
134: O’s happy day!
Write by Gioia
***Elikem
Akueson***
— L’ange de la
maison est où? Je veux ma bénédiction.
— Les choses qui
vont lui donner la grosse tête, répond Romelio en secouant la tête malgré son
sourire amusé.
— Tu l’as caché
où? Hadassah? Tata Elikiki est là!
— Héé il sonne
midi hein, ne gêne pas mes voisins avec ton bruit là. Tu as manqué l’ange de
peu. Je l’ai déposé chez ses grands-parents ce matin.
— Tout ça pour
que je ne la voie pas. Qu’est-ce que l’égoïsme te donne? je lui reproche et il
éclate de rire.
— Tu as d’abord
prévenu qui que tu venais? Ce n’est pas à la clinique que tu m’es tombée
dessus?
— Tu pensais
réellement que j’allais manquer le mariage qui ravivera l’indépendance du pays?
— Je pensais même
que vous alliez trouver l’or grâce à ce mariage.
— Parole d’un ex
aigri. Je vais te signaler à la mariée.
— Malade, il
rigole. Montre un peu les biscottos pendant qu’on y est.
— Malade hein, je
réplique en gonflant les biceps, fière de moi.
— Ouais non…il
manque du jus ici et là, il répond après les avoir tâtés.
— Pff, laisse-moi
t’informer qu’avec ça j’ai fait fuir quelqu’un donc je suis en forme.
— Toi tu as fait
fuir qui avec ton mètre 64? il continue à se payer ma tête.
— Parlons
hypothétiquement une seconde. C’est normal qu’un homme en bonne santé sans
conviction religieuse connue fuie une femme qu’il a dit trouver attirante? je
lui demande plus tôt.
— Woah, ton
hypothétiquement là sort d’où?
— Hypothétiquement,
sous-entend que tu n’essaies pas de connaître les dessous du sujet.
— Bon…, tu dis
qu’il n’a pas de conviction religieuse sur le sujet?
— Aucune qu’il
n’ait mentionné du moins.
— Tu as posé la
question à l’individu de ton scénario hypothétique?
— Beh…, c’est à
moi de demander?
— Lol, tu es
terrible. À 34 ans, tu ressens encore de la gêne pour discuter de sexe?
— Qui a dit que
je suis gênée?
— Le changement de
ton quand je t’ai demandé si tu l’as interrogé? Le fameux hypothétiquement que
tu mets en avant pour bloquer mes questions. Tu as l’embarras trop facile.
— Le français de
la dernière phrase n’est pas clair.
— Dégage, tu m’as
compris. Revenons sur le sujet. Pourquoi ne pas prendre les choses en main avec
ton type si tu as envie de lui?
— Mais…
— Ne me dis pas
que tu n’as pas envie. On n’aurait pas cette discussion sinon. Et ne me dis pas
que tu ignores comment prendre les choses en main. On se connaît.
— Là n’est pas la
question. Ce qui me dérange c’est l’attitude qu’il affiche depuis un mois. Au
début, je l’avais mis sur le fait qu’il attendait que j’avance dans mes séances
de thérapie pour s’essayer. Ensuite il a dû retourner à Pretoria pour le
travail. Mais depuis son retour, c’est bizarre, on croirait qu’il craint
d’aller loin. J’ai même commencé à penser qu’il ne trouve pas mes muscles sexy.
Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, j’ajoute parce qu’il rit à ma dernière
phrase.
— Tes muscles
n’existent que dans ton esprit bougnoule. Si ça peut te rassurer, tu es
toujours hot. S’il y a un problème, il ne vient pas de toi. Ça se peut qu’il te
laisse la latitude de faire le premier pas.
— Pourquoi il
colle régulièrement sa bouche à la mienne alors? Il n’arrête qu’au moment où
quelques vêtements tombent. Parfois il porte même la face de quelqu’un qui
s’est oublié et se réveille subitement quand il s’arrête. Bien sûr, je
l’interroge et il n’a qu’une réponse, excuse-moi, c’est la fatigue. Comme il en
fait beaucoup sur le plan professionnel aussi, je ne peux pas le lui reprocher.
Je le vois travailler, mais tu sais cette intuition?
— Il te rejoint
quand?
— Il ne vient
pas. Vacances familiales, il devait y assister parce qu’il a raté celles des
deux années précédentes.
— Tu fais quoi
après ici?
— Après comment?
— C’est quoi ton
programme après?
— Je dois
retrouver la mariée chez sa couturière. On va découvrir le résultat final de la
robe.
— Parfait. Allons
faire quelques emplettes. Il me reste des choses à prendre pour mon voyage à
Dakar.
— Quelles
emplettes?
Au lieu de me
répondre, il m’entraîne avec lui et ne m’explique qu’en voiture.
— De la nouvelle
lingerie pour te motiver, ça te fera du bien.
C’est vrai que tout
mon attirail se trouve dans des valises à Nairobi. Je n’ai déballé que l’utile
depuis mon arrivée. L’agréable est enfermé dans les boîtes à souvenirs. On
arrive à la boutique en question et ma première surprise c’est qu’on est reçu
par un homme. Ce dernier salue Romelio et au vu de leurs échanges, on sent
qu’ils se connaissent.
— Le boss de
Lomé, la ville t’appartient, je le taquine une fois seuls.
— Plus que ton
père? il répond avec humour.
— Laisse ça, il
est vieux désormais. C’est toi qui as pris le flambeau. Belle qui est accro au
shopping ne m’a jamais parlé de ce coin, je dis en contemplant l’intérieur de
la boutique. Rien qu’à la déco, tu sens que le proprio a bien pensé son
affaire.
— C’est en
cherchant des cadeaux à Jennifer que j’ai connu le coin. La majorité de ses
cadeaux venait d’ici donc tu trouveras sûrement ton bonheur.
— Oh.., on peut
partir si ça te rappelle de mauvais souvenirs.
— Lol, c’est que
je devrais m’interdire une bonne partie de Lomé vu le nombre de coins qu’elle
et moi fréquentions régulièrement. Qui sait, je pourrais aussi trouver un truc
sympa pour ma prochaine femme.
— Oh c’est qui?
C’est qui?
— Tchai, l’excitation
est montée jusqu’à rendre les yeux pétillants, il dit après un fou rire.
— Dis-nous les
choses intéressantes au lieu de nous faire mariner.
— Lol
calmons-nous, qui c’est, je l’ignore, je plaisantais seulement. Les femmes ne courent
pas spécifiquement après les hommes stériles.
Je claque sa cuisse qu’il
tient après un cri surpris.
— Plus jamais tu
ne dis une connerie pareille en ma présence, je le préviens sur un ton ferme. Les
femmes veulent des hommes aimants et sérieux. Tout ce que tu as. Il y a plein
de femmes mamans déjà qui seront reconnaissantes de tomber sur toi et pour la
dernière fois, tu n’es pas stérile.
— Si c’était
aussi facile que tu le dis. Je ne suis plus seul et encore moins la priorité. C’est
Hadassah qui passe d’abord donc la femme qui partagera ma vie doit apprendre à
l’apprécier, composer avec son comportement incluant ses défauts. Les ad…
— Et alors? Je
suis l’exemple qui te prouve que ça existe! Tu as bien vu mes parents, toujours
soudés dans le vieil âge.
— Si tu me
laissais finir, j’allais donc dire que les ados ne sont pas faciles à accepter
pour beaucoup. Tonton Eli t’a même connu avant ton papounet, donc ton exemple
est à part. Tu sais que dans le subconscient de beaucoup, adolescence rime avec
insolence. Pour une petite chose, on te sort que l’enfant est impoli. Hadassah
a déjà vécu dans une famille où elle ne se sentait pas complètement acceptée.
La dernière chose que je veux, c’est introduire des gens qui emmèneraient le
conflit dans notre dynamique ou pire, joueraient aux hypocrites comme une que j’ai
démasqué sans le chercher.
— Une? Qui ça?
— Une à qui je
parlais il y a peu. Ce n’était rien de sérieux, on essayait de se connaître et
un jour, elle m’envoie ceci, il dit, sort son téléphone et me montre un
message.
-« Ma chérie, sa
mère a une réputation difficile et puis après? Sa fille a les cheveux colorés
et alors? Tant qu’elle n’entraîne pas mes filles dans ses conneries, ça me
regarde en quoi? Dieu nous libère un homme de haut niveau et je dois me méfier
parce que sa mère n’autorisait pas les gens de l’église à venir fréquemment
chez elle ou sa fille est une voyoute? Tu sais depuis quand je rappelle à Dieu
que je ne suis pas venue sur terre pour regarder le bonheur des autres comme le
film? Mes filles aussi doivent voir la neige pardon. »
— Un vendredi matin,
je me lève et trouve une pluie d’appels, messages incluant celui-ci venant d’elle,
il m’explique. Elle pleurait, jurait dans les messages qu’elle s’est trompée de
destinataire, ne parlait pas de moi, qu’elle peut m’expliquer. Encore heureux
qu’elle ne connaissait pas mon domicile, je t’épargne le harcèlement qu’elle m’a
fait subir, j’ai même dû prendre un break avec l’église.
Bouche bée, je lis à
nouveau le message.
— Attends, une
femme de Dieu parle de son futur mec comme ça?
— Dieu existe
pour tous Elikiki. Qui le veut le mentionne, on l’oublie souvent.
— Wow, « je
veux que mes filles voient la neige », je dis sur un ton sarcastique. C’est
sur l’effort et l’argent d’autrui que ses enfants doivent voir la neige?
— Que veux-tu que
je te dise? Il y en a qui n’ont pas les moyens de leurs rêves, mais veulent quand
même les vivre. Au moins, j’ai eu la grâce de la démasquer assez tôt.
— Et cette même
grâce t’emmènera quelqu’un d’honnête qui aura un cœur comme le tien. Tu n’as
pas intérêt à grimacer ou émettre un doute. On sait que je suis un chantier émotionnel,
mais si j’ai pu trouver un homme qui m’accepte dans mon état brut en attendant
que je me reconstruise, ce n’est pas toi qui seras en reste alors que tu as
plus de qualités que moi, je lui dis avec conviction et lui arrache un sourire.
— Regarde comment
tu donnes ta relation en exemple tellement tu es bien dedans. J’aime tellement
entendre ça.
— Rhooo, on est
là pour faire du shopping non, bouge, petite commère.
— La gêne et toi
alors, il rigole aux éclats.
Je préfère aussi l’entendre
rire et être gai que défaitiste, même si je sais qu’une partie de lui s’est résignée
après le second avis médical confirmant sa stérilité. Je ne suis pas
convaincue, ou ne veux pas l’accepter. Dieu seul sait, mais ça me fait trop mal
quand j’y pense, donc je refuse de le faire.
J’ai choisi une petite
robe rose assez osée et un ensemble simple au final. Il a pris la facture en charge,
insistant que pour le récompenser, je dois faire littéralement baver Yafeu. Quand
il s’agit des choses charnelles, il est toujours prêt à me prodiguer des conseils
gênants. Nous nous occupons de ses emplettes par la suite. Il se rend à Dakar
pour le travail et aussi visiter Bilal ainsi que sa petite famille. On se sépare
devant l’atelier de couture avec la promesse de se revoir à sa prochaine visite
à Nairobi. Je ne suis là que pour quatre jours et dois me rendre à Accra pour
une entrevue dans ce délai. Lui rentre dans sept jours.
Mme Hélo était déjà
sur place à mon arrivée. Sa fille, la princesse de l’heure se débrouille pour
arriver sans retard, mais en larmes.
— D’abord c’est
Snam, maintenant c’est Hilda qui démissionne. Je n’ai plus de demoiselles d’honneur!
elle pleure tellement que ça me fait de la peine.
— On se calme ma
chérie, viens par ici, la console Mme Hélo tandis que je l’aide à s’asseoir.
Les apprentis de la
couturière nous apportent à boire. Je fouille pour trouver des kleenex et elle se
nettoie la face.
— Snam regrette
franchement, je t’assure que si elle avait pu…
— Je sais Elie,
pas besoin de m’expliquer. Je sais que la seconde grossesse est éprouvante et
Mally a raison qu’il vaut mieux éviter les déplacements. C’est juste que Hilda a
choisi ce matin pour m’annoncer qu’elle couve un sale palu donc elle ne pourra
pas assurer son rôle. Je sais que sur la quantité de problèmes dans le monde, ce
n’est pas le plus grave, mais Eben a deux garçons d’honneur, donc ça gâche tout,
elle pleure encore.
— Bon, on prend
un coup de bol. Respire bien fort. Voilà. Tu es entourée. Deux sont parties,
mais on peut en trouver d’autres. La fête sera toujours belle.
— Tu ne comprends
pas maman. Snam c’est la femme de Mally et on a tissé une relation sur le temps.
Si encore Dara était là, mais elle est restée pour veiller sur Snam afin que
Marley puisse venir. Je ne veux pas d’inconnus autour de moi durant les moments
les plus importants de ma vie. Je veux des gens en qui j’ai confiance. Elikem
est déjà mon bras droit. Bijou, ma belle-sœur n’aime pas l’attention. En plus,
elle n’a pas la même corpulence que Hilda. Elle ne tiendra pas dans la tenue.
— Et Emily?
—Emily? Elle demande,
surprise par la proposition de sa mère.
— Oui. Elle aussi
s’est beaucoup impliquée dans l’organisation. Pourquoi ne pas le lui demander?
— Oh merci maman,
elle pleure de plus belle.
Gênée, j’essaie de me
mettre en retrait pour leur donner de l’intimité. Le sujet « Emily » l’a
beaucoup tourmenté durant cette organisation. Sur le papier, Emily n’est pas un
problème. Dans les faits, c’est la compagne du père d’O et le passé des parents
de mon amie pèse toujours dans leurs relations. Jongler avec les émotions et
désirs de chacun tout en essayant d’organiser son mariage, c’est rude pour les
nerfs, mine de rien. C’est dans cette aventure que j’ai compris qu’organiser
les grosses fêtes, ce n’est pas si amusant que ça. Anyway, la tempête est
passée. La robe qu’on nous présente est inqualifiable. Toutes les trois, nous
avons la bouche grandement fendue devant la tenue que cinq apprentis enlèvent
du mannequin.
— On a fait quelques
modifications sur le modèle original hein ma chérie. Une traîne amovible était
meilleure pour ta robe vu la longueur, lui explique la couturière.
— Ah…parce qu’il
y a encore une traîne? je demande apeurée devant ce que je vois déjà.
— Oh oui, allez l’apporter
avec la crinoline, la couturière demande
à ses apprentis.
— Oh Océ…., s’exclame
avec stupeur madame Hélo une fois la traîne de retour.
Je n’ai même pas les
mots. C’est-à-dire qu’il n’y a même pas assez de place dans la pièce pour qu’on
déploie la majestuosité de la tenue. Nous sommes obligées d’aller dans la
grande cour de la couturière et après qu’elle soit montée sur un tabouret, on l’a
aidé à enfiler la tenue.
— Très belle ma
chérie, tu es magnifique, commente maman Hélo tout en faisant les tours pour
filmer tandis que les apprenties étalent bien la traîne kilométrique.
Pour ma part, j’ai
perdu mon latin. J’y étais dans cette organisation, mais voir le résultat rend
tellement tout réel. C’est vraiment ma petite casse-pieds qui se marie. Mon cœur
bat si fort que j’ai l’impression qu’il sortira si j’ouvre la bouche donc je ne
fais que hocher la tête et applaudir comme une idiote devant le sourire tremblant
de la reine du jour. La couturière et madame Hélo s’inquiètent et crient d’abord
quand on leur explique que je serais l’unique assistante de la mariée le jour
J.
— Une robe pareille
ne peut être soulevée par une seule personne. Surtout si tu comptes détacher la
traîne à un moment donné. C’est mieux d’avoir deux assistants avec elle.
— Oui, Elikem
doit aussi profiter de la journée, renchérit madame Hélo.
— Non, je dis
avant qu’Océane réponde. Je suis le bras droit et gauche. Il faut juste me montrer
comment faire, je vais assurer, je dis confiante et prend la main d’Annie qu’elle
serre fort en retour.
— Ah ça, qui me
donnerait aussi une amie pareille, rigole la couturière.
— Depuis les
bancs, personne n’entend leurs histoires, commente madame Hélo sur un ton ému.
On s’échange des
sourires dignes de gens qui n’ont pas de problèmes. Elle ne veut pas d’étrangères
autour d’elle? Elle n’aura pas d’étrangères. C’est sa journée. On fera ce qu’elle
veut. Je prendrai des anti-inflammatoires le lendemain.
On me coache sur
comment me débrouiller le jour J, mais le soir à la maison, je m’extasie avec
Belle sur la robe grâce à la vidéo que Mme Hélo a partagée avec moi.
— Tu récolteras au
centuple les bonnes graines que tu sèmes ma petite Perle, me dit maman en me
câlinant la tête.
— Tu aimes trop
ça Bella. Ça aurait enlevé quoi sur toi si tu avais laissé ça? je dis amusée.
— J’ai fini de
parler moi, elle réplique en riant après m’avoir fait un bisou. C’est mieux que
j’aille changer nos tenues hein, vu ce qu’Océane porte là, on doit suivre le
mouvement.
Mally et papa la charrient
qu’elle aime trop ça, mais est-ce que ça la décourage. Belle est dans son
élément et entraîne Solim avec elle.
Un bras droit et
gauche ne dort pas comme les autres. La wedding planner de l’enfer me l’a bien
fait comprendre en me réveillant à 6h tapante le jour de la dot. La raison? On attend
le RSVP de Bruce. Elle ne m’a même pas laissé l’opportunité de lui rappeler qu’il
est garçon d’honneur, donc on pourra régler la question lorsqu’il sera sur
place. Un gars que je ne connais que de nom, c’est vers lui qu’on m’envoie.
Avec un grand soupir, je vais chercher son numéro dans la pile que m’a envoyé Océane
trois mois plus tôt. Puisqu’il est tôt, je lui envoie un message et j’en
profite pour prévenir le maître de chorale qu’on se retrouve à 9h devant le
domicile de Mr Ajavon. J’espère que la surprise plaira à la reine du jour.
***Jennifer « pressée
de ne plus être » Bemba***
C’est ma situation
professionnelle instable qui justifie que je me rende à cette dot, sinon j’aurais
zappé avec joie cette journée. Contre toute attente, la bitch par excellence a
accepté que mon resto s’occupe du service cocktail à sa dot. La connaissant, je
sais que c’est une façon indirecte de se payer ma tête et ça me ronge que je
lui ai donné cette chance. Avec les coups bas que me sort Romelio dans cette
histoire de divorce, je n’ai pas eu le cœur de refuser une entrée d’argent. Cet
homme est une vraie déception. Le dicton ne mentait pas en disant qu’entre l’amour
et la guerre il n’y a qu’un fil. Me prenant pour sa moins chère, lui et son
avocat ont proposé les termes les plus injustes pour ce divorce. Je n’ai droit à
rien sur la maison. Il me laisse moins d’un million en bien et avance comme
raisons qu’il a utilisé ses fonds personnels pour reconstruire ce que j’ai
détruit. J’ai bien évidemment contesté et je n’attends que notre audience pour
faire valoir mes droits. Puisqu’il m’a révélé sa fourberie, je sais qu’il me
faudra un avocat redoutable, du coup je ne peux pas faire la fine bouche sur le
plan professionnel. Pour économiser le peu qu’il me reste, j’ai même abandonné
mon idée de poursuite judiciaire contre l’école. Bref, je déteste déjà cette
journée et pour ne rien arranger, Khaya vient m’informer que l’ami de Mr Eben
me demande.
Pensant qu’il était
envoyé par Eben, je vais le rencontrer sans rechigner.
— C’est bien toi
en chair et os ça? il s’exclame. De quoi m’irriter davantage.
— Salut. Comment
tu vas? je demande plus pour être polie.
— Ah je suis là,
mais fâché contre toi. Ça se fait d’abandonner ses gens comme ça? Presque trois
mois maintenant, Jennifer. Tu ne prends pas les appels. Pareil pour les messages.
Si ce n’était par Eben que j’entendais de tes nouvelles, j’aurais cru que ta
santé s’était aggravée. Je t’ai fait quelque chose?
— Je traversais
une mauvaise passe. Eben t’envoie pour quelque chose?
— Euh non. J’ai
appris hier seulement que tu étais en charge du cocktail, donc je me suis dit,
pourquoi ne pas lui rendre visite avant d’aller chez la belle-famille. Besoin d’aide
ici?
— Oui, je réponds
soulagée. Tu es véhiculé?
— Bien sûr.
— OK, si ça ne te
gêne pas, tu peux nous aider à transporter la bouffe du cocktail.
— Euh…ça part
quand? Parce que je suis best man d’Eben et…
— On nous a
libéré un frigo chez les Ajavon donc on peut partir maintenant, je lui
clarifie.
— Super! Donne-moi
une seconde que je libère le coffre et la banquette arrière alors, il dit et s’élance
pour le faire.
Au moins, je pourrais
économiser sur l’essence. Je passe les ordres pour qu’on sorte les plateaux préparés.
Salade, pastels de thon et viande, mini tacos, crevettes grillées sur des tranches
de concombre qu’il faudra napper de guac avant de servir, bref un assortiment
de plusieurs bouchées. Je me suis dépassée et j’en suis fière. Les outils du service
vont dans le coffre. Les plateaux sur la banquette arrière. Khaya et deux des
serveuses ont pour consigne de me rejoindre dans une heure au domicile des
Ajavon. Une minute plus tard, Bruce démarre.
— C’est quelle
mauvaise passe qui t’a coupé du monde à ce point? Ou c’est mon visage qui déclenchait
ça? il revient à la charge.
— Je me sépare de
mon mari et j’ai perdu mon boulot à l’école Davidson Nicol’s, je lui confie.
— Tu dis vrai? il
demande étonné, après un long silence.
— Si tu mens sur
ce genre de choses, ce n’est pas mon style, je réponds agacée.
— Excuse mon
manque de tact, tu m’as…en fait..tu m’as pris de court. Tout ça pour toi seule
et tu es toujours debout? il reprend toujours étonné.
— Je ne suis pas
une faiblarde qui se couche pour pleurer. Les coups peuvent pleuvoir, mais
jamais je ne me laisserai mourir, je lui dis avec conviction.
— Dès le premier
jour, j’ai vu en toi une femme exceptionnelle. Ne change rien sur toi. C’est
ton mari qui perd, il ne s’en rend pas compte aujourd’hui, mais un jour, il le
saura.
— Merci, je dis
réconfortée que quelqu’un me témoigne du soutien. Trois mois à supporter les
questions et critiques de ma tante, ça m’a plombé le moral mine de rien.
— Et le travail? Qu’est-ce
qui s’est passé?
— Trop long à
expliquer, mais c’était lié à mon mari.
— Regarde-moi ça.
Il croit pouvoir te couper l’herbe sous le pied pour t’empêcher d’être libre ou
quoi? Dommage pour lui. Je connais très bien la famille Nicol.
— Ah…, je fais
curieuse. Comment ça?
— Tu vois que tu
aurais dû répondre à mes appels au lieu de te terrer dans ton coin? On t’aurait
épargné bien de choses.
— Maintenant tu
sais, je dis pour le ramener à la conversation. Comment tu connais les Nicol?
— Comme tu sais,
je travaille à l’INSAO, l’institut de statistique qui appartient à la famille Wanké.
Ortencia Nicol Wanké, la belle-fille des fondateurs est ma collègue et une amie.
C’est vrai que je ne connais sa sœur Oyena que de nom, mais Ortencia ne me
refuserait pas de faveur. Je vais lui en parler…
— Non, je l’interromps
rapidement. Je préfère trouver autre chose. Si elle connaît quelqu’un qui a
besoin d’une restauratrice, ou toi-même, je suis preneuse.
Ce n’est pas le moment
que les démons de Romelio se réveillent et qu’il décide de me coller son
ordonnance d’éloignement sur le dos. Je n’y connais rien au droit, mais je doute
que ça m’aide dans mon divorce s’il le faisait.
— Pas de soucis. J’ai
moi-même des contacts. On va regarder ça après le mari…
Un appel entrant nous
interrompt. Il répond et comme son Bluetooth est activé, j’entends une voix qui
hérisse automatiquement mes poils.
— Allô, bonjour, c’est
bien le numéro de Bruce? lui demande la conne de service.
— Oui. À qui ai-je
l’honneur?
— C’est Elikem, l’amie
d’Océane. Je t’ai envoyé un message tôt ce matin.
— Ah…j’ai vite
vu, mais je n’ai pas eu le temps de lire. Tu peux dire aux mariés que je suis
en chemin, je serais à l’heure.
— J’appelle pour
l’invitation. On attend que tu confirmes et choisisse ton repas, elle se permet
de l’ignorer.
— Tu ne l’entends
pas conduire toi? j’interviens ne pouvant plus me taire.
— Euh…effectivement
je conduis. J’arr…
— Confirme dès
que possible, elle l’interrompt et cette fois raccroche sans qu’on ait le temps
de répondre.
Sidérée, je suis.
Choquée même. Mon sang chauffe.
— C’est à toi qu’on
a raccroché au nez comme un malpropre? je demande au concerné.
— Ah….c’est le
mariage et son stress, il sourit comme un con.
— Ah bon hein. À
cause du mariage, tout est permis. Je l’ignorais, merci de m’informer.
— On va faire
comment, il continue sur le même ton badin. Eben lui-même se prenait la tête
hier pour une simple histoire de nom sur sa réservation d’hôtel. Dans les
derniers instants, les esprits sont tendus. Moi-même, j’avais oublié cette histoire
de confirmation.
— Jusqu’à on te
tutoie au lieu de te vouvoyer?
— Oh, tu veux
indirectement me dire que je suis vieux? Je n’ai que 36 ans hein, il rigole.
— Tu n’es pas
vieux, je parlais juste du respect, mais si tu t’en fous…
— Laisse, ça ne
me dit rien. L’essentiel, c’est qu’on en finisse rapidement et dans la beauté. Tu
peux prendre mon téléphone et confirmer la réservation pour moi s’il te plaît?
Je l’aide avec comme
il a demandé.
— Choisis le même
plat que toi, il ajoute.
— Je n’ai pas
pris de plat. Je ne serais pas à la soirée.
— Hein?
— Je n’ai pas été
invitée.
— Ah bon? il s’étonne.
Eben ne t’a pas invité? Eben?
— J’ai préféré
désister pour ne pas créer les tensions avec sa femme. Tu connais nos
antécédents.
— Mais il m’a dit
que vous aviez réglé non?
— Réglé? je me
marre d’ironie. J’ai seulement décidé de rester dans mon coin comme mon ami a
décidé de choisir une femme pareille.
— Non!! Mais non,
je ne suis pas d’accord Jennifer. Tu veux donc me dire que depuis des mois,
Eben t’a laissé dans ce malaise et tu l’acceptes? Pourquoi ne pas t’être confié
à moi? Tu sais au moins qu’Eben m’écoute quand je lui parle. Ou tu ne me
considères même pas comme ton ami.
— Mais non. C’est
juste que je ne voulais pas du rôle de l’amie qui sème des bâtons dans les
roues de l’autre. Il m’a dit qu’il l’aime, je devais dire quoi? je dis le cœur peiné.
Je n’oublierai jamais cette sensation. Au moment où j’avais besoin de soutien,
c’est ce moment qu’il a choisi pour me confesser ses sentiments pour une autre.
— L’amour et puis
quoi? L’amitié aussi c’est une forme d’amour non? Ou Eben a oublié que tu étais
là avant elle? C’est son rôle de ramener sa femme à la raison. Franchement tout
s’explique. Je savais que j’avais raison de trouver bizarre qu’il ne te
mentionne pas parmi les demoiselles d’honneur. Bêtement, je pensais que tu
étais le témoin de la femme.
— Elle là me
choisir comme témoin? je ris de dérision.
— Ça aussi, il
faudra le régler après le mariage, parce qu’il est hors de question qu’on te
minimise. D’ailleurs tu viens à la réception. Je te donnerai mon repas. Je n’ai
rien contre Océane, mais elle n’entrera pas dans notre groupe pour y semer la
zizanie. En plus, elle est enceinte donc…
— Enceinte? Wow,
tu es sérieux?
— Ce n’est qu’une
suspicion, mais j’en suis assez certain. Je la trouve physiquement différente,
même si son ventre n’a pas l’air différent. Aussi, je sais qu’une des priorités
d’Eben c’était d’avoir des enfants dès qu’il trouverait sa femme, donc ça ne m’étonnerait
pas.
— Donc c’est pour
l’enfant qu’il se précipite dans le mariage?
On est à nouveau interrompu
par un second coup de fil. Je prépare mes meilleures injures au cas où ça
serait la reine de Saba, mais c’est la voix de la mère d’Eben qui remplit la
voiture.
— Oui maman, je
ne suis plus loin. Disons même que je suis à dix minutes de la maison des
Ajavon.
— Ah…, je vais te
déranger s’il te plaît mon fils. Hilda traînait tellement des pieds que j’ai dû
partir en avance pour ne pas retarder les gens. Je l’ai appelé, mais elle ne
répondait pas. Comme elle est malade et seule là-bas, je m’inquiète. Si ça ne te
retarde pas trop, tu peux…
— Ne t’en fais
pas. Je m’en occupe, il la rassure.
Elle le remercie et
ils se laissent sur ça. Comme nous sommes déjà proches, il propose de me
laisser avec la bouffe avant d’aller chercher Hilda. Notre arrivée coïncide avec celle d’une
chorale et pendant que certains nous aident à décharger le véhicule, on entend
la chorale chanter « O’s happy day ». En allant déposer les effets
dans le frigo, on a vu la mariée entourée de ses gens, s’extasiant et filmant
la chorale qui continuait la chanson. L’image m’a pincé le cœur. C’est en
écoutant les paroles que je comprends le pourquoi ils chantaient « O’s
happy day, when Jesus wash.. », au lieu de « O happy day ». Genre
c’est trop son jour quoi. Elle est entourée, émue, comblée, et reçoit toutes
les attentions après m’avoir mené la vie dure dans le temps. Et moi, je travaille
pour son jour. Je suis sa boniche quoi. Dégoûtée, je préfère repartir avec
Bruce pour chercher Hilda. Je lui donne comme raison que je veux lui tenir
compagnie.
— Tu sais, avec
ce que tu m’as révélé, je me rends compte qu’Eben gère mal son histoire. Tu
peux croire que Hilda n’a pas été impliquée dans l’organisation du mariage?
Elle n’a rencontré Océane qu’il y a trois jours, à son arrivée au pays. Et la
raison qu’Eben m’a donnée c’est qu’Océane et lui voulaient lui faire la surprise
parce qu’apparemment elles se sont rencontrées à Nairobi sans savoir qu’elles…
Je fais semblant d’écouter
la suite jusqu’à notre arrivée au domicile d’Eben. Hilda est une chic fille,
mais sa vie est le cadet de mes soucis. Bruce sonne au moins trois fois au portail
sans succès, mais heureusement, la daronne lui a remis une clé avant notre
départ. On entre et à l’arrière de la maison se trouve une Hilda désemparée.
Elle est assise au sol, mains croisées sur la tête comme quelqu’un qui vient d’apprendre
une nouvelle désolante. Son visage est baigné de larmes, son nez coule et elle
sanglote tellement qu’elle hoquète. On la questionne à tour de rôle, mais c’est
difficile de déchiffrer ce qu’elle arrive à dire.
— Emmenons là à l’hôpital
si elle est malade, je propose perdue.
— Non, je ne veux
pas. Je veux disparaître. Eben va me tuer et Fabien va m’enterrer, elle reprend
ses lamentations.
— Mais qu’est-ce
qui t’arrive Hilda? Pourquoi tu ne cesses de répéter ça?
— Je ne savais
pas je jure, elle reprend. Si j’avais su que ce n’était pas Godson. Si
seulement! Lui continue sa vie et moi je vais finir sans avenir. Cédric va me
ruiner. Les Asamoah vont finir avec ma vie et ma famille. Eben va se retrouver au
chômage. Ma pauvre maman….
Je me mets à son
niveau pour essayer à nouveau de la comprendre.
— Ma puce, tu
nous effraies. Qu’est-ce qui t’arrive? On ne peut pas t’aider si tu ne nous
permets pas. Personne ne peut te faire du mal. Tu es dans la maison de ton
frère.
— Tu…tu..tu ne
connais pas les Asamoah tata Jenny, elle dit d’une voix douloureuse. Quand…et
quand…Dara apprendra, ce sont les Laré Aw qui…qui vont me finir. Je suis finie.
— Bruce, tu peux
nous donner une minute s’il te plaît?
Il hésite pendant une
seconde, mais accepte de se retirer. Je m’installe à même le sol, nettoie son
visage avec un bout de ma jupe en pagne, et prends une grosse inspiration avant
de l’interroger. Le nom « Laré Aw » a eu l’effet d’un ricochet sur
mon cerveau. Pourquoi ils devraient tuer notre petite? Je dois le savoir. Je ne
sais combien de temps on passe à discuter. Bruce nous interrompt à différentes
reprises et j’arrête l’interrogatoire quand il revient pour la quatrième fois,
exaspéré.
— Ils ont débuté
la dot sans nous, il dit le visage fermé.
— Ils ne la finiront
pas sans nous, je réplique fermement aussi.
Hilda qui est plus
calme se lève et va s’apprêter comme je lui demande.
— Eben va péter
un câble à notre arrivée. On n’a pas arrêté de nous appeler. Je ne savais même
pas quoi dire pour justifier notre absence, Bruce continue à râler.
— Il y aura de
quoi péter un câble c’est certain, je confirme sur un ton calme.
Il pousse un juron,
passe la main sur son visage et recommence à rouspéter. Mon esprit à des années-lumière
de ses états d’âme. Une enfant de 24 ans se bat pour s’en sortir et il faut qu’elle
tombe sur des chiens de la pire espèce? Les Laré Aw veulent toucher notre
petite hein. Je suis là et on va s’expliquer. Je vais même l’aider à bien faire
son make up et la coiffe.
— Tu te rappelles
de ce qu’on s’est dit? C’est le mariage de ton frère. Tu n’as rien fait de mal
pour t’isoler et pleurer ta vie. Eben c’est presque ton père. C’est ton droit
de profiter et te réjouir avec lui. On règlera le reste après. Je serais avec
toi lorsque tu parleras de ta grossesse à ta famille. Je ne vais pas t’abandonner.
— Mer…merci, elle
me répond d’une voix tremblante.
On est parti une
minute plus tard. Je me suis assurée de prendre le test de grossesse positif
quand elle avait le dos tourné. Nous arrivons quand les mariés vont faire leur
premier changement de tenue. La dot a été offerte et déjà acceptée. Heureusement,
mes employés présents ont déjà dressé le stand. Une maison joliment décorée pour
le jour hein. Le bruit de la fête a attiré une bonne partie du quartier, mais
les gardes devant la maison dissuadent les curieux qui veulent s’approcher. À l’intérieur,
ça discute gaiement, chacun est sur son 31, photographes et vidéastes sont au
travail. Je laisse Hilda avec Bruce et en ma qualité de restauratrice, je vais
chercher les mariés pour avoir réponse à mes questions. C’est plutôt sur la
maman que je tombe quand elle sort d’une chambre.
— Ah non
Jennifer, je ne suis pas contente de vous, elle commence directement les
reproches. Presque deux heures de retard? On appelle aussi, Bruce ne nous situe
pas. Qu’est-ce que vous avez fait comme ça?
— Hum, je dis et
marque une pause. Ce qu’on a fait maman, c’est ramener ta fille qui était déjà
loin. L’unique fille que Dieu t’a donnée, ta dernière de surcroît, tu aurais pu
la perdre aujourd’hui.
— Oh, elle est
où? Vous ne l’avez pas laissé seule hein? Mais pourquoi Bruce ne nous situait
pas au téléphone? Allons…
— Du calme maman,
je la rassure en la prenant par les épaules. On l’a ramené avec nous et Dieu
merci, son esprit est un peu tranquillisé.
— Allons que je
la voie. J’ai questionné cet enfant depuis son arrivée, mais elle ne voulait
rien dire. Je pensais que c’était le travail, ensuite c’est devenu un palu.
Encore une fois je la
retiens, alors qu’elle veut s’élancer pour voir la petite.
— Avant que tu ne
la voies, il faut qu’on parle des Asamoah. Tu connais son copain Godson?
— Hein? elle fait
sur un ton interrogatoire. Hein, elle continue sur un ton affirmatif. Pourquoi?
— Son copain et
son grand frère ont joué à passe-passe avec ta fille qui se retrouve….
Une porte s’ouvre. La
mariée sort dans une tenue traditionnelle couleur vert menthe aux épaules
dénudées dont la jupe porte des fleurs brodées au fil blanc et beige. Elle
rigole avec sa dame de compagnie portant une robe sirène en dentelle blanche aux
épaules asymétriques rehaussées par un tissu en pagne vert.
— Se retrouve
enceinte d’un monsieur de l’âge d’Eben qui a martyrisé et semé la terreur dans
la vie de notre Hilda au lieu de s’occuper de sa compagne qui est notre dame de
compagnie. Il s’appelle Cédric Yafeu Asamoah, j’annonce à haute et intelligible
voix.
***Eben Tountian***
Elle a débuté sur une note de colère cette
journée, mais je commence enfin à l’apprécier. Je suis déjà dans ma seconde
tenue et j’attends ma femme pour qu’on retourne ensemble dans l’assemblée. Axel,
Fabien et Jérôme me tiennent compagnie en attendant que les femmes se décident
à lâcher le maquillage pour nous rejoindre. Nous discutions quand le faux jeton
de Bruce s’est ramené avec des assiettes remplies pour chacun de nous ainsi qu’un
sourire coupable. Je pousse un juron devant le plat qu’il me présente, mais le
prends quand même.
— Vous avez fini
de faire le tour de Lomé? On vous a donné assez de temps?
— Mr
Tountian! Un mari frais, il continue
à m’encenser et arrive à m’arracher un faible sourire malgré tout.
— Tes acolytes
sont où? je l’interroge la bouche pleine.
— Hilda cherche
justement Jennifer qui était partie à ta recherche.
— Ah…j’ai dû la
manquer. Hilda se porte mieux?
— Ouais…enfin je
suppose. Elle était assez secouée à notre arrivée, mais Jennifer a réussi à la
calmer.
— C’est ça quand elle
passe son temps dehors au lieu de rentrer dormir comme les gens normaux. Voilà
qu’elle se ramasse un neuropalu.
— Quand elle
saura que tu as téléchargé Snap pour la surveiller là, je dis en rigolant à l’intervention
de Fabien.
— Eben? j’entends
d’une voix féminine qui appartient à Emily.
— Oui?
— Oc…., elle commence
et marque une pause, l’air surpris devant moi.
Je me rends compte qu’elle
ne me regarde pas, mais plutôt celui à mes côtés.
—Emily? Je reprends.
— Oui oui, elle répond
comme si elle venait de revenir à elle. Je venais voir si vous étiez prêts. Des
amis d’Innocent sont arrivés et il veut vous les présenter parce qu’ils ne resteront
pas longtemps.
— Moi oui. La
princesse traîne comme toujours. Je vais voir où elle en est.
— OK, je vais le
prévenir, elle dit et s’éloigne après un dernier regard curieux en direction de
Bruce. Les gars, allez vous installer. Je vais chercher madame.
Axel, Jérôme et Fabien
s’éloignent. Je retiens Bruce qui lui aussi ressemble à quelqu’un qui a vu un revenant.
— Ne me dis pas
que c’est cette Emily, je me lance directement.
— Qu’est-ce qui
se passe ici Eben? Pourquoi cette meuf se retrouve ici et comment tu as pu me
le cacher? il se fâche subitement, confirmant mes dires.
— J’allais passer
par où pour savoir que c’était ton ex? Dois-je te rappeler qu’en dehors de son
nom et des photos à la va-vite, je n’avais jamais croisé la personne quand tu
la fréquentais? Tu es certain que c’est la même?
— Tu me prends
pour un con ou quoi? C’est Emily Seck! il répond avec une véhémence qui me
stresse.
L’Emily Seck que je
lui ai toujours défendu de fréquenter est l’Emily sur laquelle Océane se repose
depuis des années. C’est quoi cette farce du destin? Bruce a zappé toutes les
répétitions de ce mariage et ne communiquait qu’avec moi, donc jamais je n’ai
pensé à l’introduire à toute la famille d’Océane. J’avais vraiment besoin d’apprendre
ça aujourd’hui. Pas le temps de gérer ça. J’essaie de le calmer avec la
promesse qu’on en reparle plus tard.
Je vais chercher O, en
priant qu’elle ne m’annonce pas de nouvelle stressante aussi. Dieu nous a fait grâce,
elle est enceinte de deux mois, mais ce début de grossesse s’avère plus
complexe que ce à quoi on s’attendait. Quand elle n’est pas sujette à des crampes
abdominales, ce sont les haut-le-cœur toute la journée. Comme on a décidé d’attendre
la fin du premier trimestre pour l’annoncer aux proches, c’est délicat de gérer
la situation à deux.
Dans les escaliers, je
reconnais ce qui ressemble à un dos familier. Je monte et des éclats de voix me
reviennent. Il y a Océane et elle est agitée. Je monte plus rapidement. J’arrive
et ne trouve que des femmes dans le couloir menant à la chambre d’enfance d’Océane.
Maman et Jennifer sont d’un côté. Océane et Elikem devant une porte. Hilda qui
recule et pleure doucement. Une ambiance de mort règne, mais il semble que
personne ne m’ait remarqué. Je m’avance pour comprendre quand Océane lance son
sac à ma sœur et hurle, « Tu vas l’ouvrir ta sale gueule de prostipute et nous
cracher ce que tu as fait avec Cédric? »
***Ama Ekoue***
Je ne comprends rien
hein. Jennifer a ses problèmes, mais depuis qu’elle est rentrée de la fameuse
dot, elle ne parle que des histoires d’autrui.
— Je t’assure ma
tante. Devant son mari, sa belle-mère et des membres de sa famille, madame qui
traite les gens de bitch a insulté sa belle-sœur. Les insultes coulaient
tellement de sa bouche que je ne savais quoi dire. L’argent n’est pas synonyme
de classe oh! Les gens qui se disent distingué et pourtant ils ont les
comportements de musaraignes. Un père incapable de contrôler la bouche de sa
fille. On a dû la conduire dans sa chambre. Pendant ce temps, l’autre qui se
dame de compagnie ressemblait à un cadavre déterré.
— Je dis hein, c’est
la dot ça?
— Ah c’est la dot
quand tu veux entrer dans des familles bizarres non. Bitch par ci Bitch par là,
voilà où ça conduit, oubliant que Karma is a big B et peut débarquer n’importe
quand.
— Maintenant tout
ça te concerne en quoi?
— Comment ça? Je
te raconte ma journée et tout ce que tu trouves à dire c’est en quoi ça me
concerne? C’est la journée que j’ai passé non. En quoi ça ne me concernerait pas?
En plus, je vais héberger pendant un temps Hilda.
— Héberger Hilda?
Pourquoi?
— Non, mais tu
penses que je vais rester tranquille et la laisser retourner chez son frère
avec Mme Bitch dans les parages? Tu veux qu’on me tue la petite? J’ai promis de
ne pas la quitter. Je suis rentrée seule parce que je la sais avec Bruce avec
sa mère et son frère. Sinon je n’allais pas la quitter hein. Non non, elle dit
en secouant la tête. Je ne la quitte pas. Personne ne va brimer cette enfant parce
qu’une vieille de 34 ans n’a pas su retenir son fameux gars de 36 ans. Hilda va
bien mener sa grossesse et aura son enfant. Je vais même regarder demain pour
lui réserver une séance photo spéciale grossesse. Tu sais où on achète les
robes de princesse extra là?
— Hein…moi je dis
que dans tout ça, toi tu n’as pas ton foyer et tes problèmes à régler?
— Tu recommences!
On ne peut même plus discuter avec toi. Tous les jours, c’est foyer ci foyer ça.
C’est quoi? Je dois me laisser mourir pour un homme qui se prend pour le centre
de l’univers? Ce mariage est fini! Finito! Dans quelle langue je dois te l’expliquer?
Romelio n’a plus rien à m’offrir! Il pue la négativité! J’ai mieux à offrir à
la vie que de rester Mme Bemba.
— Ce n’est pas
dans la maison de mon mari que tu emmèneras cette fille. Si tu veux être à ses
côtés, retourne chez ton mari.
— Tu es sérieuse
ma tante? elle dit d’un air surpris.
— Oh que oui! Je
ne sais pas ce que tu penses, mais je ne permettrai pas que tu deviennes ce que
je te vois me montrer récemment. Ce n’est pas en te réjouissant ou achetant les
problèmes des autres que tu remettras ta vie sur les rails. Quelqu’un a
enceinté ou pas, en quoi ça te regarde? Tu m’as déjà vu me mêler des problèmes
d’autrui? C’est quoi ce comportement nocif? Toi aussi tu dis que quelqu’un pue
la négativité?
— Compris! Je
vais quitter TON foyer sans tarder.
— Quitte et
retourne chez Romelio. C’est lui ton problème, j’insiste.
Jennifer ne me
couvrira pas de honte. Je n’ai pas pris cette fille pour qu’elle devienne comme
mes aigries de sœur au village qui me jalousent parce que je ne partage rien de
ma vie avec elles. Elle m’a parlé de réconciliation avec son mari ici. On devait
venir la chercher et subitement, elle revient sur cette histoire de divorce au
point de muscler sa mâchoire dessus. Gaëtan a fait pire que Romelio, j’ai su
gérer mon mariage. Je vis les fruits de ma récolte. Hors de question qu’une
autre profite avec Romelio du travail de Jennifer. Si je dois la chasser pour
lui ouvrir les yeux, je le ferai même si ça ne m’enchante pas.
P.S : Comme Ama l’a
si bien demandé, les histoires là vous concernent en quoi? Pensez-y avant d’insulter
les gens. Nous prônons la paix et la communication effective, merci.