Chapitre 7: Le don de sang

Ecrit par Lalie308

Le portail de la cité avait été déverrouillé depuis la mort de Peter Jones. Les entrées et sorties étaient devenues libres. Lysga marchait à pas de course dans la forêt, respirant bruyamment, les poings serrés et la mâchoire contractée. Son coeur battait trop fort dans sa poitrine, au point où il le sentait percuter incessamment son torse.  Une bile acide brûlait sa trachée, un  poids alourdissait son estomac.

            — Tu as l’air sacrément amoché, remarqua Fiona qui venait d'apparaître à ses côtés.

            Les lèvres fendues de Lysga saignaient, son nez cassé était rougeâtre et des hématomes ravageaient son visage. Il serra les poings, ne répondant pas à Fiona qui marchait toujours près de lui. Il pensait l’avoir assez suppliée, il avait déjà trouvé mieux ailleurs. Il fit violemment volte-face à Fiona qui fut un peu prise de court, mais ne perdit pas son calme habituel. Elle croisa ses bras sur sa poitrine pour observer Lysga dont le torse s’élevait et s’affaissait rapidement.

            — Je t’ai juste demandé des pouvoirs. Tu en as donné à mon grand-père et pourquoi pas à moi? gronda-t-il.

            Fiona roula des yeux, le souvenir laissant un goût amer dans sa bouche.

            — Tu ferais mieux de faire profil bas et de te calmer avec tes histoires de pouvoirs, rétorqua-t-elle, ça pourrait finir très mal.

            Ce fut au tour de Lysga de rouler des yeux.

            — Tu me le dis toi? Toi qui as fait tout ça pour le pouvoir? répliqua-t-il sèchement.

            — Je ne suis pas toi ok?

            Lysga se retourna violemment puis lança un coup de poing sec dans un des arbres. Ses jointures se déchirèrent instantanément. Il asséna plusieurs coups de poing à l’arbre qui était progressivement maquillé de son sang. Il tentait de se libérer de tout ce qui lui arrivait. Chaque soir, il avait fait le même rêve dans lequel Elle était présente, et chaque fois, les forces en lui grandissaient, le tourmentaient. La nuit dernière, il avait fait le dernier pas vers elle, avant que le décor ne se fonde. Depuis, il voyait flou, il était comme étranger à sa personne. Un feu intense brûlait son être, un feu qu’il tentait désespérément d’éteindre. Fiona se contenta de le fixer, légèrement prise au dépourvu. Mais elle comprit ce qui arrivait à son petit-fils, il suivait le même chemin qu’elle. Elle se rappelait les souffrances qu’elle avait endurées et encore, celles qu’elle endurait. Lysga se déchaînait sur l’arbre en grognant.

            — J’en ai marre, hurlait-il.

            Les ombres défilaient sur son visage tandis qu’il se mordait si fort les lèvres qu’elles saignaient. Il s'arrêta brusquement, le sang qui jaillissaient de ses jointures, son pouls qui s’accélérait puis s'arrêtait.

            — Je vais chez Elle, annonça-t-il dans un soupire.

            — Elle? demanda Fiona en fronçant les sourcils.

            — Galista, murmura-t-il en fixant le sol.

            Fiona eut un mouvement de recul. Puis elle se rendit compte d’où ils étaient, de l’arbre sur lequel Lysga venait de déverser tout son ressentiment, de toute cette aura maléfique que renvoyait cet arbre qui ne semblait pourtant pas bien différent des autres.

            — Quoi? Mais non, n’ose pas, le prévint-elle d’une voix trop inquiète.

            — Je n’ai jamais demandé ton avis.

            Puis il se retourna vers l’arbre qu’il observa longuement, il passa quelques gouttes de son sang sur l’écorce, en plus du sang qui s’y trouvait déjà puis une ouverture d’eau fendit l’arbre. Il lança un dernier regard à Fiona avant d’y entrer. Celle-ci se mordit les lèvres, pesant le pour et le contre, mais entra finalement, puisque d’une manière ou d’une autre, elle devrait confronter Galista un jour ou l’autre. L’ouverture d’eau se fendit dans un mur blanc d’où Fiona et Lysga émergèrent. La pièce dans laquelle ils apparurent était d’un blanc immaculé. Ils parcoururent du regard la pièce. Un énorme trône siégeait dans un coin de la grande pièce; le trône portait des têtes nelcaliennes en bois qui avaient la bouche ouverte, comme si elles hurlaient en silence. Au centre de la pièce trônait un petit tronc d’arbre blanc. La blancheur de la pièce en était déstabilisante. Sur le trône, était assise la femme qu’avait vue Lysga dans ses rêves. Sa capuche recouvrait son visage qui était baissé, ses doigts claquaient les rebords du trône et le bruit s’infiltrait harmonieusement dans le silence.

            Elle se leva lentement, puis marcha vers eux, pieds nus. Ses pas étaient lourds, et dégageaient une aura des plus maléfiques. Fiona resta en arrière, les yeux rivés au sol. Lorsque la femme, Galista, s'arrêta enfin devant Lysga, un sourire étira ses lèvres noires gercées qui étaient la seule chose visible de par son accoutrement. Elle leva lentement sa main, la peur se montrait légèrement dans le regard de Lysga. Elle posa tendrement la paume de sa main contre la joue de Lysga. Le contact de la main froide avec sa peau lui provoqua des frissons, des images rapides défilèrent dans sa tête: chacune des nuits où il s’était rapproché de Galista. Ses blessures se refermèrent lentement puis disparurent. Galista retira sa main de son visage puis remonta ses mains sur le sien. Elle retira d’un geste rapide la capuche, dévoilant enfin la totalité de son visage. Les prunelles de ses yeux étaient d’un rouge éteint, des marques différentes de celles de Fiona recouvraient ses paupières, une marque se plantait au centre de son front, la même que celle posée sur les paupières de Fiona. Deux cornes avec au centre un coeur.

            — Abbrazzu gilma, commença-t-elle de sa voix basse, mais métallique.

            Le sourire sur ses lèvres s’agrandissait tandis qu’elle observait Lysga. Puis elle posa son regard sur Fiona qui esquissa un petit pas en arrière, des frissons parcourant son corps. Galista marcha jusqu’à Fiona qui déglutit difficilement.

            — Fiona… se contenta-t-elle de souffler avant qu’une série de ricanements ne s’échappe de sa gorge.

            Elle passa son index sur le visage de Fiona dont le coeur battait toujours la chamade. Elle fronça les sourcils face à la nouvelle couleur des yeux de Galista et à la transformation complète de son visage. Galista faisait très jeune pour les siècles qu’elle portait sur ses épaules, beaucoup trop d’ailleurs en comparaison aux autres nelcaliens.

            — Picculu latru ( Petite voleuse), siffla-t-elle enfin.

            Elle passa ses doigts dans les cheveux de Fiona qu’elle scrutait du regard, sourire maléfique aux lèvres.

              Heureusement que mes pouvoirs sont intarissables, termina-t-elle enfin. J’ai gagné en puissance depuis. Bande d’idiots, ils ne savent même pas que j’ai quitté la prison.

            Puis Galista se retourna puis marcha de nouveau jusqu’au tronc d’arbre en parlant.

            — J’ai toujours été là, depuis la mort de Peter. Depuis tout. Je vous connais par coeur.   Elle se  retourna brusquement et ses yeux s’agrandirent.

            — Surtout toi Fiona, dit-elle d’une voix forte tandis que Fiona se fit violemment projeter contre un mur en gémissant.

            Elle se releva difficilement tandis que Galista laissa échapper un gloussement de satisfaction avant de reprendre sa marche.

            — Je te laisse d’abord ce que tu me dois, j’aurai besoin de toi… Elle se retourna vers Lysga. Et de lui.

            Elle marqua une longue pose, se posa de l’autre côté du tronc d’arbre puis posa de nouveau son regard sur Lysga. Fiona avait l’air d’un petit chien en la présence de Galista, son air arrogant habituel s’effaçait, elle n’osait pas croiser le regard de Galista, parce qu’elle connaissait Galista mieux que quiconque.

            — Lysga, je suis contente que tu sois là, reprit-elle en marchant de nouveau vers lui en souriant. Tu as fait le meilleur choix possible. Tu auras tes pouvoirs, et bien plus, fit-elle tendrement.

            Lysga ne prononça pas un seul mot, une lutte intérieure se produisait en lui. Il avait soudainement envie de retourner auprès de sa mère. Galista l’effrayait et il ne voulait pas mal finir.

            — Voyons, n’aies pas peur, ajouta-t-elle en retirant une mèche de cheveux du front de Lysga qui était en sueur malgré la température basse de la pièce.

            — Je n’ai pas peur, répondit-il à travers un soupire.

            — Bien. Tu as sept étapes à passer avec d’atteindre la suprématie. Chacune d’elles te rapprochera du but ultime. Es-tu prêt?

Lysga hocha maladroitement la tête.

— Maiò (Super).

Elle lança un regard à Fiona, toujours en souriant. Celle-ci détourna le sien.

— Première étape: duna sangue ( don de sang).

Elle tendit sa main à Lysga qui l’observa d’abord avant de finir par y glisser la sienne. Ils marchèrent jusqu’au tronc d’arbre. Galista plaça ses mains de part et d’autre du visage de Lysga. Elle ferma ses yeux puis se mit à réciter des incantations. Ses mains devinrent rouges tandis que les yeux de Lysga se révulsèrent vers l’arrière de son crâne. Elle retira enfin ses mains puis recula. Elle passa sa main au dessus du tronc, une langue de feu en sortit.

  Tu dois tenir ça pour sept secondes, annonça-t-elle, vas-y.

Lysga lui lança un regard puis observa la langue de feu.

  Si tu tiens à tes pouvoirs, tu dois oublier la peur et la douleur.

Lysga ne pouvait pas reculer, il était comme déjà emprisonné, aucune marche arrière n’était possible. Il tendit sa main droite tremblante vers la langue de feu sous le regard insistant de Galista qui souriait toujours. Dès que sa paume frôla la langue de feu, une douleur sourde se répandit dans son corps. Il pouvait sentir sa paume se calciner au contact avec l’objet. Paradoxalement, une énergie inconnue grandissait en lui, les forces sombres se multipliaient. Il se mordit si fort les lèvres pour ne pas crier, que le gout âcre du sang se répandait dans sa bouche. Il était esclave, esclave de Galista. Lorsqu’il retira enfin sa main, elle tremblait tandis qu’une boursouflure énorme siégeait dans sa paume.

— Tu es maître des quatre éléments Lysga. C’est ton pouvoir. On va réveiller chacun des quatre éléments, annonça Galista.

Lysga posa son regard absent sur elle, se retenant de pleurer tellement la douleur était intense.

            — La terre, c’est fait. Le feu, aussi. A présent, le don même du sang.

            La langue de feu s'enfouit de nouveau dans le tronc tandis qu’un poignard en forme de corne en émergeait.

            — Seconde étape, tu dois faire une croix sur la faiblesse, une croix dans chacune de tes paumes.

            Lysga observa le poignard, la bouche entrouverte, au bord des larmes. Il lança un regard rapide à Fiona qui le suppliait en silence d'arrêter. Mais elle savait que même avec toute la volonté du monde, Lysga ne pourrait plus se retourner. Il était fait comme un rat. Galista leva un sourcil. Lysga déglutit difficilement, mais finit par se saisir de l’arme avec sa main brûlée. Lorsque la tête du poignard toucha la paume de sa main, il se mordit violemment la lèvre pour ne pas hurler. Il traça un premier trait le long de sa paume gauche en tremblant. Le sang qui jaillissait tombait directement sur le tronc dont la surface s’assombrissait. Il bara le premier trait d’un second. Il observa sa main ensanglantée, une larme coula le long de sa joue. Avec le poignard, il traça une première fois dans sa paume droite, mais cette fois-ci un hurlement déchira sa gorge, il tomba à genoux.

              Continue, insista Galista.

            Il plaça la lame en position pour le dernier trait, à bout de force.

            — Ça suffit, hurla Fiona en se jetant sur Galista.

            Celle-ci arrêta sans gros effort le coup de pied Fiona qu’elle jeta de l’autre côté de la pièce. Lysga traça enfin le dernier trait, le scella d’un dernier cri, long cri. Puis il tomba au sol en tremblotant. Fiona se leva difficilement.

            — Libère son esprit. Je ne te laisserai pas lui faire ce que tu m’as fait, gronda-t-elle.

            — Que t’ai-je fait? Te donner enfin le pouvoir et la suprématie?

            Galista bougeait sa tête de gauche à droite, le corps de Fiona suivait son mouvement, pour se fracasser contre les murs. Elle laissait échapper des gémissements. Elle tomba enfin sur le sol tandis que Galista marchait vers elle.

            — Plus ingrate que toi, je n’en vois pas. Je t’ai tout donné traîtresse.

            Galista la fixa, les os de Fiona se tordaient tandis qu’elle hurlait. Lorsqu’elle ferma ses yeux, une série d’images, de souvenirs, la frappait de plein fouet. Elle avait commis la plus grosse erreur de sa vie, et elle en paierait constamment le prix.

*

Des années avant la guerre sur Terre, la paix régnait encore sur le village de Nelca, une paix qui ne connaissait pas de tourments, pas d’humain et encore moins de guerre. L’élite divine était un trio dont la plus jeune, Fiona avait récemment été envoyée sur Nelca par la lune. Elle n’inspirait que tendresse et attention de la part de ses frères et de son peuple, parce qu’elle était la pierre manquante du trio divin. Plus elle grandissait, plus sa différence par rapport aux autres dieux se faisait ressentir: elle était plus discrète, moins souriante, asociale. Elle préférait se recueillir dans des coins que faire partie de la masse. Mais plus important, elle avait peur de s’approcher des autres, de ne pas être à la hauteur, de ne pas atteindre la barre déjà placée haute par Fabos et Célesta.

Plus remarquait-elle que les autres ne l’aimeraient que si elle était celle qu’ils voulaient, plus ce vide grandissait en elle, et plus elle se renfermait. Il y avait ces fois-là où lorsqu’elle se tenait près d’une Célesta souriante, les autres l’ignoraient, et Célesta emportée par la conversation en oubliait même sa présence. Il y avait également ces fois-là où elle se dissimulait entre des murs, pour suivre des yeux la gaieté du peuple, sans ou avec elle, ils étaient heureux, ils ne se souciaient pas vraiment d’elle.

Un soir, alors qu’elle se trouvait avec Célesta dans le patio, cette dernière fredonnait les hymnes nelcaliens, sourire aux lèvres tandis que sa jeune soeur adossée à un mur, avait le regard fixé sur le sol. Célesta lui lança un regard compatissant, mais n’osa jamais lui demander ce qui n’allait pas. Pour elle et pour tous les autres, ce n’était que le caractère de Fiona. Fiona leva soudainement le regard vers Célesta, ouvrit sa bouche pour parler.

— Célesta, je dois te dire….

Mais la referma aussitôt qu’une  nelcalienne entra précipitamment dans la pièce.

            — Glami, Glami, les Jils donnent un spectacle à couper le souffle, annonça-t-elle en goguette.

            Le visage de Célesta s’illuminait encore plus, lorsqu’elle se tourna vers Fiona.

            — Tu viens? lui demande-t-elle, tout sourire aux lèvres. Après on parlera d’accord?

            Fiona posa son regard meurtri sur elle, mais s’efforça d’esquisser un sourire faux, tandis que des larmes menaçaient de couler, elle se mordait l’intérieur des joues puis parla difficilement:

            — Non, je… je suis fatiguée.

            Célesta la scruta pendant un moment, mais finit par s’en aller en lui faisant promettre de prendre soin d’elle. Fiona traina les pas jusqu’à sa chambre puis se jeta au pieds de son lit, en larmes. Elle avait ce feu qui la consumait de l’intérieur, un mal qui ne guérissait pas et qu’elle voulait partager, mais aucun d’entre eux ne le voyait. Pour elle, les nelcaliens vivaient dans un pays de bisounours, un monde dans lequel ils ne souhaitaient jamais voir la réalité en face. Des sanglots se succédèrent, le son sanglant se noyait dans l’intimité de sa chambre. Soudain, elle sentit un vertige se saisir d’elle puis des brûlures sur le bout de ses doigts.

            — Fiona… susurra une voix métallique et sombre.

            Elle releva son menton, parcourut du regard la pièce, mais ne vit personne.

            — Fiona, persistait la voix.

            — Qui… Qui êtes-vous? bafouilla-t-elle en se levant maladroitement.

            — Ton amie, répondit la voix féminine.

            Fiona fronça les sourcils, se mordit la lèvre inférieure en serrant les poings.

            — Je… je ne comprends pas…

            — Quel est ton rêve le plus cher? demanda la voix.

            Fiona ne répondit pas tout de suite, elle regarda le mur en face d’elle avec la tristesse noyant son visage puis se faisant remplacer par la colère. Elle fronça durement les sourcils en sifflant entre ses dents:

            — Qu’ils s'agenouillent tous devant moi et implorent ma pitié.

            Dès qu’elle prononça sa phrase, le décor autour d’elle changea, elle avait pied sur des nuages, comme dans le ciel, avait le regard perdu dans le vide, se demandant où elle se trouvait. Galista, emmitouflée dans sa tenue marcha vers elle, sourire aux lèvres.

            — Je réaliserai tes rêves, lui souffla-t-elle.

            — Qui es-tu? lui demanda Fiona en reculant.

            — Je m’appelle Galista.

            Fiona sursauta, tandis que son cœur battait fort dans sa poitrine.

            — G… Galista? La…

            — Oui, l’ancienne gardienne des nelcaliens. Mais attention, ils m’ont renvoyé parce que je n’étais pas comme eux, répondit hâtivement Galista ce qui adoucit Fiona.

            — Comment? Célesta m’a déjà tout raconté.

            — Célesta est une menteuse.

            Puis elle raconta à Fiona comment elle avait eu des envies différentes des autres nelcaliens, comment elle avait des rêves pour eux, mais comment on l’avait fait exiler comme un démon. Puis elle laissa Fiona lui présenter toutes ses blessures, ces blessures qu’aucun nelcalien n’avait voulu voir. Galista lui proposa des pouvoirs, qu’elle accepta sans hésitation.

Elle avait fait un rituel, de sept étapes, chaque étape plus douloureuse l’une que l’autre. La première étape avait été la même que celle de Lysga, la douleur fut intense, insupportable, mais elle ne pouvait plus faire arrière. Le don de sang l’avait rendu esclave, esclave de Galista et de toute autre puissance à laquelle elle avait laissé le champ libre. Pourtant, à la quatrième étape, elle avait abandonné, manipulé Galista qui lui avait cédé des pouvoirs pour retourner sur Nelca, sur Nelca pour enfin accomplir sa vengeance. Elle avait pensé à laisser tomber, après avoir vécu le supplice de cette nouvelle puissance qui lui était donnée, mais les forces invisibles la contrôlaient, elle était leur, pour toujours.

*

            Lorsqu’elle ouvrit à nouveau ses yeux, Fiona découvrit Galista debout près d’elle, sourire aux lèvres. Lysga venait de se lever, en sueur et en sang.

            — Tu as de la chance que je sois de bonne humeur, siffla sévèrement Galista.

            Fiona se releva lentement, s’appuya sur ses coudes, mais Galista lui flanqua un coup de pied dans la côte, provoquant un gémissement à Fiona qui s’écroula à nouveau.

            — Je sens pourtant que tu me trahiras à nouveau, et cette fois, (les os de Fiona se tordaient)je ne suis pas sûre de vouloir prendre ce risque.

            — Laissez là.

            Elles posèrent toutes deux leurs regards sur Lysga qui, la respiration saccadée, les observait.

            — S’il vous plaît, ajouta-t-il.

            — Bien, si Lysga le demande, chantonna Galisa en marchant vers lui. Maintenant, la troisième étape. Tu la comprendras demain à l’aube.

            Lysga ne rétorqua rien, se contentant de l’observer. Dès que Fiona et lui quittèrent l’endroit, Fiona les fit apparaître dans la chambre de Lysga dans le village de Nelca puis disparut aussitôt, sans un mot. Lysga serra les dents puis observa ses mains ensanglantées avant de tomber à genoux près de son lit, le front sur ce dernier. En lui, les puissances s’agitaient, faisaient bouillir son sang de rage, de rage encore et encore. Il se sentait comme une marionnette, l’ombre de sa personne. Il se demandait si Fiona se sentait de la même manière, si elle avait vécu tout cela. Des larmes mouillaient ses joues, se mêlant à ses lèvres fendues. Il sanglota, emprisonné dans l’ombre des ténèbres. Lysga le savait, il savait qu’il n’y avait plus de retour possible. Il s’allongea sur le sol, en sueur, tenant d’oublier la douleur qui se répandait dans tout son corps, puis ses paupières se fermaient doucement, pour faire taire les ténèbres, enfin.

L'ŒIL BLEU