
117: entre nous
Write by Gioia
***Océane Ajavon***
Cinq jours de silence
radio du côté de Mr « je veux
être le papa et le mari que je n’ai pas pu voir mon père être ». Mon optimisme est retombé comme un ballon de
baudruche. Ai-je besoin d’un homme quand j’ai déjà mon père de toute façon ? Et de toute façon, j’ai assez à faire pour
garder mon esprit occupé. Pour l’heure, je vais chercher Elikem dont l’avion
atterrira sous peu. Deux jours plus tôt, elle m’expliquait qu’elle considérait
l’option de faire une descente rapide au pays et nous voilà.
— Han ! je m’exclame quand elle apparaît dans mon
champ de mire suivi de bae af.
Sa mine sombre me dit
de ne pas commencer alors je garde mes lèvres scellées bien que mon cerveau
cogite à une vitesse fulgurante. Le type me salue de la tête, adresse un « à bientôt » à
Elikem et prend son chemin.
— C’est la faute
de Dara, elle marmonne entre ses dents une fois que nous sommes seules.
— Pardon, je ne
pouvais pas le retenir, je dis après avoir éclaté de rire. Comment elle est
arrivée à cet exploit ?
— J’ai commis
l’erreur de lui mentionner mon voyage et le lendemain, elle m’annonçait que le
type a décidé d’avancer son billet pour qu’on voyage ensemble.
— Aww, je crois
qu’il en pince un peu pour toi, c’est trop__
— Intrusif ! On n’est pas amis. Il y a moins d’un mois, il
n’était même pas au courant de mon existence et en si peu de temps, il prend
des libertés comme s’il en avait le droit.
— C’est juste un
vol Elie.
— Bien avant
l’épisode du vol, il m’a interrogé sur ma relation avec Ray !
— Uh oh, je dis
un peu inquiète.
— Et il ne s’est
pas contenté de se mettre sur le même vol que moi. Il a carrément pris une
place à côté de la mienne et pour enfoncer le clou, ses yeux doivent toujours
loucher sur mes affaires !
—OK. Tu ne lui as pas
expliqué que tu n’appréciais pas son côté un peu trop entreprenant ? Comme tu dis, il ne te connaît pas. Peut-être
qu’il se base sur votre passé, genre ancien camarade de classe et c’est ce qui
l’encourage ?
— Regarde toutes
les excuses que tu viens de lui trouver, mais tu refuses d’appeler ton gars.
— Inh, gardons la
balle dans ton camp, on ne va pas changer de sujet. As-tu explicitement dit au
mec que tu n’aimes pas quand les choses vont vite parce que tu as besoin de
tout contrôler ?
— Je n’aime pas
tout contrôler. Je n’aime simplement pas qu’on mette la charrue avant les
bœufs.
— Ouais, une
autre façon de dire que tu as besoin de garder le contrôle quoi. Bref, ça ne
répond pas à ma question.
— Je n’ai rien
dit. On ne s’est pas parlé.
— De Nairobi
jusqu’à Addis Abeba, incluant l’escale pour arriver à Lomé ? Pendant près d’un peu plus de 9 h, vous
n’avez pas parlé ? je
répète estomaquée.
— Je n’allais pas
lui donner la joie de réagir et il préférait loucher de temps en temps sur ma
tablette, elle m’explique comme si c’était tout ce qu’il y a de plus logique.
Donc il y a un homme qui
peut persister dans l’entêtement comme elle ? Pour un peu, j’aurais contacté ce type pour
le conseiller sur comment mieux aborder mon amie, mais je tiens à ma vie. En
plus, quelque chose me dit que le gars ne serait pas réceptif à mon initiative.
Mais je suis certaine qu’il arrivera à pénétrer ses barrières s’il ajuste sa
façon de l’approcher.
— Et Romelio ? Comment ça avance avec lui ? je la relance sur un sujet moins épineux.
— Il va bien.
C’est tout ce qu’il m’a dit et continue de me dire, donc me voilà.
— Tu as bien
fait. Les choses comme ça se règlent mieux face à face, je l’encourage.
L’ambiance chaleureuse
qui nous accueille à notre arrivée chez les Lare Aw m’aurait fait passer la
nuit là-bas. J’ai dit au revoir presque cinq fois avant de me décider à monter
dans mon véhicule et sur un coup de tête je me décide à appeler Mr le fuyard,
espérant qu’il a une bonne excuse même si je ne vois pas laquelle peut le
justifier. S’il ne décroche pas__
— Allô ? répond une voix masculine qui n’est pas la
sienne.
— Euh, je suis
sur la ligne d’Eben ?
— Oui, c’est son
frère. Il est indisposé pour le moment. Pouvez-vous rappeler dans environ une
heure ?
— C’est Océane.
Est-ce que je parle avec Fabien ?
— Oui. C’est
l’amie que j’ai rencontrée à la quincaillerie la dernière fois ?
— Exactement. Je
vais rappeler dans une heure dans ce cas.
— OK, merci.
On se laisse sur ça.
Je rentre chez moi et une heure plus tard, j’appelle, mais c’est encore Fabien
qui décroche.
— Hum, c’est
qu’il est vraiment malade depuis la veille donc il n’est pas en mesure de
parler.
— Il est où ? je demande sur un ton inquiet.
— Nous sommes à
la maison.
— Il a vu un
médecin ?
— Oh ce n’est pas
une nouvelle maladie. Il saigne juste du nez, mais ça va lui passer.
— Il saigne du
nez et c’est en restant__, bref, tu peux m’indiquer votre maison pardon ?
Fort heureusement, ils
vivent derrière une école que je peux facilement trouver en questionnant les
gens au besoin une fois que je serais dans leur quartier. Avant de sortir de la
maison, j’appelle l’assistant médical qui s’occupe de papa quand ce dernier ne
veut pas aller à l’hosto. Le type est prêt et à son portal à mon arrivée.
Ensemble, on se rend chez Eben. Maison moyenne, couleur beige foncé, toit en
terracotta, tel que Fabien me l’a décrit et c’est lui qui ouvre après que j’ai
sonné. Il nous dirige vers Eben dont la vue m’horrifie. Il est recourbé et
saigne abondamment du nez. Je ne parle pas de la quantité de sang dans le
sable. La femme de son frère lui passe sur la nuque avec ce qui ressemble à du
glaçon et lui-même en tient avec un avec lequel il masse les côtés de son nez.
Sans tarder, l’assistant se met au travail.
— Normalement ça
s’arrête et reprend, son frère nous explique.
— Fais tout pour
que ça s’arrête s’il te plaît, j’implore l’assistant.
Comme l’a dit son
frère, petit à petit, le saignement ralentit et finit par s’estomper. Il
remonte lentement la tête selon les instructions de l’assistant et le type ose
me sourire, comme s’il n’était pas potentiellement à l’article de la mort. On
le fait s’asseoir, et il pince l’arête de son nez pendant une dizaine de
minutes tout en respirant de la bouche.
— Ça va ? Tu te sens bien ? Réponds par la tête, ne parle pas, je lui dis,
mais il choisit de désobéir.
— Je vais bien
Querida.
L’assistant le soumet
à une série de questions d’une trentaine de minutes et conclut qu’il devrait
remplacer l’aspirine par du paracétamol.
— C’est tout ? son frère s’étonne.
— C’est un début.
S’il saigne à nouveau avec le paracétamol, je recommande fortement qu’il se
rende à l’hôpital.
— On va y aller
de toute façon, j’interviens d’une voix ferme.
L’assistant nous donne
quelques conseils additionnels et c’est au moment de prendre congé qu’Eben me
retient.
— Je vais le
déposer, il me chuchote.
— Parce que tu
crois qu’actuellement tu ressembles à quelqu’un qui peut prendre le volant ?
— Il peut prendre
un taxi ? Je ne veux pas que tu
partes, il me chuchote à nouveau et son air affaibli touche mon côté maternel.
— Je vais
revenir. Il n’habite pas si loin d’ici.
Il hoche la tête et
les minutes suivantes je vais déposer comme convenu l’assistant à qui je remets
un dix mille francs en remerciement puis je fais un saut dans une pharmacie
pour acheter du doliprane avant de rentrer chez lui. J’entre au salon quand il
rassure sa belle-sœur qu’il se porte mieux et qu’elle peut aller se coucher.
— Voilà ma femme
qui est là au besoin, il annonce sans demander la permission.
-Ah__euh__OK, bonsoir
madame, la belle-sœur qui était confuse me répond quand même.
— Bonsoir, je
réponds tout aussi mal à l’aise même si une partie de moi trépigne de joie
qu’il prenne les bonnes libertés avec moi.
— On fera les
présentations demain comme il se fait tard, il conclut pour nous.
Son frère nous
rejoint, le questionne aussi et une fois rassuré qu’il se porte mieux, les deux
se dirigent vers ce qui ressemble à l’arrière de la maison, nous laissant seuls
au salon.
— Tu as mangé au
moins ? je l’interroge avant de
m’asseoir à ses côtés.
— Sans aucun
appétit, mais Bijou ne démordait pas alors je me suis plié.
— Très bien,
puisqu’apparemment il faut te forcer, je lui renvoie sur un ton sarcastique.
— Quelque chose
me dit que tu m’en veux.
— Hum, j’ai mieux
à faire, je lui dis en feignant le désintérêt et compose un message à Elikem
pour lui proposer de repousser notre rdv de demain, parce que je ne risque pas
de quitter tôt d’ici.
— Tu causes avec
qui ?
— Ton remplaçant
qui a pris de l’avance quand tu faisais on ne sait quoi pendant cinq jours.
Non seulement il bouge
mes bras pour se coucher sur mes cuisses, mais en plus il colle sa tête à mon
ventre.
— Tu n’as pas
pitié d’un homme qui ne tient plus sur ses jambes ? Je n’ai pas la force de repousser un
concurrent à l’heure actuelle.
— Tu avais pitié
de ta personne peut-être ?
Comment tu n’as pas remarqué depuis ton adolescence que les jours après avoir
consommé de l’aspirine, tu saignais toujours du nez ? Et même si tu me dis que tu n’as pas fait le
lien, comment tu peux m’expliquer le fait que tu saignes autant et tu ne te
déranges même pas pour aller à l’hôpital ? La
fameuse belle vie que tu m’as dressé là, c’est en étant proche de la tombe que
tu comptes en profiter ?
Il ne répond pas hein.
Il préfère sourire et m’agacer davantage.
— Mon remplaçant
sait que tu es ici et me grondes comme une femme soucieuse du bien-être de son
homme ?
— Idiot pfff ! je peste et pousse un long juron avant de
retourner à mon téléphone. J’ai déjà envoyé mon message, mais il m’énerve donc
je ne le regarde plus.
— Le jour suivant
notre rencontre précédente, j’ai dû me déplacer pour des affaires personnelles.
Mon train de vie n’est pas supporté par mon unique salaire. Parfois, j’accepte
de représenter ou conseiller certaines connaissances à leur demande. Jongler
entre mes affaires personnelles et mon emploi régulier a réveillé des migraines
atroces dont j’ai souffert à un moment de ma vie. Avant que tu m’interrompes,
oui j’ai consulté pour les migraines. Il n’y a rien d’alarmant derrière, sinon
qu’elles se manifestent quand je suis stressé et fonctionne avec peu de
sommeil. C’est là que l’aspirine intervient et je reconnais n’avoir jamais fait
le lien. J’ai consulté quand j’étais au lycée et me suis fait dire qu’une fois
adulte, ça devrait disparaître donc je n’ai pas cherché à reconsulter. Le premier
jour, j’étais accaparé par le travail, mais j’attendais aussi que tu me fasses
signe pour changer. Ce que tu as fait ce soir excède mes attentes pour être
honnête.
J’ai oublié mon
téléphone pendant ses explications et fixe son regard limpide.
— Finalement qui
mène une vie de boss entre nous deux ?
— Les grands
conseillers sont durs d’oreille, il dit avec un sourire.
— Je vais bien de
la tirer ton oreille. Tu vas écouter.
— Lol d’accord
Querida. Tu m’as manqué.
— Toi aussi. Même
tes rires énervants.
— On monte ? J’ai sommeil.
— C’est le code
pour aller me piner ça ?
— Même si j’en
meurs d’envie, je n’ai aucune force, il rigole. Je crève de sommeil en réalité.
— OK, mais je ne
reste pas longtemps hein. J’ai une journée chargée demain, je lui explique
pendant qu’on prend ensemble les escaliers.
— Qu’est-ce que
tu dois faire ?
— Je dois
récupérer du matériel que j’ai commandé pour des coffrets cadeaux qu’on veut
lancer en fin d’année. Ensuite je dois rencontrer mon amie qui est de passage
au pays et pour finir il me faut travailler.
— Tu me réserves
un coffret cadeau pour ma mère.
— Lol, je ne les
ai même pas encore lancés et à cette allure, la voix du doute me chuchote que
je vais devoir reporter le lancement à la fête des Mères.
— Qu’est-ce qui
bloque le lancement ?
— Mes employées ! Elles ne sont pas du tout polyvalentes. J’ai
cette machine facile à utiliser que j’emploie pour faire nos stickers et pour
une raison qui me dépasse, toutes les filles que j’ai tenté de former pour
m’assister m’ont déçue.
— Pourquoi tu
fais des stickers ?
— Le branding c’est
aussi important que la qualité du service quand on veut se démarquer. C’est
essentiel que les clients associent notre excellent service à une marque et ce
jusque dans les moindres détails. Pour le moment, je n’arrive à faire que des
stickers pour les huiles, shampoings, soins et bougies, mais l’idéal c’est que
tout l’équipement soit à l’effigie d’O-cèdres, y compris des cartes-cadeaux et
les coffrets dont je te parle. Je veux que les clientes puissent s’offrir ses
coffrets et s’offrir dans le confort de leurs maisons, une expérience proche de
ce qu’elles reçoivent en nous visitant. J’envisageais de lancer des ateliers
spécial initiation au massage en couple vers février pour commémorer la St
Valentin, puis un autre vers la fête des mères et pères. Mais avant ça, il me
faut convaincre le proprio de la buvette en face du Spa parce que je n’ai pas
de parking et plusieurs clients se plaignent déjà du manque de place durant les
week__, oh euh pardon, je m’arrête d’un coup gênée. Je viens de me rendre
compte que non seulement j’ai monopolisé la parole, mais en plus je ne me suis
pas rendu compte qu’il m’avait ouvert la porte d’une chambre et attendait que
j’avance.
— C’est vaste, je
dis en contemplant la pièce éclairée par le lustre moderne au design finement
entrelacé.
— Il y aura assez
de place pour nous deux et tes chaussures ? il me
demande sur un ton taquin.
— Tu fais erreur,
ce sont mes bijoux qui risquent d’être à l’étroit, je lui retourne sur le même
ton qui le fait rigoler.
— J’ai hâte de
voir ça. Pour en revenir à ton travail, ce que je demandais surtout, c’est le
pourquoi tu es en charge de la confection du branding.
— Parce que ce
n’est pas facile de travailler avec moi. J’ai souvent plein d’idées sous la
forme de brouillons en esprit et il me faut essayer un tas de choses pour
arriver à un résultat qui me convient.
— Je suis
d’accord avec toi. Tu as un tas d’idées en tête, il dit et me prend par la
taille pour me faire tomber à la renverse sur le lit avec lui.
— Je commence à
me dire que c’est en voulant réaliser toutes tes idées à la fois que tu passes
autant d’heures au travail. Je me trompe ?
— Il faut bien
que je réalise mes rêves, je murmure subjuguée par son regard captivant.
— Tout à fait et
un peu d’ordre t’aiderais à le faire sans t’époumoner à mon avis. Tu sais ce
qui est impératif et ce qui peut être repoussé à deux voire trois mois plus
tard. Tu peux très bien confier la confection des stickers à quelques designers.
Tu leur soumets tes idées, ils te ramènent des propositions et tu choisis ce
qui se rapproche le plus de ce que tu cherches.
— Eh je suis
juste mignonne hein, je n’ai pas le portefeuille que tu m’imagines là.
— Tu es bête toi,
il rigole. Les mignonnes ont quel portefeuille ?
— Le portefeuille
pour sous-traiter autant de choses. Mon affaire est certes rentable, mais on
doit encore se serrer la ceinture pour maintenir le niveau. En plus comme je
t’ai dit, je suis difficile à satisfaire. Je peux très bien expliquer mes idées
au designer et être déçue lorsqu’il reviendra avec un design fidèle à ce que
j’ai dit. Parfois, je me fatigue même, j’avoue et il me gratifie d’un rire
moqueur.
— Tu me rappelles
une amie que j’ai représentée juridiquement il y a peu. Sinon, qu’est-ce qui
t’empêche durant la négociation d’expliquer à ou aux designers que tu es un peu
indécise, du coup peut-être qu’il y aura plusieurs retouches à faire ? Si tu leur expliques ainsi, vous pourrez
facilement concevoir d’un tarif spé__
— Pour qu’on
raconte que la patronne d’O-cèdres qui se prend jusqu’à là n’a même pas
l’argent pour payer un tarif régulier ? je
l’interromps.
— Donc tu te vantes
même hein, il se moque encore.
— Définis la
vantardise.
— La phrase par
excellence des vantards lol. Sinon, je peux t’assurer que tu t’inquiètes pour
rien. Je vois mal un entrepreneur rejeter une opportunité sous prétexte que sa
cliente est vantarde.
— Pas que sa cliente
est vantarde, mais qu’avec tout le malin que je fais, on croirait que je peux m’offrir
n’importe quoi, pourtant c’est moi qui demande un rabais.
— En gros tu ne
veux pas qu’on dise que tu demandes les rabais quoi.
— Un peu.
— Du coup, pour
protéger ta réputation, tu préfères perdre davantage de temps avec tes
employées qui ont du mal à comprendre l’usage de ta fameuse machine, sans oublier
je suppose que généralement, tu dois patienter pour recevoir le matériel qui te
sert à composer tes stickers ? N’oublions
juste pas l’énergie mentale que ça doit te prendre en plus de tes tâches habituelles ?
— Pourquoi tu le
présentes sur ce ton ?
— Je ne sais pas.
Je le présente sur quel ton ?
— Comme si je n’étais
pas raisonnable.
— Dieu merci tu
reconnais tes défauts.
Je soupire de frustration
et me roule sur son doux matelas pour enfoncer ma tête dans son coussin.
— Venant de
quelqu’un qui néglige sa santé, ça me laisse à 37.
— Lol, je n’ai
aucun problème à reconnaître mes défauts jeune fille, sa voix retentit à côté
de la mienne. Je sors la tête du coussin et tombe sur son beau visage sur un
coussin tout près du mien.
— Si je te suis et
qu’après on raconte des choses sur mon bébé O-cèdres__
— Qui osera propager
des rumeurs s’il est lié par un accord de confidentialité dans un contrat ?
— Oh c’est
parfait ! Je trouve les designers
et tu t’occupes de la négociation jusqu’aux contrats.
— C’est quoi ce
plan foireux ? il rigole à gorge déployée.
— Il faut rendre
ces choses à César donc je te laisse conduire ta mission jusqu’à l’accomplissement.
Merci chéri, je dis et l’embrasse.
— Le nom César te
fait penser que le type aimait le travail forcé que tu viens me déposer dessus
sans honte ?
— Heureusement,
tu es Eben__meu bem, je murmure sur la fin tout en me collant à son corps pour qu’on
roule et je me retrouve à califourchon sur lui.
Ses doigts se faufilent
sous ma chemise blanche et caressent mon dos. On ne pense certainement plus au
travail là. Je sais qu’il est épuisé, mais j’ai cette image du massage qu’on a dû
interrompre quand il était au spa. Sous son regard avide, je me mets à déboutonner
lentement chacun de mes boutons, dévoilant une bralette triangle bleu royal qui
retient mes seins. Ses doigts se font plus insistants dans mon dos. Il m’attrape
carrément la chair et la presse pendant que je bouge très lentement le petit
triangle. Je suis tellement excitée que mes hanches bougent légèrement sur lui.
Dès que le triangle est hors d’accès, il fait pression sur mon dos avec sa main
pour que je me penche vers lui, ce qui était mon intention de toutes les
façons, mais sa hardiesse ne fait que décupler mon envie. Mes gémissements s’entremêlent
à ses grognements de satisfaction quand une de mes pointes roses disparaît dans
sa bouche. Il est doux avec elle au début, ne tournant que sa langue autour et
l’aspirant. Ses mains lâchent mon dos pour mes fesses qu’il attrape aussi bien
que ça soit plus difficile à cause de la rigidité du jean. Je craque pour ses
petits grognements de satisfaction et le plaisir évident que je lis sur ses
traits. Je craque tellement que je n’ai pas le temps de réfléchir aux mots qui
commencent à sortir de ma bouche.
— Tu aimes ça ? Tu manges bien ?
Il hoche la tête, me
faisant craquer davantage. Je lui embrasse le front et lui donne le sein droit qu’il
mordille d’entrée de jeu et me fait légèrement crier. Sa main attrape celui qu’il
a laissé et il se met à me torturer tellement que je rejette la tête vers l’arrière
en gémissant profondément.
— Tu vas me rendre
bête Eben, je confesse le cœur battant à tout casser dans ma gorge.
Ce ne sont que des
caresses sur la poitrine, je sais, mais c’est qu’il me tient si bien. La douce
chaleur de ses grandes mains sur mes seins contraste si bien avec la rudesse de
ce qu’il fait subir à mes pointes, et comme si ça ne suffisait pas, il monte la
dinguerie d’un cran en collant mes seins, les presse fort et balaie rapidement
sa langue d’un téton à l’autre. Le jean me frustre d’un coup. Je me frotte,
mais à cause de lui je ne ressens pas l’intensité nécessaire contre mon entrejambe.
J’allais me redresser pour m’en débarrasser quand sa poche vibre sur le lit.
— Putain, il rouspète.
Je vais l’éteindre.
— OK, j’acquiesce
et bouge pour qu’il puisse y accéder.
— Tu m’en voudras
si je le prends ? C’est
le travail en quelque sorte, il demande après un lourd soupir devant l’écran.
— Mais non, vas-y,
j’ai besoin de pisser.
— La porte là. Le
dressing débouche sur la salle de bain, il m’indique avant de décrocher.
Un joli dressing que
je marque une pause pour inspecter. Quelqu’un va mal m’insulter lorsqu’on vivra
ensemble hein parce qu’il a ses chaussures bien rangées en une file ici tandis
que les miennes sont pêle-mêle sous mon lit, dans le bas de mon armoire et
parfois certaines traînent même sur ma véranda. Je passe la porte vitrée pour
me rendre dans la douche qui est moins spacieuse et plus simple que la mienne. La
baignoire toute ronde donne sur une fenêtre où on peut distinguer un magnifique
ciel étoilé. Je ferme les yeux et rêve des moments intimes qu’on passera ici ou
des longues soirées de détente que je m’autoriserai quand il me faudra fuir les
enfants. Je sais que je me suis déjà emballée avec quelqu’un dans le passé et
ça s’est mal terminé pour moi, mais que puis-je dire ? C’est ma nature de m’emballer quand je suis
heureuse et même si c’est tôt pour qu’on prenne ça au sérieux, je suis quand même
heureuse de fréquenter cet homme. Je suis vraiment gaie quand il est dans les parages.
Avec le recul, j’ai
compris une partie de ce qu’Elikem reprochait à ma relation précédente. C’est
vrai qu’elle jugeait sur la base des dires de Ray, mais j’ai surtout compris qu’elle
ne trouvait simplement pas que l’autre était digne de confiance. À l’époque, je
voulais une vie parfaite. À 20 ans je fais ci. 25 ans je fais ça, ainsi
de suite. Je ne sais pas d’où cette idée m’est venue, parce que je n’ai jamais eu
la pression de parents ou mon environnement pour accomplir quelque chose à un
certain âge. Comme j’avais cette idée, en plus de me trouver jolie, sexy et
intelligente, je ne voyais pas le pourquoi un homme ne voudrait pas me rafler
rapidement sur le marché. Cet homme pour moi fut l’autre. Il acceptait en plus
tout ce que je voulais en plus d’être beau et intelligent. Une vie parfaite quoi
et comme je ne voulais pas admettre la défaite quand il m’a laissé comme une
vieille chaussette, j’ai pensé à devenir maman seule.
Après un tour rapide
aux toilettes, j’entre dans la cabine de douche et j’ouvre l’eau sur mon corps.
Même si je ne comptais pas passer la nuit ici en montant avec lui, je me vois
mal m’en aller maintenant. Je vais juste réarranger ma journée demain pour en
faire assez. J’enfile ma chemise, enfonce mon tanga trempé de mouille dans la
culotte de mon jean et retourne les fesses nues dans la chambre. Il est toujours
au téléphone, mais assis contre la tête du lit. Je prends la main qu’il me tend
et me couche à ses côtés. Ici je suis bien. Il m’est arrivé de me plaindre que
Dieu traînait à m’envoyer ma personne, mais honnêtement, je rejoins ceux qui
croient que tout arrive à point nommé. Aussi cliché et relou que ça sonnait à
mes oreilles dans le passé, je suis heureuse qu’il ait pris son temps, si c’est
dans ses bras que je suis là et j’espère que c’est le cas. J’avais du ménage à
faire dans mes idées, quelques habitudes à délaisser. Je n’irai pas jusqu’à
dire que je ne veux plus de perfection, parce que dans mon esprit, le contraire
c’est la souffrance, chose que je ne veux absolument pas. Mais, une relation
dans laquelle on m’accepte comme je suis et approuve tout ce que je veux n’est
pas réaliste. J’ai fini par l’accepter. L’autre me l’a bien montré. Je croyais
qu’il fermait les yeux sur mes phases parce qu’il m’aimait trop, pourtant il se
contentait de tirer son plaisir de la relation et dès qu’il a eu son compte, il
a pris son chemin sans stress. Jusqu’à présent, Eben s’implique dans ma vie par
ses idées, mais aussi ses remarques constructives. C’est déjà un début
prometteur non ?
— Je ne peux pas
te refuser de demander conseil chez un autre avocat. C’est ton droit, mais je veux
que tu gardes en tête qu’elle a été mise en garde et n’osera plus toucher ton
Snack, il dit à son interlocuteur.
-…..
— OK, tiens-moi
au courant et s’il te plaît, ne pleure plus. Ce n’est pas une défaite.
-…..
— D’accord, on se
verra demain. Bonne nuit, il conclut et coupe l’appel.
— Un problème ?
— Une amie qu’on
appellera X se fait emmerder par sa belle-mère. Tu connais le classique. La
belle-famille ne voulait pas d’elle comme belle-fille, mais le type s’est entêté.
La belle-mère a profité d’un déplacement de mon amie pour aller fermer son resto.
— Classique vraiment,
je dis avec une moue de dégoût.
— On a porté
plainte, mais mon amie n’accepte pas la décision du procureur. Elle pense qu’il
a été soudoyé parce que ce dernier a décidé de classer l’affaire après un
entretien avec la belle-mère. Je lui ai expliqué que cet entretien servait entre
guillemets à remonter les bretelles à la dame, pour qu’elle comprenne qu’en cas
de récidive, elle risque d’écoper de différentes peines allant jusqu’à une
potentielle ordonnance d’éloignement.
— Je peux
comprendre qu’elle voit les choses de cette façon avec tout ce qu’on entend de
la justice dans ce pays.
— La justice n’est
pas parfaite, je te l’accorde, mais on a évolué depuis le temps. En plus, le
cas de X n’est pas prioritaire parce qu’elle n’a pas perdu grand-chose sinon
des journées d’inactivité quand le resto était fermé. Certains faits d’accusation
ont dû être abandonnés parce que la vieille a apporté des preuves en vidéo
montrant ce qui s’est passé le jour là au Snack. Quand une affaire n’est pas
jugée importante, les procureurs ne se lancent pas en général dans les poursuites,
parce qu’il y a tant d’affaires à gérer tu vois.
— Elle a reçu la
nouvelle quand ?
— Hier.
— Donne-lui du
temps, ça va lui passer. C’est quoi la position de son mari dans l’histoire ?
— Tu es mal curieuse
toi. Tu ne sais pas qu’un avocat est tenu au secret professionnel ? il rigole.
— Ah, je connais
X__, bon j’en connais une X, mais cette pétasse ne serait pas propriétaire d’un
resto aussi classe.
— Tu viens de
dire pétasse ? il répète ahuri.
— La pétasse numéro 1
de ce pays. Une pétasse tellement fourbe que__
Il choisit ce moment
pour me presser la bouche et bloque le reste de mes mots.
— C’est quel
vilain mot que tu utilises sur une autre femme ça ?
— Quand elle
arrêtera d’être une pétasse, j’arrêterai, je murmure difficilement à cause de
sa main qui presse toujours ma bouche.
— Et tu continues
hein. Ce n’est pas classe qu’une femme parle ainsi d’une autre. Je suis
sérieux, je n’aime pas ce genre de langage. Tu arrêtes.
— Tu défends quoi
ici ? Tu la connais peut-être ? je demande plus facilement maintenant qu’il a
laissé ma bouche.
— Je ne veux pas
la connaître. Je veux que ma femme arrête d’utiliser ce langage.
— Pfff, ne mets
pas ta bouche dans mes bagarres.
— Tes bagarres
sont miennes. Si tu as un problème avec une femme, tu lui en parles ou tu l’ignores.
Tu ne la dénigres pas, parce que je doute que tu aimerais être méprisé.
— Primo j’en ai
quoi à foutre que quelqu’un qui me hait me méprise ? Je pisse sur son opinion. Secundo, tu te trompes.
Je n’ai pas de problèmes à prendre mon insulte quand je pense la mériter.
— Ah bon ? Tout comme tu as accepté ta vantardise tout à
l’heure, il ironise.
— La qualité de l’un
peut être le défaut de l’autre, tout dépend du côté où tu te tiens.
— C’est ça ! il rigole et éteint la lumière. Le reste qu’on
a fait dans le noir là nous regarde.
***Romelio Bemba***
— Chef ? j’entends au loin, mais j’ai du mal à réagir.
Mon cerveau est aussi vide et noir que l’obscurité dans laquelle je suis
actuellement.
— Umm, chef ? je reconnais enfin la voix de ma fille qui
est proche.
— Pourquoi tu ne
dors pas ? je lui demande après
voir retrouvé ma propre voix.
-Je__euh, je venais me
chercher à boire et j’ai vu une silhouette en allant en cuisine. Ça va ?
— Oui chérie. Va
prendre ton eau et couche-toi. Demain, tu as une longue journée.
Elle bredouille un OK et
me laisse avec mes pensées. Ma nuit est courte et agitée, mais la vie continue.
Je suis ma routine régulière, soit déposer Hadassah à l’école et continue au
travail. Aujourd’hui en revanche, la vie décide d’apporter des modifications
sans m’interroger au préalable. Elikem est assise dans mon bureau et m’adresse
un sourire peu confiant.
— J’ai joué un
peu de mon privilège de « fille d’Eli » chez ta secrétaire.
— Je suis l’employé
de ta famille de toute façon. Ça va ? Tu profites
bien de ta vie ? je lui
lance tout en déposant mon sac puis je retire ma veste.
— Je fais avec,
et toi ?
— Je n’ai pas à
me plaindre hein. Les gens sont au chômage, sur les lits d’hôpitaux. Moi je
suis sur mes deux pieds, j’ai de quoi me nourrir.
— OK. Tu es
occupé là ? J’aimerais qu’on discute
un peu.
— Je t’écoute. Qu’est-ce
qui t’arrive ?
— Je suis désolée
pour ce que j’ai dit à notre dernière rencontre, elle dit après avoir une grosse
inspiration.
— Où veux-tu en
venir ?
— J’ai injustement
déchargé mon trop-plein sur toi. Je suis désolée, je ne pensais pas la totalité
de mes mots.
— C’est pas grave
va. Je l’ai probablement mérité.
— Je ne pense pas
que tu l’aies mérité.
— Ce n’est pas
grave either way. C’est le passé. Quoi d’autre ?
-Euh__, c’est ça en résumé.
Tu vas bien toi ? C’est
sûr ?
— Mais oui, ne t’en
fais pour ma gueule. Je suis assez grand.
— OK. Bon bah, je
suis dans les parages sinon. Je te laisse travailler.
— Ça marche, je
lui dis de façon expéditive et elle me laisse la minute suivante.
De 8 h à 12 h 30,
je n’ai absolument rien foutu. J’ai pourtant une foule de questions sous la
forme d’e-mails provenant des membres du conseil d’administration ainsi que des
ressources humaines pourtant, il y a énormément à faire. C’est un piège de
forcer son cerveau au travail quand ce dernier ne veut pas coopérer, et la dernière
chose que je veux c’est que des erreurs se glissent dans mon travail, surtout à
cette période de l’année où on prépare actuellement les lettres de primes annuelles.
Je m’accorde une courte pause pour décompresser. La salle des employées est en
général pleine à cette heure et la dernière chose que je veux, c’est devoir taper
la conversation, donc je me dirige vers le jardin en face de l’immeuble. Il y a
quelques patients sur place accompagnés d’infirmières, mais c’est bien plus
calme ici. Je m’assois sur un banc en bas d’un arbre et m’oublie un peu pour je
ne sais combien de temps, jusqu’à ce que la présence d’une main me ramène à la
réalité au pire moment.
— Je t’ai appelé
et même fais des signes de main, mais tu ne semblais pas me voir. Qu’est-ce qui
t’arrive Tchaa ? Elikem
me demande sur un ton soucieux.
— Qu’est-ce que
tu veux en fait ? Tu veux
m’entendre m’apitoyer sur mon sort c’est ça ? je lui demande sur un ton cassant.
— Mais non je__, tu
n’as pas l’air bien donc je__, bref, je ne voulais pas t’importuner. Je te laisse
tranquille, mais je suis encore à l’hôpital si tu as besoin de moi. Ou à la
maison si c’est le lendemain que tu préfères, elle dit et se lève.
— Mais non,
attends, je dis en la retenant par le bras. J’ai essayé de renverser ma
vasectomie et le résultat te plaira. Je suis stérile. Je ne pourrai jamais
avoir d’enfants et le seul enfant que j’ai, appelait un autre papa au téléphone
ce matin. Moi je suis le chef. Juste chef ! à mon
âge, je vis chez mon petit frère parce qu’une bonne partie de ma maison est en
ruines. Et la cerise sur le gâteau, c’est qu’en dépit de ma colère, je dois
composer avec la mère de ma fille. Je dois me plier à ses nombreux caprices
juste parce qu’à chaque acte que je pose, je crains de mal faire et que la
petite demande à retourner chez sa famille. C’est assez pitoyable à ton goût ?
— Pourquoi tu
pleures ? je lui demande d’une
voix hachée à cause de ma respiration difficile.
Une de ses délicates
mains touche ma joue. Elle s’accroupit, me passe les bras autour du cou et s’assoit
sur mes jambes. Depuis le début de mes déboires, j’ai reçu des moqueries, de l’insensibilité,
de l’encouragement, mais c’est la première fois qu’on pleure pour moi. Rien que
des larmes, sans aucun mot. J’ignore si c’est parce que je n’ai pas vraiment
pleuré depuis un moment, mais j’ai la sensation que mon cœur s’allège petit à
petit.
— Ça va, on ne m’a
pas annoncé une maladie incurable non plus, je tente l’ironie après presque dix
minutes de larmes sans arrêt de sa part.
Elle renifle si
grossièrement que je ne peux m’empêcher de rire.
— Il y a des choses
qui ne changent pas hein, je dis en contemplant son visage mouillé pendant qu’elle
continue à renifler.
— Tu as perdu ta
langue toi ? je m’essaie encore.
— Bon au moins, tes
cheveux ont repoussé de cette coupe atroce. C’est seulement le front qui reste
frontal.
— Salaud, elle chuchote
d’une voix rocailleuse et me fait à nouveau rire. Tu m’avais dit que les cheveux
courts m’allaient bien.
— Je t’aurais dit
que tu étais un dix même si tu avais porté un costume de lézard bougnoule. Je t’aurais
dit tout ce que tu devais entendre pour aller mieux.
— Alors pourquoi
tu t’attendais à ce que je me réjouisse de ta situation ? C’est comme ça entre nous maintenant ?
— Je sais pas. Je
ne t’ai pas écouté et voilà ma récompense donc la logique_
— Il n’y a pas de
logique ici. Tu ne m’as pas écouté et rien. D’ailleurs je t’interdis de dire
que tu es stérile.
— Hayi, depuis quand
un médecin refuse un diagnostic médical ?
— Depuis que je
suis humaine. Tu n’es pas stérile. Ton opération n’a peut-être pas fonctionné,
mais qu’est-ce qui t’empêche de demander un second avis ?
— Pas maintenant Elikem,
j’ai eu du mal à accepter l’idée, ce n’est pas le moment de me renvoyer dans une
spirale de doute mélangé à l’espoir. Je veux la paix.
— Désolée, elle
dit penaude. Je remonte son menton avec main pour la regarder.
— Ça va, je ne t’en
veux pas.
— Je peux quand
même t’encourager concernant Hadassah ?
— Puisque tu insistes,
je réponds amusé par la petite voix sur laquelle elle m’a formulé sa demande.
— Si j’étais une ado
de 13 ans, je t’aurais choisi comme papa. Tu es cool, amical, affectueux, aventurier,
un peu gênant quand tu t’y mets, mais tu es un vrai motivateur, en plus d’avoir
trop d’amour à donner. N’importe quel ado aimerait avoir un papa qui pense à
lui, s’occupe de ses besoins et aime passer du temps avec lui. C’est impossible
qu’elle passe à côté de tes grandes qualités.
— Mais elle a
déjà un père et je pense qu’elle l’aime.
— Et alors ? J’avais Eli comme papa avant de rencontrer
mon papounet. Malgré les difficultés que j’ai eues avec mon papounet, je n’aime
pas l’un moins que l’autre. En plus je pense que les filles ont naturellement
une grande intelligence émotionnelle. Je suis sûr qu’elle se rendra rapidement
compte qu’elle gagne à te connaître aussi. Comme vous êtes au début de votre
relation, ça coince un peu et tu as mal. C’est normal même si ça soûle, mais j’ai
la cerTI-TU-DE qu’elle cédera bientôt.
— Mince, dis-moi
donc que tu voulais que je t’adopte depuis ma fille.
— Bien sûr tu
dois toujours dire une connerie, elle dit après m’avoir flanqué le coup habituel
sur la tête. Il allait venir tôt ou tard celui-là.
— Tu m’as manqué.
— En plus, elle aura
la chance d’avoir deux figures protectrices, elle relance le discours de
motivation comme si de rien n’était. Dans un monde, où bon nombre de papas sont
démissionnaires, c’est une grâce inouïe d’en avoir pas un, mais deux qui ne
veulent que ton bien. Elle sera__
— Elikem, j’ai
compris, je suis fabuleux, je dis avec humour.
— Tu ne m’as pas
manqué du tout, elle dit en roulant des yeux.
— Après avoir
demandé que je t’adopte là ? Oh que
oui, je t’ai bien manqué même. Tu fiches quoi même à Lomé ? Je pensais que tu devais t’installer à Nairobi.
— Je n’ai plus le
droit de visiter mon pays ?
— Je suis bête. Tu
as entendu d’Océane que je lui ai confié l’anniv de la petite, d’où la fréquence
de tes derniers messages et comme tu te sentais coupable, tu as pris le premier
avion JUSTE POUR MOI. Ouais, tu m’aimes vraiment.
— J’ai pris l’avion
pour Hadassah. On ne gère plus les viocs.
— Ta bouche en
forme de cul de poule, tu comprends.
— Rien que la
jalousie. Accepte que ton temps soit révolu. On ne te gère plus.
— Tu es game pour
la voir ce soir alors ?
— Oh déjà ? Euh__ce n’est pas trop tôt ? Elle ne sera pas chamboulée ?
— C’est comment ? Tu es une créature mythique pour qu’elle soit
chamboulée ? Je rigole de bon cœur.
Pendant qu’on me
couvre d’insultes, on se dirige tous les deux vers mon bureau. Mes problèmes sont
loin d’être réglés, mais je me sens apte à travailler.
— Je vais rentrer
pour m’apprêter, elle m’annonce vers 15 h.
— Lol carrément
te préparer ? C’est la reine d’Angleterre
que tu rencontres ?
— Je ne t’écoute
plus, elle répond déjà debout. Euh, au fait, on se retrouve où ?
— Se retrouver
comment ? Dis-moi quand tu auras fini
ta métamorphose et je passerai te prendre. Les cours finissent dans 1 h 30
aujourd’hui. Je pense qu’on pourrait vers Baguida, se prendre un truc à manger
et rester un peu au bord de mer ? Ça te
va ?
— En fait, je
préfère qu’on se retrouve à l’école pour Jenni__
— C’est bon. Elle
n’est plus dans l’équation.
Elle me fixe, comprend
que je ne suis pas prêt à en parler et hoche la tête. 1 h 30 plus
tard, je sors de l’hôpital. Bien que j’aie commencé mon travail tardivement, j’ai
réussi à boucler une grosse partie avant mon départ. Le temps est en plus
parfait pour une sortie à la plage. Je passe chez les Lare Aw avant de me
rendre à l’école de la petite. Ici aussi, on croirait que presque rien n’a
changé. Tata Belle gave Elikem de remarques sur son habillement, tandis que la
dernière lui rappelle que ce discours est révolu à 34 ans. J’ai carrément l’impression
qu’en fermant les yeux je verrais Mally arriver à la course pour participer à
la session critique de sa mère et Dara ne sortirait de sa tanière que pour
crier qu’on a déplacé le chargeur de sa liseuse électronique.
On ne prend congé de maman
Belle qu’après qu’elle m’ait soutiré la promesse de passer la voir la semaine prochaine.
Je comptais de toute façon les visiter à un moment pour leur parler de ma fille.
— Juste pour
comprendre hein, tu nous as fait tout ce boucan pour sortir dans combinaison
blanche avec chapeau bob sur la tête et tapettes aux pieds ? je questionne « madame je dois m’apprêter » qui porte sa ceinture.
— Je ne me suis
pas habillée pour toi ni pour l’autre qui probablement continue à se plaindre
là-bas que quelqu’un me verra dehors et croira que je n’ai pas de parents.
— Tu te méfies avec
« l’autre » que tu donnes à ma maman Belle adorée.
— Je te la laisse
de la tête aux pieds. Même ses cheveux, tu peux prendre.
— C’est pour
pleurer en moins de 24 h qu’on te la ramène, je rigole et elle secoue la
tête avec un sourire coupable. Elle aime faire semblant, pourtant on sait qu’il
n’y a pas plus fille à maman qu’elle.
Le temps qu’on arrive
à l’école, je lui ai fait un topo de la situation avec Hadassah, incluant les
choses qu’elle peut aborder avec elle ou pas.
— Ouais, c’est
pas une petite école, elle confirme pendant que je me gare à côté d’une Lexus
LC.
— C’est comme ça
qu’ils me pompent en écolage aussi. Si Hadassah ne dirige pas ce pays en
sortant de là, ils vont me comprendre.
On rigolait en sortant
de la voiture, mais elle s’arrête brusquement quand le propriétaire de la Lexus
descend.
— Sérieusement ? elle commence sur un ton agressif, les mains
sur les hanches.
— Elikem ? Je l’interpelle confus.
— Il y a une
vieille dette entre nous peut-être ? Parce
que tu me gonfles avec ta façon d’apparaître dans les parages dernièrement,
elle continue à l’endroit du type qui a l’air impassible.
Je vois Hadassah qui sort
de l’école et derrière elle, une autre fille qui a l’air d’avoir son âge court
se jeter dans les bras du type en question. Ils se parlent dans une langue qui
ressemble au twi.
— C’est mon classmate
Yafeu, elle c’est Hadassah, elle m’a passé les cours, la fille dit dans un
français teinté d’accent anglais.
— Bonsoir. Je
suis le frère de Thema, l’homme s’introduit à nous sur un ton cordial, tout en
ignorant royalement Elikem qui est pantoise depuis un moment.
— Enchanté. Je
suis le père de Hadassah, je m’annonce également sans sourciller.
— Thema est toute
nouvelle, du coup elle risque de déranger un peu ses camarades pour rattraper
son niveau. Merci d’être tolérante envers elle Hadassah.
— Euh c’est rien,
c’est normal.
Je pose une main sur l’épaule
de ma fille. J’ignorais qu’elle aidait quelqu’un à l’école, mais je n’en suis
pas moins fier.
— On se reverra
bientôt. Bonne soirée à vous, il nous annonce, tourne les talons, marque une
légère pause à la hauteur d’Elikem et lui murmure quelque chose avant de
regagner son véhicule. J’ignore ce qu’il lui a dit, mais c’était suffisant pour
assez pour foutre la honte à mon amie.
Nous sommes à notre
destination. On s’est pris une grande pizza et je commence les présentations
qui n’étaient finalement pas nécessaires. Elle a prononcé seule le nom d’Elikem.
— Donc tu me
connais un peu, c’est bien ça. Il ne me reste plus qu’à te connaître, lui
annonce mon amie.
— OK, elle répond
d’une voix hésitante et me lance un coup d’œil inquisiteur comme si elle
voulait savoir ce dans quoi on venait de l’embarquer.
— Et maintenant je
me suis installée à Nairobi. Ça serait bien que tu viennes me voir un de ses
quatre, elle continue à appliquer les conseils que je lui ai donnés quand on se
dirigeait vers l’école. Interroger Hadassah c’est limite se cogner la tête
contre un mur. Elle ne donne que des réponses vagues ou fermées. Par contre,
parle-lui d’un sujet ou de toi et tu as plus de chance qu’elle réagisse.
— Nairobi c’est euh__je_je
sais pas où c’est, elle répond comme si elle avait commis une gaffe. Une
réaction qui m’interpelle. Je me redresse et j’observe son profil.
— C’est pas grave
chérie. Je ne sais pas où se trouve le Vanuatu non plus. Et Nairobi, c’est dans
l’Afrique de l’Est.
—Oh OK. C’est proche
de Dar es Salam alors ? elle
continue sur un ton animé tout d’un coup.
— Tout à fait,
Elikem lui retourne sur le même ton. C’est en Tanzanie ça, un pays limitrophe
du Kenya. Tu y es déjà allée ?
— Non. Ma tante
Mie vit là-bas.
— Waow, elle y
vit depuis quand ?
— Depuis quatre
ans. Elle est mariée à un Tanzanien et travaille comme infirmière, elle répond
avec une fierté apparente.
— Tiens, on
pourrait faire un truc. Lorsque tu viendras en décembre au mariage de ma sœur, on
pourrait aller lui rendre visite.
— Mamamariage de__ ? elle bredouille et me lance un coup d’œil inquisiteur.
— En décembre, on
ira au mariage de la sœur d’Elikem si ça t’intéresse, je lui confirme.
— Je pourrais
vraiment voir tata Mie ? Sérieux ?
— Demande-lui sa
disponibilité et on s’arrangera pour aller la voir.
Je ne l’ai jamais vu ainsi.
Elle s’écrie qu’elle lui demande maintenant et ses mains tremblent carrément
pendant qu’elle envoie un message à sa tante. Elle n’arrive même pas à rester
tranquille sur son siège.
— C’est quand le
mariage ?
— Le 22 décembre.
— Super ! On aura fini le trimestre. Tu pourras prendre
tes vacances chef ?
— Oui, je confirme
amusé et toute la soirée qu’on passe à la plage, on ne parle presque que des
plans pour décembre. Même sur le chemin de la maison, ce sujet trouve le moyen
de revenir dans la discussion.
Je n’aurais pas cru si
quelqu’un m’avait dit que Hadassah pouvait parler sans arrêt et sourire autant.
Si j’avais su que Tata Mie était la formule magique, je lui aurais proposé ce
voyage comme cadeau pour son anniversaire qui approche. Nous déposons Elikem
chez ses parents avec la promesse de la revoir bientôt puis on continue chez Arthur.
— Est-ce qu’elle
est ta femme ? elle me prend par
surprise.
— Non. Je croyais
que tu la connaissais comme étant ma sœur ?
— Oui, mais j’étais
plus sûr après.
— Pourquoi tu crois
qu’elle est ma femme ?
— Tu portes une
bague et vous rigolez beaucoup, elle me répond innocemment et me fait rire.
— C’est elle l’amie
d’enfance qui est devenue ma sœur dont je t’ai parlé.
— Comme Estelle
avec moi.
— Exactement, je
lui confirme.
— En tout cas,
elle est très sympa.
— Oui elle l’est
et les autres que tu rencontreras en décembre aussi.
— C’est vraiment
vrai qu’on ira chez tata Mie ? elle
me demande d’une voix hésitante.
— Pourquoi tu doutes ? Je t’ai déjà menti ?
— Non je__, c’est
juste que j’ai rien fait. C’est pas encore mon anniversaire, alors c’est
bizarre de me promettre un cadeau. J’ai même pas encore fini le trimestre, du coup
tu sais pas ce que j’aurais comme moyenne.
J’éteins le contact
après avoir garé dans la concession d’Arthur et me tourne vers elle. Je vais le
faire, je m’en fous.
— En général, on
t’offrait des cadeaux quand ?
-Euh__, bah ça dépend.
— Je t’écoute,
élabore un peu.
— Maman s’occupe
de tous les cadeaux. J’en reçois deux pendant l’année et si je suis tranquille
j’ai droit à un troisième.
— Qu’est-ce que
tu veux dire par tranquille ? Tu
fais souvent des bêtises ?
— Non. Enfin peut-être.
Parfois je chante fort et ça dérange papa, parce qu’il est malade. Ou euh__ je
m’engueule avec mes cousins, du coup ça peut arriver que j’ai pas de troisième
cadeau.
— Pourquoi tu t’engueules
avec tes cousins ?
— Ils étaient
relou à toujours m’appeler les baguettes chinoises ou les nouilles, alors j’ai
renversé du poivre sur leurs faces un jour. On s’est un peu bagarré et il y a
eu de la casse, mais mamie m’a puni parce que j’étais la grande. Du coup, je m’engueule
avec eux depuis ce jour et parfois quand les parents l’apprennent, je n’ai pas
droit à un troisième cadeau parce qu’ils ont dit que je dois apprendre à prendre
de la hauteur en tant que grande.
— Tes parents
étaient au courant des petits surnoms que tes cousins t’ont donnés ?
— Oui. Ils en ont
parlé avec les parents des cousins.
— Je suppose que ça
n’a pas arrêté les cousins.
— Non. Ils sont affreux
comme des verrues. Je peux dire un truc sur eux ? Tu ne vas pas le répéter à maman ?
— Je ne dirai
rien tant que ce n’est pas une question de vie ou de mort.
— Euh, je voulais
dire que si j’avais des pouvoirs magiques je les aurais envoyés sur Mars, mais
ça ressemble à une question de mort ça non ?
— Tu n’auras
jamais de pouvoir mon ange, je dis amusé par sa candeur.
— Dommage, elle
rouspète carrément en s’enfonçant dans son siège.
— Le bon côté c’est
que tu ne les as pas vus depuis que tu es ici.
— Mais tu vas me
retourner un jour chez maman. Je devrais encore les supporter aux fêtes de Noël
et anniversaires, en plus de mamie qui les croit tout le temps. C’est toujours
moi la difficile, celle qui ne fait pas d’efforts, celle qui n’aime pas la famille,
mais c’est dur d’aimer les gens qui emmerdent.
— Je suis ton
père chérie. Tu ne retourneras chez maman qu’à ta demande ou la sienne, j’ose.
— Tu es vraiment
mon père alors ?
Pourquoi tu n’étais pas là avant ?
— Je n’étais pas
au courant de ton existence. Je suis désolé.
— Comment ça tu n’étais
pas au courant ?
C’est la question à
laquelle j’ai tant essayé de trouver une réponse qui n’incriminerait pas
directement sa mère.
— J’ai quitté la
ville où j’ai rencontré ta mère et on s’est perdu de vue, je lui donne l’unique
réponse que j’ai.
— Tu ne
connaissais pas son numéro ou son Snap ?
— C’était compliqué.
— C’est toujours compliqué
de toute façon, elle rouspète à nouveau et s’enfonce encore dans son siège.
— Pour répondre à
ta question initiale, je n’ai pas de nombre fixe de cadeaux pour toi. Je te ferais
plaisir selon mes moyens, mais une fois que je t’ai donné ma parole, je ne reviendrai
pas dessus, à moins que la santé me fasse défaut.
— Merci. C’est
gentil.
— Je t’en prie, c’est
normal entre nous.
— Il y a tonton
Arthur là, elle m’indique en pointant ma fenêtre. Le petit con se trouve
effectivement à côté de ma portière. On s’est engueulé récemment après qu’il m’ait
parlé d’une requête de Jennifer, mais ce soir je suis de bonne humeur, donc j’ouvre
avec un grand sourire et m’apprêtait à lancer une blague, mais Hadassah me devance
avec sa bonne nouvelle du soir. Je pourrais presque être jaloux de tata Mie,
mais après ses confidences, je suis content qu’au moins, un membre de sa grande
famille arrive à lui inspirer autant de joie.
***Jennifer Bemba***
Je ne cesse d’enchaîner
les mauvaises nouvelles dernièrement. Primo, c’est Arthur qui me demande davantage
de patience parce qu’il travaille sur Romelio pour moi. Va savoir quel travail
on doit faire sur lui. Je suis sa femme. C’est une audience que je dois recevoir
pour voir mon mari ? Secundo,
j’ai sous-estimé la vieille morue de Hana. Apparemment, la vieille cabosse qui
lui sert de cerveau s’est rappelé de filmer sa descente au Snack et elle l’a
présenté à sa convocation, annulant l’accusation de vol supposément. J’ignore
pourquoi le procureur a écarté la possibilité qu’elle aurait simplement pu ne
pas filmer cette fameuse scène. Je vais reporter plainte de toute façon. Le jargon
judiciaire qu’Eben m’a pondu ne me convainc pas. Elle n’a écopé de rien du
tout. On ne m’a même pas autorisé à recevoir des dommages et intérêts pour les
jours d’inactivité. Selon Eben, rien ne confirme que si le Snack était ouvert,
j’aurais eu des clients, donc le procureur ne pouvait pas se baser sur un
détail si aléatoire pour condamner la vieille à verser une pénalité. Un
discours judiciaire je dis ! Tertio,
c’est Oyena la capricieuse que j’ai encore un peu dans la gorge à cause de sa
réaction quand j’ai voulu l’introduire à Arthur, mais passons. Il y a deux
heures de ça, elle a failli me causer un arrêt cardiaque en me demandant si
tout va bien avec mon mari. J’ai bien sûr répondu avec conviction, tout en lui
demandant le pourquoi elle m’interrogeait sur ça. Elle m’a répondu qu’elle l’a vu
dans le jardin de l’hôpital enlaçant une femme assise sur ses genoux et perso,
elle a une sainte horreur de la majorité des hommes parce qu’ils sont fourbes,
donc elle devait me le dire pour que je sache jouer mes cartes. La carte que j’ai
décidé de jouer, c’est de confronter Romelio lui-même. J’ai fait le tour des
différentes personnes susceptibles de m’aider. Arthur ment qu’il travaille.
Bilal et Marianne, nos amis ont été au moins honnêtes en me montrant leurs
vrais visages. Après avoir mangé mes plats et s’être trouvé grâce à moi, ils m’ont
dit qu’ils ne pouvaient pas prendre parti, mais sont de tout cœur avec nous. Ma
tante jure que Marianne n’a pas digéré mon amitié avec Yasmine et me récompense
gracieusement maintenant pour ça. Mon opinion, c’est que je les emmerde
profondément.
C’est mon mariage
après tout. Je vais le sauver moi-même. J’avais déjà tenté la ligne de Romelio
sans succès, mais ce soir, je m’essaie avec une SIM toute neuve. La ligne sonne,
c’est déjà ça. Mon cœur s’affole quand il décroche et j’entends sa voix de
baryton riche.
— Ici Romelio. À
qui je parle ?
— C’est Jennifer,
je m’annonce aussi et m’efforce de maintenir une voix solide.
Il ne dit rien, mais je
l’ai encore sur la ligne donc je me lance.
— On va continuer
ce jeu jusqu’à quand ? J’en
ai marre Romelio.
— Chef ? j’entends d’une voix féminine.
— J’arrive mon cœur,
il ose répondre dans mon oreille.
— Je te jure Romelio
que si tu emmènes cette tarée dans ma maison__
La tonalité s’en suit.
Je rappelle rapidement, mais il ne répond pas.
— Tu n’as pas
intérêt à ce que ça soit ce que je crois ! je le
texte furieusement.
Il ne répond pas à
celui-là aussi. Je ne cesse de faire des tours dans ma chambre et sors pour
prendre de l’air dehors parce que j’ai l’impression d’étouffer. Mon esprit me
crie de joindre Oyena, donc je me dépêche de le faire. Elle carrément me
raccroche au nez.
— Call u later, je
fais du shopping, elle me répond.
C’est franchement
exaspérant d’être amie avec une riche ! Je pourrai
être à l’article de la mort et madame n’essaie même pas de décrocher pour voir
ce que je veux. Elle m’envoie un stupide message pareil comme si elle n’avait
pas déjà la terre entière dans sa maison. C’est quel shopping elle n’a jamais
fait ? Pfff ! Madame ne me rappelle que quand je suis de
retour dans ma chambre et somnole presque.
— J’ai passé une
journée stressante je t’assure. Il me fallait décompresser un peu donc j’ai
glandé sur mes sites favoris.
— Super, je
réponds en roulant des yeux. Tu les reçois quand ?
— Dans une
semaine probablement, tout dépend du programme de Sia. C’est elle qui les
ramènera. On dit quoi ? Tu as
le temps des célibataires comme nous ?
— Justement, j’ai
besoin de ton aide. Mon mari n’est pas à la maison. Je crois que tu avais
raison.
— Hum. C’est donc
ce qu’il cache derrière son apparence ultra professionnelle ?
— Tu connais la
fille ? C’est une infirmière ou
un membre de l’hôpital peut-être ?
— Tu n’as pas besoin
de connaître la fille. Tu dois confronter ton type.
— Comment ça je n’ai
pas besoin ? C’est la pute qui se
tape mon homme ! je dis
révoltée.
— Et la pute qui
te sert d’homme a choisi de coucher avec elle. Tu ne feras que te ridiculiser
en essayant de croiser cette meuf.
— Mais donne-moi
au moins des indices ! Ça me
tue d’être ici pendant qu’il fiche je ne sais quoi avec elle !
— Les indices sont
dans ta maison Jennifer. Tu prends ton mec, tu lui écrases les boules au talon.
Si tu n’en as pas d’assez pointus, fais-moi savoir. Je commanderai une paire pour
toi. Tu les lui écrases si bien qu’il n’aura plus jamais le courage de voir
ailleurs.
Comme si j’allais écouter
les conseils d’une femme qui m’a avoué n’avoir jamais eu de relation passant l’étape
des six mois. Je roule davantage les yeux.
— Je suis une
femme, je ne peux pas porter main à un homme.
— Lol, depuis
quand ?
— Nous sommes en
Afrique__
— Pardon, évite
le sempiternel discours défaitiste avec moi. Je peux t’aider si ce que tu veux,
c’est faire regretter à ton mari son geste, mais ne compte pas sur moi pour
avoir l’identité de cette femme. Je ne la connais pas.
Elle ment comme elle respire, j’en suis persuadée. Je raccroche après un « bonne nuit » contrarié. Après une nuit mouvementée, je me lève avec ce que je crois être la meilleure carte à ce niveau du jeu. Je demande à Oyena de me conseiller le meilleur avocat en divorces. Romelio ne va pas jouer avec moi éternellement. Que la loi tranche et nous dise si un mari a le droit de refuser à sa femme l’accès à leur domicile. Je ne souhaitais pas que ça arrive là entre nous, mais s’il veut me forcer la main, j’irai au bout et prendrai tout. De la moitié de la maison jusqu’aux effets. Je vais prendre tout ce qui me revient de droit.