144: Getting ready

Write by Gioia

***Jennifer mère d’une étoile Attipoé***

Mon bébé n’est pas né qu’il opère déjà des miracles dans ma vie. La semaine suivant les premiers achats pour le bébé, Tessa a réussi à me faire ma tétine personnalisée. Excitée comme une puce, j’ai envoyé la photo à ma tante qui a rappliqué le lendemain à ma grande surprise. C’était sa première visite chez nous depuis que je vis avec Bruce. Les réconciliations furent émouvantes. J’ai tellement pleuré que je couve encore un rhume bien que l’événement date de trois jours.

Mon cœur se gonfle de joie au son des enfants qui font la queue pour prendre être servis par mes employés. Dire que dans quelques années, ma petite poupée fera partie des élèves de cet établissement, si bien sûr ils jouissent toujours d’une bonne réputation. Je ne compte lui donner que le meilleur. Une fois qu’ils sont servis, je vais personnellement faire le tour des allées pour m’assurer que les enfants mangent à leur faim. Hier seulement, le directeur me faisait part des éloges des parents sur mon service. Certaines mamans m’ont même demandé mon numéro pour les futurs goûters d’anniversaire. Le travail roule, je suis comblée. La journée finit sur une note positive. L’équipe retourne au restaurant avec des consignes concernant le service de nuit, je continue à l’école de Jérémie. À cause du froid entre ma tante et moi, je n’ai pas eu l’occasion de prendre des nouvelles de mon fifou favori.

Il ne saute pas de joie de me voir en revanche. Je le laisse expliquer au chauffeur de son ami avec qui il rentre souvent qu’il part avec moi puis nous prenons la route.

— Alors? C’est quoi cette tête? Je ne t’ai pas manqué?

— Bien sûr que si.

— On ne dirait pas hein. En plus jamais tu ne m’as écrit. On voit combien tu m’aimes.

— Je t’ai pas écrit parce que maman a dit qu’on ne dérange pas les nouveaux mariés.

— Hum, cette règle ne s’applique pas à toi. Tu es mon bébé toi.

— Arrête tata, j’ai quinze ans.

— Vilain menteur, je dis amusé. Au lieu de profiter de ta longue jeunesse, tu t’ajoutes rapidement des années?

— Bof, on profite de quoi de toute façon? Au moins les grands peuvent travailler et se faire de la thune.

— Les parents ne te donnent plus d’argent de poche? Tu as fait une bêtise?

— Non du tout, j’en ai juste marre de l’école. Je veux rapidement gagner mon argent, il grommèle.

— Dans ce cas, concentre-toi sur l’école. C’est la voie la plus directe et simple pour gagner de l’argent.

Je l’entends ruminer sans pouvoir déchiffrer exactement ce qu’il dit. Quelque chose chiffonne ce petit. La preuve, il salue du bout des lèvres ma tante et ne réagit même pas quand cette dernière le gronde. Il s’en va, les épaules affaissées.

— Tout ça parce qu’on va lui changer d’école, regarde-le se comporter comme si on lui avait annoncé ma mort ou celle de son père, ronchonne ma tante.

— Pourquoi vous voulez lui changer d’école?

— Il apprend quoi de fameux là-bas pour justifier la scolarité qui dépasse le million? On ne va pas se ruiner maintenant alors qu’il n’est qu’en 3e.

— Enfin ma tante, pourquoi ne pas m’avoir demandé si vous aviez des problèmes financiers?

— On n’a pas de problèmes d’argent. Je ne veux juste pas qu’il reste au milieu des gens qui dépensent 300000 comme nous on dépense 300 francs. Il va copier les mauvaises habitudes là-bas.

— Mais non, je ne suis pas d’accord. OK, on s’entend que la scolarité là-bas est chère, mais ce sont les opportunités qui sont déterminantes. Sur mille tu ne trouveras que dix qui sortent de milieux modestes sans connexion se hisser à certains niveaux ma tante. Les 900000 seront placés par leurs relations familiales ou amicales. Mon ami Eben en est l’exemple parfait. Il comptait devenir greffier par manque de moyens et soutien jusqu’à ce qu’il entre dans les bonnes grâces de la ministre Wanke. Quand tu vois ce que Jérémie fournit comme travail, tu penses sincèrement qu’il fera partie des dix modestes sans connexion à l’avenir?

— Hum, elle grommèle. Toujours des 12. Quand il se vante qu’il a fait un effort, c’est un 12,97 qu’il te ramène. Il ne peut jamais atteindre 13, c’est quoi?

— Justement. Il n’a que la volonté du douze. Laissez-le là-bas. Je vais vous assister si ça devient difficile.

— Parce que tu roules sur l’or? L’enfant coûte de l’argent hein. Ce n’est pas le moment de négliger ma petite-fille pour une tête de banane qu’il tient de son père.

— Il n’a même pas une tête de banane mon père, l’intéressé répond depuis le salon où il a sorti sa tête.

Sa mère lui lance une chaussure qu’il évite avant de fuir.

— C’est ce qu’elle fait et se plaint régulièrement de courbatures hein Jen, le fifou continue depuis l’intérieur.

Au moins, on sent dans son ton qu’il a retrouvé sa bonne humeur.

— Ne me lave pas ta salle de bain avant que je débarque et tu verras. Bref, elle dit, revenant à moi, même si ma conscience ne veut pas toucher à ton argent, nous ne sommes pas dans une position qui me permet de faire la fine bouche. Gaëtan commence à ressentir le coup de l’âge. Il passe plus de temps à la maison que dehors à chercher l’argent dernièrement. Les recettes du salon de coiffure nous permettent juste de vivre, donc si tu peux nous aider pour l’écolage, j’accepte volontiers.

— Envoie-moi par message ce qu’il reste et je te ferai un chèque.

— Discute d’abord avec ton mari hein. N’oublie pas que cette relation est ta deuxième, ce n’est pas le moment de commettre de faux pas, elle me met en garde.

Je hoche la tête en soupirant intérieurement. Ce coup de pression est nécessaire? Je ne sais pas moi que c’est mon second mariage? Bref, je ne laisse pas ce petit moment me saper le moral. Après un bon repas, je prends congé d’eux. Avant qu’il m’ouvre le portail, Jérémie accoure pour m’agripper le cou avec ses deux bras et me plante une bise sonore sur la joue qui me fait rire.

— Sois sage hein, arrête de fatiguer la vieille.

— Laisse, c’est comme ça que je la fais vivre.

De retour à la maison, je me coule un bain pour bien me détendre parce que Bruce aura mon corps à sa guise. C’est sur lui que je compte pour l’écolage de Jérémie. Mon ventre n’est qu’un petit renflement jusqu’à présent. Quand je porte un truc moulant, on le voit, mais sous des tenues un peu volantes, il passe vraiment inaperçu. Je m’enduis amoureusement le corps de ma crème légère, passe une courte combinaison en dentelle et porte mon peignoir léger par-dessus. Il sonne déjà 19 h, donc je texte Mr Attipoe pour connaître sa position.

— Un pot entre collègues imprévu. Je cherche une opportunité pour m’évader, mais tu peux dormir si tu as sommeil.

Je fais tomber le peignoir pour prendre une photo afin de l’inciter à rapidement trouver son opportunité d’évasion, mais change d’idée à la dernière minute. Le derrière de la combinaison est trois fois plus sensuel donc je m’en vais chercher Tessa pour qu’elle me prenne. J’approche de sa chambre et me questionne sur ce que j’entends. Elle semble converser avec quelqu’un, mais selon ses phrases, on dirait qu’elle s’adresse à plusieurs personnes. Je patiente contre la porte, mais personne ne lui répond. Intriguée, j’ouvre doucement la porte. Elle sursaute et son bras cogne un trépied sur lequel reposait un anneau lumineux qu’elle pleure après l’avoir ramassé au sol.

Une caméra est posée sur la table à études dans la chambre. L’enfant là se filmait?

— Qu’est-ce que tu veux? elle me demande en plus sur la défensive.

— Je dis, c’est dans ma maison que tu tournes le porno?

— Quoi? elle s’écrie. Mais n’importe quoi, tu as vu le porno où? Je suis habillée ou pas? Je tournais une vidéo.

— C’est quelle vidéo on tourne la nuit? je lui demande sceptique.

— Je peux t’aider pour quelque chose s’il te plaît?

— Hey madame, tu es chez moi. Quand je t’interroge tu réponds, je lui rappelle rapidement.

On n’a pas le même âge. Qu’elle se respecte, pfff!

— J’ai une chaîne YouTube OK? Je tourne des vidéos et c’est grave gênant d’en parler. Je le fais la nuit parce qu’en journée je suis occupée avec la recherche de travail et c’est plus facile quand la maison est calme.

— Prends-moi bien pour une guigne. Tu tournes les vidéos YouTube pour qui? Qui te connaît?

Elle me lance un air exaspéré, se rend vers son Mac et s’écarte pour me signifier que je peux venir voir. Tess Tibs, 95K abonnés, 307 vidéos, et c’est sa photo que je vois à côté du nom. Je la regarde à nouveau puis YouTube. Du Togo to Ghana and now South Africa, Small girl trying to experience the world through my big eyes while I take you guys with me. Follow for fun content and discoveries.

— Donc tu te connectes et tu racontes ta vie aux gens? C’est la dépression qui te touche?

— Lol, mais non. J’ai une chaîne monétisée où je postais normalement trois à quatre fois par mois quand je vivais à Durban, elle m’explique et me montre les vidéos en question.

A solid plan for three days in Botswana, Come with me to Durban July, A weekend in Jozi, one of my favorite cities, Chill in Eswatini, Back in Ghana for a week, les cinq récentes vidéos et la moins vue est à 27k.

— J’ai commencé pendant ma licence au Ghana pour pratiquer et dominer ma crainte de parler en public en préparation de mon métier. Je faisais essentiellement des mini reportages de cas de disparation que je trouvais sur internet et sur les années, à force de communiquer avec les abonnés, j’y ai pris goût.

— Et c’est dans crime qu’on te donne l’argent pour te filmer? je continue dubitative.

— Mais non, elle se moque. J’ai juste commencé avec les contenus sur le crime, mais je me suis trouvée d’autres hobbies avec le temps. En plus je ne savais même pas que le programme de monétisation était accessible au Ghana. Je n’ai été approuvée qu’un an avant mon départ pour l’Afrique du Sud.

— OK, pardonne mon ignorance alors. Je ne m’y connais pas.

— C’est pas grave. Évite juste d’ouvrir la porte sans cogner s’il te plaît.

J’acquiesce, mais je la toise mentalement. Les enfants d’aujourd’hui vraiment, je suis quand même son aînée de huit ans.

— Tu avais besoin de quelque chose?

— J’ai même oublié. Tu peux aussi me filmer?

— Euh…comment?

— Je veux documenter ma grossesse et la préparation pour le mariage.

— Ouais…je peux te filmer, mais comment tu veux faire ça?

— Laisse-moi y penser et je te dis demain, ça te va?

— Bien sûr.

C’est sur ça que je la laisse. Bruce klaxonne au même moment donc je sors pour l’accueillir. Comme toujours, Mr le pressé ne peut pas attendre de se doucher. Il me saute dessus dès qu’on ferme la porte de notre chambre. Nos rapports sont meilleurs qu’au début quand même, j’ai pris mon plaisir quoique j’ai connu mieux. Maintenant qu’il est détendu, je dessine des arabesques sur son torse pour l’amadouer avant de soumettre ma requête.

— Chéri?

— Oui?

— Tu penses qu’on peut soutenir mon oncle et ma tante pour les frais de scolarité de Jérémie?

— Frais de scolarité?

— Oui. Le pauvre je l’ai vu aujourd’hui et il m’a fait de la peine. Ce n’est pas évident d’avoir des parents plus vieux qui se débrouillent pour subvenir à ses besoins.

— Hum, ce n’est pas la peine de prendre cette voix attristée, je suis là ou pas? On va s’occuper du petit Jérémie.

— Oh bébé, je m’exclame joyeusement et monte sur lui pour couvrir son visage de bisous.

— Le week-end prochain, Eben nous attend chez lui pour la présentation d’Ezer.

J’aurais dû m’en douter. Mon excitation retombe comme un ballon dégonflé et je ne suis pas en position de refuser. Pfff! Bref, il me fallait revoir Eben tôt ou tard même si je ne saute pas de joie d’être en présence d’Océane et sa manie à surjouer comme si elle était la seule mariée du pays.

***Romelio Bemba***

22 h 45, c’est l’heure à laquelle je quitte le chantier qu’est devenu l’ancien terrain de jeux appartenant aux Laré Aw. C’est au début de janvier que tata Belle stressée et euphorique m’annonce la nouvelle. Les Asamoah seront ici en février pour demander officiellement la main d’Elikem, pourtant la concernée jure jusqu’à présent qu’elle n’était pas au courant de la démarche. C’est sur le terrain de jeux réaménagé qu’on accueillera les Asamoah si les exigences de la mère ne tuent pas notre tata Belle d’ici là. J’en ai connu des mères, je sais que la mienne n’est pas la plus facile, mais celle de Cédric, Seigneur…, il faut une patience infinie, je le jure. Dans notre culture c’est la famille de la femme qui prend en charge la dot, mais cette bonne femme signe qu’elle doit avoir sa main partout. Ingénieur, architecte, équipe de cinq décoratrices, même des couturiers, c’est le convoi qu’elle a dépêché à Lomé avec son assistante à la tête pour supposément s’assurer que tout soit prêt à temps.

Encore heureux que personne ne met la pression à Eli Laré Aw. Il les a retournés avec diplomatie à leur patronne pour que deux jours plus tard, elle renvoie une autre équipe avec d’autres raisons. Je peux comprendre qu’elle s’attend à un résultat précis, mais ce n’est pas comme si on l’a gardé dans le flou contrairement aux mariés. Le plan de rénovation qu’Arthur a sorti en deux jours après un travail acharné adresse toutes ses requêtes à savoir, un parking de douze voitures uniquement pour sa famille, une piste de danse bien espacée pour permettre aux vidéastes et photographes de garder une distance respectable avec le couple parce que son fils n’apprécie pas les intrusions. Bref, ce sont leurs requêtes qui ont donné aux Laré Aw l’idée de remettre à l’ordre du jour l’ancien espace de jeu comme ce dernier est bien aéré et situé, donc les caprices de cette femme sont lourds. Plus que quelques jours et on pourra se reposer, donc je me rappelle encore une fois qu’Elikem est la priorité pour me donner le courage de continuer. Cette dernière comme je l’ai mentionné n’a aucune idée de ce qui se trame ici. Pour elle, tout se fera dans leur maison familiale. Le duo de choc composé de ma tante Ciara et sa mère ont réussi à la rassurer qu’elles contrôlent tout, donc elle s’occupe de ses affaires là-bas.

Il sonne 23 h 15 quand j’arrive chez moi. Hier aussi, Hadassah était seule à la maison jusqu’à 22 h, je n’en suis pas content. J’ai mon gardien qui m’a prouvé sa confiance sur les années, mais ça reste une ado de quatorze ans qu’on laisse seule. Je m’arrête en premier dans la cuisine pour vérifier les marmites. Je cuisine, maman me ravitaille de temps en temps et la servante d’Arthur nous envoie chaque mois deux à trois sauces uniquement pour sa petite chérie Hada Hada comme elle le précise. Je trouve un tupperware de ragout d’ignames à moitié vide dans le frigidaire signe qu’elle a chauffé directement son repas. Je sors de cuisine et la croise assise dans les escaliers dans son immense pyjama.

— Qu’est-ce que tu fais là? Tu n’as pas sommeil?

— Je voulais te dire que je suis fâchée.

— Qui a fâché mon grand bébé? je demande pour l’amuser.

— Tu passes tout ton temps avec Mme Nicol et je compte pour du beurre maintenant.

— Et tu tiens ça d’où? je continue sur un ton plus sérieux.

— Je suis pas bête. Hier tu n’étais pas à la maison. Je t’ai entendu au téléphone demander si elle était déjà rentrée. Aujourd’hui c’est elle qui a proposé de me déposer parce que tu ne passerais pas me prendre et te voilà de retour.

Je pince légèrement sa joue et m’assois à ses côtés.

— Quand on accuse les gens, on apporte des preuves palpables.

— Moi je sais, elle insiste en gonflant même les joues.

— OK, tu comptes pour du beurre. Va dormir.

La façon dont elle se retourne pour me dévisager m’aurait presque fait rire si je ne percevais pas dans ses grands yeux que quelque chose la chagrinait. Je sais qu’elle est réticente avec ce qui se passe entre Deborah et moi, mais ça ne justifie pas cet air mélancolique. J’entoure son épaule de mon bras et dépose sa tête bouclée sur mon épaule.

— Qu’est-ce que je dois manger chaque matin avant de commencer ma journée? je lui demande.

— Un bagel au beurre. Pourquoi?

— Pour te dire que le beurre c’est un must chez moi, donc tu dois te réjouir de compter autant que ça.

— Haha, t’es même pas drôle, elle ironise.

— Toi non plus, alors qu’est-ce qui se passe?

— C’est dur les amitiés tu sais papa. Il y a Jérémie et Thema qui sont fâchés depuis bientôt neuf jours! D’abord je t’explique le début.

— OK, je t’écoute, je dis amusé.

— Alors, tu sais que le grand frère de Thema fabrique les machines des hôpitaux.

— L’équipement médical mais oui, continue.

— Voilà, du coup, il a été nominé à un truc entrepreneur machin et il a remporté plein de prix. Apparemment c’était sa première fois à ce concours bien qu’on l’ait plusieurs fois nominé, du coup Thema était aux anges. Huit jours plus tôt, on se refaisait les vidéos de la soirée ensemble quand Jérémie de nulle part dit qu’il ne comprend pas pourquoi on s’excite comme si c’était un exploit quand on parle de quelqu’un qui a l’argent pour tout avoir sur terre.

— Ouh là…

— Ouais! Ils se sont mais tellement disputés. Anh! J’avais jamais vu Thema si fâchée.

Je ne devrais pas sourire, mais son « anh » qu’elle a copié chez ma mère m’amuse tellement quand elle le sort.

— En plus de le traiter de haineux, Thema lui a dit qu’il mourra très jeune s’il continue à être jaloux de ceux qui ne lui doivent rien.

— Aïe, elle a fait fort.

— Très. Jérémie s’est tellement fâché qu’il a lancé une chaise contre le mur avant de lui dire qu’il ne veut plus jamais entendre son nom sortir de sa bouche. Maintenant, chacun est dans son camp, mais ils me prennent la tête quand je parle à l’autre. J’en ai marre.

— Eh bien, c’est effectivement un problème que tu as sur les mains. Mettons les sentiments des deux de côté, que penses-tu de la situation?

— Que chacun a ses torts. Thema sait que les parents de Jérémie ont des problèmes d’argent. Au départ il ne voulait pas nous en parler, mais on a fini par lui tirer les vers du nez parce qu’il ne cessait de prêter nos livres. On lui a donné pleins de rappels pour que ses parents règlent la scolarité du second trimestre. Il a rencontré quelques fois la fondatrice qui est coopérative, mais ça l’inquiète. On craint qu’il quitte l’école avant la fin de l’année. De l’autre côté, Jérémie sait que Thema n’a pas une famille paisible juste parce qu’ils ont de l’argent. Ils ont vécu plein de choses les Asamoah. Il y a eu la période où ses parents ont puni Cédric en l’envoyant à Lomé parce qu’il les avait publiquement dénoncés pour abus de justice sur le fils d’une des gouvernantes. C’était bien avant sa naissance ça, mais apparemment, ils ont fait bastonner et enfermer le fils de la gouvernante parce qu’il était le copain d’Elvis son autre frère. Pendant plusieurs années, je ne me rappelle plus du nombre, mais bref, les relations entre les parents, Cédric et Elvis étaient très compliquées. Heureusement, avec le temps, les choses se sont améliorées donc je pense que cette victoire était très symbolique pour leur famille du coup l’opinion de Jérémie n’était pas nécessaire.

— Je n’aurais pas dit mieux. Est-ce que tu le leur as dit? C’est la question.

— Non, parce que chacun est sur la défensive et je n’ai pas envie de jeter l’huile sur le feu.

— Je comprends ma puce. Voici ce que je te recommande. Reste dans ta position neutre. La prochaine fois que l’un te prend la tête, tu leur expliques ce que tu m’as raconté. Être ami ne veut pas dire caresser dans le sens du poil. C’est très bien d’avoir de l’empathie envers eux, ça aide à passer la pilule, mais l’empathie ne doit pas remplacer la vérité.

— Et s’ils se fâchent contre moi cette fois? Chacun reste dans son coin?

— Tu restes ferme sur ta position si c’est ce en quoi tu crois. Ils auront le temps de réfléchir et si je me fie au peu que je sais d’eux, je pense qu’ils reviendront à de meilleurs sentiments. Ça arrive à n’importe qui de dire les mauvaises choses.

— OK, bah je vais faire ça et si j’ai plus d’amis, tu seras obligé de….non remarque tu ne seras obligé de rien, je vais me débrouiller.

— Finis ton idée, je dis amusé.

— Je ne veux pas que tu en parles à la fondatrice et qu’elle essaie d’être ma bestie.

J’éclate d’un rire franc et lui ébouriffe la tête.

— C’est quoi cette fameuse réputation qui te tient tellement à cœur en 3e?

— C’est vachement relou les blagues des autres quand ils savent que ton parent fréquente un prof. Je l’ai vu avec quelqu’un et j’ai pas envie de ça. La fondatrice est cool et si tu te sens bien avec elle, bah je fais m’efforcer pour fermer les yeux sur ce que vous faites à la maison, mais elle doit aussi promettre de me traiter comme les autres à l’école. Pas de traitement de faveur, des ma chérie, des trucs chelous et tout là.  

— C’est noté, je vais lui passer tes conditions, je dis avec humour.

Pour l’emmerder, je la porte bien qu’elle se débatte et l’emmène jusque dans son lit.

— Tu comprendras bientôt la raison de mes retards.

— C’est une surprise pour moi? On part en vacances?

— Toute ta vie c’est aller en vacances, je me moque.

— Même pas vrai, les dernières vacances remontent à l’an passé.

— Kara là ce n’est pas des vacances hein. Ça ne te dit rien, n’est-ce pas?

— C’était une excursion ça, elle réplique avec un sourire qui me fait rire aux éclats.

— Dors rapidement et n’oublie la prière, petite canaille.

— Hey! Oh ça je vais le dire à mamie.

— Mais dis-le, j’ai peur de vous? Bonne nuit la marmotte.

— Bonne nuit le vieux, elle chuchote quand je ferme la porte.

L’enfant là aime tellement me chercher, mais j’admets que je prends plaisir à écouter ses idées tordues. Elle me piétinerait certainement si elle savait que Deborah et moi ne faisons aucun effort pour sortir du cadre de la camaraderie.

Je ne connais pas ses raisons, mais les miennes sont simples, puériles et stupides. Depuis que Sister Mini a croisé mon regard, je n’arrive plus à en voir une autre. Ma mère qui se croit maligne m’envoie de temps en temps des numéros avec le prétexte de celle-ci cherche un emploi, celle-là veut connaître les prix pour les accouchements en maison de naissance, voilà une qui cherche un tuyau pour envoyer son frère au Canada. Toutes des femmes agréables à regarder à qui j’ai parlé, mais aucune ne déclasse la sœur aux jambes d’une couleur si parfaite que je me suis vu, Seigneur pardonne-moi, mais je me suis vu les remonter avec ma langue jusqu’à son entrejambe dans la maison de Dieu. À ma décharge, je n’étais pas préparé à cette longue période d’abstinence que je supporte depuis deux ans maintenant. Pour certains ce n’est rien, mais c’est long chez moi.

Je ne connais pas l’identité de cette femme et encore moins son âge. Le dimanche prochain sera le troisième depuis notre rencontre et je sais déjà que je ne la verrais pas dans l’assemblée. Il se peut qu’elle soit en couple, trop jeune, ou pire qu’elle ait quitté le pays. Rien que l’idée me retourne le ventre, mais c’est un fait. Au lieu de me concentrer sur Deborah, une femme disponible tout aussi belle et qui me facilite la vie en ne voulant pas d’enfants, je fais le con et n’arrive même pas en m’en vouloir. Comme c’est coutume chaque soir, je prie que Dieu me donne la conviction lorsqu’elle se présentera, cette femme avec qui je vivrai de beaux jours jusqu’à ma mort. Si je n’ai toujours pas la volonté de faire la cour à Deborah d’ici la fin du mois, je le lui ferai comprendre pour qu’elle ne perde pas son temps.

***Bruce Attipoe***

Le cinéma de Jennifer a atteint des sommets incroyables. Maintenant, elle se fait suivre et filmer par Tessa. Je ne sais pas quel film les deux comptent produire, mais depuis quatre jours, c’est ce à quoi on a droit dans cette maison. Ce qui me ravit, c’est que les deux se fréquentent davantage. J’ai bien rappelé à Tessa qu’elle n’a pas à négliger sa recherche d’emploi pour devenir productrice de la télé-réalité de Jennifer, surtout que le tuyau que Mme lui avait trouvé n’a toujours rien donné. Tessa a quand même passé son entrevue chez le magazine Source donc on reste dans l’espérance.

Aujourd’hui, c’est l’introduction de l’héritier Tountian. Je finis de porter ma tenue repassée par les soins de ma cousine et pense trouver ma femme déjà prête puisqu’elle a quitté la chambre quand j’étais sous la douche. Madame est royalement assise, lex yeux fermés et touche son ventre pendant que Tessa lui tourne autour avec sa caméra.

— Je dis, votre série là aura combien de saisons?

— On t’a dit de ne pas parler quand on tourne non? rouspète l’actrice principale.

— Quand vous m’aurez versé les droits pour utiliser mon espace, vous pourrez me retirer l’usage de la parole. On va sortir aujourd’hui ou l’actrice est bookée pour la journée entière?

Seule Tessa rit à ma blague. Madame se lève d’un air satisfait et annonce qu’elle doit se remaquiller parce qu’on continue le tournage dans la voiture.

— Euh….la voiture?

— Mais oui, tu viens avec nous.

— Ah…, je n’étais pas au courant.

— Tu ne fais rien les week-ends de toute façon. On va se tenir compagnie là-bas.

— Bon beh d’accord.

C’est comme ça que madame retourne en chambre et quand je la rejoins elle a réellement un maquillage différent, mais c’est sa tenue qui me stoppe dans mes pas.

— Je suis jolie hein, elle se réjouit.

— Très, mais la robe moulante? je l’interroge subtilement.

— Elle n’est pas bien?

— Bien sûr, mais ton ventre est visible.

— Je sais. À bien y penser, je ne vois plus l’intérêt de cacher une nouvelle si heureuse. C’est pour célébrer ce miracle que je fais documenter la grossesse par Tessa, ça ne sert à rien de porter des vêtements pour me cacher. J’attends celle qui osera me traiter de salope parce que je suis enceinte d’un autre.

Les femmes enceintes changent d’avis si drastiquement? Je ne sais quoi dire.

— Mais, on peut prévenir Eben avant non? C’est que…débarquer comme ça alors que c’est un jour dédié à leur fils, c’est un peu leur voler la vedette.

— Préviens-le si tu veux, je vais en voiture pour que Tessa continue, elle annonce joyeusement en s’en va.

Bon au moins, elle est d’excellente humeur.

Eben aussi choisit de ne pas décrocher, donc je suis obligé de lui annoncer par message, espérant qu’il le lise d’ici notre arrivée. Ce n’est vraiment pas ma méthode et je me sens mal à l’aise envers mon pote, mais bon je fais avec.

Arrivés chez les Tountian, Jennifer demande encore qu’on continue le film. Exaspéré, je dis à Tessa de me ranger la caméra avant qu’on ne descende du véhicule.

— Mais c’est quoi ton problème?

— Mon problème c’est qu’on n’est pas à Nollywood ici. Déjà nous sommes en retard, donc tu restes tranquille, je ne veux pas de scandale.

Elle se met à tempêter donc Tessa, probablement gênée, descend. Je n’hésite pas à faire de même. Qu’elle reste avec son comportement de diva d’une journée.

***Jennifer Pfff Bruce tout court***

Je ne vais pas bouger, c’est ce que je m’étais dit une heure plus tôt, ou peut-être plus, je n’ai plus la notion du temps. J’ai trop faim et mon maquillage m’étouffe à cause de la chaleur. Bruce cet idiot est parti avec la clé donc j’ai du me contenter de l’air qui a décidé de souffler au ralenti aujourd’hui. Qui fait une introduction d’enfant vers midi même? Les règles de bienséance ne sont pas pour les chiens quand même. Et Tessa là, elle ne vient même pas jeter un coup d’œil pour voir s’assurer que je ne suis pas déshydratée hein? J’en ai marre de souffrir donc je ravale ma fierté et vais les retrouver. Ce n’est pas l’imbécile de Bruce que je trouve sur la terrasse, manches retroussées, en train de lécher son coude jusqu’à la main avant de replonger ses doigts dans son plat.

— Ah tu es là? commente Tessa qui joue avec le bébé d’Eben, je suppose, vu le teint et la physionomie de ce dernier.

— Tu nous as ramené quoi de la maison? Ah! s’exclame lourdement Bruce après avoir descendu la moitié d’un verre de 500 ml de vin.

Comme il y a d’autres invités sur la terrasse, je dois jouer à son jeu stupide.

— Rien.

Je salue ceux qui sont présents et m’installe à côté de Tessa qui me fait de la place.

— Où sont les parents?

— Alors, il a été sage mon Titounours d’amour infini? s’annonce la fameuse mère qui descend les escaliers avec des vêtements dans la main.

— Eh Océane, rigolent certains.

— Hier c’était Chachounet, aujourd’hui c’est Titounours, mon petit-fils finira par parler quelle langue? dit son père.

— Estimons-nous heureux qu’elle ait mis à la retraite Zezedoudou, réplique avec humour Eben qui lui sort de leur salon.

— Merci, elle dit en prenant le bébé des mains de Tessa et s’installe pour le changer. Dis-leur toi, hein le petit cœur de maman, dis-leur qu’ils n’ont pas besoin de comprendre ce qu’on dit. C’est entre nous, c’est notre histoire à nous seuls et on s’adore comme ça, elle embête l’enfant avec les bisous exagérés au lieu de l’habiller rapidement.

-Awwwnnnnn, s’exclame Bruce dos voûté sur son plat.  

Je dis, qui l’a sonné?

C’est ainsi que je dois me farcir le cinéma d’Océane la seule mère amoureuse de son bébé qui au passage ne me salue même pas, pourtant elle m’a vu. Eben au moins tient son rôle. Il me propose des amuse-bouche en attendant qu’on sorte la prochaine tournée de foufou sur lequel Bruce perd la raison.

Le bébé est vraiment mignon, avec des joues toutes rondes et des bouclettes en guise de cheveux. Ils sont beaux à entendre les rires excités qu’il sort quand son père approche sa tête pour qu’il essaie de la tenir.

— Il a déjà quatre mois? je ne peux m’empêcher de demander.

— En février. Il est juste grand pour son âge.

— Comme toi, je réponds à Eben.

— Et son grand-père hein, j’ai contribué, nous amuse le père d’Océane.

— Tu veux le reprendre? Océane m’étonne par sa proposition à Tessa.

Elle tend rapidement les bras et prend le petit. Comme il est proche de moi, je m’essaie timidement, espérant que sa mère ne commence pas la sorcellerie comme elle est occupée à répondre à quelqu’un, mais c’est le petit qui me sort son vampire en fronçant subitement la mine.  

— Oh…, rigole Tessa.

D’autres ont vu, dont le père d’Océane. Il dit à son petit-fils d’être gentil. Eben intervient aussi et ose blaguer que son fils a raison.

— On se méfie des tantes qui désertent sans explication. On n’aime pas ça, hum Ezer?  

— Bien dit, l’appuie Bruce.

Si quelqu’un pouvait me le baffer lui.

Bref, je me contente de Tessa quand elle n’est pas collée au petit. La bouffe arrive, donc je peux me détendre. La famille d’Océane prend congé quand je finis mon repas.

— C’est quoi le programme du mariage de ton amie déjà? j’entends le papa demander à sa fille.

Océane n’a qu’une amie. Elikem épouse le gars qui a couché avec la sœur d’Eben?

— Tu fais bien de me rappeler, une seconde, elle dit et monte.

Je la suis des yeux, les méninges en surchauffe.

Océane revient à la course avec une boîte cadeau mauve en main qu’elle remet à la sœur aînée de Yasmine.

— Pardon, l’entrée est strictement sur invitation et les boîtes ont été comptées. C’est pour ça que je te la remets Em.

— Petite peste, j’ai classé et gardé tes documents sans rien égarer pendant des années, réplique son père après lui avoir donné un coup à la tête.

— Ouais ouais, je te connais. Bref, Em, n’égare pas la boîte, parce que même mon nom ne pourra pas vous garantir l’entrée le jour là.

Ils s’en vont et quelques minutes plus tard, les autres invités les suivent. Il ne reste plus que la famille d’Eben et nous. Chacun mange un cupcake quand Bruce décide de faire son sans gêne.

— De quel mariage vous parliez tout à l’heure?

— Celle de son amie, lui explique Eben.

— La dot de la meilleure marraine et tata du monde entier, n’est-ce pas mon Titou qu’on se prépareeeee intensément pour la dot de tata Elikem? On sera tous beaux pour elle et tonton Ceydoux.

— Ah ça, on ne peut pas se joindre un peu à vous? il ose demander sur un ton envieux.

Je vais tuer Bruce. Je vais le tuer. 

D’amour, D’amitié