour ça. Pensez-vous sincèrement que j’aurai envie de plaider pour elle aujourd’hui?

— Garcelle n’est pas ton ennemie Elikem. Ton ennemi est déjà enfermé et la dernière fois que je l’ai vu, il ne ressemblait même plus à un être humain. Si la mort n’a pas pitié de lui cette année, c’est probablement la démence qui prendra le dessus. Tu as déjà gagné. Qu’est-ce que ça te donne de t’accrocher à la haine? Il faut que tu te libères pour avancer et recevoir les bénédictions que Dieu te réserve. Le pardon libère.

Je ris doucement et secoue la tête.

— Je n’ai rien gagné. J’ai accepté ma réalité à ma manière et j’avance avec les conséquences qu’elle m’impose tout comme il y a quelques années vous avez décidé d’accepter la vôtre à votre manière en ouvrant uniquement les portes de votre maison à ce petit orphelin de mère. Pendant des années, vous avez joué à l’aveugle et la sourde pendant qu’il était livré à votre mari ainsi que l’entourage. Vous ignoriez les bénédictions divines à ce moment? Ou la bible que vous lisiez ne vous exhortait pas à protéger l’opprimé? C’est moi qui dois séparer votre fille de votre mari quand vous ne pouviez pas ouvrir votre cœur à l’enfant adultérin?

— Bon je vois que c’était une erreur de venir ici, elle dit en se levant. Je te laisse quand même sur ses mots. On ne parle pas de ce qu’on n’a pas vécu jeune fille. J’ai vu et expérimenté plus que toi. J’espère qu’avec l’énergie que tu as dépensée pour justifier ta haine aujourd’hui, on ne te verra plus dans les bras d’un autre homme. On espère que tu préserveras ton corps et cœur jusqu’à la mort pour Ray, elle ironise.

Je tremble tellement de rage que je me lève aussi.

— Si cet amour qui te motive à tout détruire devait disparaître, on prie que ta part de mari sera le plus fidèle et que jamais tu ne te retrouveras dans une position dont tu ne rêvais pas. Sinon, viens avec tes 34 ans nous instruire sur comment on…..

— Bonjour Tata Marcie, j’entends de Thierry qui nous rejoint sur la terrasse.

— Bonjour fiston. Je m’en allais.

— C’est effectivement mieux, il dit sur un ton crispé qui lui vaut un regard étonné puis un sourire ironique.

— Bonne journée à vous, elle annonce et s’en va.

— Je mets ma main au feu que ce sont les plaintes de Garcie concernant le rôle de Vita dans le mariage d’Ida qui l’a poussé à ça parce que ce n’est pas la tata Marcie de mon enfance qui vient de s’en aller ça, il commente contrarié.

«On espère que tu préserveras ton corps et cœur pour Ray jusqu’à la mort», cette phrase s’est élevée au-dessus de tout ce qu’elle a dit et m’a touché là où il ne fallait pas. J’aurais aimé lui cracher à la face qu’elle peut ravaler son ironie, que je n’ai pas besoin de ses conseils parce que Ray sera l’unique homme de ma vie, mais ses mots n’ont même pas pu quitter ma gorge.

— Elikem, tu es avec moi? Thierry me demande tout en me touchant l’épaule.

— Oui, excuse-moi.

— Ça va? Je n’ai entendu que la fin de votre échange. Qu’est-ce qu’elle t’a dit?

— Rien d’important, je vais m’allonger un peu, je dis sur un ton expéditif et vais me réfugier dans ma chambre jusqu’à l’arrivée des frères Ekim.

En fin de soirée, je suis dans le vol quittant Libreville mais je songe encore à cette phrase ou du moins les implications derrière elle. Arrivant à 2 h 5 du mat, je n’avais prévenu personne, donc c’est un choc pour moi lorsque Cédric m’écrit à 2 h 10 pour savoir si je sors bientôt. Non seulement il est là, mais il sent fortement le tabac quand on se fait la bise.

— Tu n’as pas de valises?

— Non, je n’avais pas besoin de grand-chose pour un séjour d’à peine quatre jours, je dis en remontant mon fourre-tout qui glissait de mon épaule. Pourquoi tu sens le tabac? je demande pendant qu’on regagne sa voiture.

— J’étais en club avec un partenaire d’affaires qui est de passage ici.

— OK. Et tu fumes?

— Je vapote de temps en temps. Pourquoi?

— C’est quelque chose qu’on devrait savoir du futur père de son enfant non?

— OK? il réplique comme si je délirais.

Qu’est-ce que je fiche de ma vie en réalité? Il y a moins d’un mois, je me voyais faire un enfant avec cet homme que je ne connais même pas en réalité. D’accord, j’en sais un peu, mais la majorité c’est ce qu’il me montre. En dehors de ça, le seul truc qu’on a en commun c’est que son ami est le mari de ma sœur. Je ne connais rien de lui et Dieu sait ce à quoi je pensais quand je suis allée l’ouvrir devant sa mère qu’on veut avoir un enfant. Qu’est-ce que je fous nom de Dieu? Je me suis laissée emporter par sa belle gueule et la facilité qu’il m’offrait d’assouvir mes désirs égoïstes.

— Tu as fini de peindre le monde avec un pinceau noir?

— Quoi? je fais, revenant de loin.

— Nous sommes devant ton immeuble depuis quelques minutes et tu ne bouges pas. Je suppose que tu es perdue dans tes idées noires.

Je vois qu’on est effectivement devant mon immeuble. Je le remercie avec l’intention de descendre, mais il bloque la portière.

— Tu ne m’as pas encore dit comment était ton voyage.

— Je n’ai pas envie de parler de choses qui sapent le moral.

— Cette réponse n’est plus acceptable. Ton refus de parler de choses qui affectent ton moral te rend plus anxieuse que d’habitude.

— D’habitude? On se connaît depuis quand pour que tu utilises le mot «d’habitude»? L’an dernier à cette même période, je n’existais même pas sur ton radar.

— Et alors? L’an dernier c’est l’an dernier.

— Et alors? On utilise «d’habitude» pour les gens qu’on connaît et ce n’est pas le cas pour nous. Pendant les deux mois que tu as faits à Pretoria on peut compter sur les doigts le nombre de fois qu’on s’est parlé. Tu ne réponds aux messages qu’après quatre heures voire une journée. L’habitude qu’on s’est créée est où?

— Te répondre quatre heures voire une journée plus tard fait partie de notre habitude. Il y a des gens à qui je ne réponds même pas.

— Waouuhh, je fais de façon exagérée, je suis trop chanceuse.

— Je suis chanceux aussi que tu m’en veuilles de ne pas être réceptif quand tu essaies de me contacter, il répond sur un ton compréhensif comme si on n’était pas en train de se prendre la tête. Ne pense pas que je sois négligent avec toi par pure envie. J’essaie d’avancer autant que possible dans mes projets pour qu’on passe le maximum de temps ensemble une fois que tu seras enceinte.

— Justement, je réplique nerveusement et marque une pause.

— Oui?

— Je…je sais que je vais sonner comme l’irresponsable numéro un de l’univers et je…ça me gêne de te le dire maintenant, mais je me dois d’être honnête envers toi parce que…

— Elikem va au but, il m’interrompt.

— Je ne pense pas être la bonne candidate comme mère pour ton enfant actuellement. Tu vois, j’ai…je…j’étais hyper emballée par l’idée. Je m’attendais à ce que tout soit beau, mais en dehors de nous il y aura une réalité qui attendra ce petit être. Tu ne connais pas mon entourage en dehors de ma sœur. C’est pire pour moi. Je ne connais que Marley et ton frère je l’ai vu vite fait quelques fois. Ta mère m’a l’air sympa, mais en réalité je ne la connais pas. Bref, tout ça pour dire que ce sont des détails importants qu’on devait prendre en compte avant de nous lancer, parce que si un malheur devait nous arracher de sa vie, notre enfant serait confié à qui? À qui tu fais confiance pour aimer notre enfant comme on l’aimera? On n’a pas pensé à tout ça, pourtant ça peut tout changer dans la vie d’un humain.

— Donc tu ne veux plus d’enfants?

— Si, mais peut-être pas aussi rapidement que je te l’avais dit. Je comprendrai si tu as des attentes différentes et veux voir ailleurs.

***Cédric Yafeu Asamoah***

Je lui ai gentiment souhaité de bien se reposer avant de devenir désagréable. Elle m’a sorti une version deux fois plus irritante du «ce n’est pas toi, c’est moi». Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre et supporter dans cette vie parfois? Je n’aurais pas cru si à 20 ans, on m’avait dit que j’aurais autant de mal à trouver une femme qui est prête à s’engager entièrement avec moi. Quand ce n’est pas Bérénice qui me mène par le bout du nez pendant des années, me faisant croire qu’elle souffre d’infertilité alors qu’elle ne voulait simplement pas d’enfants, voici Elikem qui fait demi-tour alors qu’on est déjà lancé. Si l’égoïsme de l’une m’a déçu au plus haut point dans le passé, c’est la compassion exagérée de l’autre qui m’agace énormément aujourd’hui. Ça lui coûtait quoi de s’arrêter aux questions? Elle devait rajouter le «je comprendrai que tu veux voir ailleurs»? En fait je ne peux m’en prendre qu’à moi-même si je suis honnête. Je me suis convaincu seul qu’ayant le cœur brisé, il me fallait juste lui donner de la patience pour qu’elle s’ouvre et s’attache à moi. Peut-être que cette option fonctionne chez les autres, mais je commence à penser que non avec elle. Je commence à penser qu’elle aime quand elle est prête et si ça doit prendre une éternité, elle préfère te dire exactement ça. De quoi te ramener brutalement sur terre.

Exaspéré, je préfère retrouver mon partenaire que j’avais laissé en club. J’espérais qu’en allant la chercher on passerait la nuit ensemble, mais comme ce n’est plus le cas, j’ai besoin de distraction. Ce fêtard m’a fait boire plus que d’habitude au point que j’ai pris le volant dans un état peu recommandable. Dieu merci, je suis arrivé chez moi en un morceau mais aucune force pour me doucher. Je me mets au lit après m’être débarrassé de mes chaussures et mes deux dernières pensées sont pour Godson ainsi qu’Elikem. Je n’ai pas vu le premier depuis mon retour et malgré tout, j’aurais aimé que pour une raison inconnue la deuxième me surprenne en m’attendant au lit. C’est sur cette idée que je m’endors tout doucement, donc je suis confus au début lorsque je sens des mains douces se promener sur mon ventre. Je pense rêver, jusqu’à ce que ma queue entre dans un habitacle chaud et mouillé. Les bruits de succion et les fourmillements dans mes jambes me ramènent petit à petit à la réalité.

— Tu es dingue, je dis avec un sourire flottant sur les lèvres malgré mes yeux somnolents.

Elle s’active dans sa pipe, me réveillant davantage au point que je passe la main sur sa nuque pour la guider à me prendre plus profond. Je ne tarde pas. J’ai consommé tellement d’alcool que je n’ai aucun contrôle donc je jouis rapidement dans sa bouche. Elle aussi ne tarde pas à s’empaler sur mon membre flasque après la jouissance et frotte son sexe contre. Je lui tiens les hanches pour intensifier le mouvement et l’entends gémir bizarrement. Son toucher aussi est…., elle coupe le flot de mes pensées en introduisant mon membre à sa chatte. Enfin je peux goûter à ce dont j’ai tant rêvé et c’est aujourd’hui que je dois être soûl? Sa main attire ma nuque vers sa poitrine que je soupèse et lâche brusquement.

— Défonce-moi bae, j’ai trop envie, me susurre cette personne que je repousse vivement avant de sauter sur l’interrupteur que j’allume.

— Cécécécécécédric???????? s’écrie Hilda les yeux arrondis de stupeur tout en sautant hors du lit également avec une couverture.

—What the actual fuck is going on here? je tonne si fort que je ressens les vibrations de ma voix résonner dans toute la pièce.

— Maismaismais qu’est-ce que tu fais là? Où est Godson? Eh Seigneur, c’était toi dans le lit? Mais tu fous quoi ici?

— Non mais tu as garé ton cerveau où? Tu entres dans MA chambre mais en plus dans MON lit et tu me demandes ce que je fais là? je rétorque les nerfs à chaud.

-Eiiiiii ohhh maman, je…je…je pensais que c’était Godson, elle se met à sangloter et s’empresse de sortir avec la couverture nouée négligemment autour d’elle.

— Tu n’as pas intérêt à quitter cette maison! je crie derrière elle après avoir mis de l’ordre dans ma tenue. Comment tu entres dans ma chambre et tu t’attends à trouver Godson? Tu l’as laissé là peut-être? Hééé, j’ai dit tu restes ici, je dis en l’attrapant par le bras.

— Pardon Yafeu, je demande pardon, je suis la seule fille de ma mère, aie pitié, Eh ce sont les choses de Godson je te jure! Je n’étais pas pour quand il a commencé, mais il a tellement insisté et je craignais qu’il me trompe si je ne lui donnais pas ça alors….

— Tu la boucles et tu m’expliques de façon intelligible!

— Oui papa, pardon ne crie pas, elle répond d’une voix tremblante tout en me regardant comme si j’étais un fauve prêt à la déchiqueter.

— Je t’écoute.

— C’est Godson qui…. qui m’a emmené ici et voulait qu’on baptise la maison, mais je te jure que j’étais contre! Je lui ai expliqué que c’était malsain, mais tu connais ton frère. J’avais simplement peur qu’il aille trouver une autre pour assouvir ses fantasmes donc…donc j’ai fait.

— Qu’est-ce que tu as fait? Ne me perd pas le temps!

— On…on le faisait dans ta chambre quand tu étais en voyage alors…. alors, c’est Godson oh…eh Seigneur, elle recommence à pleurer.

Je n’ai ni les mots ni le cerveau pour analyser ce qu’elle vient de me dire. Mon frère ramenait une fille dans ma chambre pour la coucher? Mon frère de même père et mère?

— Et l’imbécile que tu es n’a pas senti la différence? Tu n’as pas entendu ma voix? je gueule avec force et donne un coup de poing dans le mur pour me calmer.

Elle ne fuit pas si loin, mais va quand même se cacher plus loin tout en me suppliant en larmes de ne pas la tuer.

— Réponds si tu ne veux pas que je te tue! Tu sais ce que tu viens de causer? Tu te prends pour qui pour monter sur moi quand tu m’as entendu parler et tu m’as touché?

— C’est que Godson…dans nos fantasmes il imitait souvent ta voix pour faire le CEO et moi je faisais l’assistante personnelle alors….

Je me dirige directement dans les toilettes les plus proches pour gerber. 

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