154: à l’anniversaire du dauphin

Write by Gioia

***La mère de Noble Attipoe***

Qui vois-je arriver dans mon resto par cette belle journée? Hilda Tountian et elle semble avoir la pêche.

— Je ne m’attendais pas à te trouver ici, elle s’étonne pendant qu’on se fait la bise.

— Tu as volé ma phrase, je réplique.

— Tu ne pensais quand même pas que j’allais manquer l’anniversaire de mon neveu d’amouuurrhhrrhhr! J’ai posé mes congés en fonction de cette date dès qu’on choisissait nos vacances, elle se marre.

— Tu quittes tout un pays pour les un an d’un bébé? Tu feras quoi à ses 18 ans alors?

— Lui offrir une Mercedes bien sûr.

— Ah ça! Le rôle de tante chez les Tountian est lourd on dirait hein.

— On n’a pas pris une petite femme, c’est normal que nos épaules soient lourdes.

Inutile de dire que je roule des yeux mentalement. Le « fangirlisme » n’a pas diminué à ce que je vois.

— Alors qu’est-ce qui t’emmène dans mon coin aujourd’hui?

— S’il te plaît je meurs de faim. Peux-tu me faire un poisson grillé? Je le veux juteux et grillé, mais pas sec à l’intérieur.

— Bien sûr, je te recommande notre barracuda nappé d’un sauté de choux.

— Je prends et en accompagnement du riz blanc s’il te plaît.

Je fais signe à une serveuse qui prend sa commande et m’installe pour discuter, parce qu’il n’y a pas grand-chose à faire ici.

— Alors, tu fais quoi même ici? J’ai entendu de mon frère que tu as eu un bébé non?

— Une magnifique fille il y a trois mois de ça, je glousse de joie. Attends, je te la montre, je dis en sortant mon téléphone pour qu’elle voie mon fond d’écran que j’ai changé il y a trois jours avec une photo où elle nous offre un sourire craquant dans les bras de son papi Gaëtan.

— Oh là là, regarde le visage qui respire la douceur. J’ignorais qu’une version féminine de Bruce pouvait être si adorable.

— Pardon nettoie tes yeux, elle me ressemble, je la corrige directement et elle éclate de rire.

— Non hein, tu as perdu sur ce coup. C’est le visage de Bruce, ça y compris le petit nez écrasé. On peut dire qu’elle a pris ton teint, mais en même temps il n’y a pas une majeure différence entre vous.

— Bref, c’est moi que je vois sur elle, j’insiste et range mon téléphone avant qu’elle me dise qu’elle sent carrément le comportement de Bruce émaner d’elle.

— Kieh, tu es fâchée même? elle continue à rire.

— Tu cherches la querelle pour rien.

— Je demande pardon pour avoir dit la vérité alors. D’ailleurs, vous cachiez bien votre jeu avec Bruce. Vous étiez déjà ensemble durant le mariage d’Eben hein?

— On ne cachait rien. Quand la porte s’ouvre pour toi, tu entres directement.

— Lol, tu n’as pas tort. C’est le bon moment qui fait toute la différence et ça me ravit à vrai dire. On reste en famille au final. Qui sait, peut-être que Nono et Zezounet…

— Non merci.

— Tchaii, comment tu nous bloques? elle se marre croyant que je plaisante, mais il faudra me passer sur le corps pour que je laisse ma fille se marier avec le rejeton d’Océane.

— Laissez mon enfant grandir à son rythme. Elle a beaucoup à voir et expérimenter avant de s’intéresser à l’amour.

— Tu n’as pas tort, ils ont le monde à découvrir avant de penser à l’amour. Ah, enfin mon repas est là, elle se réjouit et l’attaque.

— Le petit est assez solide pour fêter selon toi? je demande par simple inquiétude pour Ezer, parce qu’on connaît Océane, elle fait les choses sans réfléchir.

— Solide comment?

— Ton frère ne t’a pas dit qu’il souffre d’eczéma?

— C’est une histoire ancienne ça. Tu ne les vois pas souvent ou quoi?

— Normalement oui, mais depuis l’accouchement je ne sors pas trop, tu comprends.

— C’est vrai, j’avais complètement oublié. Rassure-toi en tout cas.  Son teint est aussi uniforme qu’au début. Le pédiatre avait raison. La crise a été violente, mais elle ne s’est pas éternisée et dès qu’ils ont eu l’aval d’utiliser d’autres méthodes en plus des onguents, Océane a mis le paquet comme tu la connais. Huile de calendula d’O-cèdres, des bains d’avoine, l’aloe vera, et en même pas un mois, son teint éclatant a repris le dessus.

— Ah c’est bien ça, je suis contente qu’il soit totalement guéri.

— Demain tu le verras dans les acrobaties. On lui explique depuis que c’est son anniversaire, mais il comprend juste qu’il aura un zoo.

— Un zoo?

— Oui, le thème de la fête c’est une « excursion dans la savane. »

— Haiiii, vous allez l’emmener fêter au zoo? Il y a même un zoo dans ce pays?

— Comment tu as négligé notre pays? Il y a un zoo à Awatame même s’il est petit et pour répondre à ta première question, on ne l’emmène pas au zoo. On le montera ce soir dans le jardin des Tountian.

— Vous le montez? Comment vous allez monter un zoo?

— La curiosité est forte hein, elle se marre. T’inquiète, tu verras demain à la fête.

— Je ne serais pas à la fête.

— Oh? Mais comment? Pourquoi?

— Demain c’est samedi, notre journée la plus remplie ici.

— Et tu ne peux pas dégager un trois heures en matinée pour être avec nous? La fête commence vers onze heures.

— Non malheureusement. J’ai trop à faire ici.

— C’est même sécurisé pour toi d’en faire autant quand ton bébé n’a que trois mois? Océane n’a officiellement repris le travail qu’aux sept mois d’Ezer hein.

— Est-ce qu’on est toutes des Océanes? je lui demande un peu agacée parce que je sens du jugement dans son ton.

— Non je ne dis pas ça, je m’inquiète juste pour toi.

— Ne t’en fais pas, je lui confirme rassurée qu’elle ne me jugeait pas. Malgré la drépanocytose, j’ai toujours travaillé, donc je suis très résistante. Je supporte plus que les femmes régulières et rester sur place n’est pas bien, donc j’ai préféré reprendre petit à petit le travail pendant qu’elle reste avec ma tante.

— Je te donne les mains, Dieu même sait que je vais bien paresser pendant mon congé de maternité, elle avoue et me fait rire.

— C’est comme ça qu’on prend facilement du poids hein.

— Tout dépend du métabolisme je pense, parce qu’Océane a…

Océane a par ci, Océane a par là, elle ne connaît plus d’exemple dans sa vie et mes pauvres oreilles sont obligées de l’écouter.  

— C’est tout ce que je te souhaite alors, je conclus pour qu’on passe à autre chose.

— Merci, mais tu es certaine de ne pas pouvoir dégager un petit temps vers la fin d’aprèm? Parce qu’on y sera sûrement jusqu’à 16 h vu la quantité d’activités prévues. Ou bien Bruce viendra avec votre fille?

— Non, même si je devais venir, elle ne fera pas partie du voyage vu qu’elle est trop petite.

— Haiii Jen, l’anniversaire c’est pour les enfants. Sa présence est même plus importante que la vôtre, elle rigole. Attends, je te montre des photos pour que tu aies une idée de ce qui se prépare, elle m’annonce avec entrain et me sort son téléphone.

Je défile bouche bée, les photos des grandes peluches. Zèbre, Girafe, Éléphant, Lion et lionceau, Tigre blanc, Tigre régulier, Panthère noire, Singe, Loup, Ours, Biche, tous dans leurs emballages.

— Le reste de notre jungle devrait arriver avec Elikem ce soir. Tu vois les deux grands arbres qui sont dehors et surplombent l’arrière-cour?

Je confirme en hochant la tête.

— On a décidé de créer la scène avec eux comme pièce centrale. Le sol sera recouvert de faux gazon sur lequel reposeront les peluches et chaque enfant aura un tabouret à l’effigie d’un animal, donc tu vois que Makeda ne peut pas louper ça.

— Juste pour comprendre, tout ça c’est toujours pour les un an d’un enfant qui ne parle même pas? je lui demande dépassée.

— Respecte mon bébé d’amour, il dit déjà deux mots, elle dit en se marrant. En plus tu connais Océane, elle n’attend pas l’aval de quelqu’un quand il s’agit de célébrer. Elle le fait à la hauteur de ses idées et ses moyens, elle m’explique avec une admiration qu’elle ne cache même pas. Ajoute le papi doudou d’Ezer qui s’est impliqué dans l’organisation et tu comprends vite les proportions grandioses. C’est lui qui a ramené les peluches à son retour des États-Unis. Je suis même arrêtée ici, parce qu’Eben m’a laissé sa voiture pour que j’aille récupérer les jeux qu’on a loués pour la fête.

— C’est sanitaire de louer des jeux avec les enfants qui lèchent tout?

— On va bien évidemment tout désinfecter et de toute façon il y a d’autres jeux si c’est ce qui t’inquiète pour Makeda. 

— Qu’est-ce que vous aurez concrètement?

— Des chevaux à bascule et un mur d’escalade loués en plus des jeux que les parents ont achetés comme le château gonflable, le toboggan relié à une piscine à ballons un mur d’escalade et des pistolets à eau. C’est vrai qu’à son âge, elle ne peut pas tant en profiter comme les autres, mais il y aura un bébé de huit mois parmi les sept enfants confirmés et mes neveux, les enfants de Jérôme seront présents aussi incluant leur nouveau-né. Deux ados vont m’aider à les encadrer pendant les activités, donc compte sur moi pour m’assurer qu’elle passe un bon moment.

— Non merci, je ne doute pas de toi, mais je ne serais pas tranquille de la savoir parmi des enfants turbulents même si tu es présente.

— Bon, ce n’est pas grave, l’année prochaine alors.

— Oui à son anniversaire par exemple, mais vous ne reprenez pas mon thème pour le second anniversaire d’Ezer hein.

— Tu as organisé un anniversaire pour Makeda aussi? Quand? elle demande confuse.

— Non je plaisantais, mon baby shower était centré sur le thème peluches. Attends, je te montre, je dis en lui présentant à mon tour mon téléphone. C’était une superbe journée, je commente nostalgique pendant qu’elle regarde les vidéos. J’avais même un trompettiste qui…

— Je ne vois pas la ressemblance hein ma chérie, elle m’interrompt.

— Les peluches…

— OK, mais tu diras qu’une personne qui dépose un lapin dans le berceau de son enfant a copié ton thème aussi?

— Non, j’ai dit que je plaisantais, je rigole un peu gênée.

— Supposons même qu’on devait parler de copie, c’est toi qui as la seconde place dans la course ci hein, parce qu’Océane préparait cet anniversaire depuis qu’Ezer a commencé à manifester ses préférences dans ses jouets. Il préfère les histoires sur la jungle pour son dodo et s’excite toujours quand on imite les cris des animaux. Et si…

— J’ai dit que je plaisantais, je lui rappelle agacée maintenant.

— Pardon, j’étais perdue dans l’étude des vidéos pour trouver la preuve de comparaison. Bref, merci pour le repas. Comme on ne se voit pas demain, disons-nous à la prochaine alors, elle dit après avoir déposé des billets pour régler sa note.

— Oui, on s’appelle pour se programmer quelque chose avant ton départ.

***Hilda Tountian***

Je lui donne ma confirmation avec un pouce en l’air et c’est parti. Le ventre plein, j’expédie avec efficacité les activités de la journée avant d’aller chercher Eben à la fin du travail.

Le lendemain, je suis debout aux aurores pensant que je serais la seule un samedi à 6 h, mais c’est sans compter sur ma vieille. Celle que je ne m’attendais pas à trouver c’est Océane que maman taquine.

— Ce n’est pas seulement l’anniversaire d’Ezer aujourd’hui hein, rigole maman face à Océane qu’on a trouvée avec un air de béatitude devant notre jungle installée par mes frères hier.

— Eben m’a chassé de la chambre après mon énième « je suis trop excitée », elle confesse avec humour. 

— Tu as un peu dormi quand même? je demande, également amusée par son entrain.

— Oui, je me suis levée il y a peu en fait. Et vous?

On lui confirme toutes deux qu’on a bien dormi. Je suis excitée aussi, mais rien ne peut troubler mon sommeil surtout qu’on a une journée remplie devant nous.

— On commence à préparer le petit-déjeuner là quand? s’enquiert maman.

— Vers 9 h 30, comme on ne fera que des gaufres et Eben préfère le bacon au four, mais si tu as faim je peux te faire quelque chose de rapide maintenant, lui répond Océane.

— Non non, c’était juste pour savoir. Il ne faut pas qu’on traîne.

— Je ne t’ai pas défendu d’emmener ton stress sur les gens non? Tu n’es pas le boss de la journée, c’est mon rôle, je lui reproche.

— Quel boss même? elle me nargue avec un rire moqueur. Moi je dis seulement que ce n’est pas le petit-déjeuner de trois personnes, mais les deux familles réunies. Onze heures semble loin, mais quand tu as beaucoup à faire le temps passe vite, donc mon avis c’est qu’il vaut mieux commencer tôt pour ne pas se précipiter vers la fin.

***Océane Tountian***

Même si je pourrais passer une heure à contempler le décor de fête, le temps risque de filer aujourd’hui, donc je monte commencer la préparation du petit-déj. Le menu est simple. Bacon, Gaufres en forme de Mickey mouse pour les enfants, gaufres normales pour les adultes et fruits rouges qui attendent au frigo. Pendant que je sors les bacons du congélateur, maman demande combien d’œufs elle ajoute à la farine pour les gaufres.

— C’est le mix déjà fait maman, tu ajoutes juste de l’eau et c’est bon.

— Hilda, viens m’aider ici au lieu de fatiguer le miroir de la porte avec ton visage.

— Ça te fait pique tellement que j’apprécie ma beauté.

— Beauté et puis…oh! s’écrie maman parce que sa fille lui donne un coup de hanche aux hanches.

Maman la gronde et rit à la fois. J’ai fini par comprendre que ces deux sont comme chien et chat, elles se chamaillent autant qu’elles s’adorent, mais leur combo me tue régulièrement de rire. Je prépare mes deux machines à gaufres et vais jeter un coup d’œil à mon amour que je trouve assis dans son berceau. Il s’illumine en me voyant et se met debout. Mon cœur est plein depuis le jeudi, jour officiel de ses un an. La porte s’ouvre et il s’illumine à nouveau. C’est Eben qui est entré et lui chante joyeux anniversaire. Il approche son visage et pendant que le petit essaie de mettre sa main dans la bouche de papa, j’admire avec satisfaction les hommes de ma vie.

— On dit merci Seigneur pour la vie, la santé, papa, maman, les papis.

— Papi! crie Ezer et m’arrache un rire.

C’est le seul mot qu’il connaît après son « ça ». Tout le monde est papi, même moi.

— Les Mamies aussi on ne les oublie pas bonhomme, c’est important, lui dit son père avec humour avant de continuer, les oncles, tantes, cousins, cousines et les amis, amen! il prie en ponctuant chaque vœu d’un bisou. 

Je le pose parce qu’il gigote. Il a marché à quelques jours de onze mois et même si sa démarche n’est pas encore stable, il adore bouger seul surtout quand son père l’encourage comme il le fait maintenant.

— Tu te rappelles quand on l’a ramené de l’hôpital la première fois, je demande nostalgique et reconnaissante. J’étais tellement confiante et rassurée dans ma capacité à être une bonne mère. Je n’aurais pas cru si l’on m’avait annoncé le jour là ce qui nous attendait.

— Une année de fou hein, il commente en regardant le produit de notre amour qui s’amuse à faire sortir ses chaussures du petit meuble où je les range.

— Je t’assure, je confirme.

Je le sens m’enlacer par l’arrière et il pose la tête dans mon cou.

— Tu as été une bonne mère mon amour. Ce n’était pas risible d’être confiante au début même si tu ne connaissais pas tout. Pour moi, cette confiance t’a aidée à rester persévérante en dépit des circonstances. La maternité m’a montré des facettes de toi dont je ne soupçonnais pas l’existence.

— Moi-même, j’ignorais qu’elles existaient, je rigole et me tourne pour contempler son visage. Je t’aime, je lui annonce le cœur reconnaissant pour ce qu’il a représenté pour moi.

— C’est moi qui t’aime Querida, il me dit d’une voix vibrante et m’enlace à m’étouffer pendant que je lui câline la barbe.

Nous avons le soutien de nos proches dans cette galère, mais dans cette maison, nous étions juste deux, ravagés par l’inquiétude, anxieux avec un bébé malade qui ne dépendait que de nous. Parfois, il m’encourageait en dépit de l’appréhension présente dans son regard et parfois, c’était moi qui l’encourageais malgré l’angoisse. Il y a eu des périodes d’impatience, parfois la communication n’était pas facile ou juste épuisante durant les journées éprouvantes, le sexe n’était pas toujours le meilleur ou quelquefois, on ne faisait même rien, mais il y a eu beaucoup de câlins affectueux. Il y a eu tant de tolérance, de soutien, d’empathie et d’encouragement surtout avec papa. Aujourd’hui encore, je suis reconnaissante d’avoir attendu cet homme. Il m’a et continue de me donner envie d’être la meilleure pour notre famille.

Les larmes d’Ezer interrompent notre session amoureuse. Monsieur ne pouvait pas attendre que ses parents lovent un peu avant de s’occuper de lui. Non, il forçait pour porter les chaussures et voilà comment l’anniversaire commence avec les bobos. Les joies de la maternité, je pense en soufflant faussement sur son bobo à la main pendant que son père le console. Dieu merci j’ai fini par intégrer que préparation ou pas, on continuera d’apprendre et s’adapter dans cette aventure. 

Eben s’occupera d’apprêter Ezer donc, je retourne en cuisine où je retrouve toutes les femmes Tountian. C’est un plaisir de revoir Bijou qui me manque tant depuis que je suis emmenée à côtoyer régulièrement Amen à cause de Jérôme qui séjourne chez nous.

— Sœur, Imogen ma petite sœur, m’a apporté une machine comme pour toi que j’ai à la maison. Je demande à Fabien d’apporter quand il quittera la maison pour qu’on fasse plus vite?

— Oh tu me sauverais s’il te plaît, je dis soulagée.

— Pourquoi il n’est pas venu avec toi? demande maman.

— C’est lui qui m’a déposé, mais il doit voir le compteur de quelqu’un dans le quartier avant de venir.  

— Un samedi matin à 7 h? Fabien hein, commente maman.

— Moi je veux savoir comment tu as réussi l’exploit de lui faire manger des gaufres, plaisante Hilda.

— Il a refusé de manger. IL a dit qu’une nourriture qui sort d’une petite machine comme celle là ne peut pas tenir sur lui, donc de m’amuser avec.

— On peut sortir le villageois du village, mais pas le village du villageois, se marre Hilda.

Maman l’insulte, mais on rigole toutes en réalité. Fabien reste inégalable.

Le troisième gaufrier arrive avec Fabien vers 8 h. à 9 h, je reçois un appel de tata Belle qui m’explique que la nausée a eu raison d’Elikem pendant la nuit. Elle ne s’est endormie que ce matin après avoir pris un dimenhydrinate donc Cédric refuse qu’on la réveille, ce que je comprends totalement, puisque son état m’inquiète aussi. Hier, elle était avec nous. Elle a ramené les petits tabourets à l’effigie des animaux sur lesquels les enfants s’assiéront pour faire leurs activités et manger le gâteau. Comme tata Belle me confirme que son état s’améliore généralement après un long sommeil, je raccroche rassurée.

9 h 45 : papa et Em sont là. Mon père revit depuis son opération. Il est persuadé qu’Ezer la retenu en vie parce qu’il a beaucoup à lui apprendre donc depuis son retour, il le garde pendant un week-end, une fois par mois. Il veut aussi l’emmener en voyage, mais je ne suis pas encore prête même si je fais confiance à papa et Em. C’est juste le fil d’attachement qui est dur à couper.

10 h : Hilda et Bijou descendent les plats pyrex contenant les gaufres, bacon et fruits découpés. Les hommes ont descendu les chaises de la salle à manger du haut pour compléter celles du bas.

10 h 15 : le plan c’était de commencer à manger à cette heure, mais les Boulder ont appelé pour souhaiter bon anniversaire à Ezer et lui dire qu’ils l’attendent en France pour un tour à Disneyland. C’est le cadeau qu’ils lui ont promis quand maman appelait régulièrement lorsqu’il était malade. Papa excité par l’annonce des cadeaux a sorti le sien après l’appel des Boulder. C’est ainsi que le défilé des présents a commencé pendant qu’on mangeait.

11 h 15 : maman avait raison. On s’y est pris tôt et pourtant, 11 h nous a trouvés encore à table. Heureusement, les invités n’étaient pas pressés d’arriver et il ne me restait plus qu’à m’habiller et préparer les dernières bricoles pour la fête. En me rendant vers la poubelle pour jeter des emballages, je passe par le couloir extérieur qui est relié à la cuisine du bas dont la porte externe est ouverte. J’entends maman qui fait des reproches à Hilda.

— Je t’ai dit qu’à ton âge tu dois surveiller ce qui sort de ta bouche en public. Tu n’avais pas à faire ses remarques gênantes à Amen devant nous.

— Parce que ce n’était pas gênant qu’elle se plaigne de sa pauvreté quand on partageait les cadeaux à Ezer? Qui l’a sonné? réplique Hilda avec agacement.

— J’ai dit que je l’approuvais ici? On parle de ton incapacité à contrôler ta bouche. Pourquoi tu lui demandes devant les enfants si c’est une nouvelle pauvreté?

— Parce que sa réflexion était bête et mal placée maman. On est réunis pour se réjouir. Personne ne lui a demandé un cadeau. Qui lui a demandé de se justifier ou parler de ses finances? Au lieu d’accepter la réalité, tu préfères me tomber dessus avec les leçons de morale. La pauvreté n’est pas le problème de cette femme. Elle est indigne.

— Hilda!

— Laisse que je parle pardon. Tu vas me dire que Fabien et Bijou ne galèrent pas? Si on devait même se plaindre, Fabien serait le premier, parce que Jérôme n’a jamais payé de loyer de sa vie. Tu penses que Fabien prend plaisir à travailler un samedi à 7 h du matin? Fabien et Bijou ont une maison, ils paient des factures, ils la meublent avec des revenus d’électricien et de joaillière. Tu as vu le téléphone cabossé que Fabien a ramené aujourd’hui? C’est le même qu’il a depuis quatre ans non? Pourtant ceux qui galèrent m’ont commandé la jolie casquette grise Nike qu’Ezer a refusé qu’on enlève. Cette casquette m’a coûté l’équivalent de 12000 CFA hein, tu penses que cet argent n’aurait pas été utile pour eux ailleurs? Ils m’ont demandé très tôt pourtant et se sont préparés. Bijou m’a donné l’argent tout à l’heure. Toi-même tu as demandé à Eben des idées pour savoir quoi offrir à Ezer non? Pourquoi te déranger quand on sait tous que tu ne travailles pas? Eben t’a proposé des chaussures sachant que son fils bouge beaucoup depuis qu’il sait marcher non? Il t’a imposé une marque? Ce ne sont pas les chaussures qu’Ezer était excité de voir tout à l’heure? Tu l’as vu sautiller plus pour les vêtements griffés des Ajavon que tes chaussures achetées au grand-marché à 5000 CFA? Quelles sont les excuses de Jérôme et d’Amen. Des enfants? C’est ça l’excuse?

— C’est l’ignorance Hilda. Toi aussi tu ne connais pas tout.

— Pourquoi tu ramènes la conversation sur moi? Quand ai-je prétendu tout connaître?

— Tu parles durement des gens, c’est l’image que tu renvoies et ça te posera problème un jour, je te l’ai toujours dit.

— Ouais, finissons d’abord le cas Jérôme, mais surtout Amen. Quand il faut me biper à outrance pour que je rappelle là, Amen n’est pas ignorante hein? Quand c’est pour m’annoncer sans honte qu’elle a accouché du petit frère d’Ezer qu’elle a même osé appeler Ezer Junior, elle n’est pas ignorante? Qu’est-ce que tu veux défendre dans ça au fait?

Ce prénom m’enrage encore comme si Jérôme venait de nous l’annoncer. Amen a eu un fils il y a deux mois qu’ils ont choisi d’appeler Ezer Junior sous prétexte qu’ils remerciaient Eben pour son aide. On remercie en prenant le nom de mon enfant? Je sais, je n’ai pas inventé le prénom, mais nous l’avons choisi en fonction de celui de son père. Eben a tenté de leur expliquer, j’insiste sur le « tenter » parce que je leur aurais simplement dit de changer, mais comme j’ai fait une promesse à maman Constance, je fais de mon mieux pour m’y tenir, donc mon fils a un junior dans ce pays, foutaises!

— Amen ne m’appelle jamais. J’ignorais même qu’elle connaissait mon numéro. Son premier appel, c’est pour m’annoncer qu’elle a un fils du nom d’Ezer Junior qui attend aussi son bracelet en or, parce qu’elle a entendu de je ne sais qui que j’ai fait le bracelet à mon neveu. Elle croit que la bénédiction d’Ezer coulera sur son fils aussi, mais sa main est courte quand il faut bénir celui qui a supposément inspiré le nom. C’est toujours l’ignorance maman?

— Pourquoi tu ne m’as pas dit ça?

— Parce que je lui ai fait passer l’envie de me rappeler, Hilda réplique avec confiance. Prenons même le cas de l’ignorance comme tu dis. Les cartes d’anniversaire coûtent combien? 300? 500? C’est ça qui dépassait Jérôme? Lui ou sa femme ne pouvaient pas en acheter une pour la famille et la faire remplir par leurs enfants pour au moins leur montrer qu’en famille on ne vient pas seulement manger pour les autres, mais qu’il faut participer aussi? Où est passée la notion d’intégrité que tu nous as inculquée avec force? Tu ne vois pas ce qui arrive devant les yeux de tes petits enfants hein? D’un côté le père se plaît à pondre les enfants et ne trouve pas bizarre de ne pas penser à la qualité de vie pour eux. De l’autre, la mère ressort sa pauvreté pour justifier son manque de savoir-vivre. Je prie que Dieu te donne vie pour voir Ezer au lycée et les autres enfants qui suivront. Imagine ce qui se passera si Jérôme et Amen ne changent pas. Toi-même tu vois le niveau de vie d’Eben et d’Océane. Ils ne vont pas baisser hein. Ils iront de hauteur en hauteur avec leurs enfants. Toi-même tu sais que pour moi, c’est un homme riche ou rien, je vais gâter mes enfants comme pas permis. Fabien et Bijou sont trop persévérants pour manquer la bénédiction divine, ils s’occuperont très bien de leurs enfants. Serons-nous obligés de fuir Jérôme et Amen dans dix ans, douze ans, seize ans parce qu’ils n’auront aucun sujet de conversation en dehors de « la pauvreté m’a…? » Devrons-nous traiter avec des neveux et nièces qui se comportent comme des crevards dès qu’ils nous verront gâter nos enfants? Ils iront se morfondre chez leurs parents comme si nous devrions penser à leurs sentiments avant de faire plaisir aux nôtres?

— Ils ne seront pas comme ça, réplique maman avec véhémence.

— Je ne le souhaite pas du tout parce que c’est désagréable, donc commence à leur parler avec force comme tu le fais sur moi. Inculque à ses enfants comme tu l’as fait avec nous que la pauvreté financière ne justifie pas une pauvreté morale.

— Bref, allons-y, je voulais juste te faire une petite réflexion et regarde comment tu as bavardé, conclut maman.

Je m’éloigne également à ce moment, le cœur un peu soulagé que maman ait décidé de parler à Jérôme et Amen, parce que Hilda a verbalisé les quelques craintes que je ressentais concernant ce couple. Maman Constance a quand même réussi à transmettre ses valeurs à ses enfants, donc j’ose croire que le dépôt est juste tapi en Jérôme attendant qu’on le réveille.

11 h 45 : la fête commence. Mon fils et ses amis perdent la tête devant leur mini jungle. Ils ne savent où donner de la tête, montent sur certains animaux et piaillent de joie quand mon père imite les cris des animaux. On avait déjà pensé aux éventuelles bagarres s’il advenait que les enfants se disputent une peluche, mais honnêtement, on n’a trouvé aucune solution en dehors de les séparer et les calmer. De toute façon, le but c’est qu’ils profitent et se dépensent bien.

***Maman Noble Attipoe***

Ça doit être mon dixième bâillement en une heure. Il n’y a pas grand-chose au resto et pourtant nous sommes samedi en pleine aprèm. Bruce est à l’anniversaire du quartier et je ne cesse de voir ses lubies sur le snap de Hilda. À ce stade, ses lubies ne m’énervent même plus. Il me fait juste pitié. Comment ça ne dérange pas un vieux de 36 ans de s’asseoir sur des mini tabourets d’enfant et jouer dans une piscine à balles? Il est là au milieu du parc avec des petits enfants, et rien qu’à entendre sa voix tu sens qu’il est trop heureux. Ses compères font des choses utiles à la société un samedi ou passent du temps avec leurs familles, monsieur va faire le pitre auprès des enfants. Heureusement, j’ai emmené Noble chez ma tante ce matin quand il paressait encore au lit. Qui sait s’il ne l’aurait pas emmené là-bas sans ma permission pour apprendre les choses honteuses à mon bébé? Bref, je bâille à nouveau, donc je préfère abréger ma journée. Autant récupérer mon cœur et passer une soirée tranquille entre amoureuses le temps que son père se rappeler de son âge.

Avant que je démarre, je reçois un appel de ma tante qui m’apporte des nouvelles de Jérémie.

— Cet enfant m’a dit qu’il allait faire un travail de groupe à l’école avec un camarade, mais il ne prend pas mon appel. J’ai commis l’erreur de ne pas prendre le numéro d’un parent du camarade.

— Il est parti à quelle heure?

-11 h.

— OK, donne-moi une seconde, je te reviens, je dis et coupe.

J’essaie premièrement d’appeler le chenapan, mais il ne répond pas, exactement comme avec sa mère. J’allais tenter un second appel quand je reçois des messages en rafale de Hilda.

« Ton mari me tue Jen, il a mis une ambiance de dingue, regarde. »

Ça ne suffisait pas que je regarde sur Snap, elle devait m’inonder WhatsApp avec. Je vais donc regarder une au moins. Il fait l’idiot comme d’hab, mais ce n’est pas lui qui retient mon attention. Je rejoue, m’arrête et zoome sur une image. C’est bien Jérémie qui est dans le décor qui embrasse une fille, je reconnaîtrai sa tête entre mille, mais la fille ne m’évoque pas grand-chose. Comme ils sont assez loin de Bruce dans la vidéo et Jérémie est plus visible qu’elle durant leur baiser furtif, j’ai plus de mal à l’identifier, même si sa forme svelte me…

Soudain mes neurones percutent sur une info que m’a donnée Hilda au resto hier. « Deux ados vont m’aider à les encadrer. » Si Elikem est présente, c’est que le mioche de Romelio…je vais TRUCIDER Jérémie! Je regarde les autres vidéos à la recherche de preuves sur ses ados, mais rien. J’essaie de joindre Bruce dont le numéro est carrément inaccessible, donc je démarre directement pour le domicile d’Eben. Je n’ai pas donné l’occasion à ce gosse de rester dans cette école pour qu’il me remercie ainsi. Il est là-bas pour jouir des opportunités qu’il n’aurait pas forcément ailleurs. Et puis c’est quoi ce changement brusque? Je me souviens qu’après l’avoir surpris sur la terrasse parlant à la gamine de Romelio, il m’a expliqué plus tard qu’il s’intéressait plus tôt à Amaya, la fille de Yasmine. Il m’a confirmé ne ressentir aucune attirance pour les maigrelettes, à moins qu’il m’ait menti comme il l’a fait avec sa mère? Je jure de lui arracher les oreilles ce soir. Avant de descendre de ma voiture, j’appelle ma tante pour au moins la rassurer.

— Oui, je l’ai trouvé, je viens tout juste de me garer devant la maison d’Eben, il est là, je lui dis tout en observant curieusement Tessa qui vient de sortir avec des tabourets en main.

— Il fait quoi là-bas?

— Il t’a menti bien sûr, je lui explique la tête ailleurs bien qu’elle s’égosille sur son fils.

Le type que Tessa a trouvé lui fait du bien en tout cas. La voilà qui referme le coffre d’une Mini Cooper Countryman qu’elle n’aurait jamais pu s’offrir avec ses 120000 CFA par mois. Je passe à un autre niveau de confusion quand Elikem descend de la même voiture et les deux commencent à se parler. Elikem est donc enceinte, bref, ça ne m’intéresse pas. Retour sur Tessa qui semble si accaparée par les mots coulant de la bouche d’Elikem que j’en rage un peu. Ce n’est pas le « fangirlisme » de Hilda qui la contamine ça? Pourquoi elle a l’air de boire ses paroles? Si ça se trouve, peut-être qu’il n’y a même pas d’homme derrière cette voiture. Elle a dû se rapprocher d’Elikem après le mariage et cette dernière embrouille la fille avec l’argent de sa nouvelle famille de politiciens véreux.

— Je demande où habite ton ami Jennifer!

— Aïeee, pourquoi tu cries subitement?

— C’est la troisième fois que je te pose la question non. Ton ami se trouve dans quel quartier? Je prends le taxi directement, Jérémie va…

— Ne fais pas sortir Nono. Je suis déjà sur place, je vais le ramener.

— Hum! Tu me le sermonnes proprement avant d’arriver.

Je lui confirme et coupe. Elikem et Tessa ne sont plus là. Bref, je vais en parler à Bruce ce soir. Je sonne et mon cœur rate un battement quand on finit par m’ouvrir. Rien ne m’a préparé à revoir Romelio après plus d’un an, mais c’est bien lui qui vient de m’ouvrir. Le salaud s’efface gracieusement pour me laisser entrer. Il a plusieurs parfums, mais celui que je sens là, c’est celui des occasions. Il force ma mémoire à repenser aux nombreuses soirées romantiques qu’on a passé autant à la maison que dehors.

— Vu les grosses leçons de morale auxquelles j’ai eu droit quand tu as découvert que je connaissais ta fille par Jérémie, je m’attendais à ce qu’elle ait plus de décence que ça, je me lance tant qu’on y est. Pourquoi embrasse-t-elle mon Jérémie à une fête pour enfants?

— Va te faire soigner, c’est tout ce qu’il me répond et avant même que je puisse répondre, j’entends la voix familière de Tessa crier

— Prends ça bébé, qu’elle crie avec entrain, puis un oh Jen? Plus calme suit.

Je tourne la tête au ralenti vers elle qui tient un pistolet à eau dans ses bras. Je reviens au ralenti sur Romelio. Elle l’a appelé bébé. Elle a appelé Romelio bébé. Elle a appelé mon…

Je me fais sauvagement agripper par le bras tandis que Romelio crie à Tessa de ne pas le suivre. Il me tire, je ne sais où. Je me débats, je m’égosille à demander à la vaurienne ce qu’elle fout avec Romelio. Il continue à me tirer sauvagement par le coude jusqu’à une chambre et nous enferme dedans.

Je bondis sur lui pour le frapper, mais il me retient avec la même force qu’il a utilisée pour me conduire à cette pièce. J’ai aussi mal au bras qu’à la gorge à force de crier, mais mon cœur lui est en miettes.

— Pourquoi? je vocifère malgré la gorge en feu. Pourquoi sale couillon? Pourquoi tu me poursuis?

On frappe violemment à la porte et la voix qui me revient est celle d’Eben. Je profite de l’inattention de Romelio pour lui mordre l’avant-bras gauche, mais il est fait de muscles donc j’ai du mal. Aussi il me repousse avec une violence qui me prend par surprise.

— Punaise Jennifer! Tu cries tellement qu’on t’entend dans le couloir! gronde Eben qui vient d’entrer. Je m’en occupe gars. Oh! Ton bras, tu es blessé.  

— T’inquiète, lui répond Romelio qui me dévisage avec courroux.

Le goût métallique que je sentais dans ma bouche venait donc de lui.

Je veux le charger à nouveau, mais c’est Eben qui me retient cette fois et lui crie de sortir. Je me dégage vivement de l’emprise d’Eben.

— Pourquoi Tessa appelle Romelio bébé dans ta maison Eben? Pourquoi? je demande la voix rocailleuse et les joues recouvertes de larmes.

— Jennifer..

— Fiche-moi la paix! Ne m’appelle pas sale traitre! Tu étais au courant n’est-ce pas? C’était drôle de comploter dans mon dos?

— Arrête de délirer Jennifer, personne ne complotait dans ton dos et calme-toi! Ton vacarme risque d’effrayer les enfants qui continuent à jouer…

— Qu’est-ce que j’en ai à branler des mioches? Tu te dis mon ami et c’est chez toi que la cousine de Bruce…, je m’arrête subitement en pleine phrase. Bruce! Il était aussi au courant? C’est pour ça qu’il était bizarre. C’est à cause de cette relation que Tessa a quitté la maison. C’est….réponds-moi Eben! je m’agrippe à son col et tente de le secouer, mais il me maîtrise en me tenant fortement les poings.

— Maintenant tu arrêtes ou je te fous dehors! Ton mari s’appelle Bruce et pas Romelio! Bruce Attipoe! S’il y a quelque chose à t’expliquer, c’est lui qui le fera et tu as intérêt à te calmer!

— Tu n’es pas mieux que Romelio, tous des imbéciles, je lui crache au visage. Je ne veux plus jamais te voir! Je vous déteste tous! Bande de pathétiques, des vauriens. J’espère qu’Ezer n’est pas le tien!

Il me repousse pour que je tombe sur le lit où je reste à pleurer tout mon soûl. C’est mieux qu’on m’arrache le cœur sur le champ. Mon esprit refuse d’effacer l’image de Tessa prononçant bébé. Pourquoi? Comment ça a pu arriver? Pourquoi je dois supporter ça? Je me pose les mêmes questions jusqu’à me vider de mes larmes. Je n’ai aucune idée de combien de temps j’ai fait ici. Quoiqu’il en soit, quand Eben revient dans la chambre, il est avec ma tante qui me fait pleurer davantage.

— Eh Jennifer, qu’est-ce qu’il y a? Ce sont les douleurs?

— Je vous recommande de l’emmener à la maison, dit Eben.

— Mais qu’est-ce qu’elle a? Elle devait chercher Jérémie et là je la trouve le nez coulant, les yeux gonflés et elle hoquette. Vous lui avez fait quoi?

— Je vous conseille d’abandonner le ton accusateur madame. J’aurais bien pu la renvoyer pour le grabuge qu’elle a causé, mais j’ai préféré vous appeler. Rentrez et voyez ça avec elle. En ce qui concerne votre fils, Bruce est parti avec lui depuis un moment, il réplique impatient et nous ouvre.

Jamais je n’aurais cru vivre une humiliation pareille. Les regards curieux m’attendaient dans la cour à ma sortie. La famille d’Eben au complet. Océane portant son fils, Elikem enceinte qui a Romelio à ses côtés tandis qu’il tient la main de sa fille et elle-même tient celle de Tessa. J’arrivais à peine à retenir mon nez coulant et il a fallu que je garde la face droite comme me le soufflait ma tante pendant qu’on se dirigeait vers la sortie. C’est elle qui conduit, je n’ai plus aucune force. Je colle juste mon front à la vitre, ferme les yeux et prie que cette journée reprenne. Qu’elle reprenne parce que je ne peux pas la terminer sur cette note.

Ma tante passe le savon du siècle à Jérémie à notre arrivée, mais je n’ai pas la force de m’y intéresser ou m’impliquer. Je veux juste mon bébé, mais elle n’est plus là.

— Comment ça Bruce l’a récupéré? Je te l’ai confié en partant ou pas? ma tante gronde tonton.

— En quoi j’ai dit que tu ne me l’as pas confié?

— Comment on te confie quelqu’un et tu la laisses à un autre?

— Mais je la laisse à l’homme qui l’a envoyé sur cette terre non? Qu’est-ce qui vous arrive même? Jennifer, tu as vu un revenant? C’est quoi cette tête?

— Si tu ne peux pas aider ou servir à quelque chose, évite de poser des questions non pertinentes! le réprimande ma tante.

— Ah bon Ama? Tu pousses les ailes dans la vieillesse hein. Tu entends ça Jérémie?

— Que je t’entende toi! elle menace Jérémie. J’arrive sur toi après, tu vas m’expliquer comment « un devoir avec un camarade » devient une fête et la fille des Bemba que tu embrasses.

— Qui vous avez vu embrasser la fille des Bemba? Pour commencer, j’étais bien avec un camarade et on a fini tôt. J’ai simplement accepté de me faire raccompagner par Thema qui voulait s’arrêter à la fête d’abord et tonton Bruce m’a convaincu d’attendre.

Je suis mentalement lessivée, je veux juste mon bébé, donc j’appelle Bruce pour qu’il passe me chercher, mais il ne se décide pas à décrocher. Ma tante essaie et il prend son appel.

— Commet ça tu es parti en vacances? elle vocifère.

L’énergie que j’avais perdue remonte en flèche. Je saute sur le bras de ma tante pour avoir le téléphone.

— Sale vaurien! Où as-tu emmené ma fille? je lui demande le cœur atrophié à cause de la douleur.

— Écoute Jennifer, le plan est simple. Maki et moi ne sommes pas responsables de ce qui se trame dans ton esprit actuellement pour que tu nous fasses subir les conséquences, donc prends le temps qu’il te faut, crie, insulte, bref libère-toi. Je rentre mardi avec elle.

— Où as-tu emmené…

La tonalité interrompt ma phrase. Il a raccroché et ne répondra pas aux multiples appels qu’on continuera à lui passer.

— Oh ma fille, ne pleure pas. Ça va se régler, m’encourage ma tante, mais je n’arrive pas à me retenir.

— Allons porter plainte, je dis d’une voix larmoyante. Il a pris Nono et refuse de la ramener avant mardi.

— Je dis hein, vous vous croyez dans un film hindou à petit budget? intervient mon oncle. Le père qui a emmené l’enfant sur cette terre est avec lui et vous allez porter plainte sur quel motif? On ne peut plus se balader avec l’enfant?

— Gaëtan, fais-nous de l’air.

— Tu as raison Ama, vous avez besoin d’aérer vos esprits. Jeje, allons nous occuper à des choses plus intéressantes.

Je me couche par terre. Pourquoi ma vie ne peut pas être paisible? 

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