
Chapitre 10
Ecrit par Josephine54
Beverly
J'avais rejoint Arthur ce matin à l'entreprise dès 7 h. J'avais garé ma voiture et en étais descendue, le cœur battant la chamade. J'avais l'impression d'affronter le vide. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Arthur était trop étrange, et le fait de ne pas réussir à le cerner me préoccupait.
Je retirai ma valise du coffre et me dirigeai vers lui d'un pas hésitant. J'étais bien consciente que mon visage devait exprimer mon incertitude, mais je ne parvenais pas à masquer le tumulte qui m'habitait.
Il ouvrit sa portière et descendit de la voiture, non sans avoir parcouru nonchalamment des yeux ma silhouette. Je me sentis frémir sous ce regard scrutateur.
- Bonjour madame Kamdem, lança-t-il d'une voix calme.
Oh mon Dieu, cette manière de prononcer mon nom...
- Bonjour monsieur Mvogo, répondis-je d'une voix tremblante.
Il me tendit la main comme pour m'inviter à lui passer ma valise. Ce que je fis à contrecœur. Quand nos doigts vinrent en contact l'un de l'autre, je sentis comme une espèce de décharge me traverser. Je levai immédiatement le regard vers lui, mais Arthur était imperturbable comme d'habitude.
Il ouvrit son coffre et y posa ma valise.
- Allons-y, dit-il en montant dans la voiture.
Je pris place à mon tour et on se mit immédiatement en route. Je me rendis compte à un moment qu'Arthur était en train d'embrancher la sortie de Yaoundé.
- Nous n'allons pas en bus ? demandai-je le cœur battant.
- Non, nous allons en voiture, répondit nonchalamment Arthur, le regard fixé sur la route.
J'allais devoir faire près de 4 h de route, seule avec lui, pensai-je avec désarroi. J'avais naturellement pensé que nous aurions pris un car de voyage comme c'était généralement le cas avec monsieur Domou. Il fallait dire que monsieur Domou avait un certain âge et je ne me serais pas sentie en sécurité d'effectuer ce long voyage avec lui.
On roula pendant près de trente minutes et nous étions maintenant sur l'axe-lourd Yaoundé-Douala. Arthur avait mis une douce mélodie dans la voiture et en temps normal, elle aurait suffi pour me relaxer, mais là, ce n'était absolument pas le cas. Je me sentais tellement anxieuse.
On roula pendant une heure quand Arthur, tout à coup, baissa la musique et me jeta un bref regard avant de reporter ensuite ses yeux sur la route.
- Beverly, dit-il d'une voix brusque, tu sais, j'ai été choqué quand je t'ai vue pour la première fois à l'entreprise.
Il m'avait appelée Beverly... Beverly... pas madame Kamdem. Je sentis les battements de mon cœur s'accélérer dans ma poitrine.
- Je sais que nous ne nous sommes pas séparés en bons termes. Je ne puis nier que je t'en ai beaucoup voulu les premiers mois, mais, avec le temps, j'ai fini par accepter ta décision.
Je sentis un gros nœud à ma gorge à ces mots. J'avais toujours voulu qu'on crève l'abcès, mais là, j'avais carrément peur des conséquences de cette discussion.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
- Tu sais, de l'eau a coulé sous les ponts, et cela appartient désormais au passé. Pour le bien de l'entreprise, il serait préférable que nous mettions nos différends de côté. J'ai investi toutes mes économies dans l'achat de cette entreprise, et je tiens vraiment à ce que tous les employés s'y sentent bien afin de donner le meilleur rendement possible.
Il s'arrêta un moment et me jeta encore une fois un bref regard, comme pour jauger ma réaction. Il resta silencieux un long moment, comme pour me donner le temps d'y penser.
- Je sais que je t'ai méconnue dès le départ, mais j'avais besoin de trouver du temps pour que nous puissions discuter librement, sans être interrompus tout le temps. Ce voyage était l'occasion propice pour le faire.
Il resta encore un moment silencieux avant de tourner le regard vers moi. Il me regarda fixement un bref moment.
- Qu'en penses-tu ? demanda-t-il enfin d'une voix presque douce.
Je sentis mon cœur s'affoler. Cette intonation, c'était celle d'Arthur, l'homme aimable que j'avais connu par le passé, pas monsieur Mvogo, cet homme froid qui me déstabilisait tant.
Mon Dieu, que lui répondre ? Avec cette maudite clause, j'étais censée travailler dans cette société pendant les cinq prochaines années. Autant le faire dans les meilleures conditions.
- Alors, lança Arthur d'une affable, tournant brièvement le regard vers moi.
- Euh... oui, ça me va.
- Amis ? demanda Arthur, en me tendant sa main droite.
Euh... pas jusque-là quand même. Mais avais-je vraiment le choix ?
- Amis, répondis-je en prenant sa main.
Une autre petite secousse me secoua à ce contact, mais Arthur, semblait ne pas s'en apercevoir, car il reporta ensuite ses mains sur le volant.
- Alors, que deviens-tu ? demanda Arthur.
- Euh, je ne sais quoi te dire. Tu as déjà lu toutes les informations me concernant sur mon CV.
- Haha, Beverly, tu as très bien compris ma question, lança Arthur d'une voix hilare.
- Euh, que veux-tu savoir exactement ?
- Bah, ça fait tout de même dix ans que nous nous sommes perdus de vue. Je sais déjà que tu t'es marié. Tu n'es plus Beverly Mbida, mais Beverly Kamdem. As-tu des enfants ?
Je me sentis embarrassée par sa phrase. Il voulait certes enterrer la hache de guerre, mais de là à lui raconter ma vie privée, il y avait un pas que je n'étais pas sûre de vouloir franchir.
- Euh... euh...
- Bah, quoi ? lança Arthur en riant. Bon, je vais commencer. Je ne suis pas marié pour le moment. Même pas en couple. Ma dernière relation date de presque un an. Et toi ?
Mais, je ne lui avais rien demandé moi. Je voulais simplement qu'on ait des rapports cordiaux. Je n'avais plus envie de vivre dans cette tension permanente qui m'habitait chaque fois que je franchissais le seuil de l'entreprise, mais je n'avais pas envie de me confier à lui.
Mon silence l’obligea à tourner le regard vers moi. Il haussa les cils d'un air interrogateur.
- Euh... oui, je suis mariée, répondis-je finalement. J'ai un enfant.
Il eut une expression étrange avant de poursuivre.
- Il a quel âge ton enfant ?
- C'est une fille. Elle a cinq ans.
- D'accord.
Arthur dévia ensuite la conversation sur des sujets moins personnels, m'arrachant un ouf de soulagement. Nous étions maintenant au niveau de Boumnyébel, une localité à une heure de route de Douala.
Il y avait un petit marché. Plusieurs vendeurs ambulants se rapprochaient des voitures et proposaient leurs marchandises.
- Je dois acheter du Mitoumba (met fait à base de manioc cuit à l’étouffée) à maman, elle en raffole, lança Arthur.
Il fit ensuite un signe à une vendeuse et cette dernière se rapprocha de notre voiture, se positionnant de mon côté.
- Je voudrais une dizaine de Mitoumba.
Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
Il discuta le prix avec la dame un petit moment avant de s'accorder. Au moment de payer, il dut se tendre vers la fenêtre, se rapprochant un peu trop près de moi. La vendeuse prit le billet et ouvrit sa sacoche pour chercher la monnaie, pendant tout ce temps, Arthur était à quelques centimètres de mon visage. Je sentis mon cœur s'emballer.
Il tourna le visage vers moi, nos bouches étaient à quelques centimètres l'une de l'autre.
- Désolé, me lança Arthur d'un air contrit.
Je restai immobile à regarder sa bouche remuer. Mes pensées s'envolèrent, malgré ma volonté. Cette bouche se refermant sur ma féminité, cette bouche me suçant les seins avec avidité, moi, hurlant mon plaisir, languissante sur ses draps.
Je me rendis compte une seconde plus tard qu'Arthur me regardait, l'incompréhension se lisant sur ses traits. Que m'avait-il dit, bon sang ? Ah, oui.
- Ce n'est pas grave, répondis-je faiblement.
La vendeuse après avoir compté les sous, remboursa Arthur, qui se redressait enfin, me permettant ainsi de respirer librement. Mon Dieu, que m'arrivait-il ? J'avais fait mon choix, celui d'épouser Benjamin. Pourquoi étais-je aussi sensible à cette proximité d'Arthur ? Je me rendais à présent compte que sa froideur et son indifférence avaient été un bouclier pour moi, m’empêchant de ressentir une quelconque attirance pour lui.
Le reste du trajet se fit dans le silence.
- Nous allons aller à l’hôtel pour poser nos effets, déjeuner ensuite avant de nous rendre à la banque.
J'avais bien évidement géré les réservations de nos chambres. Je m'étais assurée que nous soyons logés à des étages différents.
- Bonjour, nous avons réservé deux chambres au nom de Mvogo, dis-je à la réceptionniste.
- Bonjour madame, veuillez-me passer vos documents s'il vous plait.
Arthur donna sa carte d'identité pendant que j'en faisais de même. La dame enregistra nos données et nous donnant enfin des cartes magnétiques pour ouvrir nos chambres.
- L'une des chambres est au deuxième étage et l'autre au septième.
- Bien, répondis-je, un sourire de satisfaction aux lèvres.
Nous prîmes nos valises et nous dirigeâmes vers l'ascenseur. Arthur appuya sur le bouton pour l'appeler, et quelques instants plus tard, il s'ouvrit devant nous. Il me fit également signe d'y entrer.
- As-tu une préférence ? demanda Arthur en me montrant sa paume de main contenant les deux cartes magnétiques.
- C'est pareil pour moi.
- Bah, choisis, lança-t-il.
Je pris la carte de dessus, m’assurant bien évidemment de ne pas toucher sa main. Quand je relevai la tête, il me regardait toujours avec son air impénétrable, mais je crus déceler une lueur de moquerie dans son regard. Il s'adossa simplement sur une des parois de l'ascenseur et son regard continua à me chercher. Je baissai simplement la tête et fus soulagée à l'arrêt de l'ascenseur. Je me saisis fermement de ma valise et étais sur le point d'en sortir, quand Arthur m'arrêta par le coude.
Je tournai un regard surpris vers lui. Il me regarda un long moment dans les yeux, comme pour me déstabiliser.
- Nous nous retrouvons au restaurant à midi, lança-t-il d'une voix autoritaire avant de lâcher mon bras.
Je sortis enfin de l'ascenseur, le cœur tambourinant dans la poitrine. J'ouvris la porte de ma chambre et y entrai en coup de vent. Je m'adossai contre la porte et fis de mouvements continus d'inspiration et expiration.
Que me voulait-il ? Pourquoi tous ces regards tout à coup ? Était-il encore attiré par moi ? Mon Dieu, j'étais une femme mariée et, en dix ans d'union, je n'avais jamais trompé Benjamin. Mon mariage n'était certes pas basé sur l'amour, mais j'avais un profond respect pour cette institution et pour l'engagement que j'y avais pris.
Je pris mon téléphone et lançai l'appel vers le numéro de Benjamin, mais il ne répondit pas. J'avais besoin de l'entendre pour puiser un peu de forces. Je lui envoyai finalement un message pour lui signifier que j'étais bien arrivée à Douala. Il m'avait répondu un peu plus tard et nous avions convenu de se parler en soirée.
Arthur
Je la regarde s'éloigner tandis qu'un sourire de satisfaction s'étire sur mes lèvres. J'avais désormais la certitude, si cela était nécessaire, que Beverly était encore attirée par moi. Elle avait presque couru vers sa chambre.
J'avais vu sa lèvre trembler dans la voiture quand je m'étais rapprochée d'elle afin de pouvoir payer le paquet de maman. Elle avait carrément suspendu sa respiration et son regard... mon Dieu... son regard.... Il n'avait pas changé. Il était le même d'il y a dix ans quand son corps était envahi d'un désir primitif. Il s'était tout à coup obscurcit et elle s'était mise à regarder mes lèvres avec envie. Je suis certain que son esprit l'avait immédiatement reportée à nos moments.
Je m'étais lentement redressé et avais planté mon regard dans le sien. Je l'avais vue déglutir avec peine.
J'étais en train de tisser lentement ma toile. Ah Beverly, ma belle Beverly, tu seras à moi d'ici peu, et je me ferai le plaisir de briser ton cœur comme tu l'as fait avec le mien, et quand j'en aurai terminé avec toi, tu auras de la peine à te regarder devant une glace. Je m'en fais la promesse !