
158: à chacun sa bénédiction
Write by Gioia
***Elikem
Akueson Asamoah***
Le
« Yes » que j’ai crié à l’annonce des fiançailles a traversé tout
Cantonments. J’ai attendu avec patience ce moment depuis notre soirée chez les
Asamoah durant laquelle Tchaa souriait à Tessa telle une souris devant un
morceau de fromage.
— Du
14 au 16, on va faire le désordre à Lomé, je dis à Malili qui depuis son parc approuve
mon plan par des cris joyeux.
— Les
filles du bruit, c’est normal que j’aie du mal à finir mes devoirs à l’heure
donc…
— Tu
as intérêt à me finir tes devoirs avant de lever tes fesses de là.
— Eteh,
qu’est-ce que la violence a déjà arrangé, Mme Asamoah ?
— Il
te reste dix minutes d’ici 20 h, les devoirs ont intérêt à être faits.
— J’ai
même fini, il m’annonce avec un sourire taquin qui lui vaut une chiquenaude.
C’est
un véritable coquin ce garçon. Il a souvent à dire, mais ses interactions avec
Cédric sont les plus amusantes. On boucle cinq mois ensemble dans cette maison
et je ne regrette absolument pas notre choix. Il a eu de la difficulté à
rattraper ses classes manquées en début d’année, mais depuis il a un bon niveau
dans toutes ses matières. Parfois, ça lui arrive d’être morose, généralement
c’est à cause de sa sœur. Je lui ai parlé de ma vie aussi et ça nous a beaucoup
rapprochés. Il sait que mes jambes sont disponibles s’il a besoin de pleurer
puisqu’il les a déjà utilisées quelques fois et quand il finit, il se met à
jouer avec Malike, ou lorsque Cédric est dispo, ils vont faire une balade entre
hommes. Leur lien est différent du nôtre. Cédric le traite comme un adulte. Ils
jouent même au jeu du « en mon absence, je te confie la garde de mes
femmes » et le jeune Quenum prend énormément son travail au sérieux. Le
pauvre ignore que la confiance de son patron vient toujours avec un énorme
contrôle. Tout comme avec Thema qui l’ignore, monsieur a tranquillement fait
mettre un programme dans leurs téléphones qui lui donne accès à l’intimité
numérique des enfants. SMS, historique sur YouTube, mails, couverture sur 24
réseaux sociaux, Cédric est partout, toutefois j’admets qu’il n’abuse pas. Il est
simplement alerté sur les sorties des enfants ou lorsqu’ils reçoivent,
échangent, ou visitent du contenu douteux en ligne. Sextos, contenu à caractère
dépressif, suicidaire, intimidant, pornographique, c’est ce que filtre surtout
son programme. On est donc au courant que Jérémie est le petit-ami de Thema et
cette dernière a fini par en parler à son grand frère de toute façon. Je me
moque souvent du côté obsessionnel de Cédric, mais je reconnais qu’il a des
bonnes intentions.
— La
prison est finie ma vieille, ton prince est là, allez viens, il annonce à
Malike qui s’excite que quelqu’un vienne la sortir du parc comme si elle était
réellement dans une prison. Je jouais pourtant avec elle hein.
Les
enfants sont des vrais vendus, je pense avec un sourire amusé. Comme le prince
commence son service, je m’accorde une pause pour aller discuter avec des
adultes. Océane a demandé que je l’appelle quand j’aurais du temps et notre
fiancé de l’heure m’attend dans environ deux heures pour une discussion
téléphonique.
— Me
voici, j’annonce quand la mère de notre dauphin décroche.
La
vidéo s’active enfin et la voilà nue comme un vers sur mon écran.
— Ne
me demande pas d’expliquer s’il te plaît, c’est le comportement du deuxième
Tountian en moi, elle devance ma question et me fait sourire par sa réponse.
— Ça
ne peut jamais être le côté Ajavon hein ? je la taquine.
— Pardon
hein, le pays même sait qu’Océane Ajavon rime avec coquetterie. Qui peut donc
brusquement changer ma nature au point que je m’en fiche de mon apparence si ce
n’est l’enfant Tountian ? Je développe même le masque de grossesse, elle
dit sur un ton dépité qui me fait de la peine.
— Je
ne vois aucun masque en dehors de celui de la radiance ma poule.
— Et
ma peau est grasse de surcroit, elle soupire d’exaspération.
— Eh
Annie, c’est ce que j’ai dit moi ?
— Pardon,
laisse-moi me plaindre, j’endure déjà la grossesse.
— OK,
je t’écoute alors.
— On
fait la présentation de Malilounette quand ?
— C’est
la plainte ça ? je demande confuse.
— Je
vais me plaindre quand on finira les choses importantes. Alors cette
présentation ? On planifie nos vacances ici donc j’ai besoin de sa date
parce qu’il est hors de question que je manque l’événement de l’année.
— On
va la présenter à qui ? Elle connaît déjà son monde.
— Mais
Elikem ? elle réplique effarée. Attends, elle continue et se redresse dans
leur lit. Ça ne t’a pas suffi de faire le mariage à moitié, c’est à mon bébé
que tu veux imposer les choses à moitié ? elle me gronde carrément.
Je
me déplace pour qu’elle voie la fameuse personne à qui on impose les choses.
Dans son babillage d’enfant, la voilà qui commande Richie en lançant les jouets
au loin pour qu’il aille les lui chercher.
— Est-ce
qu’on a idée d’avoir un visage aussi craquant ? Comment tu fais pour ne
pas lui bouffer les joues au quotidien ?
— Bouffe-lui
et tu verras comment elle te les bouffera en retour, je dis amusée.
Comme
elle m’a vu, elle se penche vers l’avant et je m’arrête pour l’inciter à ramper
vers moi.
— Allez
come here, je l’encourage en tapant mes genoux.
Richie
la quitte pour me rejoindre afin de l’inciter aussi. Elle crie simplement et
secouant la tête en riant. Dieu seul sait ce qu’elle s’imagine.
— Arrêtez
de presser Malilouki, elle fera ses pas quand elle en aura envie.
— Celle
là qui tente de ramper dès qu’elle voit son père ?
— Sérieux ?
elle s’étonne et me fait rire.
— Quand
c’est son père ou ses grands-parents, elle fait des efforts, mais rien pour
Richie et moi.
— Pourquoi
elle ferait des efforts pour toi quand tu décides d’annuler sa présentation
officielle ?
— Toi
alors quand tu as une idée en tête, rien ne t’arrête, je commente amusée en
retournant dans la chambre.
— Et
tu vas encore me dire que c’est Cédric non ?
— Nope.
Je n’en voyais pas l’utilité comme je te dis. Vous l’avez tous vu en décembre,
quel est l’intérêt d’organiser une autre fête pour que vous la revoyiez ? Si
c’est elle qui te manque, tu connais le chemin de ma maison et d’ailleurs on
attend toujours ta visite officielle, je lui glisse ce rappel amical dans la
foulée.
— Laisse
que je sorte l’enfant Tountian et tu verras. Deux semaines de vacances chez
vous ou rien, avec les play date entre Zezounet, Malilouki et Richie au quotidien.
Enfin on pourra porter à ma chérie les nombreux Dior, LV et autre que mamieza
(le surnom de Mamie Eliza) lui a offert. Ma suiveuse favorite sera ravie.
— Quelle
suiveuse ? Tu parles de quoi ? je demande curieuse et un rire moqueur
s’échappe de ses lèvres.
— Figure-toi
que X ne peut plus se lasser de mes réseaux. Elle dort sur mes statuts.
— On
parle de Jen…
— Hey !
elle m’interrompt. Quel est l’intérêt de surnommer la personne si tu vas
l’appeler par son nom ?
— Je
t’ai envoyé un truc, regarde d’abord s’il te plaît, je lui dis après avoir
envoyé « Si c’est pour dire une connerie sans que Mr ne comprenne qu’on
parle d’elle, je refuse de te suivre ».
— Quand
je dis que tu es trop choute, elle rigole. Monsieur est en balade avec son
fiston et sa présence ne m’a jamais empêché de dire le fond de mes pensées.
— Donc
tu continues à médire sur…
— Je
t’arrête de suite, je n’ai pas le temps pour médire sur une personne qui a
choisi de vivre misérablement. Depuis l’anniversaire, elle passe par le compte
de son mari pour se mettre à jour sur nous.
— Tu
ne trouves pas que tu pousses un peu le bouchon là ? Qui te dit que c’est
elle qui passe par le compte de son mari ? Tu aimes trop ça en fait.
— Elikem
laisse-moi. Je parle en connaissance de cause. Ce qu’elle vit actuellement, je
le connais très bien pour l’avoir expérimenté dans le passé. Rappelle-toi quand
je me suis enflammée au mariage de ma mère parce que Romelio dansait un peu
trop avec Ida.
— Il
est où le rapport ?
— Le
rapport c’est qu’avant de voir Romelio joyeux en compagnie d’une autre fille,
je vivais dans ma bulleuh, elle rigole. On était certes séparés, mais je savais
quoi de sa vie ? Rien. Tu ne voulais rien me raconter et comme ta tête
dure m’intimidait, je n’osais pas forcer pour savoir ce qu’il devenait sur le
plan sentimental. Naïvement, égoïstement, bref tu utilises l’adverbe que tu
veux, je me disais qu’il ne pouvait certainement pas se mettre à fond sur une
autre comme il l’était sur moi, parce que tu connais la façon d’aimer de ton
frère, il a le chic pour te donner le sentiment d’être au somment de sa
pyramide.
— Je
vais dire à papa Zezounet que tu as apprécié un autre homme en son absence.
— Dis-lui,
il sait que personne n’a réussi à me faire lécher des orteils avant lui.
— Yuck,
je pousse un cri dé dégoût malgré le rire. Pourquoi tu es comme ça ? je
continue à rire.
— C’est
ma façon d’aimer, elle est vulgaire, dégueu et il en redemande régulièrement,
elle avoue en me tirant la langue.
— Malade,
je ris de plus belle.
— Je
disais donc que c’est une chose d’être séparé de ton ex et une autre de le
revoir respirer le bonheur sans toi surtout quand au fond de toi, tu es encore
attachée à lui. Ça blesse à un niveau que tu ne peux pas comprendre. Ça te fait
débloquer au point d’être jalouse d’une gamine de treize ans dans mon cas.
— OK,
mais pourquoi elle ferait la police sur tes réseaux sociaux ? Tu n’es pas
Rom…., ne me dis pas que tu postes Romelio là-bas Océ…
— Genre
je vais me créer des noises avec mon homme juste pour narguer quoi ? Tu me
prends pour qui ?
— Avec
toi, on ne sait jamais.
— J’ai
simplement posté quelques highlights (événements marquants) de nos vies. Ce que
j’ai mis dernièrement, c’était Noël chez vous et je te rassure, on ne voit pas
le visage de Malike dans les vidéos.
— Tu
postes pour quelle raison si on ne va même pas voir le visage de la
personne ?
— Commentaire
d’un abonné frustré. C’est mon compte, je choisis ce que je mets, apprécies les
bras et les pieds potelés de l’enfant, elle réplique et m’arrache un rire.
— Pauvre
de nous abonnés frustrés, je commente d’un cœur léger.
Je
ne suis pas active sur internet, j’ai tendance à rester dans ma bulle avec mes
gens, donc je n’ai même pas vu les statuts en question. En revanche, je sais
combien elle est protectrice avec Ezer, donc je n’en attends pas moins quand il
s’agit de Malike.
— Restez
dans votre frustration comme cette place vous convient tant.
— Je
vais créer un nouveau compte pour venir te faire la guerre en commentaires, je
lui dis amusée.
— Je
t’attends là-bas, elle rigole. Tu viendras tenir compagnie à X qui je le sais,
crève tant d’envie de vomir sa haine en commentaires, mais qui sait, peut-être
le dernier fil de dignité qui lui reste l’empêche de créer un faux compte.
— Blague
à part, je pense que tu aimes trop le film que tu tournes là. D’un côté, on est
d’accord que sa réaction à l’anniversaire laisse penser qu’elle n’a pas digéré
la fin de sa relation. De l’autre, l’anniv date de cinq mois là. Si on voit la
chose simplement, on peut dire qu’elle s’en sort plus tôt bien je trouve. Elle
a retrouvé l’amour assez rapidement et elle est même maman. Sa vie est assez
remplie de bénédictions pour qu’elle reste calée sur un détail comme un ex.
— Rectification,
quelqu’un de raisonnable évaluerait sa vie comme tu viens de le faire. Elle
penserait ainsi si elle se souciait réellement et uniquement de son équilibre,
seulement on sait que X n’est pas doté de cette fonction. Je ne vais pas verser
dans les commérages sur son couple…
— Parce
qu’on ne commérait pas depuis là ? je la taquine.
— Non
c’est le commentaire composé sur son caractère, tu as oublié des cours de
français ou comment ?
— Ne
me fais pas rire, je dis avec humour.
— Je
disais donc que sans verser dans les commérages sur son couple, la meuf vit
depuis un moment en se mesurant à nous. C’est de Hilda que j’ai obtenu une info
qui m’a mis la puce à l’oreille. Figure-toi que X s’est plaint à elle qu’on a
copié son thème de peluche pour l’anniv d’Ezer parce que nos animaux de la
jungle étaient des doudous. Sa chance c’est que je prie pour avoir un garçon
parce que je lui aurais montré point par point comment on fait une fête au
thème peluche.
— Tu
aimes trop ça. Un coup, elle ne mérite pas d’attention, un coup tu veux lui
montrer, choisis une voie et restes dessus.
— Je
reste sur le « elle ne mérite pas », mais si elle me cherche, je fais
une pause pour lui montrer, j’ai droit aux pauses pipi de toute façon, je suis
enceinte.
— Lol,
mon point demeure. Elle serait conne de se focaliser sur son passé alors
qu’elle a tant de bénédictions dans son présent et même si je ne la supporte
pas, je ne peux pas dire qu’elle est conne.
— Et
le mien demeure aussi. Tu lui accordes trop de crédit. Elle est une conne
finie. Une partie de son bonheur reposait sur le fait qu’elle pensait être la
seule comblée. Certes, elle me côtoyait par Eben, mais que savait-elle de toi
et Romelio au fond ? Rien. Et même le « côtoyer » que j’ai
utilisé pour moi c’est une exagération. Elle a pris ses distances avec son pote
depuis notre mariage. On a commencé à la revoir assez régulièrement quand
madame était déjà bien avancée dans sa grossesse, donc nous revoir à
l’anniversaire soudés et respectivement bénis comme elle a brisé sa fondation
du bonheur. Elle doit se promener sur mes statuts parce que le monstre en elle
la bouffe de l’intérieur. Sa chance c’est que je ne suis pas assez proche de
Tessa, sinon j’aurais demandé une photo de son alliance pour la…, mais oui, et
si j’allais simplement prendre une photo d’une main baguée sur le net ? Je
n’ai rien dit, ce n’est pas ma faute si elle se fait des idées.
— Pardon,
retournons sur la présentation de Malike.
— Toujours
à couper l’amusement des gens, bref. Donne-moi une date alors.
— Si on doit faire quelque chose, ça sera
après le mariage de Tchaa. D’avril jusqu’à juillet, c’est Lio Season. Rien ne
peut être fait avant.
— Lio
Season vraiment, elle rigole. Le souci c’est qu’en août, on sera à Marseille
nous. Je pars à l’avance avec le petit et ma belle-sœur puis Eben nous
rejoindra vers la fin pour qu’on finisse le mois là-bas.
— Tu
vois donc que ces fameuses présentations ne serviraient à rien puisqu’en
décembre, elle aura un an, je lui dis rêveuse.
— J’attends
cet anniversaire plus que la concernée même. Mamieza va mal frapper, elle
annonce sur un ton qui me fait rire.
— Calmons-nous,
c’est Lio season d’abord. Tessa arrive le mois prochain pour shopper sa robe.
— Hum,
tu vas me dire que je suis timbrée, mais dis bien à Tessa que je lui prête
simplement ma place. On rit, on est cool, mais qu’elle ne laisse pas ses yeux
traîner sur toi. Tu es ma bitch.
— Timbrée !
***Mini
Tessa Attiba***
Après
une semaine de travail à Abetifi Kwahu à explorer et suivre Mr Coleman dans
cette région qu’il a autant marqué qu’elle l’a impacté, je reprends la route
avec notre équipe de tournage et maman qu’on a prise à Tema sur le chemin. Ils
rentrent directement à Lomé tandis que maman et moi passerons le week-end à
Accra pour un week-end de folie. Comme Elikem vit à Cantomnents et nous nous
déplaçons en taxi, j’ai opté pour l’hôtel Alisa à Labone qui est assez proche.
La nuit fut courte pour ma part, j’ai été réveillé par un message de mon fiancé
lol, c’est encore nouveau donc je nage dedans.
— Baby,
je roucoule dès qu’on s’appelle.
— Ugh,
gênez-vous, on entend d’une ado moqueuse.
— Je
t’ai déjà dit que la jalousie ne te va pas petite, rigole son père tout comme
moi.
— Courage
Dada, ça me passera d’ici…
— Tu
n’as pas intérêt à finir cette phrase, Lio me menace sur un ton faux et nous fait
rire davantage.
— Genre
tu connais la peur aussi toi ? Je te croyais superpuissant.
— Mais
je suis super puissant, je suis le fils de mon père à qui appartient le ciel et
la terre. L’assurance c’est mon deuxième prénom.
— Euh
Tessa, tu n’oublies pas de m’envoyer les photos des robes han ? Je vais
descendre avant que le fils du père tout puissant me réclame un tribut pour
l’air que je respire.
— Lol,
compte sur moi louloute. Tu ne négliges quand même pas ce troisième trimestre
qui commence hein.
— Crois-moi
que je n’y compte même pas vu avec ce qu’on m’a promis si je maintiens ma
moyenne jusqu’à la fin de l’année. Bonne journée Mr Assurance.
— Bonne
journée ma jalouse que j’aime, il dit amusé et une portière se referme. Mon
amour, il reprend avec moi.
— Arrête
de roucouler, je me marre pourtant mon cœur palpite.
— Comment
j’arrête quand on sent la satisfaction transpirer de ta voix ? il se marre
aussi. Qu’est-ce que tu fais debout à 7 h 30 ? Tu
rencontres Elikem à 10 h 30 non ?
— Beh
ton message m’a réveillé hein monsieur. Aussi, je préfère qu’on parte tôt même
si on est proche d’elle. Je ne veux pas lui perdre le temps, déjà qu’elle
accepte de nous accompagner.
— Tu
vas très vite comprendre qu’elle ne le voit pas comme un service, mais un
devoir. Je vais aussi passer à MATAO avant d’aller à l’hosto. Arthur et moi
allons visiter l’ancienne maison de mon oncle Magnim et Tao. Hier on s’est
parlé et ils ont proposé qu’on l’utilise pour y célébrer la cérémonie comme
maman refuse qu’on le fasse chez nous.
— Oh
c’est super chéri, elle est comment la maison ?
— Immense,
mais je n’y ai pas remis les pieds depuis mes huit ans. Ils n’ont jamais pu la
louer ou vendre à cause du prix demandé pour une superficie pareille donc il y
aura probablement des aménagements à faire pour que le lieu soit convenable,
d’où la présence d’Arthur.
— Tiens-moi
au courant dans ce cas, j’attendrais des photos.
— Oui
faisons ça, amusez-vous bien.
— Hum,
j’ignorais que tu aimais autant faire les bisous au téléphone, se moque maman
qui sort des toilettes.
— Ton
gendre te fait des bisous aussi, je la taquine en retour. Il se peut qu’on ait
trouvé une solution à ton problème et celui de maman Hana. Lio va visiter
l’ancienne maison de son oncle Magnim et si elle est convenable, la cérémonie
se tiendra là-bas.
— Tant
que ce n’est pas dans votre maison, moi je n’ai rien d’autre à dire.
— Dieu
seul sait ce que vous aviez contre notre idée.
— Dieu
seul sait ce qui te passe par la tête parfois. Tu vas ouvrir gratuitement aux
étrangers les portes de ta maison parce que ton mariage c’est avec les guêpes
que tu veux le faire ? elle m’interroge et me fait soupirer
d’exaspération.
— Vouloir
un thème de jardin ne veut pas dire je veux côtoyer les guêpes.
— Tu
cherches quoi dans le jardin alors ? Les herbes ? Tu es une chèvre
maintenant ?
— Bref,
apprête-toi s’il te plaît. On va partir tôt, j’abrège pour ne pas échauffer les
esprits.
Elle
et maman Hana se sont vertement opposées à notre idée de célébrer le mariage à
domicile. Elles ne trouvaient pas cette décision réfléchie. Maman Hana a mis en
avant le fait qu’on ne sera pas uniquement en famille. Il y aura des
connaissances professionnelles et il se peut qu’on ait des amis venant de
l’extérieur. Avec l’agitation de la journée, il sera difficile de garder un œil
sur tous les invités le jour là, donc elle préfère qu’on soit en terrain
neutre. Maman n’a parlé que des insectes comme aujourd’hui. Cette organisation
fait ressortir nos différences de goûts donc je compte plus sur Elikem pour
m’aider dans le choix de ma tenue aujourd’hui qu’elle.
Après
avoir prévenu cette dernière à trente minutes de l’heure convenue, elle a
proposé de passer nous chercher et nous voilà franchissant le seuil de Peace
Bridal, la première boutique sur ma liste. J’ai une idée de ce que je cherche recherches,
seulement les modèles que j’essaie à Peace Bridal ne rendent pas comme je me le
projetais. On se rend donc à Eve’s Bridal. Le résultat est le même.
— Je
demande hein Thérèse, pourquoi tu choisis les choses qui ressemblent aux
armures des gladiateurs ? Tu vas faire la guerre dans le mariage ?
— Maman
ce n’est pas le moment, je dis dépitée.
— Le
moment arrivera quand alors ? Maman bébé, j’ai menti ? elle adresse
Elikem qu’elle ne cesse d’appeler ainsi.
— Le
plus important c’est ce qu’elle pense, elle lui explique avec un sourire poli
et compatissant tout en secouant la poussette depuis laquelle Malike babille.
— Moi
je pense en tout cas que c’est vilain.
— Tu
connais quoi à la mode toi ? je lui demande exaspérée.
— Ce
qui est sûr mes yeux ne voient que du vilain. Les gens viennent acheter les
robes pour se couvrir, toi tu prends ce qui tombe d’une épaule ou bien ça
ressemble à une forme géométrique.
— Bref,
je vais prendre celle-ci, je dis parce que Malike se remet à geindre.
— Donne-moi
une seconde miss, elle dit et se dirige avec la poussette vers l’extérieur.
— Même
l’enfant est tellement gêné par tes armures qu’elle essaie de te dire ça à sa
manière.
— Maintenant
tu gagnes quoi à me répéter tes pensées ? Ça m’avance où ?
— Ça
t’avance vers les jolies robes là-bas.
— Va
commencer tes essais au lieu de casser les gens, je rouspète et m’assois de
façon négligée à ses côtés.
— Aimer
la vérité fait avancer hein, elle me nargue tout en se levant.
Elikem
revient quand on lui sort ses choix.
— La
capricieuse voulait juste voir un autre paysage, sa couche n’était pas sale et
elle jouait avec son bibi, explique sa maman.
— Malili,
je dis amusée et chatouillant son genou tandis qu’elle m’observe curieusement.
Maman
se manifeste et commence son défilé. Elle a plus de chance que moi, ses choix
lui vont à ravir et son entrain sauve la journée.
— Tu
vois Thérèse, je maîtrise le goût, elle m’embête encore pourtant c’est moi qui
vais régler la note de ses tenues.
— Une
petite suggestion si je peux me permettre, intervient Elikem.
— Voilà,
il faut lui dire, l’encourage maman.
— Corrige-moi
si je me trompe, mais vu tes choix depuis qu’on se promène, je pense que tu cherches
plus une robe déstructurée.
— Oui.
En fait je cherche quelque chose d’élégant et un peu singulier. Je ne veux pas un
modèle classique.
— Alors
tu auras plus de chance en te tournant vers un styliste qu’en achetant du prêt-à-porter.
Toi-même tu vois qu’il y a des petits défauts sur chaque modèle que tu as
essayé non ?
— J’espérais
acheter et faire ajuster.
— Je
ne pense pas que ça le fera hein, ce n’est que mon avis, mais comme une tenue
déstructurée est un modèle bien spécifique, je trouve ça risqué de miser sur une
modification pour l’adapter à toi. C’est plus simple qu’on te fasse ton propre
modèle non ? D’avril à juillet, tu as amplement le temps.
— Je
ne connais pas de styliste et comme on n’a encore rien fait pour l’organisation,
je ne veux pas verser tout notre argent dans des vêtements tu vois ? On a
certes un budget pour chaque catégorie, mais je sais qu’il y a toujours des
imprévus qui se présentent, donc je préfère dépenser raisonnablement pour le
début.
— Oui
je comprends et tu fais bien sincèrement.
— En
plus, tu as donné la journée pour nous, donc je ne veux pas qu’on s’en aille
sans rien prendre, c’est comme si on t’a perdu du temps.
— Ah
non, là je ne suis pas d’accord. C’est ton heure et celle de Romelio. Si vous
voulez même une tenue d’astronaute, on se débrouillera pour vous en trouver,
elle m’explique et sa dernière réflexion me fait rire. Si ça ne te gêne pas, je
peux te présenter une styliste qui vit à Lomé, elle continue. Elle s’est
occupée d’Océane ainsi que ma dot. Tu lui expliques ton idée et tu vois si ça
entre dans ton budget. Si ce n’est pas le cas, on reviendra prendre une des tenues
ici ?
— OK,
on peut faire ça. De toute façon, je reviendrai à Accra avant le mariage.
— Donc
on fait quoi ? intervient maman.
— Je
vais porter l’armure, je lui annonce fièrement et tire la langue pour la
narguer.
— La
mode d’aujourd’hui vraiment, vous avez perdu le goût, elle commente sur un ton
qui nous fait rire.
Ses
tenues sont prises. On passe à l’école du petit Richie pour le prendre et nous
voilà chez les Asamoah à Cantonments. Je ne sais comment, mais Elikem a réussi
à me dégoter un rendez-vous avec la styliste pour 16 h 45, via WhatsApp.
C’est dans un bureau aux tons clairs et devant un iMac orange que je fais la
rencontre de la styliste. On parle, on rigole et on aurait pu continuer ainsi toute
la soirée, mais maman vient me chercher à un moment donné.
— Bon,
on va se laisser sur ça. Je vous attends à Lomé alors, m’annonce la styliste
après les présentations avec maman.
— Oui,
je confirme. On se voit dès que j’arrive, merci encore pour votre temps, je dis
et mets fin à l’appel. Pourquoi tu abandonnes notre invitée maman ?
— Je
venais voir ce que tu faisais non. Tu es partie depuis plus d’une heure. On m’a
dit aussi de te donner ça, elle me dit et dépose le plateau avec lequel elle
est entrée. Il est rempli de petites bouchées appétissantes.
— Oh
Seigneur ! Je n’ai même pas vu le temps passer. Tu penses qu’elle est fâchée ?
— Est-ce
que cette dame peut même se fâcher ? Elle a refusé que je l’aide avec la cuisine.
J’avais seulement le droit de choisir ce que je voulais grignoter en attendant
qu’elle finisse le repas. Son fils m’a même ouvert la télé….
— On
dit « allumer la télé ».
— En
tout cas, il m’a mis une série là qui m’a fait oublier que j’étais chez les
gens. J’ai bien insulté les acteurs.
— Oh
la honte maman, je dis en me couvrant le visage.
— En
tout cas, je n’étais pas seule. Son fils insultait les gens avec moi aussi, mais
comme on l’a chassé à un moment donné d’aller se laver, ce n’était plus
intéressant de regarder seule. Tu dis même qu’elle est qui pour ton mari ?
— Son
amie d’enfance, aussi l’enfant de la meilleure amie de son oncle et sa tante. Ils
sont comme frère et sœur.
— Il
faut bien la traiter hein. On ne rencontre pas quelqu’un de si accueillant tous
les jours, elle dit et mange mes petites bouchées.
— Franchement,
je confirme mangeant aussi. La styliste qu’elle m’a trouvée est prête à me
faire la tenue dans un prix correct. Il se peut qu’on n’ait même plus besoin de
revenir à Accra si elle réussit ma tenue comme je l’espère.
— En
tout cas, ça reste que c’est l’armure.
— Tu
me fatigues, je dis amusée et la pousse.
Après
une journée durant laquelle elle a été plus que disponible, Elikem nous offre
une soirée de rêve avec sa famille. Nous ne sommes pas arrivés les mains vides,
j’avais prévu un Xanté liqueur, un cognac à base de poire, le digestif favori
de Lio qu’ils ont apprécié, mais ils nous ont offert le meilleur cadeau, une
soirée chaleureuse que maman et moi n’oublierons pas de sitôt. De retour à
Lomé, je continue à m’en réjouir dans les oreilles de Lio, même s’ils ont mentionné
un détail qui m’inquiète un peu, ma dot.
***Bruce
Attipoe***
Je
ne comprends pas les tantes qui aiment demander quand on leur fera des neveux
ou nièces supplémentaires. En voici une qui n’a jamais acheté une couche pour
mon Sushi, mais c’est elle qui sait que Maki a besoin d’une petite sœur.
— Je
t’ai bien dit que ma femme est malade. Pour préserver sa santé, on a décidé de
ne pas en faire d’autres, je lui explique.
— Mais
Bruce, quel problème de santé empêche de porter l’enfant ? Si c’est pour s’en
occuper, tu sais bien qu’on est là. Je t’ai même proposé les filles de mes comme
servantes, c’est toi qui as refusé.
— Oui
je n’en ai pas besoin merci. Voici ton enveloppe.
— Ah
merci, elle dit d’un ton soulagé et compte les billets devant moi. Laisse-moi au
moins te présenter une femme non ? Si la maman de Maki ne peut pas faire d’autres
enfants, je connais plein de filles bien portantes hein. Elles ne vont pas du
tout déranger ton foyer. Tu ne peux pas rester avec un seul enfant, ce n’est
pas bon à ton niveau. La vraie richesse c’est la descendance.
— Pardon,
tu n’as rien d’autre à me dire ?
— Sinon,
Tessa là elle se fait rare depuis qu’elle a quitté ta maison hein. On ne la
voit jamais en ville. Son numéro aussi ne passe pas. J’ai entendu des rumeurs
dans la famille qu’elle va bientôt se marier ?
— Attends,
tu me dis quoi là ? Elle va faire quoi ?
— Ah,
c’est vrai ?
— Mais
c’est toi qui me le dis et tu me questionnes ?
— Mais
je demande comme tu t’es agité d’un coup. J’ai entendu ça des autres, il paraît
que des connaissances ont vu sa mère quelques fois au grand marché pendant tout
le mois de mai. Elle achetait les effets de mariage, donc ils ont conclu que c’était
pour Tessa.
— Écoute
bien, Tessa a quitté ma maison après avoir causé de graves problèmes. Tu…
— Ah
bon ? Lesquels ? elle m’interroge avec curiosité.
— Ce
n’est pas le plus important, je l’interromps également.
— Tu
vois ? On t’avait dit de te méfier d’Eglantine et sa fille. Cette femme
est abonnée aux féticheurs. Elle est venue voir mon père avec un turban noir
attaché à la tête, un malade et une semaine plus tard, le vieux est décédé. Son
mari aussi est mort dans des circonstances étranges. On t’a dit tout ça, mais c’est
toi qui maîtrisais non ? Voilà.
— Bref,
tu fais passer le message dans la famille. Ceux qui accepteront de prendre la
dot de Tessa peuvent m’oublier.
— Hum,
il me faut de l’argent pour bien faire ce travail hein. Tu sais que tout le monde
ne vit pas à Lomé. Il y a celle…
— Tu
as besoin de combien ? je la coupe agacé.
— Si
je prends en compte tous les déplacements et ceux qui voudront qu’on leur
sécurise l’écolage de leurs enfants, disons un million.
— Mais
tu es folle ? Je viens de te remettre 550 000
dans l’enveloppe.
— Ah
Bruce, tu sais que la famille est grande et les temps sont durs. Moi je t’ai
fait une simple évaluation, mais tu peux donner ce que tu as aussi.
— Bref !
Tu retournes à Hillacondji quand ?
— Je
voulais partir dans trois jours, mais je peux passer chez toi le matin de mon
départ.
— Non,
tu attends mon coup de fil.
— Il
y a quoi chez toi et on n’a plus le droit d’y venir ? Ça fait presque six
mois que tu dis non à toute la famille.
— Il
n’y a rien, je fais des travaux, c’est tout.
— OK
alors. Bon, je vais voir avec ma fille si je peux partir plus tard, mais
appelle-moi vite hein. Je ne compte pas rester longtemps en ville.
Je
hoche la tête, elle descend et je continue chez moi. Malgré le climat glacial
qu’a engendré la trahison de Tessa, mon couple a pu s’en relever, mais je n’ai pas
le goût du risque inutile, donc j’évite les visites familiales. Je n’hébergerai
plus personne, ça c’est sûr. Makeda fait déjà quelques pas, c’est un bébé de
dix mois qui se plaît à m’accueillir quand je rentre du travail. Notre servante
qui nous sert aussi de nounou m’informe que Jen est sortie pour sa marche de la
soirée. Elle prend son sport au sérieux dernièrement parce qu’on prévoit se
marier en fin d’année. Comme je suis seul, j’en profite pour consulter mon
compte bancaire et j’appelle aussi mon banquier. Jen et moi prenons nos
premières vacances familiales avec Maki dans quelques jours. Mon visa est prêt.
Madame est canadienne. On y serait allé plus tôt si l’on avait reçu à temps le
certificat de citoyenneté de Maki, mais bref on l’a eu il y a moins d’une semaine,
donc nous avons enfin modifié nos billets. Nous allons visiter Montréal puis
Saint John et l’on décidera d’une ville entre les deux pour notre mariage en
fin d’année. Romelio croit avoir gagné en me narguant à la gym avec Tessa, mais
je vais bien profiter de la citoyenneté qu’il a donnée à Jen. À chacun son gain.
On verra comment il va la doter sans famille qui l’acceptera. Tant qu’ils ne se
présenteront pas ici pour des excuses formelles, je refuse de me mêler à cette
mascarade. Tessa ne me fera pas passer pour le dindon de la farce.
Je
raccroche avec mon conseiller bancaire quand j’entends du bruit signe que Jen vient
de rentrer. Elle transpire, mais elle me donne envie. La maternité l’a rendu
encore plus belle, seulement elle déteste qu’on fasse l’amour dans la salle de
bain, donc impossible de l’inciter à me rejoindre. Je laisse les filles entre
elles et vais me doucher. À la sortie, impossible de trouver mon téléphone,
donc je me tourne vers Jen.
— Qu’est-ce
que j’en ai à foutre de ton téléphone ?
— Pourquoi
tu es agressive ? Je t’ai simplement demandé si tu l’aurais vu parce que je
te trouvais souvent dessus dernièrement.
— Ne
m’énerve pas avec tes questions bêtes Bruce. Elle remonte à quand la fois où tu
m’as vu dessus ?
— C’est
bon hein, bois l’eau sur ta colère, pfff ! je dis agacé et vais chercher
ma chose seul.
Combien
de fois je ne l’ai pas vu avec mon téléphone ? Comme elle n’a rien trouvé
lui confirmant que j’étais dans le coup avec Tessa, elle a arrêté le mois
dernier, mais est-ce une raison de me taper une crise pour une simple question ?
C’est avec la coquine de Maki que je retrouve le téléphone en question. Elle l’avait
caché dans ses jouets. Mon conseiller financier m’a confirmé par message que je
pourrais passer demain matin pour récupérer un nouveau chéquier. Je vais donner
500 000 à ma tante et
elle n’aura qu’à se débrouiller avec. Il me faut quand même profiter de mes
vacances. La soirée finit sur une note douce. Je sors repu des cuisses de ma Jen
et commence à m’endormir. Espérons que Maki dormira aussi jusqu’au matin, parce
que je n’ai aucune envie de sortir du lit avant le lever du soleil.
Début
juillet, je sors nos valises de la chambre. Pour un voyage, Jennifer est
apprêtée avec Maki comme si nous allions rencontrer une personnalité. Elle laisse
les dernières consignes à sa tante concernant la gestion du Snack.
— Ne
t’en fais pas ma chérie, j’assure tes arrières, la rassure cette dernière. Profitez
bien de votre mois là-bas. Bruce je compte sur toi pour bien prendre soin de
mes filles hein.
— Oui
sans faute, je veille.
— On
se revoit en août alors ma tante. Comme convenu, tu pourras contacter Bruce si
tu me cherches.
— Pourquoi
elle doit m’appeler si elle te cherche ? je demande une fois que nous
sommes dans le taxi en direction de l’aéroport.
— Je
ne veux pas de distraction, donc j’ai éteint mon téléphone hier et je resterai
injoignable jusqu’en août, à notre retour.
— Mais
celle qui te distrait le plus est assise sur tes genoux là, je dis en référence
à notre fille qui dort dans ses bras.
— Tu
te méfies, elle c’est ma bénédiction. Je parle des distractions inutiles. On n’a
pas pris de vacances depuis qu’on se fréquente, donc j’ai l’intention d’en
profiter à fond.
Je
la laisse dans ses délires. Déjà, je vais devoir me battre avec nos quatre
valises qu’elle a remplies à fond et les deux trolleys une fois à l’aéroport, parce
qu’elle s’occupera du siège auto de la petite, donc c’est mieux que j’économise
mes forces.
***Romelio
Bemba***
Je clos
notre prière matinale et en ouvrant les yeux, je découvre le visage de ma
chérie baigné de larmes.
— Désolée,
je…, c’est juste difficile, elle dit en reniflant tandis que je nettoie ses
larmes.
— Qu’est-ce
qui est difficile ?
— Tout
ça Lio. On était bien tous les deux, mais depuis qu’on s’est fiancé, les choses
ont pris une tournure étrange. Je sais qu’on ne doit pas douter lorsqu’on prie,
mais je n’arrive pas à lutter depuis que la famille a averti maman qu’on le regrettera
si on se marie. J’ai rêvé de…de Hadassah qui tombait malade, elle m’explique d’une
voix tremblante. Je ne me le pardonnerais pas si quelque chose lui arrivait. À quoi
ça sert qu’on se marie si c’est pour causer du tort à ceux qu’on aime ?
Je l’enlace
et lui câline le dos.
— Je
sais que j’ai dit être solide, mais je suis épuisée actuellement, elle ajoute d’un
ton peiné.
— Je
comprends, être solide ne veut pas dire qu’on est dessus de la peur.
— C’est
parce que ça sort de mes compétences tu vois, elle continue à m’expliquer. Si
ça ne dépendait que de ma force, je m’en ficherais, mais les choses spirituelles
c’est pas mon fort. D’un côté on prie et de l’autre tu as maman qui visite ses féticheurs
sous prétexte qu’elle préfère connaître la cible de ses troubles afin de mieux
attaquer. Je ne sais plus où donner de la tête.
— Elle
t’incite à essayer les fétiches aussi ?
— Non,
elle m’a demandé de suivre ce que je crois avec toi. Elle croit assurer nos
arrières en consultant pour avoir une idée plus claire. C’est juste que je me demande
si ça vaut vraiment le coup de se marier si le climat n’est pas propice ? On
pourrait repousser ? Histoire que les Attipoe et Attiba oublient mon
existence ?
— Si
tu veux repousser parce que tu as besoin de temps pour ton mental, je suis d’accord.
Mais si on le fait pour ta famille, je ne te suis pas dedans. Je n’ai pas tué d’homme
Tessa. J’ai prié pour que Dieu me conduise vers la femme avec qui je finirai
mes jours dans le bonheur. Tu es apparue, il a disposé ce qu’il fallait et nous
a conduits jusqu’ici. C’est encore vers lui que je me tourne et j’ai l’assurance
que sa voix s’élèvera au-dessus de tous les bruits parce qu’il a le dernier
mot. S’il veut que je sois ton mari dans quelques jours, je le serais. S’il ne
veut pas, je resterai confiant et dans l’attente de sa volonté, parce qu’il
pourvoit toujours pour moi. Ce n’est pas en sa présence qu’il permettra qu’on
touche à l’enfant qu’il m’a donné. C’est lui qui s’occupe de ceux que j’aime, y
compris toi.
— Toi
alors, tu as toujours les mots pour calmer les tempêtes dans ma tête.
— C’est
ça qu’on partage le même esprit, je dis amusé. Alors ? Tu veux du temps
pour réfléchir ?
— Il
pourvoira tu as dit non ? Je vais te prendre au mot chef Tchaa.
— D’accord
Miss Mini, je dis amusé.
Elle
m’a donc pris au mot et une semaine avant notre mariage religieux, nous
recevions chez mes parents, maman Eglantine et son cercle du Ghana, des gens dont
Tessa m’avait déjà parlé. Deux femmes et un homme suivi de trois filles, des
gens qu’elle considère comme ses tatas et son tonton. L’homme est marié à l’une
des femmes et la seconde est sa cousine. Les filles sont leurs enfants et aussi
des amies de Tessa. Ce cercle a fait partie de son environnement familial
durant ses années au Ghana et sa mère les considère bien plus que les Attiba
et Attipoe. Puisqu’elles n’ont pas de demeure familiale, c’est dans la demeure de
mes parents, devant eux ainsi que mes proches que j’ai doté Thérèse Attiba
comme je le voulais. Avec une tonne de cadeaux qui l’ont laissé elle et sa mère
bouche bée.
— Tu
peux m’expliquer ce qui t’est passé par la tête Mr Tchaa ? elle me chuchote
à l’oreille un peu plus tard pendant qu’on se détend puisque la cérémonie
officielle est finie.
— Tu
m’es passée par la tête.
— Lol,
non mais, tu es dingue toi. Comment maman rentrera avec autant de cadeaux ?
Dois-je te rappeler qu’elle prend le bus ?
— On
la ramènera en voiture voyons. C’est de ma belle-mère qu’il s’agit quand même.
La
concernée s’approche comme si elle a compris qu’on parlait d’elle.
— Vraiment
mon gendre, je n’ai pas les mots. Tessa m’avait dit qu’on faisait les choses
simplement d’où mon absence de maquillage. J’ignorais que tu allais nous
prendre pour nous déposer en haut comme ça.
— Tu
voulais même mettre le maquillage pour séduire qui ? C’est ton mari ?
la taquine sa fille.
— Eh
c’est déjà la guerre ? rigole sa mère. En tout cas, j’espère que tu as apprêté
ta tenue combat hein mon gendre parce que ma fille arrive armée dans le mariage,
elle m’annonce et me fait rire.
— Ah
bon ? J’ignore quelque chose ? je demande, mais Tessa a vite fait de
pousser sa mère en rigolant.
D’un
autre côté, tu as les parents qui papotent avec les tatas et le tonton de Tessa,
Elikem, Arthur, Snam et Macy qui bavardent entre eux, et tout le reste dans la
bonne humeur. Un prélude au 14 juillet que j’attends avec tant d’impatience et
il s’est enfin pointé.
Habillé,
j’attends dans une des chambres avec mes deux acolytes à qui je confierai ma
vie sans hésiter. Elikem qui est vêtue d’un pantalon et d’une tunique bleu ciel
à l’image du costume d’Arthur. Chacun est hyper occupé au téléphone, tandis que
je les observe d’un air amusé.
— Bon,
les gardes sont autour de la maison. Que celui qui se sent homme tente quelque
chose en cette journée, déclare Elikem qui raccroche en premier.
— Depuis
qu’on t’a donné aux ghanéens hein là tu ne te prends plus pour n’importe qui
hein, je l’embête.
— Oui,
le temps n’est plus aux bêtises, l’homme a besoin de paix.
— Bon,
les Adamou sont enfin arrivés. On me confirme que maman Hana arrive dans une
minute, pas de stress hein.
— D’accord
le diacre.
— Idiot,
lol. Tu peux stresser un peu ou bien ? C’est quoi cette assurance ?
— C’est
celui que tu as quand tu te sens au sommet de la montagne, je plaisante.
Maman
fait son entrée et je perds le goût de blaguer. Les émotions dans son regard réveillent
les miennes. Je prends fortement son bras et nous évoluons ensemble vers l’autel.
— Sois
béni mon fiston, elle me dit d’une voix émue et me tapote la joue.
— Je
t’aime, je lui dis simplement avant de la laisser s’éloigner.
Mes
acolytes sont de mon côté, l’assemblée entière se tourne vers l’entrée quand
mon père annonce l’entrée de la mariée. Elle se présente au bras de sa mère,
aidée par Hadassah en arrière. Elle est dans une tenue qui me rappelle la
description de sa mère et j’en souris. Elle est splendide, émue, prudente dans
ses pas, me fixe avec tant d’intérêt et dans mon esprit, s’imprime à jamais cet
instant. Elle a choisi d’entrer sur une version acoustique de « Jireh »,
la chanson qui nous a conduits durant ces mois de préparation. En ce moment, tandis
que ma vue se brouille au fur et à mesure que les paroles pénètrent mes pores
et elle continue de s’avancer, je comprends pourquoi certains pleurent à leurs
mariages. Chacun connaît le chemin qu’il a emprunté pour en arriver ici. Le
mien a été semé d’erreurs, j’ai tant douté, je me suis haï, j’ai détesté mon moi
de 23 ans et à force de tourbillonner dans mes émotions, j’ai trouvé la paix,
une paix que je ne peux juste pas mettre en mots. Ce que je ne croyais plus mériter
à cause de mon passé, c’est exactement ce avec quoi cet être divin choisit de
me bénir, parce qu’il est juste comme ça cet individu. Il choisit qui il veut
selon sa volonté et son amour n’a pas de logique. Il aime encore, sans arrêt,
tant que le souffle de vie est présent.
C’est
sur un tonnerre d’acclamations qu’elle arrive à ma hauteur et elle se penche
vers mon épaule pour prendre un mouchoir d’Elikem, me nettoie le visage puis
celui de Hadassah. J’enlace ma fille par besoin de la sentir avant de la rejoindre
ma mère. Je saisis la main de Tessa qui est si confiante que j’en prends un
coup. Nous y sommes vraiment, nous avons tenu. On se tourne vers mon père qui
demande au groupe musical de reprendre une partie de « Jireh ».
« Je
suis déjà aimé, je suis déjà choisi
Je
sais qui je suis
Par-dessus
tout, je connais ta parole
Je
suis déjà aimé, au-delà de mon imagination
Et c’est
plus que suffisant
Ce que
déclare ta parole est vrai et au-dessus tout
Avoir
Jésus, c’est avoir tout,
Tu
es Jireh et tu me suffis
Je
serais satisfait en toute circonstance, parce que tu es mon Jireh et tu me
suffis. » L’assemblée chante, mais je n’ose pas l’ouvrir par crainte de le
hurler avec conviction. Je me contente de serrer la main de Tessa et prier qu’on
n’oublie jamais ce qu’on ressent en ce moment. Les épreuves se présenteront
assurément, c’est ainsi qu’est faite la vie, mais je ne vois pas ce qui viendra
à bout de nous si l’on se rappelle que celui qui a pourvu aujourd’hui existe
toujours et ne changera jamais.
— AHHmen !
déclare mon père avec satisfaction, annonçant le début de la cérémonie.