Chapitre 6: Confrontation

Ecrit par Lalie308

Paul Jones vivait dans la maison où habitait auparavant son défunt frère. Cody après avoir fini avec les quelques charges qu'il avait, décida d'aller rendre visite à son père. Lorsqu'il pénétra dans la maison, il s'osa à passer dans sa chambre, par besoin de revoir ce lieu chargé de souvenirs. Tout était intact, les meubles, les murs... les souvenirs. Il revit le petit Cody assis contre le mur, recroquevillé et en larmes. 

Il ressentit tout aussi fraîchement chaque particule de sentiment qu'il avait ressenti à l'époque, chaque grain de douleur qui avait opprimé son cœur et déchiré son âme. Il était toujours inconsciemment ce Cody-là, l'âge n'y avait rien changé. Le Cody battu et détesté, le Cody qui avait dû se forger une barrière froide, par peur qui quiconque ne le blesse encore plus. Il vit des choses qu'il avait pensé avoir oublié, avoir enfoui dans un coin bien gardé de sa mémoire. Il revit Peter Jones, debout devant lui, la main levée qui se dirigeait sur son visage puis soudain une main se posa sur son épaule, le faisant sursauter. Il fit volte face pour découvrir Paul qui levait les mains vers lui.

— Calme toi fiston, tempéra-t-il d'un ton rassurant, ce n'est que moi.

— Désolé, soupira Cody en se passant une main dans les cheveux. Je suis un peu...

— Je comprends. Il n'est plus là, ne t'inquiète pas.

Cody se sentait toujours comme un gamin lorsque son père était dans les parages. Il était la figure paternelle qu'il avait toujours recherché toute sa vie, le père qui ne le faisait pas se sentir comme insignifiant dans ce monde. Soudain, Paul grimaça en grognant puis se plia en deux.

— Papa? Qu'est-ce qui se passe? demanda Cody, inquiet.

— Rien, ça va, grogna Paul d'une voix cassée.

Il se redressa douloureusement puis se laissa tomber sur le lit en grognant, en sueur. Il ouvrit hâtivement sa combinaison, sous le regard effaré de son fils, pour découvrir une tache rouge sombre avalant son ventre, quelque chose avait l'air de s'y déplacer.

— Qu'est-ce que c'est que ça? s'étonna Cody, la bouche entrouverte et les traits froncés par la surprise.

Paul lança un bref regard à Cody avant de s'évanouir.

*

Luz et Lysga se tenaient dans la prison dans laquelle Luz avait été emprisonnée des années plus tôt. Lorsqu'ils s'arrêtèrent en face de la cabine U6, des frissons d'effroi la parcoururent. Un seul événement de cette prison continuait de la hanter, dans le secret de ses peurs, le secret qui se mourrait dans l'ombre de ses sourires. 

La vague de chocs électriques qu'on lui avait infligée. A ce moment-là, elle avait senti son âme se briser, elle avait été prête à se venger, à ne plus jamais pardonner. Mais pourtant, elle l'avait fait. Par quelle magie? Elle ne le savait toujours pas. La force qui permettait de pardonner les actes les plus ignobles était invisible, insaisissable, mais bien présente. Lysga effleura la prison de verre de ses doigts, puis se retourna vers sa mère qui affichait une expression vide.

— Pourquoi ne les as-tu pas fait payer? Pourquoi les avoir laissés te marcher dessus ainsi? l'interrogea-t-il en serrant les poings.

Pour Lysga, s'il avait été à la place de sa mère, il n'aurait rien laissé passer. Oeil pour oeil, dent pour dent, coup pour coup.

— J'ai compris qu'il y avait plus important que ma personne. Tu sais Lysga, les gens sont faibles. Si tu arrives à être suffisamment fort, pour toi, pour eux, tu les aides à grandir, lui enseigna Luz d'un calme déconcertant.

Il roula des yeux.

— Je vais dans la salle d'entraînement, termina-t-il avant de quitter la pièce, laissant sa mère seule, face aux fantômes du passé.

La salle d'entraînement était vide, au plus grand bonheur de Lysga qui ne se gêna pas à enfiler de protection. Il pianota sur l'écran virtuel qui s'afficha en face de lui puis une simulation apparut. Un homme qui faisait trois fois son gabarit. Un sourire étira les lèvres de Lysga. L'hologramme lui lança une série de coups de poing qu'il paraît sans grandes difficultés.

— Gilma Lysga.

La voix le fit sursauter, puis perdre sa concentration. Un coup poing de l'hologramme atterrit dans son estomac, y générant une douleur sourde. Dans un élan de colère, il posa ses mains à plat sur le sol et se tourna sur lui-même, ses jambes fauchant l'hologramme puis il lui balança son pied dans la face, l'hologramme disparut. Solenna s'était déjà rapprochée de lui.

— Désolé, tu vas bien? lui demanda-t-elle, inquiète.

Lysga la gratifia d'un regard noir et la poussa violemment vers l'arrière quand elle tenta de le toucher.

— Tu es folle de m'interrompre ainsi? hurla-t-il tandis que Solenna reculait, effrayée.

— Je... Je suis désolée. Je... balbutia-t-elle. Je ne savais pas que tu étais en plein combat.

— Et quoi? Tu veux que je joue à la poupée dans la salle d'entraînement? Tu me veux quoi? rétorqua-t-il d'une voix dure.

— Ton père te cherche un peu partout et glami Luz a dit que tu étais ici. Ils sont tous avec Paul qui ne va pas bien.

— Et pourquoi on t'envoie toi? Ils savent bien que t'es une vraie casse-pieds, continua-t-il.

Les veines sur les poignets de Lysga noircissaient. Il ne voulait qu'une chose à cet instant, faire du mal à Solenna, la voir souffrir. Elle déglutit difficilement tout en reculant. Des sillons noirs se baladaient sur le visage de Lysga qui prenait une apparence différente, effrayante. Solenna fronça les sourcils, observant tous les changements physiques. Elle voyait bien qu'il n'était pas lui. Il observa sa main puis un sourire mauvais étira la commissure droite de ses lèvres. Solenna se trouvait entre le mur et Lysga, paralysée.

— Tu sais? J'en ai marre de toi. Toujours à faire l'innocente et la sainte.

— Je sais que tu n'es pas mauvais Lysga, commença-t-elle en tremblant.

— Ah oui? fit-il plus sur un ton sarcastique.

— Rappelles-toi cette fois quand on était petits.

Ce rappel fit pulser son sang dans ses veines.

— Ce n'était pas moi, tempêta-t-il.

Les lumières vacillèrent. Il fronça les sourcils, un courant d'air brisa une des fenêtres de la salle. Il se saisit du cou de Solenna qu'il serra. Son cœur brûlait, ses idées étaient mélangées: un total capharnaüm. Mais il ne pouvait rien faire d'autre qu'attaquer, faire souffrir, accomplir les désirs des voix en lui.

— Lysga s'il te plait, supplia-t-elle difficilement.

— Lysga!

La voix de Brad qui venait de pénétrer dans la pièce ne l'empêcha pas de continuer. Brad courut vers eux et poussa violemment Lysga vers l'arrière. Ses veines et son visage redevinrent normaux. Solenna tomba à genoux. 

Le sang bouillait dans les veines de Brad qui respirait bruyamment. Il se saisit de Lysga par le col et lui flanqua un coup de poing en plein visage, puis plusieurs autres. Ce dernier ne bougea pas, en pleine bataille intérieure avec les puissances en lui qui lui demandaient de décapiter Brad.

— Non, Brad, s'il te plait, intervint Cody qui venait d'arriver.

Cody le tira brusquement vers l'arrière tandis que Hongust et Luz entraient également. Brad ne se contrôlait plus. Il voyait incessamment l'image de Lysga qui tentait de tuer sa fille. Il poussa Cody vers l'arrière tandis que Lysga se relevait. Des hématomes recouvraient son visage, ses lèvres étaient fendues et il saignait du nez.

— Je t'ai dit de ne plus l'approcher, rugit Brad en tentant de se libérer de l'emprise de Cody.

— C'est elle qui m'a cherché. Dis à ta connasse de fille de ne plus m'approcher, rétorqua violemment Lysga.

Brad réussi à se libérer puis se jeta à nouveau sur Lysga. Cody se jeta sur eux, mais Brad lui flanqua un coup de poing en plein visage avant d'attaquer à nouveau sa proie.

— Lâche-le, hurla Cody.

En cet instant, une décharge électrique venue de nulle part secoua Brad qui se fit projeter contre le sol. Des étincelles électriques remplissaient le regard de Cody ainsi que l'espace autour de lui. Ils étaient tous bouche bée, perturbés par le spectacle. Lysga lança des regards un peu partout avant de se lever et de courir hors de la pièce. Cody recouvra ses esprits puis courut vers Brad qu'il tenta de relever.

— Brad, ça va? Pardon.

Brad se redressa difficilement puis poussa le bras de Cody.

— Ne me touche pas.

Il se leva, tira Solenna par le bras puis sortit de la pièce. Le regard de Cody se posa sur Luz et Hongust. Cody se passa une main nerveuse dans les cheveux avant de sortir de la pièce et de se rendre dans la chambre d'hôpital où se trouvait son père, encore dans les vapes.

 Il observa ses mains, ne comprenant pas ce qui s'était passé quelques minutes plus tôt. Il prenait conscience du fait de la détérioration de ses rapports avec son meilleur ami, pour leurs enfants. Puis son regard se posa sur ce père qu'il ne voulait pas perdre, enfin il soupira.

*

Solenna nettoya du revers de la main les larmes qui mouillaient ses joues lorsque son père la poussa violemment dans le salon de sa résidence dans la cité. Elle tremblait de peur, mais aussi de peine.

— Pourquoi me fais-tu ça Solenna? Pourquoi? Je t'ai dit de l'éviter, s'emporta Brad, en fureur, toujours sonné par le choc électrique qui l'avait secoué quelques minutes plus tôt.

— Pardon papa, intima-t-elle en observant le sol, le nez rougi.

Brad la scruta durant un instant, essayant de se contrôler. Il avait toujours été le bourreau de service, celui qui voyait le bon côté en toute situation. Pourtant, en ce moment-là, il n'y avait que de la colère et de la rancoeur en lui. Mais surtout de la peur. Il admirait sa fille, qu'il aimait si fort. Si fort qu'il pourrait imposer toutes la barrières possibles entre son meilleur ami et lui pour protéger sa fille.

— Lena, commença-t-il dans un soupire. Puis il marcha lentement vers elle. Je t'en supplie, dis-moi que tu ne ressens rien et absolument rien pour lui.

Solenna leva son visage vers son père, ses grands yeux verts brillaient. Elle se mordit l'intérieur des joues pour ne pas encore plus pleurer. La marque rougeâtre autour de son cou la brûlait, mais encore plus celle sur son coeur.

— Tu sais que Lysga n'est pas bien pour toi, n'est-ce pas? Tu sais qu'il te déteste quasiment non? continua Brad en plaçant sa main sur la joue de sa fille.

Solenna resta muette comme une taupe, ne sachant quoi dire. Elle avait l'impression d'être la seule personne qui croyait en Lysga, encore que lui-même ne le faisait pas. Malgré tout, elle croyait fermement qu'il était une bonne personne. Mais dans son for intérieur elle savait qu'elle ne pouvait pas s'éloigner de Lysga. Une force invisible la poussait sans cesse vers lui, même pas quand il la blessait aussi fort, elle se sentait obligée de rester près de lui.

— Lena, je suis désolée. Mais si tu t'approches encore de lui, tu resteras enfermée dans la maison du village pour un bout de temps, histoire de te remettre les idées en place, trancha finalement Brad.

Solenna avait toujours été une parfaite soumise, fragile et sensible. Mais elle voulait se rebeller cette fois-là, elle ne laisserait pas Lysga tomber.

— Papa, qui sommes-nous pour juger? se contenta-t-elle de souffler.

— Des êtres vivants. Et nos actions nous définissent. Personne ne juge Lysga. Il se juge lui-même, rétorqua Brad.

— Tu ne comprends pas papa, que je ne peux pas? Que je dois l'aider?

— Mais l'aider pour quoi? C'est un cas perdu.

Brad n'avait jamais pensé ainsi. Mais dès qu'il s'agissait de sa fille, il voyait tout en rouge, tout dans le sens qu'il voulait. Solenna secoua sa tête, exaspérée puis marcha vers la sortie.

— Reviens ici, ordonna Brad en la retenant par le bras.

Elle l'arracha violemment et dès que Brad tenta de lui saisir de nouveau le bras, un éclair lumineux l'éblouit. Dès que l'éclair se dissipa, Solenna avait déjà décampé. Brad resta longtemps là, à observer le vide. Ils avaient toujours trop fragilisé Solenna, et peut-être exagéré en la considérant comme un bébé qu'ils pouvaient diriger. Ils en avaient oublié qu'elle était un être vivant, une future femme qui pouvait prendre des décisions.

Solenna marchait rapidement dans les couloirs pour enfin immerger dans la chambre. Elle refoula difficilement les larmes qui la menaçaient. Elle était blessée par le fait que tout le monde veuille toujours qu'elle fasse ce qu'ils veulent, elle n'avait jamais réellement eu le droit de s'exprimer. Elle se laissa glisser sur le sol puis ouvrit ses mains. 

Le croissant de lune apparut entre ses paumes puis s'éleva dans les airs. Elle le dirigea avec son regard un peu partout dans la pièce. Elle était faible, trop faible, elle le savait. Lysga ne ferait jamais attention à elle si elle ne trouvait pas un moyen de lui montrer qu'elle était à sa hauteur, qu'elle pouvait le dominer. Il était comme un animal sauvage, qui devait reconnaître la suprématie du maître pour se soumettre.

Elle se releva, nettoya ses larmes puis se rendit dans la salle d'entraînement. Là-bas, elle plaça d'abord ses mains dans la machine pour les gants mais s'avisa. Elle allait le faire à mains nues. Il fallait saigner, trimer pour savourer. Elle se plaça en face du sac de frappe puis lança un coup. Un gémissement de douleur s'échappa de sa gorge, elle serra les dents pour ne pas abandonner. Elle lança un autre direct, puis un uppercut, puis un autre direct, enfin une série de coups. 

Le bruit des coups qui cognaient le sac de frappe résonnait dans la salle, mêlés aux gémissements de douleur qui déchiraient sa gorge. La douleur était intense, ses jointures saignaient, piquaient et des gouttes de sang s'étalaient sur le sol. Luz qui venait de pénétrer dans la pièce s'arrêta au seuil, l'observant, incrédule. Elle savait ce que tentait de faire Solenna. Se convaincre qu'elle n'était pas le petit ange que tout le monde pensait, la faible. Elle voulait devenir plus forte.

Lorsque Solenna s'arrêta enfin pour reprendre son souffle, un sanglot la secoua mais elle le repoussa violemment. Je n'ai pas le droit, pas le droit d'être faible, s'intimait-elle en respirant bruyamment.

— Tu es forte, tu sais?

Elle fit volte-face à Luz qui marchait vers elle.

— Il n'y a qu'une personne forte pour tenter de comprendre les autres, les comprendre réellement malgré leurs fautes. Il n'y a qu'une personne forte pour épauler des personnes qui ne sont même pas reconnaissantes. Parce qu'une personne forte fait ce qu'il faut parce qu'il le faut, pas parce qu'elle attend quelque chose en retour.

Solenna cligna plusieurs fois des yeux pour ne pas pleurer. Les gens la traitaient de pleurnicharde. C'était peut-être pour ça que Lysga ne la respectait pas.

— Pleure si tu le veux. On se fout royalement de ce que diront les autres, continua Luz de sa voix cajoleuse.

Elle prit une main de Solenna dans la sienne puis une lumière apparut au point de contact puis elle fit la même chose avec l'autre, les plaies se cicatrisèrent. Ensuite, elle nettoya les larmes de Solenna avec une douceur qui les surprit toutes deux.

— Mais ne les laisse pas croire que tu es faible et surtout pas Lysga. La prochaine fois qu'il ose de traiter ainsi, bats-toi.

Solenna fronça les sourcils en entendant la phrase de Luz.

— Oui, j'ai bien dit ça. Il a besoin qu'on lui remette les idées en place et si tu veux améliorer ton combat et bien sûr, pas pour tabasser mon fils, mais pour mieux te sentir, je suis là. D'accord?

Solenna esquissa un léger sourire.

— Grazie glami ( Merci déesse), remercia-t-elle Luz.

— De rien Lena.

Puis Luz la prit doucement dans ses bras.

— Tu penses que Cody et mon père se réconcilieront? demanda Solenna d'une petite voix.

— J'espère, souffla-t-elle.

Le problème était simple: Lysga. Et tant qu'il ne changerait pas d'attitude, rien n'irait mieux. Pourtant, rien ne prouvait qu'il le ferait, il semblait au contraire aller de mal en pire.

*

Lysga qui s'était échappé trop tôt avait décidé de revenir pour s'excuser, pour de vrai cette fois. Lorsqu'il passa près de la salle d'entraînement, il vit Solenna dans les bras de sa mère. Le spectacle le rendit jaloux, nerveux, coléreux et surtout brisa toute envie de repentance. Il serra si fort les poings que ses paumes rougirent. 

Des sillons noirs se dessinaient à nouveau dans ses yeux. Il n'avait plus qu'une chose à faire. Cette chose, il aurait dû la faire depuis le début. Elle avait dit que c'était la solution. Il marcha rapidement vers la sortie, vers son nouveau destin, le choix qu'il pensait le meilleur. Il ferait ce qu'il avait décidé dix années plus tôt: servir le mal. 





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Lalie


L'ŒIL BLEU